Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Bon plan achat en duo : 2ème robot cuiseur ...
Voir le deal
600 €

A l'article du rapport

+4
Gév
mentor
Halicante
Saint Georges
8 participants

Aller en bas

A l'article du rapport Empty A l'article du rapport

Message  Saint Georges Lun 20 Juil 2009 - 14:45

M. Brasey, Henri de son prénom, gara scrupuleusement sa capsule de trajet courte distance sur la place de parking au-dessus de laquelle scintillait son patronyme en police de caractère Arial, sa préférée. La montre incorporée dans la monture de ses lunettes indiquait à peine 8 microns.

Dans l’accélérateur de particules qui le conduisait à l’aile A de l’Office Intergalactique des Inspections Spatiales, l’Inspecteur Brasey se surprit en train de fredonner un petit air qu’on entendait souvent au bureau : « toum toudoum douloum toum toudoum » - c’était la musique d’ambiance de l’ascenseur. Pareille fantaisie était pour le moins inattendue et ses voisins ne manquèrent pas de lui lancer un regard intrigué. Il faut savoir que, parmi ses collègues, Henri Brasey était considéré comme un original.

Après avoir passé un certain nombre de contrôles, vérifications et scanners de parties plus ou moins intimes de son anatomie, il pénétra dans la Section B du Département du Contentieux Domestique de l’aile A de l’Office Intergalactique… enfin dans son bureau. S’asseyant dans son large fauteuil à suspenseurs, il lorgna affectueusement sur la pile bien nette de dossiers qui avait été déposée à son intention la veille au soir. Henri Brasey décapsula avec tendresse son stylo à encre phosphorescente (haut privilège de la fonction) et se mit au travail, savourant chaque caresse de la plume sur le grain du papier qui fait les ordonnances d’inspection si agréables au toucher.

La grande baie vitrée laissait deviner le paysage brumeux d’une gare désaffectée du nord de la France, sur laquelle perlaient quelques gouttes de pluie. Encore une originalité, la majorité de ses collègues n’avait pas vue sur un paysage artificiel et préférait l’immensité galactique, plus propice au sérieux des affaires qui rythmaient la vie du Département. Mais il faut avouer qu’Henri Brasey avait toujours été fasciné par les trains.

Ce fut d’ailleurs pour cette raison précise qu’il ne put être témoin de l’incident majeur qui perturba la matinée de la Section C du Département de la Circulation Spatiale et Cosmique, située dans la partie inférieure de l’aile A de la station Formulax.

C’est Juliette, la jeune stagiaire de la Section qui La remarqua la première. Un peu perdue dans un dossier complexe (une collision entre un conducteur globulien, un chevalier de l’Eglise et un car solaire), elle s’était absorbée dans la contemplation de la nova Jotanel, autour de laquelle gravitait la gigantesque station Formulax. Elle n’arrivait pas à comprendre comment cet amas de gaz d’un orange saumâtre, aux formes floues –visiblement une étoile à quatre branches-, pouvait avoir un satellite. A sa décharge il faut dire qu’elle avait séché les cours de Gravité dès son entrée à la Chaire Spatiale. Elle avait trouvé la matière pesante.

Soudain, son regard se figea.

Elle cligna des yeux.

Elle les ferma. Les ouvrit.

La chose était encore là.

Les yeux stupidement écarquillés, elle n’arrivait pas à se détacher de l’apparition. Elle fronça les sourcils. Hum. Comment régler le problème ? Pas le temps de consulter le Code, sa fenêtre était la seule de l’étage à donner sur ce coin de la station : si elle ne prévenait pas le boss, une autre Section le ferait et elle passerait un sale quart d’heure. Elle se rua dans le couloir.

Arrivée devant le bureau du patron elle hésita. Il valait peut-être mieux demander à Jonas de l’accompagner? Elle se ravisa. « Ce petit merdeux s’attribuera tout le crédit et j’aurais encore l’air d’une conne », se dit-elle. Ca n’empêche pas que le boss la rendait à chaque fois sacrément nerveuse. Elle toqua.

« Patron ?

- Juliette, je vous ai dit mille fois de m’appeler Monsieur ou Monsieur le Directeur si vous y tenez. Nous ne sommes ni l’ancien parti communiste, ni un gang de pirates de l’espace. »

Comme toujours, quand il commençait une conversation avec Juliette, le Directeur Moltone avait l’air de porter le monde et ses trois soleils sur les épaules.

« Pardon Monsieur.

- C’est pas grave. Qu’est ce qu’il y a ?
- Euh…
- Ben répondez, vous êtes entrée toute essoufflée ce n’est pas pour me regarder avec des yeux de morue et être muette comme une carpe bordel de Dieu ! »
Ses collègues le surnommaient « La dentelle ». Allez savoir pourquoi.
« Euh Chef…
- Monsieur.
- Monsieur… on a un petit souci à l’extérieur de la station.
- On appelle ça une nova Juliette et c’est ce qui nous empêche de dériver dans l’espace.
- Euh oui je sais, mais je parlais d’autre chose.
- Quoi ?
- Un…un truc qui dérive.
- Un truc ?
- Ou..oui
- Vraiment ?
- Euh…
- Et bien écoutez, Juliette, je vois que vous avez fait des recherches et que ce problème nécessite la force entière de notre administration. Je vous laisse vous reposer pendant que j’appelle mes supérieurs pour leur signaler qu’on a un « truc » en liberté à l’extérieur de nos murs et que je souhaite qu’ils nous envoient d’urgence tous les « choses » et les « machins » dont nous pourrions avoir besoin. »

Silence. Moltone avait tout débité d’une traite en la fixant dans les yeux, calmement. Il ne s’énervait jamais quand il était sarcastique. Juliette s’était fait avoir au début.

« Vous voulez que je sois plus précise ?

- S’il vous plait.
- J’ai vu une vache par la fenêtre. »

Ca y est, elle l’avait enfin dit. Elle n’osait pas lever la tête et contemplait fixement ses sandales, qui avaient tendance à se disperser quand elle était nerveuse. « De la vraie camelote cette poussière de Lune », pensa-t-elle. Finalement elle osa lever ses yeux sur son supérieur. Le Directeur la regarda froidement.

« Je ne vois pas où est le problème. »

Elle était un peu surprise là, quand même.

« Mais boss…

- Monsieur.
- Monsieur, il y a une VACHE avec un scaphandre qui flotille autour de la station !
- Et alors ? »

Hum. Plus aucun doute possible, c’était un test. Elle avait dérangé le patron et il la mettait à l’épreuve. Très bien.

« Ne doit-on pas s’occuper de l’entretien des voies spatiales notamment autour de Formulax, afin d’en assurer la fluidité et la sécurité ?

- C’est en effet l’article 1er de notre règlement et notre premier devoir.
- Et si un objet risque d’en obstruer la circulation, on doit le dégager ?
- Indubitablement.
- A fortiori s’il risque de provoquer une collision ?
- Tout à fait.
- Donc c’est notre devoir de mettre ce ruminant à la fourrière !
- Non. »

Sa conclusion s’éteignit d’elle-même sur ses lèvres, Juliette ne savait plus quoi penser. Le Directeur l’observa sévèrement pendant une petite minute puis marmonna laconiquement.

« Article 471L-1 alinéa 1 du Règlement de la Circulation Spatiale (RCS) : « Les véhicules entrent dans le champ d’application de la présente loi. Est considéré comme véhicule tout moyen de propulsion qui n’est pas organiquement indépendant». Juliette, une vache est-elle considérée comme un organisme indépendant ?

- Ou…oui.
- Article 471L-2 : « Tout objet, construction, amas de matière ou de gaz, non organique et susceptible de compromettre la sécurité ou le bon déroulement de la circulation pourra faire l’objet d’une intervention du Département de la Circulation Spatiale et Cosmique ». Juliette, vous admettez toujours qu’une vache est un organisme?
- Monsieur…
- Laissez-moi finir. Les deux articles que je vous ai cité excluent notre intervention, puisqu’on est ni en présence d’un véhicule, ni en présence d’un objet inanimé. Maintenant penchez-vous par ici, et regardez l’article suivant, quel en est l’intitulé ?
- « Des organismes vivants ».
- Pouvez-vous me le lire à haute voix ?
- « La présence d’un organisme vivant présentant un risque de collision sur une voie spatiale fera l’objet d’une intervention de la Section routière du Service de l’ordre public animalier »

Juliette se sentait mal. Vraiment. De grosses gouttes de sueur dégoulinaient sur ses reins. Le Directeur la regardait, impassible. Il articula enfin :

« Donc ?

