Exercice Herbe ou soleil : Délaïde

 



Lourd.
Le peu d'air stagne au niveau de l'irrespirable.
Compressée.
L'heure semble aiguiser les ifs. Jeu de l'étouffe.
Un trait droit, un autre bref, la compagnie du séchage sur pied amidone la végétation. Parmi les oliviers, le tableau s'appauvrit des rangs de lavandes déjà moissonnées.
Les criquets criquent. Se tasse le plat des pierres sèches.
Cache-cache.

Au zénith, le soleil se retourne dans le ciel. Il confirme son statut de mangeur d'ombre.
Pleins feux sur le décor. En langage photographique, les blancs seraient qualifiés de cramés.
Fardeau de lumière. La cohorte des stridules escagacent le halo en flammes. Pas de fumée à l'horizon. Une bicyclette. Chapeau de paille. Parfois rien. L'espace-temps se déplace menu, prend la forme d'une robe légère.
La boulangère à bicyclette. Un reste d'ennui passe inaltérable au rythme de la guirlande des chenilles. Frrrt. Les martinets envisagent une attaque de mouches.
Plus tard. Sol clafi, elles dérangent les sauterelles. Bizz.
Nichée sous la caillasse sèche, une capitelle crève d'ennui. Délaïde fixe le toit effondré. Une masse brune séchée aux fenêtres de laquelle les myiases ont tendu leurs rideaux de dentelle. Trésor ratatiné gisant. La boulangère ferme les yeux. Le corps décomposé sert de fondation à la cité des asticots.
La bicyclette prend le large chargée d'une peur à maîtriser. Délaïde pédale, repousse à plus tard son envie de changer l'eau des olives.

La boulangère à bicyclette. Sous le vent, faible, la sente lumineuse se gargarise de cigales creuses. En friche, la sapine dessèche comme la bruyère, comme la boulangère. Fume une piscine.
Plouf. Délaïde patauge. Claire et riante l'eau ? Non la nageuse.
Trotte Séraphin, tes biquettes crottent loin. Godelureau. Bestiasse. Le simple, le bon, le fadoli, a fait le plein des images d'elle nue. Des mouchoirs cousus mains ceignent ses reins en guise de ceinture au cague braille de velours.

La boulangère à bicyclette. Sa robe est fleur, son rire aussi. Ils sèchent en roue libre. La peau rougit, le timbre frémit.
Puis le lent croule sous le lourd. En sera-t-il de même si l'orage double l'horizon ? Il se peut.

À l'arrière du plan, train et Séraphin sifflent un peu. Crisse garrigue.
Ça me parle. Des fois non, hormis la poussière.

Bertrand, j'ai dû manquer un train, ça m'arrive souvent, mais je ne suis pas du tout cette histoire d'exercice, qui du coup agit comme l'arbre qui cacherait la forêt, un peu aride semble-t-il, de ton texte ...

Ce texte me colle aux yeux comme la lumière du soir filtrant du store à demi baissé d'un train à grande vitesse.
Aucune image n'y a le temps d'être dépeinte et pourtant chacune évoque une foule de souvenirs et de sensations familières.
Et puis :
"Plouf. Délaïde patauge. Claire et riante l'eau ? Non la nageuse. "
J'enrage de ne savoir en trouver de pareilles !
Un grand merci.

Je trouve l'écriture du texte trop éclatée, ce qui ne convient guère, selon moi, à une description pastorale (malgré le moment érotique de baignade nue). Cela dit, j'ai bien ressenti le côté ensoleillé.

Pardon lecteurs Commetateurs ! Il était question de cet exercice retrouvé par sahkti

bertrand-môgendre a écrit:
Question : C'était un exercice éphemère ou en direct avec une bicyclette et une boulangère. Achevé, je veux le poster mais je ne retrouve plus le titre.
Sahkti si tu passes par là ?


Voilà BM, c'est un exercice de janvier 2006...
https://vosecrits.1fr1.net/conversations-atelier-f4/exercice-herbe-ou-soleil-t74.htm

Les texts postés pour cet exercice sont ici:
http://rollotomasi.free.fr/VE_cat/liste_textes.php3?exo=34

commentateurs...merci.

Saccadé. Un peu trop. Pour moi, je veux dire. N'ai pas tout bien saisi, du coup, à part le sourire évident de Séraphin. Vrai qu'un rayon de soleil ça fait briller les yeux aux commissures des lèvres.
J'aime beaucoup ça: "Sa robe est fleur, son rire aussi."

J'ai plutôt bien aimé. Quelques regrets sur cette histoire d'asticots, le ton était enjoué, un peu halluciné sous substances genre morilles d'amazone.
C'est du moins la direction que ma lecture avait pris.
Le sol clafi m'a plu. C'est poétique.

Fardeau de lumière. La cohorte des stridules escagassent le halo en flammes.

J'aime ce pointillisme. L'impression d'une lumière si forte qu'on ne peut que cligner les yeux en mince fil, et choper de temps en temps une image.
Le bain dans l'eau fraîche, la nymphe des eaux: joli tableau.
Tu ne peux cacher ta photographimanie.

Qui ne s'est pas accroché à l'arête brutale et sèche de la lumière provençale ne peut tenir dans le craquement de cette description mimétique.
En tout cas j'ai bien vu le martinet dans la roue arrière se prendre un rayon de mouche.

Beaucoup d'insistance sur le soleil, sur la chaleur qui écrase tout. Peut-être un peu trop, car cela fait ressortir le fait qu'à côté, il y a peu, alors que ça aurait pu. Peut-être une volonté de coller trop fort à une idée sans parvenir pour autant à totalement l'exploiter ?

Ah j'adore ! Toute cette atmosphère joliment écrasée de soleil et de jeunesse remise nen question par la brutale découverte du corps " cité d'asticots", ça fait un renversement inattendu dans ce texte écrit en morse. On dirait un collage. Je suis fan Bertrand, les découpes au scalpel comme ça m'emballent !