La dinde était froide

C'était une soirée de Décembre. Le ciel était triste et pleurait des larmes de pluie qui rebondissaient sur mon pare-brise. Dehors, le vent soufflait son mécontentement à qui voulait l'entendre. La route était vide de sens et les panneaux semblaient tous vouloir m'indiquer la même direction.

La radio s'amusait à me raconter les nouvelles du jour qui, déjà, n'étaient plus très fraîches. Mon pied droit appuyait avec vigueur sur l'accélérateur, et les soixante-dix chevaux cachés dans l'habitacle hénissaient de plus belle. Mes cheveux tombaient nonchalement sur mes épaules, fatigués par la routine coutumière du sèche cheveux matinal, cela faisait longtemps qu'entre eux et moi il y avait de l'électricité dans l'air.

D'une main distraite, j'essuyais mon visage et mon maquillage, cet attrait futile si prompt à vous enlaidir à la moindre perturbation atmosphérique ou émotionelle, y laissa de fines trainées noires. De grands arbres nus s'exhibaient sans honte sur le bord de la route. L'Automne avait terminé son travail et bientôt ils seraient vêtus d'un manteau blanc confortable. Pour l'heure j'étais forcée d'observer leurs postures obscènes du coin de l'œil, et je m'en voulais d'être troublée par leur ébats, témoin furtif d'un amour végétal.

Tandis que la voiture s'arrêtais au bord d'une allée, une grande bâtisse au toit d'ardoises grises et aux murs décrépits s'élevait du haut de ses étages. Par la fenêtre, une lumière jaillissait, des ombres dansaient. A l'intérieur une dinde se trémoussait dans son plat, tenue par une maîtresse de maison souriante. Un homme, probablement fatigué de sa journée de travail, étendait ses jambes sous la table. Un enfant à la gueule angélique s'appliquait quant à lui à terminer sa soupe sans faire de bruit.

Dans la boîte à gants un revolver me faisait des clins d'œil. Cela faisait plusieurs minutes que je repoussais ses avances mais le bougre continuait son jeu de séduction. Et puis, ma main se surpris à caresser sa crosse.

On sonne. Mais qui peut bien venir à cette heure ? Elle ouvre, elle me voit. Elle est surprise, je suis trempée. Elle ne m'invite pas à entrer.

Mon cœur se serre lorsqu'il aperçoit le petit garçon, son pyjama Babar, sa coupe au bol et son air inquiet. Dans ma poche l'arme du crime étouffe, elle veut sortir, prendre l'air, respirer un bon coup. Il ne me reconnaît pas, j'en suis certaine. Elle me demande de partir. Elle a l'air si sûre d'elle, avec son chignon sérieux, sa robe immaculée et ses boucles d'oreilles qui vous gifflent de leur éclat. Je lui lance un regard noir, elle le rattrape sans un mot. Le petit farfadet me regarde toujours de sa moue interrogative.

Je ne peux pas réagir, déjà mes jambes se dérobent, je cours vers la voiture pour échapper aux trombes d'eau et à l'humiliation. Le moteur vrombit et je fuis à jamais ces souvenirs du passé. A la fenêtre une petite main pleure: "Au revoir Maman"

Vraiment très vivant, avec une exigence légitime de la part du lecteur à la fin.
Il est d'autant plus urgent de corriger les quelques erreurs qui font vraiment tache au beau milieu d'un si surprenant petit texte :

-D'une main distraite, j'essuyais mon visage et mon maquillage, cet attrait futile si prompt à vous enlaidir à la moindre perturbation atmosphérique ou émotionelle, y laissa de fines trainées noires.
Cette phrase me semble un peu trop lourde : un point après visage et la suppression du "et" feraient du bien, à mon avis.

-Le ciel était triste et pleurait des larmes de pluie qui rebondissaient sur mon pare-brise.
simple proposition, mais à la place de "rebondissaient" qui fait un peu trop guilleret et primesautier à mon gout ;o) je placerait un "inondaient" qui a la vertu de renforcer l'image traditionnelle d'une femme dont le caractère transparait dans son environnement météo. Mais là, j'exagère peut-être un peu...