- Il faut transmettre le dossier à la Section routière de la galaxie Spax.
- Mais ?
- Le Service est ouvert de 8h à 12h du lundi au vendredi. »

Stanislas Moltone la regarda, haussa les sourcils et écarta les bras. Le message était clair : « qu’est-ce-que tu fous encore dans mon bureau ? ». Elle laissa échapper un timide « euh-j'y-retourne-au-revoir-Monsieur-le-Directeur-bon-appétit » et marcha d’un pas lent vers sa table de travail, au fond, tout au fond du couloir. L’horloge affichait midi dix.

De la fenêtre on pouvait apercevoir le chatoiement étincelant du souffle de la galaxie.

Et un gros mufle, écrasé sur sa bulle de verre.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Lun 20 Juil 2009 - 15:04

Amusant, une bonne ambiance SF très vite établie, mais l'argument me paraît fort mince... En outre, que devient M. Brisey après avoir été si bien campé dans les premières lignes ? Si ce texte, comme je l'espère, est le début de quelque chose de plus ample, je comprendrai mieux.

Quelques remarques de langue :
"Ce petit merdeux s’attribuera tout le crédit et j’aurai (et non "j'aurais", je pense que le futur s'impose ici et non le conditionnel) encore l’air d’une conne", se dit-elle. Ça n’empêche (le présent me gêne ici, je pense qu'un imparfait collerait mieux au texte) pas que le boss la rendait à chaque fois sacrément nerveuse"
"Qu’est-ce qu’il y a"
"S’il vous plaît"
"Les deux articles que je vous ai cités excluent notre intervention"

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Halicante Lun 20 Juil 2009 - 15:36

Quel humour !
(Le « car solaire », « A sa décharge il faut dire qu’elle avait séché les cours de Gravité dès son entrée à la Chaire Spatiale. Elle avait trouvé la matière pesante. », « vous êtes entrée toute essoufflée ce n’est pas pour me regarder avec des yeux de morue et être muette comme une carpe bordel de Dieu ! »
Ses collègues le surnommaient « La dentelle ». Allez savoir pourquoi. »)

Sur la forme, j’ai noté ceci :
« Et bien écoutez, Juliette… » : je crois qu’ici c’est « Eh bien » avec un h qui convient (interjection)
« … qu’ils nous envoient d’urgence tous les « choses » et les « machins »… : ce « tous les choses » me gène, j’aurais mis plutôt soit : « toutes les choses et tous les machins », soit « tous les machins et les choses »

Le rapport entre le supérieur hiérarchique et sa subordonnée est bien rendu, et puis les petits détails apportent une note d’authenticité au tout (les sandales en « poussière de lune »…), et puis j’imagine tout à fait la vache en apesanteur avec son scaphandre... Bref, hilarant ! (la dernière phrase !)
Mais, puisque tu présentes le personnage de Brasey au début, je suppose qu’il y a une suite ? Ou que c’est déjà la suite de quelque chose ? Je veux en savoir / avoir plus !
Halicante
Halicante

Nombre de messages : 1794
Age : 54
Localisation : Ici et maintenant.
Date d'inscription : 25/05/2008

http://www.loceanique.org

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  mentor Lun 20 Juil 2009 - 17:26

elle avait séché les cours de Gravité dès son entrée à la Chaire Spatiale. Elle avait trouvé la matière pesante
:-)))))))))
j'aime la SF
encore plus si elle recèle de l'humour
et c'est le cas
comme les autres : j'aimerais savoir ce qu'il va advenir de cette brave vache et aussi ce que devient Brasey dans tout ça
une bonne écriture au service d'un thème attrayant
la suite, donc ?

mentor

Nombre de messages : 20248
Age : 45
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – — -
Date d'inscription : 12/12/2005

http://www.vosecrits.com

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Gév Lun 20 Juil 2009 - 19:59

Pour le premier texte que je me décide à commenter, je suis gâté ! Il faut dire que je ne l’ai pas choisi par hasard : j’avais déjà lu les exercices (hilarants) de Saint-Georges !

Même dans l’espace intergalactique et le futur, les rapports de travail sont immuables : mêmes rapports hiérarchiques, mêmes guerres entre collègues… De la science-fiction de proximité, quotidienne. Celle que je préfère.

Ce qui m’a fait exploser de rire : « J’ai vu une vache par la fenêtre. », et, plus loin : « Monsieur, il y a une VACHE avec un scaphandre qui flotille autour de la station ! »

Bien que le personnage du début ne soit pas repris dans la suite, je trouve qu’il plante très bien l’ambiance à la Brazil : la bureaucratie futuriste. Si le procédé qui consiste à commencer par un personnage annexe avant d’arriver sur le sujet principal est plus souvent utilisé au cinéma, Saint George montre ici qu’il rend aussi très bien à l’écrit.
Sans oublier que ce personnage sert à éclairer la suite de la suite (…) : Juliette avait raison, il y a eu un accident…

Je ne suis pas une référence en orthographe (vous vous en rendrez compte), c’est donc en toute humilité que je me pose des questions sur :
« puisqu’on est ni en présence d’un véhicule, ni en présence d’un objet inanimé », ne faudrait-il pas mettre « puisqu’on n’est… » ? Langage parlé ?
Le verbe « flotiller », plutôt deux « t », comme « flotter » ? D’un autre côté ça n’existe pas vraiment, « flottiller », ni « flotiller »…
Gév
Gév

Nombre de messages : 82
Age : 56
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 15/07/2009

http://www.loceanique.org

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Lun 20 Juil 2009 - 20:09

Pour "flotiller", Gév, j'ai regardé, parce que j'avais tiqué moi aussi, eh bien ça existe, et avec cette orthographe ! J'en profite pour remercier Saint Georges, grâce à lui j'ai appris un mot.

(Vous voyez, c'est agréable de commenter.)

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Mar 21 Juil 2009 - 19:43

Merci à tous pour vos commentaires.

Une suite est prévue.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  mentor Mar 21 Juil 2009 - 19:47

Saint Georgesn c'est mieux de faire les remarques ici :
https://vosecrits.1fr1.net/forum-vos-crits-prose-f1/rponses-aux-commentaires-t2779-440.htm
en citant de quel texte tu parles
;-)

mentor

Nombre de messages : 20248
Age : 45
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – — -
Date d'inscription : 12/12/2005

http://www.vosecrits.com

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Jeu 23 Juil 2009 - 13:32

Chap. 1


Ding Dong ! La voix métallisée, plus impersonnelle qu’un formulaire de sécurité sociale, égrena machinalement les formules protocolaires :

« Monsieur Brasey de la Galaxie Formulax B-71 demande permission d’entrer dans la station »

Céline se leva en grognant du canapé en photons rose (une idée du capitaine), et se dirigea vers la console d’accueil.

« Ici Céline Basilix, permission accordée

- Matricule ? demanda la machine, imperturbable
- 123rer-T
- T comme Thibault ?
- Non, T comme « tu fais chier »
- Entrée incorrecte
- Bordel.
- Entrée incorrecte.
- T comme Thibault.
- Matricule exact. Accordez vous la permission à M. Brasey de la Galaxie Form…
- Oui
-…ulax B-71 d’entrer dans la station?
- OUI
- Ouverture du sas en cours »

Céline alla s’assoir sur un tabouret gravitationnel, qui flotillait gaiement dans le « salon ». La baie vitrée lui dévoilait ses merveilles lactées de rouge et de bleu, tourbillons de vortex en effervescence.

Elle lui tourna le dos et regarda vers la porte.

Des milliers d’années d’avancées technologiques se déroulaient derrière nous, on était à l’aube du quatrième millénaire, vivre dans l’espace était devenu l’état naturel de l’homme et pourtant on avait toujours des sonnettes qui faisaient : « Ding Dong !». Pathétique.

« M. Brasey de la Galaxie Formulax B-71 demande permission d’ouvrir les portes de l’ascenseur à molécules.

- Permission accordée. »
Les portes s’ouvrirent dans un bruit d’aspirine et l’Officier de l’Inspection Brasey entra dans le salon. Céline se leva.

« Madame Basilix ?

- C’est moi-même.
- Je m’en doute bien. »

Silence.

