Les secondes crépitantes

Je suis partagée : pour moi, les I et II ne sont pas habités, ils ont quelque chose de creux, trop léché, à la plastique trop formelle (un signe, d'ailleurs, en est que j'ai remarqué une pléthore d'adjectifs), sauf cette merveille :
"Réveil sans fin de l'écorce ; les morceaux d'absence grincent sur les cils de la déception. Mourez comme des chèvres, vous allaitez le mal, mourez comme des chagrins qui empestent la bruine."

J'ai en revanche adoré le III, où j'ai retrouvé une frénésie, une intensité absente du texte auparavant. Là, peut-être y a-t-il autant d'adjectifs (je n'ai pas fait de statistiques !), mais, si c'est le cas, cela ne m'a pas gênée, ils ont soutenu le texte au lieu de l'étouffer. Grand bravo, donc, pour le III.

Ouais; autant j'ai été enthousiaste sur le précédent, avec ses serpents gelés que je trouvais d'un bel effet, bien que méfiant à l'égard des ophidiens, je trouve que là cela sent le système à plein nez, et vraiment je n'achète pas. J'en viens même à me demander si ce n'est pas a huge hoax, un canular informatique, avec composition aléatoire, comme en faisait la joyeuse clique des Breton, Eluard et consorts dans les années 30, avec, en parallèle, Duchamp exposant un tableau peint par la queue d'un âne, qui enthousiasma la critique. Mais il va sans dire que je suis mauvaise langue.

L'impression d'un texte complètement "cérébral"qui reste à l'état de mots et n'invite pas le lecteur à entrer ; je reste sur le seuil, léger frémissement qui ne se matérialise pas. Et ça me chagrine.

Que d'efforts tarabiscotés pour essayer de suggérer des sensations !
Mon impression est d'avoir entendu une musique faite uniquement avec des instruments à percution. Des sons, des bruits sans harmonie évocatrice, sans aucun sens compréhensible. Je regrette.

A force d'aimer l'outil on finit par se perdre dans sa contemplation, on en oublie sa fonction. Il en est du langage comme du reste, aussi noble soit-il.

C'est riche, charnu ai-je envie de dire, avec des sonorités agréable à l'oreille mais aussi à l'esprit. C'est ce que j'ai particulièrement apprécié dans ton poème, cette habileté à réjouir l'oreille et les sens. Tu m'entraînes dans un monde magique, presque fatasmagorique tant tu lui donnes une couleur lyrique et tout cela chante joyeusement à l'oreille, malgré la gravité du propos. Un propos auquel tu donnes beaucoup de force, sans pour autant tomber dans des effets inutiles. Il y a une forme de violence et de cruauté dans ceci que je trouve belle, élégante.

J'ai notamment aimé:
L'incrédule sans cesse s'apitoie sur le hibou, gardien des clés du devenir, tributaire de demain.