-Tandis que la voiture s'arrêtais (ait)

Et dans la rubrique "j'ai bien aimé" : "Je lui lance un regard noir, elle le rattrape sans un mot"

J'ai beaucoup aimé la chute...

Une bonne histoire, oui, une écriture expressive que j'ai appréciée. Le coup de la petite main qui pleure, un peu dommage pour moi, un peu pathos dans ce texte qui n'a pas besoin de ça pour être émouvant.

Quelques remarques de langue :
« C'était une soirée de décembre (pas de majuscule, en français, aux noms de mois). Le ciel était triste et pleurait des larmes de pluie qui rebondissaient sur mon pare-brise. Dehors, le vent soufflait son mécontentement à qui voulait l'entendre. La route était vide de sens »
« les soixante-dix chevaux cachés dans l'habitacle (je ne suis pas sûre, mais il me semble que l'habitacle, c'est là où les passagers habitent, et donc que cet espace ne comprend pas le moteur) hennissaient »
« Mes cheveux tombaient nonchalamment sur mes épaules, fatigués par la routine coutumière du sèche-cheveux »
« j'essuyai (et non « essuyais », la suite de la phrase impose le passé simple ici et non l’imparfait) mon visage et mon maquillage, cet attrait futile si prompt à vous enlaidir à la moindre perturbation atmosphérique ou émotionelle, y laissa de fines traînées noires »
« Tandis que la voiture s'arrêtait au bord d'une allée »
« ma main se surprit »
« ses boucles d'oreilles qui vous giflent (et non « gifflent ») de leur éclat »

Je suis un peu perdu, pardonnez-moi: j'ai un peu de mal quand j'ai une impression d'incohérence:

Il ne me reconnaît pas, j'en suis certaine.

Bien, ensuite

Le petit farfadet me regarde toujours de sa moue interrogative.

Toujours d'accord, puis

A la fenêtre une petite main pleure: "Au revoir Maman"

Qu'est-ce qui s'est passé? Il a eu une illumination, en quelques secondes?
Ji pa kompreni.

C'est violent. Et puis c'est doux, aussi...

Silène, peut-être que quelqu'un lui a dit que c'était sa mère... ou qu'il l'a compris à la conversation, même s'il ne l'a pas vue depuis longtemps.

Un histoire bien ficelée en quelques lignes, j'ai le sentiment qu'on aurait pu faire encore plus concis, plus percutant en s'évitant certaines lourdeurs dans les descriptions des 3 premiers paragraphes...

J'aime beaucoup, dans le fond comme dans la forme, originale, intelligente et très lisible.

Dans la boîte à gants un revolver me faisait des clins d'œil. Cela faisait plusieurs minutes Un exemple prouvant qu'il suffirait de de presque rien pour améliorer ce récit convaincant.
Même si c'était un peu téléphoné, la scène principale devant la porte, devrait à mon sens être travaillée encore.
Il persiste une atmosphère pesante bien décrite.

Le ciel était triste et pleurait des larmes de pluie
Ceci me paraît assez moyen, désolée. Il y a d'ailleurs de ci de là quelques lourdeurs du genre qui pourraient aisément être corrigées.

Ceci mis à part, il y a une idée de départ qui me paraît intéressante et bien traitée, à l'exception d'une tendance à peut-être jouer de très (trop) près avec la corde des bons sentiments mais là encore, il suffirait d'alléger un peu et cette sensation n'existerait plus.

Un texte qui mériterait d'être retravaillé je crois, il contient un bon potentiel.

C'est perturbant.
Très perturbant dans le sens où ça sort de l'ordinaire par les descriptions (j'ai particulièrement aimé pour le regard noir, par exemple, mais il y en avait d'autres).


Ne pas connaitre l'histoire de ces deux femmes nous laisse imaginer de nombreuses histoires à leur sujet. Franchement, j'ai aimé, même si certaines tournures sont à revoir, notamment je crois avoir lu des phrases trop longues ^^