« Je suppose que vous voulez voir mes papiers.

- S’il vous plait.
- Tenez.
- Votre matricule est bien le 123rer-T ?
- A votre avis ?
- Votre matricule est bien le 123rer-T ?
- Oui. »

Silence. Céline observa ce visage sévère penché sur la liasse de papiers qu’elle lui avait tendu. Son petit crâne chauve reflétait la lumière froide du plafonnier. C’était assez hypnotisant, Céline se demanda ce qu’il dirait si elle lui touchait le crâne. Mais voici que le petit homme s’était arrêté sur un formulaire rose qu’il relisait attentivement.

« Votre attestation de santé physique, paragraphe 4, alinéa b, chiffre 2 : Sexualité/maternité indique que vous êtes stérile de manière incurable. Est-ce toujours le cas ?

- Pardon ?
- Quel mot n’avez-vous pas compris ?
- Tout.
- Êtes-vous toujours stérile de manière incurable, comme l’indique l’attestation de santé physique que voici ?
- Ben oui.
- C’est fâcheux.
- Tu m’étonnes.
- Pardon ?
- C’est fâcheux, en effet. »

L’inspecteur leva les yeux des fascicules et la dévisagea sévèrement.

« Vous savez que vous êtes en contravention avec le règlement 412V de la Commission pour la Maternité, et plus particulièrement son article 121.

- Ah bon ?
- Oui.
- Merde alors.
- Comment comptez-vous y remédier ?
- Autant que faire se peut. Nan mais sérieusement vous savez lire non ? Si je suis stérile de manière incurable comment voulez vous que j’y « remédie » ?
- Ayez un enfant. »

Céline le regarda, elle avait envie de le gifler. Mais elle aurait des problèmes, elle le sentait bien. Le petit homme posa la liasse de papiers sortit un formulaire de sa poche, le remplit et le lui donna. Une amende. Et gratinée en plus. Génial.

« Vous avez 30 jours de délai pour vous mettre en règle, en cas de contestation de la présente contravention vous avez la possibilité de faire recours au bureau des réclamation du district Oméga 13. Tout est clair ?

- Clair, limpide, transparent.
- Bien, maintenant, si vous le permettez, je vais inspecter le matériel. Les toilettes je vous prie ?
- Au fond à droite.
- Merci. »

Sa serviette sous le bras, l’inspecteur Brasey marcha d’un pas sévère en direction des commodités.

Céline s’allongea dans le canapé, elle se sentait un mal de tête latent. Elle réfléchit à l’absurdité de la vie ici. Putain, rien que de sentir le vent sur son visage serait une libération. Pendant ce temps le petit homme déambulait dans la station et s’arrêtait régulièrement, noircissant les pages de son petit carnet bleu. D’après l’expression de son visage, le résultat de l’inspection était aussi positif que le test de grossesse de la doyenne des sœurs d’Afrique. L’oreiller Babar avait particulièrement l’air d’être contraire au règlement, au moins on peut le penser si on considère la moue désapprobatrice dont son inspection fut l’objet. Arrivé devant le plan de travail en orichalque de la cuisine (encore une idée du capitaine) il marqua un temps.

« Votre machine à café est défectueuse ?

- Oui.
- Ah. Comment buvez-vous du café alors ?
- On n’en boit pas.
- C’est contraire au règlement.
- Si vous le dites.
- Je vais devoir le noter au rapport.
- Faites. »

Une fois ses feuillets remplis il tendit le bloc à Céline, qu’elle signa sans un mot. Du papier, pensa-t-elle. Archaïque. Lui tendant la main d’un air obséquieux, l’inspecteur Brasey lui dit :

« Vous recevrez un rapport et des directives d’ici une vingtaine de jours. Au revoir.

(on voyage à la vitesse de la lumière, mais il faut tout de même vingt putain de jours pour envoyer un rapport)

- Au revoir, Inspecteur.
- Oh, vous pouvez m’appeler M. Brasey vous savez, lui répondit-il avant de sortir. On n’est pas des machines. »
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Jeu 23 Juil 2009 - 13:34

Super raccord ! J'aime toujours autant ce texte.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Jeu 23 Juil 2009 - 13:37

Dans la navette du Département qui le ramenait vers Formulax, Henri Brasey prit le temps de nettoyer soigneusement les verres de ses épaisses lunettes. Frottant avec précision la lingette thermique sur la surface polie, il ne pensait à rien d’autre qu’au gain d’efficacité qu’une meilleure visibilité allait apporter au reste de l’après-midi. L’inspecteur Brasey était un homme concentré. Il faut savoir qu’il jouissait également d’une vue parfaite, comme n’importe quel citoyen de l’Espace, mais il est de notoriété reconnue que certaines personnes sont faites pour porter des lunettes, indépendamment de la qualité de leur vision.

Il était modérément satisfait de l’inspection domestique de la cellule d’habitation C-324. Non pas qu’elle ne se soit pas déroulée parfaitement, loin de là - une inspection réussie se solde toujours par un paquet de sanctions administratives, mais un bon agent se doit de rester modéré, à fortiori quand il s’agit de l’accomplissement d’une tâche aussi importante que la conformité des capsules domestiques aux normes en vigueur.

Remarquant distraitement le ruminant qui gravitait autour de la station, l’inspecteur Brasey descendit de la navette et se dirigea vers son bureau. Saluant la réceptionniste d’un geste poli, il s’engagea dans l’accélérateur de particules et réajusta sa cravate de soie changeante grise pendant que la galaxie défilait devant lui à la vitesse de la lumière.

La pile de dossiers, attaquée le matin, avait déjà diminué de moitié. Il sortit le fichier Basilix de sa serviette, y agrafa l’ordonnance d’exécution, joint le rapport en annexe et envoya le tout par tube de transmission au secrétariat. Puis il se rassit dans le grand fauteuil à suspenseur, si agréable pour le dos d’un fonctionnaire toujours en vadrouille, et, après avoir observé quelques minutes le soleil d’une tranquille après-midi d’été inonder la gare de Dijon, il se plongea dans l’étude passionnée de l’impact de la construction des parkings de la Grande Ourse sur l’isolation phonique de la copropriété Plumax.

Le reste d’une journée si éminemment occupée s’écoula tranquillement dans cette oasis de paix administrative qu’était la Section B du Département du Contentieux Domestique. A cinq heure moins dix, l’Inspecteur Brasey relisait les conclusions du rapport final de l’acousticien (« il y aura du bruit mais pas trop »), quand le Directeur Jasper pénétra dans son bureau.

D’une corpulence remarquable, le chef de la Section B était connu pour être aussi discret qu’un nazi dans une rue commerçante du ghetto de Varsovie. Si Henri Brasey était considéré comme un original par ses congénères, Georges Jasper constituait une dimension parallèle à la Galaxie Formulax à lui tout seul. Son ascension au sein de l’Office jusqu’au poste de Directeur de Section était pour l’ensemble des fonctionnaires un mystère de l’existence, au même titre que l’immaculée conception. On l’avait d’ailleurs surnommé « La Vierge », bien que plusieurs secrétaires puissent certifier que c’était loin d’être le cas. Vêtu le plus souvent d’une chemise hawaïenne et d’un short kaki, il ne tenait pas en place et paradoxalement semblait grossir de plus en plus au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Il parait qu’un stagiaire, révolté par tant de négligence, avait essayé de lui coller une amende une fois pour tenue non réglementaire. Le lendemain il a trouvé sur son bureau une lettre du directeur de l’Office lui-même l’affectant au contrôle sanitaire de l’hôpital intergalactique, section maladies tropicales. A part gueuler et taper violemment sur le dos de ses collègues en éclatant d’un rire gras, on ignorait en quoi le travail de Jasper consistait exactement, mais personne ne s’aviserait d’aller le contrôler, de la même manière qu’un poulet ne s’amuse pas à sauter dans un four pour voir s’il y fait chaud.

« Salut Brasey ! tonitrua le Directeur Jasper en le gratifiant d’une claque magistrale sur l’épaule gauche.

- Monsieur, vous pourriez toquer, répondit tristement l’inspecteur, tandis qu’il ramassait ses lunettes qui avaient giclé sur le mur d’en face.

- Ah ! toujours fasciné par les trains à ce que je vois, répondit Georges Jasper sans l’écouter en s’asseyant sur le bureau, ne remarquant pas le profond désespoir de son collègue quand il vit le précieux stylo à encre se scinder en deux parties parfaitement égales sous la pression de l’énorme postérieur.

- Monsieur, vous êtes assis…

- Brasey, j’ai un travail inhabituel pour toi, interrompit le Directeur, coupant court à tout espoir que pourrait avoir son subordonné de voir le précieux matériel s’en tirer sans plus de dommage.

- Un travail inhabituel ? murmura Henri Brasey, complètement désarmé à chaque fois que son supérieur le tutoyait. Personne ne le tutoyait, même enfant sa mère l’avait toujours vouvoyé.

- Ouais, une inspection dans la jungle globulienne de l’espace V. On a un administré dont on avait perdu la trace qui s’est installé là bas. Je veux que t’ailles y faire un tour, inspection, rapport, tu connais le topo. Emmène un membre de la Circulation Spatiale avec toi, je crois qu’il y a une affaire d’accident de car solaire dans le coin, j’ai pas tout compris.

- Mais monsieur les parkings de la Grande Ourse…

- Je m’en occupe, répondit Jasper en empoignant le dossier sous le regard contrit de l’inspecteur Brasey. Celui-ci s’était considérablement renfrogné depuis le début de l’entretien.

- Allez Brasey, je dois filer, tu vois avec Annie pour les détails. Elle te présentera la personne de la Circu, une certaine Juliette je crois. Tu pars demain, une navette privée du département de classe A t’emmène pour le complexe forestier le plus luxuriant de l’Espace habitable, elle est pas belle la vie ?

- Hmmgrrrmouimonsieurledirecteur, grommela Brasey.

- J’attends ton rapport, tu as les pleins pouvoirs pour prendre tout acte que la situation rendra nécessaire. Salut veinard ! »

Une claque dans le dos, un froufrou d’étoffes et un claquement de portes plus tard le Directeur Jasper avait disparu.

L’inspecteur Brasey demeurait prostré sur son siège, les yeux fixé sur les débris de stylo et les taches d’encres qui jalonnaient la surface de la table, comme autant de décombres soufflés par un violent ouragan.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Jeu 23 Juil 2009 - 13:44

Toujours très bon. Ceci : "A cinq heure moins dix, l’Inspecteur Brasey relisait les conclusions du rapport final de l’acousticien (« il y aura du bruit mais pas trop »), quand le Directeur Jasper pénétra dans son bureau." m'a fait franchement rire !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Mure Jeu 23 Juil 2009 - 21:14

Ah ben la suite ! Et un bout "d'avant" aussi.
Vraiment dans la même veine drôle et qui nous fait supplier "encooore !!!"
On sent la rencontre proche de deux personnages bien haut en couleur, j'ai hâte !
Beau travail, continuez donc sur votre lancée.

Merci Saint Georges. ;-)
Mure
Mure

Nombre de messages : 1478
Age : 47
Localisation : Dans vos pensées burlesques.
Date d'inscription : 12/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  mentor Jeu 23 Juil 2009 - 21:21

"un froufrou d’étoffes" :

bizarre en parlant de ce monstre



oui, comme Mure et les autres : la suite, vite !
:-))

mentor

Nombre de messages : 20248
Age : 45
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – — -
Date d'inscription : 12/12/2005

http://www.vosecrits.com

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Ven 24 Juil 2009 - 21:21

Le lendemain, Juliette H. avait posé sa serviette sur ses genoux et attendait patiemment sur une chaise du couloir de la Section C du Département de la Circulation Spatiale et Cosmique. A dire vrai, si on lui avait demandé ce que contenait son porte-document, elle aurait été bien en peine de répondre : à part quelques vieux magazines et une histoire illustrée de la Conquête de Mars par les huns, il était parfaitement vide.

Mais enfin, quand on travaille à l’Office administratif le plus important de l’Espace habitable, on se doit d’avoir toujours l’air très occupée.

Le petit trille de l’ascenseur à particules annonça son arrivée prochaine à l’étage. Juliette réajusta sa coiffure et lissa les plis de sa jupe de fonction. Les portes s’ouvrirent sans un bruit et dévoilèrent la figure sévère de l’inspecteur Brasey. Elle le connaissait de vue, c'est-à-dire pas du tout. Mais, comme c’était le cas avec le reste de ses collègues, il lui ficha évidemment la trouille dès qu’elle l’aperçut. Peut-être même un peu plus. Elle se leva avec empressement.

Sans un mot, il s’avança dans sa direction, s’arrêta et la salua sobrement d’un signe de tête.

« M. Brasey, enchantée de faire votre connaissance, je suis Juliette H. et …-Henri Brasey souleva un sourcil interrogateur-… euh je n’ai pas de nom de famille, enfin si j’en ai un mais je l’ai oublié, tout le monde m’appelle Juliette de toute façon, c’est comme ma date de naissance, j’ai un mal fou… »

Elle prit une profonde inspiration.

« Le boss Moltone vous attend dans son bureau, je crois qu’il doit vous transmettre ma fiche de subordination », reprit-elle, d’une voix légèrement plus assurée.

Gravement, Henri Brasey acquiesça et se dirigea vers le bureau du Directeur Moltone.

Juliette souffla bruyamment et se frappa le front avec la paume. Elle en avait marre de balbutier comme une idiote à chaque fois qu’elle était en présence d’un supérieur. Elle s’approcha du grand hublot horizontal qui donnait sur la nova Jotanel. Elle s’absorba dans la contemplation de ce gros nuage orange qu’elle trouvait complètement absurde. La vache qui dérivait toujours, la tête dans son scaphandre, n’arrangeait rien.

Au bout de quelques minutes, Juliette commençait à s’ennuyer franchement quand elle aperçut un type en combinaison de nettoyeur sortir de la station et activer son propulseur électrique. A travers le casque elle reconnut Johnny, un des mecs chargé de l’entretien extérieur. Il tenait un grand sac dans une main et une bonbonne dans l’autre et volait à vitesse raisonnable. Arrivé près du ruminant, il stoppa le moteur. Interloquée, Juliette activa la console de communication la plus proche et appuya sur le bouton d’entrée.

« Johnny ! », s’écria-t-elle, le regard toujours fixé sur le type en combinaison. Celui-ci sursauta et laissa échapper la bonbonne qu’agrippait sa main gauche.

Un franc « Merde ! » ébranla les locaux paisibles de la Section. Juliette regarda nerveusement autour d’elle. Personne.

Après quelques péripéties (la vache s’était assise sur la bonbonne), le dénommé Johnny avait réussi à attraper son bien et à retourner auprès du mammifère en cavale, qui l’observait, impassible. Regardant dans la direction de la station, il aperçut Juliette et lui fit un grand signe de la main : « Salut Juliette ! ». Après avoir récupéré la bonbonne et rattrapé la vache qui n’avait pas apprécié le coup sur son postérieur, Johnny articula entre deux halètements :

« Ça va ?

- Mais Johnny qu’est-ce que tu fous ? répondit Juliette, réprimant une forte envie de rire.

- Ben, je donne à bouffer à la vache.

- Tu fais quoi ?

- Je la nourris quoi.

- Mais pour quoi faire ? On va la foutre à la fourrière de toute façon !

- Ben… Je les connais à la Section routière, avant qu’ils se bougent elle sera crevée. Ils n’ont même pas encore envoyé l’accusé de réception de la demande d’intervention, à ce qu’on m’a dit. J’vais quand même pas laissé un cadavre de vache dégueulasser ma station, à tous les coups tu vas voir que ça sera pour ma pomme.

- Et… - Juliette avait du mal à rester sérieuse quand elle parlait avec Johnny – hum, et la bonbonne c’est pour quoi ?

- Ben pour lui recharger son air pardi ! Je lui ai prélevé un oxygène premier cru de la Suisse dont elle me dira des nouvelles, comme ça elle se sentira pas dépaysée. N’le dit pas aux patrons ou je vais encore me faire taper sur les doigts.

- Mais Johnny, elle est globulienne cette vache, t’en connais beaucoup toi des vaches suisses qui ont des taches vertes ?

- Ah merde. » Johnny se gratta le scaphandre d’un air perplexe. « J’suis jamais allé en Suisse remarque. Mais elle respire de l’air normal non ? interrogea-t-il avec inquiétude.

- Oui, oui, les vaches globuliennes respirent de l’air, comme nous. Ah ! Attends, je vois le chef Brasey sortir, je vais devoir te laisser.

- C’est vrai que tu pars, prends soin de toi et laisse pas ce gros pignouf te traiter comme… »

Juliette relâcha brusquement le bouton de communication, rougissant jusqu’aux oreilles. Henri Brasey la dépassa et lui dit, impassible :

« La navette nous attend en bas »

Hochant la tête, elle ramassa sa serviette et trotta à la suite de l’inspecteur.

Après un bref trajet dans l’ascenseur - un peu flippant pour Juliette car M. Brasey s’était mis à siffloter bruyamment par-dessus la musique d’ambiance -, ils arrivèrent au grand Hall d’entrée qui était commun à l’aile A toute entière. Slalomant entre les différents guichets, passant près de la Statue du Grand Administrateur, ils arrivèrent enfin au quai d’embarquement des agents en mission. Juliette était traversée par le désagréable sentiment d’avoir oublié quelque chose. Elle écarta rapidement cette idée pénible de son esprit.

Le chauffeur les attendait et après un bref échange de matricules, de codes confidentiels et un toucher rectal particulièrement approfondi (on s’était rendu compte ces dernières années que c’était la seule partie de l’anatomie qui ne permettait pas de cacher l’identité de l’individu soumis au contrôle), ils embarquèrent dans la spacieuse navette de classe A. Juliette en était rassurée, ils avaient tout le confort nécessaire pour un voyage de deux jours. L’inspecteur Brasey alla s’installer dans la cellule principale et elle resta sur le pont pour observer le décollage. Après un léger vrombissement, la navette s’éleva dans une verticale parfaite et cracha un éclair de lumière blanche avant de s’enfoncer dans l’hyperespace à une vitesse croissante.

Observant la Station qui rapetissait de plus en plus, Juliette se dit que tout irait pour le mieux si elle n’avait pas laissé le dossier de la collision qui faisait l’objet de sa mission sur son bureau.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  mentor Ven 24 Juil 2009 - 22:15

super l'épisode avec la vache
je suppose que le grand sac que Johnny avait aurait servi à récupérer les bouses ? :-))))
et le coup du TR pour vérifier l'identité, franchement, ! ça m'a fait penser à une histoire (drôle) sur le type au restau qui exige un vrai poulet de Bresse
mais je m'égare
la suite steuplé !
;-)

mentor

Nombre de messages : 20248
Age : 45
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – — -
Date d'inscription : 12/12/2005

http://www.vosecrits.com

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Sam 25 Juil 2009 - 7:12

Je suis d'accord !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Sam 25 Juil 2009 - 22:06

Saint Georges, je veux bien astiquer ton armure au Miror, faire de noeuds au cou du dragon et faire la quête pour payer ton auréole, pourvu que tu continues à me faire marrer comme ça !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Mar 28 Juil 2009 - 15:25

Chap. 2



La grosse boule verte grossissait à vue d’œil, au fur et à mesure que la navette s’approchait. Juliette se retourna et s’aperçut que l’inspecteur Brasey se tenait à côté d’elle et avait lui aussi le regard fixé sur la planète Glox. En regardant son reflet s’agrandir dans les lunettes de son supérieur, Juliette trouva qu’elle perdait de son côté intimidant, comme si elle aussi était à la merci de la poigne glaciale d’Henri Brasey. Cette pensée s’évanouit quand la planète eut tellement enflé que toute la navette sembla prendre une teinte verte, jusqu’à ce qu’on ne vit plus qu’elle. La jeune stagiaire se sentit un mal de tête naissant et alla s’asseoir.

Après un atterrissage un peu brutal (le pilote avait eu la bonne idée d’éternuer au moment de réduire les gaz, ce qui naturellement avait eut l’effet inverse), la passerelle de la navette s’abaissa avec un épais nuage de fumée. Bien sûr, grâce aux technologies actuelles, on pourrait atterrir sans aucun effet de ce genre, mais il faut reconnaitre que ça ferait moins « spatial ». Certains clichés ont la vie dure.

L’inspecteur Brasey débarqua le premier, sa serviette sous le bras. Il était suivi par le chauffeur, impassible derrière ses épaisses lunettes noires. Juliette, quant à elle, descendit l’échelle qui menait à la cale du vaisseau, prit une gourde, un couteau dimensionnel, des capsules-repas et une bulle de protection en plasma éjectable, enfournant le tout dans une sacoche du Département. Elle remonta, mais, s’arrêtant sur le dernier échelon, elle se ravisa. Elle redescendit et emporta également l’Histoire illustrée de la conquête de Mars par les huns. On ne sait jamais.

Après être remontée et avoir parcouru la passerelle, elle rejoignit ses deux compagnons qui semblaient en plein colloque avec un globulien en costume de cérémonie. A ses insignes, Juliette reconnut le chef de la délégation d’accueil. Les globuliens étaient des êtres de petite taille, qui n’avaient pas d’apparence définie. La matière qui les composait étant extrêmement instable, ils prenaient à peu près n’importe quelle forme, tout en restant dans les proportions de leur stature. Souvent leur apparence variait selon les émotions qui les traversaient. En plus de leur taille, une autre chose qui ne changeait jamais quelle que soit la forme adoptée, c’était la couleur. En bons aliens, les globuliens étaient verts. L’Empereur prenait par exemple souvent l’apparence d’une grosse vache, animal hautement vénéré dans ces contrées.

Quoi qu’il en soit, le Grand Délégataire avait l’air assez furieux. C’était assez étrange de voir un taille-crayon vert d’un mètre gigoter et gueuler dans tous les sens. Il s’exprimait en Langage Commun et non en globulien, parce que sinon, on ne s’en sort pas.

« BANDE DE MALADES, J’EXIGE DES REPARATIONS !

- Mais pourquoi donc ? demanda Henri Brasey.
- Pourquoi donc, qu’il demande. Vous l’entendez ? MAIS PARCE QUE VOTRE IMBECILE DE PILOTE M’A BOUSILLE MON SATTELITTE !
- Ah, ça » Henri brasey se pencha sous la navette et regarda de l’autre côté. « Effectivement, il a l’air amoché, constata-t-il d’un air distrait.
- Ecoutez Monsieur, faut pas vous miner, avança le chauffeur poliment (Juliette explosa de rire dans sa sacoche), c’était pas voulu. J’ai éternué.
- Ah, mais ça excuse tout alors ! s’offusqua le délégataire. « Désolé Nagasaki on voulait en larguer qu’une, mais le pilote a éternué. » VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ? JE VAIS VOUS TAILLER MOI, Z’ENTENDEZ ?»

Pendant que Juliette était obligée de se plier en deux pour contrôler son fou rire, l’inspecteur Brasey sortit silencieusement un fascicule vert de la poche extérieur de son costume et le tendit au taille-crayon furibond. Celui-ci ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. De manière quasi imperceptible, il se changea en une ravissante petite fille à la peau verte.

« Un ordre de remboursement de classe A. Cela change tout, excusez-moi Monsieur, je me suis trompé, je vous ai pris pour un simple Inspecteur, déclara le délégataire avec un joli sourire d’enfant.

- Je remplis parfois d’autres fonctions, répondit sobrement M. Brasey.
- Suivez-moi, nous allons rejoindre le reste de la délégation avant de partir pour la Ville. »

Pendant qu’ils quittaient la clairière sur laquelle ils avaient atterri pour s’enfoncer dans la forêt, Juliette remarqua que le chauffeur les accompagnait aussi.

« Vous ne restez pas avec le vaisseau ?, lui demanda-t-elle.
- Ben non, je suis aussi chargé de la sécurité de la mission.
- Vous êtes notre garde du corps ?
- Non, seulement celui de Monsieur Brasey.
- Génial. »

L’atmosphère lourde et chargée d’humidité se faisait de plus en plus sentir à mesure qu’ils pénétraient dans la jungle. Des cris d’oiseaux et des rugissements rythmaient de temps à autre leur progression. Soudain, au détour d’un sentier, ils découvrirent une jeep sur aéroglisseurs, à côté de laquelle un cygne et un pingouin verts paraissaient les attendre. Juliette trouvait de plus en plus étrange les choix des globuliens quant à leur apparence. Quand ils étaient en visite à Formulax, sauf pour la couleur, c’était des hommes normaux. Et puis un cygne d’un mètre c’est quand même vachement grand. Les premières présentations faites, elle apprit qu’il s’agissait du secrétaire de la Délégation et que le pingouin était un agent de sécurité. « Et si un tigre géant se ramène tu lui fais quoi ? Un coup d’aileron dans les valseuses ? », ajouta intérieurement Juliette en souriant. Pendant que son supérieur discutait des modalités de leur logement dans la Ville de Glox (comme la planète, ce n’était pas un peuple très imaginatif), elle s’assit sur une souche qui trainait au bord du sentier.

Le chauffeur/agent de sécurité restait debout immobile, les bras croisé.

« Vous-vous appelez comment au fait ? interrogea Juliette.

- Gengis.
- Euh comme…
- Oui, ça s’écrit pareil.
- C’est…c’est joli, balbutia-t-elle. C’est votre prénom ?
- Ouaip.
- Vous n’avez pas de nom de famille ?
- Si. Vivaldi.
- Vivaldi ? Comme le compositeur ? Vous-vous appelez Gengis Vivaldi ?
- Mes parents aimaient des choses différentes, expliqua Gengis V.
- C’est le moins qu’on puisse dire, constata la jeune stagiaire. »

Silence.

« Vous ne voulez pas savoir comment je m’appelle ?, lui demanda-t-elle ensuite.
- Non, je m’en fous, répondit-il. »

De l’autre côté la conversation semblait terminée et Henri Brasey leur fit signe de monter dans la voiture. Juliette s’assit à l’arrière, près d’une fenêtre. L’aéroglisseur s’enclencha et la jeep s’éleva légèrement.

Elle n’était pas sûre que les pingouins fussent d’excellents conducteurs.





Version corrigée, j'avais laissé échapper quelques fautes d'ortho et de style. Si la modération pouvait virer la version d'au-dessus, ce serait top ;-)
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  la chevre Mar 28 Juil 2009 - 20:07

Je suis un grand fan de cette histoire ça me fait penser un peu aux "aventuriers du Survivaure" (je fais des comparaisons avec le niveau de culture que j'ai,alors ne critiquez pas).
la chevre
la chevre

Nombre de messages : 78
Age : 38
Date d'inscription : 15/07/2009

http://les-ecrits-de-la-chevre.e-monsite.com/

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Sahkti Sam 15 Aoû 2009 - 12:58

J'ai passé un bon moment en te lisant, j'ai trouvé ton texte drôle et bien fichu; ton écriture est agréable.
J'ai particulièrement aimé l'aspect loufoque de la situation, ta manière de dépeindre l'embarras et le désarroi de cette pauvre stagiaire. Si il n'était question d'espace et de vache flottant proche d'un vaisseau, nous pourrions nous croire dans les bureaux de bon nombre d'entreprises, tant tout cela sonne vrai. Bien vu !
Une langue fluide et vive, idéale pour ce genre de scène. Impecc !
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Sahkti Sam 15 Aoû 2009 - 12:59

Ha mais je vois qu'il y a une suite, je m'en vais lire ça !
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Sahkti Sam 15 Aoû 2009 - 13:13

Chapitre I
Hahaha, ce dialogue de fous avec cette machine qui va jusqu'au bout de son discours, bien joué !

A nouveau de bonnes trouvailles et des pointes d'humour bienvenues, comme la sonnette qui fait ding-dong ou les vingt jours pour envoyer un rapport à la vitesse de la lumière... j'aime beaucoup ça!
Tout comme le fait que malgré la présence de ces codes, de ces machines de contrôle et tutti quanti, il y ait encore des réactions humaines face à cette bureaucratie du futur. Tout n'est pas perdu et tu maîtrises bien ces échanges humains.

Bien vu également pour l'échange entre Brasey et Jasper en particulier lorsque Jasper tutoie l'autre, j'ai trouvé que tout cela sonnait très vrai.

Idem la scène avec Johnny et la vache, excellent !

C'est du tout bon Saint-Georges, je vais voir la suite.
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Sahkti Sam 15 Aoû 2009 - 13:17

Chapitre 2

De ci de là, des drôleries savoureuses, bravo et merci pour cela !
Il y a des airs de Mars Attack dans tes personnages de gobluliens et ceci, entre autres, est tout bon: Il s’exprimait en Langage Commun et non en globulien, parce que sinon, on ne s’en sort pas ou Désolé Nagasaki on voulait en larguer qu’une, mais le pilote a éternué.
Bon, je ne vais pas citer tout ce qui m'a paru drôle sinon on ne s'en sort pas :-)

LA SUITE SVP ! :-))
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Ven 28 Aoû 2009 - 22:56

Ah oui, j'adore ! On se croirait franc dans du Scheckley...

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Jeu 3 Sep 2009 - 23:50

Juliette pénétra dans le grand hall d’entrée de l’antenne globulienne des accidents spatiaux. Arborant fièrement son badge de stagiaire Formulax, elle trottina en direction du guichet principal. Une chance pour elle, l’endroit était désert. Il est vrai qu’après un long et chaotique trajet (les pingouins sont effectivement d’épouvantables conducteurs) la jeune stagiaire ne se sentait pas la force d’affronter l’énervement d’une longue attente. Tâchant de ne pas prêter attention au fait que son interlocutrice était une marmotte verte avec des lunettes, Juliette expliqua à la réceptionniste qu’elle souhaiterait qu’on lui transmette toute information relative à la collision récente entre un car solaire, un chevalier de l’Eglise et un car globulien. Après avoir justifié son identité, elle réussit à ce que la réceptionniste consente à jeter une patte sur le registre holographique. Au moment où le curseur, s’arrêtant sur le dossier Koroviev – car solaire 232, émettait un bip sonore tonitruant suivi d’un clignotement vigoureux « ACCÈS REFUSÉ – CONTENU CONFIDENTIEL » la préposée constata laconiquement :

« L’accès a été refusé.

- Mais c’est impossible ! répondit Juliette. J’ai été envoyée ici par Formulax pour régler expressément cette histoire.

- Le contenu est confidentiel, affirma alors la marmotte.

- Je le vois bien, mais ne pourriez-vous…

- Je ne peux rien faire. C’est con-fi-den-tiel », continua l’employée, ponctuant chaque syllabe de son index pointé sur l’énorme hologramme qui clignotait toujours.

Juliette inspira fortement et fouilla dans sa sacoche. La réceptionniste vit alors avec une curiosité mêlée d’appréhension s’empiler sur sa table un gros livre avec sur la couverture une peinture représentant ce qui semblait un chinetoque à l’air franchement antipathique, une gourde et un nécessaire de maquillage tout droit sorti de la série « Chantiers désespérés ». Tout à coup, la main de la stagiaire émergea de ce fourbi et agita triomphalement sous son nez un petit papier violet sur lequel était inscrit en police Franklin « Ordonnance de type C / 437 ». Le saisissant, la préposée aux renseignements enclencha alors le scanner administratif incrusté dans ses lunettes, puis dévisagea longuement son interlocutrice, l’air impassible.

« C’est une ordonnance de pressing, constata-t-elle enfin.

- Pardon ?

- Vous m’avez donné une ordonnance de lessive. Avec une mesure d’exécution d’urgence. Remarquez, c’est toujours utile quand on prend du retard dans son ménage. A Glox je vous conseille d’ailleurs le Petit Ariel, une enseigne de qualité, c’est mon cousin qui en est…

- Mais c’est impossible ! Ce carnet fait partie des instruments de dernier recours que m’a donné mon boss en cas de difficultés, la coupa Juliette.

- Votre « boss » doit avoir un sens de l’humour particulier, répondit sentencieusement la marmotte.

- Vous êtes sûre…

- Certaine. Vous avez d’autres questions ?

- Euh… Non, souffla Juliette, résignée.

- Alors je vous souhaite une bonne journée. D’ailleurs, en partant veillez à ne pas laisser de la poussière de Lune, vos sandales en foutent partout et on vient de faire le ménage.

- Ah. Oui. Au revoir alors.

- Au revoir. »

Juliette rangea rageusement ses affaires dans sa sacoche, tourna le dos à la marmotte (devenue Flamand vert entre-temps) et traversa le grand hall de l’annexe en sens inverse. Consultant l’heure sur la pendule de l’entrée elle constata avec appréhension qu’il lui restait plusieurs degrés espace-temps avant le rendez-vous que lui avait donné l’Inspecteur Brasey. Pour patienter, elle se décida à explorer la ville.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Ven 4 Sep 2009 - 5:43

Toujours une très belle imagination, mais le tigre vient un peu comme un cheveu sur la soupe, je trouve (il n'en est plus à ça près, le malheureux). Je me doute qu'il est là pour une raison, mais son introduction paraît artificielle à cet endroit du texte ; en outre, le paragraphe le concernant fait plutôt pavé. Peut-être une transition pour l'annoncer, et une exposition un peu moins longue, seraient-elles intéressantes.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Ven 4 Sep 2009 - 13:34

Il faut savoir que la cité de Glox constituait un véritable îlot de modernité dans un système solaire connu comme étant l’un des plus sauvages de la galaxie. Si l’on excepte l’aspect franchement excentrique de sa population, elle ressemblait pour beaucoup aux autres capitales de l’espace habitable. Les capsules d’habitation avaient été soigneusement organisées en cercles concentriques, selon un principe urbanistique ancestral qui voulait que les moins favorisés se trouvent en périphérie. On pouvait dès lors distinguer quatre couches successives d’habitations dont l’uniformité n’était altérée que par la taille des capsules appartenant aux couches « supérieures ». L’espace habitable se flattait d’être un espace rangé.

Situé au milieu de l’agglomération, le centre-ville disposait de toutes les structures administratives indispensables au fonctionnement d’une cité soumise à la réglementation spatiale. L’efficacité redoutable du système mis en place par la galaxie Formulax était telle que la distance n’obérait en rien l’application des normes dont l’impulsion avait été donnée à plusieurs années-lumière de là. La chaîne hiérarchique fonctionnait et personne ne s’en plaignait. On peut certes supposer que des révoltes furent fomentées, des tentatives d’anarchies furent probablement essayées, mais il est évident que le mythe de l’hydre de Lerne n’est qu’une pauvre esquisse de la capacité de régénération infiniment plus redoutable que possède une administration. D’ailleurs, nul n’a pu vérifier la véracité de telles suppositions, la confidentialité touchant une perfection quasi-absolue au sein du Grand Système. Le fait que le seul organe de contrôle judiciaire appartienne à la galaxie Formulax en était une preuve avérée.

Juliette était de plus en plus déçue au fur et à mesure qu’elle sillonnait la capitale globulienne. Elle n’avait jamais eu soif d’exotisme mais ces hautes structures d’un blanc translucide lui rappelaient furieusement les bureaux. Et Juliette se rendait de plus en plus compte à quel point elle abhorrait son boulot. Même la polymorphie globulienne ne l’amusait plus. Il est vrai que les êtres les plus divers se succédaient devant ses yeux, des sauvages créatures dont elle ne soupçonnait pas l’existence jusqu’aux êtres improbables issus de la mythologie des Anciens Temps. Mais enfin, même dans ce joyeux bordel on sentait l’implacable ordonnancement de Formulax. Partout ces mêmes vestons d’un morne grisâtre, ces cravates de soie changeant, ces lunettes à la monture écaillée… Une Licorne en costume ! Il y a de quoi vous priver d’émerveillement pour plusieurs décennies.

La lassitude la saisit soudain et elle s’assit sur un espace de transit à durée déterminée. Les genoux serrés, les pieds légèrement écartés, elle s’appuya sur ses cuisses et posa son menton entre ses mains. Elle restait là, immobile et vide dans le flot bruissant de la ville, comme un soleil craché au milieu d’étoiles dansantes et inconnues.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Ven 4 Sep 2009 - 13:36


Jungle Globulienne – Jour 1, Degré-temps 22


A quelques centaines de kilomètres de là, au plus profond de la jungle, un tigre était en proie à l’agitation la plus extrême. Il faut savoir que les tigres avaient été importés dans l’espace globulien pour leur plus grand malheur à la suite des ravages qu’avait causés sur Terre la chute de la météorite Bush au Bengale. D’emblée, les rayures noires et le pelage orange qui les rendaient redoutablement furtifs dans la faune indienne en firent des proies faciles, notamment pour les vaches, faucheuses redoutées de ces contrées d’une verdure uniforme. A leur décharge, l’oxygène globulien avait comme particularité de durcir intensivement la surface des êtres qui le respiraient, rendant inutile l’apanage dont s’enorgueillit le prédateur terrien classique. Les tigres, confrontés aux fourbes techniques développées par la faune locale, avaient connu un génocide fulgurant, désarmés par des poisons, des parfums sexuels trompeurs ou par de violents coups de sabots d’une force à ruiner les organes internes d’un éléphant de bonne taille.

L’animal, en tant que dernier représentant d’une race vouée à un destin maudit sur cette planète inhospitalière, avait développé une forte tension nerveuse. L’équilibre précaire dans lequel balançait sa survie depuis ces dernières années en avait fait un être d’une prudence et d’une couardise démesurées. Mais, bien qu’il soit tombé ce matin même sur un nid de lapins toxiques, la raison de l’agitation du Tigre trouvait sa source ailleurs. En effet, depuis quelques temps il s’était aperçu que le paysage autour de sa tanière avait commencé à changer. Imperceptiblement, les arbres avaient revêtu une teinte plus claire, passant d’un vert éclatant à un rose lacté. Puis, la terre chargée de la jungle était devenue plus sablonneuse. Et, ce matin, c’était le massif de baies constituant sa source principale d’alimentation depuis de nombreuses semaines qui s’était carrément changé en un petit lac, comme ça, du jour au lendemain. Enfin ! Si on ne peut même plus compter sur un environnement stable, quelles chances de survie pourrait-il rester pour un pauvre exilé tel que lui ? Sortant prudemment une patte du creux de l’immense arbre Glumux dans lequel il s’était réfugié, le Tigre se résigna à partir en quête d’un dîner frugal, prenant soin au passage de mâchonner quelques herbes-antidotes (au cas où) et essayant d’ignorer au maximum le bordel olfactif qui l’entourait.

Quelques instants après qu’il soit sorti de sa cachette, une main se posa sur le tronc de l’arbre Glumux. Elle était entourée de plusieurs bandelettes de coton noir qui semblaient avoir été déchirées puis renouées à plusieurs reprises. Des taches de sang parsemaient l’étoffe par endroits. La main s’appuya sur le tronc et paru subir une forte tension, à en juger par la palpitation des veines qui sillonnaient son dos. Un moment plus tard, un violent tremblement s’empara de l’arbre qui sembla s’étirer et rétrécir tout à la fois. Ses branches se tordirent, certaines finirent avalées d’autres surgirent, des feuilles tombèrent massivement sous l’effet d’une floraison effrénée.

Le gigantesque arbre Glumux s’était en quelques minutes changé en un petit cerisier japonais, rayonnant dans la lumière de soir d'un millier de fleurs d’un rose éclatant.

La main avait disparu.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Ven 4 Sep 2009 - 14:03

Ah oui, le tigre est bien mieux ici, et ce rebondissement est tout à fait bienvenu ! J'attends la suite en grande trépidation.

Des remarques :
"Quelques instants après qu’il fut (et non "soit", "après que" est suivi de l'indicatif et non du subjonctif) sorti de sa cachette"
"La main s’appuya sur le tronc et parut subir une forte tension"
"rayonnant dans la lumière du soir"

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Ven 4 Sep 2009 - 14:40

Toujours la même jubilation à te lire, j'espère que tu en as encore un bon gros volume ( au moins !)
J'aime l'alternance de loufoquerie pure et de satire soco-bureaucratique, ainsi que la précision avec laquelle tu nous amènes à voir cet univers dingo!

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Saint Georges Ven 23 Oct 2009 - 22:25


Chap. 3


Juliette était perdue dans ses pensées. Et elle ne l’était pas à la manière d’un homme à qui l’on vient d’apprendre que depuis vingt ans il avait été marié à un abat-jour, non, Juliette était littéralement perdue dans ses pensées.

En effet, elle ne savait pas à quel tournant neuronique le chemin de sa conscience s’était confondu puis fondu totalement en un labyrinthe psychique inextricable, ni à la suite de quelle réflexion les tréfonds psychiques de son être avaient été submergés, mais tout ce qu’elle savait c’est qu’elle nageait en tutu sur de la choucroute alsacienne.

« MADEMOISELLE ! »

Le coup de coude qui lui percuta violemment les côtes la fit revenir brusquement à elle. Tournant la tête, elle s’aperçut avec surprise que son agresseur était une petite marmotte verte. Tout en se massant les côtes, elle regarda avec surprise son interlocutrice la dévisager de ses petits yeux courroucés et touffus, et s’ouvrit d’un grand sourire en balbutiant :

« Ouuuuhmgnfrr la zouli marmotte gnest pas contente…

- Vous êtes décidément la reine des gourdes », lui répondit entre ses dents la marmotte, s’empourprant furieusement et revêtant ainsi une teinte qui virait doucement au jaunâtre, ce qui, se dit Juliette, lui donnait plus l’air malade qu’en colère.

Lui saisissant la main avec une force et une vigueur qu’on ne supposerait pas exister chez un rongeur d’un mètre, l’animal fit lever la stagiaire de son banc et l’entraina à sa suite dans l’artère palpitante de la capitale globulienne.

Tout en reprenant peu à peu ses esprits, Juliette fit de son mieux pour mémoriser le paysage que son étrange guide faisait défiler devant ses yeux à une vitesse nullement proportionnelle à l’activité que déployaient ses petites pattes (pourtant fébriles) sur l’asphalte plasmique. Les passants, nombreux jusqu’alors, se raréfiaient pour ne plus être qu’une occasionnelle représentation du spectacle haletant, chaotique et parfois légèrement exhibitionniste de ce qui arrive quand on laisse sonner son réveil en pensant qu’on se lèvera dans cinq minutes.

Soudain, la marmotte s’arrêta brusquement et, pendant que Juliette prenait un peu de temps pour réfléchir à la dureté du crâne globulien tout en se massant le ventre, elle s’approcha du porche d’un des bâtiments de la rue dans laquelle elles se trouvaient. Après avoir vérifié que personne ne les regardait, elle introduisit une carte dans la fente d’identification, tapa une suite de chiffre, poussa une chansonnette bavaroise pour l’identification vocale (c’était la semaine de l’Oktoberfest, l’administration avait voulu faire un geste) et indiqua à Juliette de la suivre.

Arrivées au troisième étage, elles pénétrèrent dans ce qui s’avéra être une cellule d’habitation. Ce doit être celle de la marmotte se dit Juliette, se félicitant encore une fois d’avoir pris ces cours de déduction par correspondance.

« Ah mais vous êtes la réceptionniste de tout à l’… » : au moment de terminer sa phrase, la jeune stagiaire du Département de la Sécurité routière de la galaxie de Formulax prit conscience de l’erreur qui fut la sienne à l’époque où elle séchait régulièrement les cours de Gravité et de Mouvement des forces, lorsqu’un tabouret dont ceux-ci lui auraient peut-être permis de prévoir la trajectoire lui arriva en pleine tête.

En même temps, pensa-t-elle en se massant la tempe, prévoir la trajectoire d’un objet aussi menaçant ne sert pas grand-chose si on ne peut pas l’éviter.

Coupant court à ses réflexions, la marmotte tapota d’une manière qui semblait assez anarchique sur le mur à côté d’elle. Au bout d’un certain temps, celui-ci s’ouvrit en deux, dévoilant un trépied surmonté d’une antenne en cire stellaire qui se déplia sous le nez de la stagiaire. La marmotte la regarda alors et lui dit :

« Ceci est un brouilleur d’ondes sonores en cire à amplification stellaire. On peut enfin parler tranquillement.

- Vous êtes donc la réceptionniste de tout à l’heure… Aïe ! Dites donc mademoiselle ragondin, je trouve que vous avez pris un peu vite la mauvaise habitude de me donner des coups quand ça vous chante !

- Vous m’énervez, répondit la réceptionniste d’un ton aigre.

- Oh faites avec, c’est vous qui êtes venu me déranger en pleine… méditation. Que signifie ce mystère ? Qui êtes vous exactement ?

- Je vais répondre à votre première question : l’affaire dont vous vous êtes enquise tout à l’heure vous dépasse largement, mais on m’a ordonné de vous donner les renseignements que vous demandiez. Je ne vous cache pas que ce que je suis en train de faire est totalement illégal.

- Mais alors, qui vous a fait changer d’avis Mademoiselle Le-contenu-est-confidentiel ?

- C’est lié à la deuxième question que vous m’avez posée – à savoir qui je suis exactement (je trouve d’ailleurs l’emploi de l’adverbe « exactement » dans cette question d’une idiotie assez marquée)- à laquelle je répondrais tout simplement : cela ne vous regarde pas.

- Et vous supposez que je vais vous croire ? lui demanda alors Juliette en croisant ses bras sur son torse en ce qu’elle croyait une posture altière pleine de condescendance courroucée.

- Non. Ou plutôt je m’en fous. Je dois simplement vous délivrer les renseignements suivants :

1) M. Koroviev est un humain recherché actuellement par toutes les forces coercitives de l’Espace habitable, Formulax ayant mis un mandat d’arrêt de classe A sur sa tête.

2) Il y a trois ans de cela M. Koroviev s’est enfui de Glox à bord d’un car solaire qu’il avait volé aux autorités

3) Le chevalier de l’Eglise Gilibert Pissette est sorti de l’hôpital planétaire hier soir et se repose actuellement dans une chambre de l’hôtel Particule Sublime.

4) Pas un mot de tout ceci à vos compagnons de voyage

Je pense n’avoir rien oublié et voila malheureusement que notre entretien touche à sa fin, ravie d’avoir fait votre connaissance, laissez moi vous raccompagner jusqu’au palier, attention à la tête, outch je vous avais prévenue mais au moins maintenant dites vous que vous avez les deux tempes de la même couleur, attention aux doigts, au revoir. »

Au moment où la porte claquait sur une Juliette dans un état finalement on ne peut plus habituel -c'est à dire complètement ahurie-, le premier des soleils de la planète Glox disparaissait progressivement de l’horizon, envoyant ses stries de bleu et de vert dans le ciel globulien, qui se mêlèrent au rayonnement pourpre du deuxième astre déclinant.
Saint Georges
Saint Georges

Nombre de messages : 174
Age : 36
Localisation : Suisse et France
Date d'inscription : 23/06/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Invité Sam 24 Oct 2009 - 6:58

Toujours amusant, mais j'ai trouvé cette partie un peu embrouillée dans son style, avec des phrases parfois franchement lourdes :
« En effet, elle ne savait pas à quel tournant neuronique le chemin de sa conscience s’était confondu puis fondu totalement en un labyrinthe psychique inextricable, ni à la suite de quelle réflexion les tréfonds psychiques de son être avaient été submergés, mais tout ce qu’elle savait c’est qu’elle nageait en tutu sur de la choucroute alsacienne. »
« Les passants, nombreux jusqu’alors, se raréfiaient pour ne plus être qu’une occasionnelle représentation du spectacle haletant, chaotique et parfois légèrement exhibitionniste de ce qui arrive quand on laisse sonner son réveil en pensant qu’on se lèvera dans cinq minutes. »

Quelques remarques diverses :
« une teinte qui virait doucement au jaunâtre, ce qui, se dit Juliette » : la suite « qui » et « ce qui » donne très vite une impression de lourdeur
« Soudain, la marmotte s’arrêta brusquement » : redondance ?
« tapa une suite de chiffres »
« prévoir la trajectoire d’un objet aussi menaçant ne sert pas (à ?) grand-chose »
« Coupant court à ses réflexions, la marmotte » : il s’agit des réflexions de Juliette, mais la construction donne à penser qu’on parle de celles de la marmotte
« Qui êtes-vous »
« à laquelle je répondrai (et non « répondrais », je pense qu’un futur s’impose ici et non un conditionnel) tout simplement »
« et voilà malheureusement »
« laissez-moi vous raccompagner »
« dites-vous que vous avez les deux tempes »

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Rebecca Sam 24 Oct 2009 - 11:39

Je viens de tout lire. J'adore. C'est jubilatoire. Brazilesque. Plein de trouvailles. Décapant

Je suis friande de certains assemblages de mots et images : "bordel
olfactif", "asphalte plasmique", " chansonnette bavaroise", " cours de déduction par correspondance" etc...

Peut-être curieusement mais pas tant que ça, Juliette sur la planète Glox me fait penser par certains aspects à Alice au pays des merveilles.

L'étrange bestiaire,les rapports parfois percutants et peu amènes avec des représentants aux formes instables, le décor halluciné, la sensation de ne rien maitriser, la nage en tutu sur la choucroute alsacienne, le labyrinthe psychique inextricable....
Rebecca
Rebecca

Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009

Revenir en haut Aller en bas

A l'article du rapport Empty Re: A l'article du rapport

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum