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silene82
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Message  conselia Lun 9 Nov 2009 - 16:49

- Ce n’est pas une bonne idée, Marc. Je me fous que tu penses que je radote, malgré mon jeune âge, mais je te le répèterai jusqu’à ce que tu l’entendes ; ce n’est pas une bonne idée !
De l’oreille distraite qui seyait à ces incessantes répétitions, Marc écoutait les remontrances d’Hélène. Si elle savait…
- Je me mets en route, avec ou sans toi. A toi de voir, mais je ne discuterai pas plus longtemps, lui lança-t-il.
- Bougre d’âne bâté, fulmina-t-elle en s’asseyant à la place du mort, tu n’entendras jamais raison. Allons-y puisque c’est le désir de Môssieur, et ne roule pas trop vite !
Le moteur de la Corvette vrombit sous le pied décidé de Marc, qui s’engagea bientôt dans les rues encombrées de Manhattan. Le trafic ahurissant de ce vendredi soir ne donna pas à Hélène l’occasion de se plaindre de la vitesse excessive avant qu’ils n’aient atteint le Connecticut. Marc put alors seulement faire usage de la puissance de l’engin, au grand dam de sa sœur aînée, qui le maudit une fois encore de se laisser aller à ce plaisir puéril.
En moins de trois heures, ils avaient rejoint le cottage de Bournehaven que Marc avait acheté pour Louise deux ans avant le drame. Il l’avait épousée un an plus tôt et avait acheté cette maison de caractère, victorienne jusque dans l’âtre, pour offrir à leur amour un nid douillet, loin du vacarme de la cité qui ne dort jamais.
Elle y avait tout de suite trouvé ses marques, passant chaque week-end à en personnaliser l’ambiance, ajoutant des touches de couleur à cet austère édifice sans jamais en dénaturer l’âme. C’est là qu’ils avaient passé les plus beaux jours de leur existence, et c’est là qu’elle s’était éteinte, terrassée en deux mois à peine par un mal insidieux. Marc pleurait Louise comme au jour de ses funérailles et restait inconsolable, malgré les efforts de ses amis et de son unique sœur pour raviver en lui la flamme de la vie.
Chaque vendredi, il se rendait au cottage pour rester en contact avec ce qui lui restait d’elle, humait son parfum dans les boules de coton qu’elle gardait toujours à portée de main pour ajuster son maquillage, restait prostré dans le fauteuil d’époque qu’elle avait d’autorité déclaré sien lorsqu’elle avait pris possession des lieux et trouvait dans chaque recoin une raison de penser encore et toujours à elle.
Hélène s’était vite inquiétée de voir son frère s’enfermer dans ce culte morbide et avait décidé un beau jour qu’elle ne le laisserait plus venir seul à Bournehaven. Il lui en coûtait bien sûr, car elle aurait eu bien d’autres choses à faire en ville, compte tenu de son âge et de sa beauté, mais il lui sembla bien vite que Marc sombrait dans une dépression qui pourrait le conduire au pire et elle ne pouvait l’accepter. Ainsi donc, depuis des mois, elle tentait en vain de le dissuader, puis se résignait à l’accompagner pour garder sur lui un œil aussi compatissant que vigilant.
Absorbée par sa dévotion et son angoisse, Hélène n’avait pas distingué ces dernières semaines le changement d’attitude de Marc. S’il offrait toujours au regard un visage résolument triste, on pouvait malgré tout y discerner une intensité qui ne devait rien au chagrin.
Si sa sœur avait été moins prompte à le déclarer dépressif et suicidaire, elle aurait pris le temps de relever ce qui avait changé en lui depuis peu : cet homme avait maintenant un but. Outre cette lueur nouvelle dans son regard, le changement de ses manies aurait pu alerter Hélène, mais il lui suffisait d’être à ses côtés et elle ne cherchait pas à exercer sa sagacité pour jauger l’évolution de son patient. Pourtant, il y avait du nouveau et elle ne tarderait pas à le découvrir.
- Je vais au grenier, ne m’attends pas pour dîner, souffla Marc en dépassant Hélène pour rejoindre l’étroit escalier de teck qui y menait.
- Encore ? Tu es un maniaco-dépressif mon petit frère, et ne viens pas me demander de m’occuper de ta lessive si tu te salis là-haut !
Furieuse d’avoir préparé un repas qu’il ne goûterait que froid, elle le regarda disparaître derrière la trappe qui menait à son antre. Tandis qu’il l’entendait maugréer comme à son habitude, pestant contre ceux qui ne veulent pas se résoudre à vivre malgré l’attention qu’on leur prodigue, sourd à ces bienveillantes psalmodies comme à tout autre bruit de la maisonnée, Marc se dirigeait vers la petite fenêtre de toit qui donnait sur le verger.
Comme chaque fois de puis six semaines, il en approcha le vieux siège d’osier qui avait rejoint depuis des lustres l’empilement de meubles hors d’usage que Louise avait relégués en ces lieux. Prudemment, presque religieusement, il posa un pied puis l’autre sur le siège, se redressa pour atteindre le loquet de la fenêtre et la fit osciller, puis passa sa tête par dessus les tuiles.
Comme chaque fois, dans la lueur blafarde d’une lune partiellement masquée par de lourds nuages noirs qu’éparpillait une brise légère, il ne distingua rien de plus que les arbres fruitiers et la balançoire vide qu’il avait installée entre deux d’entre eux. Mais, comme à chaque fois, lorsqu’il retira sa tête de l’embrasure et fit basculer délicatement la vitre pour qu’elle lui offre le reflet de ce qu’il venait de voir, le miracle se produisit.

- Descends manger, bougre d’âne, ou je viens te chercher ! Hélène cria si fort que Marc, de surprise, se cogna contre la fenêtre et dut descendre du siège pour ne pas en tomber.
Le charme était rompu de toute façon et il se résolut à rejoindre Hélène dans la cuisine. Elle y avait préparé deux steaks et quelques pommes de terre cuites à l’eau, qu’elle avait généreusement recouvert de ketchup. La cuisine n’était pas au nombre des talents de sa sœur, mais Marc aurait eu mauvaise grâce à le lui faire savoir, conscient des efforts qu’elle déployait pour lui être secourable.
- Il faut que tu cesses ces enfantillages, lui lança-t-elle froidement. Tu gâches ta vie et tu me fais peur avec tes tics et tes tocs. Tu finiras au fond d’une cellule capitonnée !
- Tu ne comprends pas, sœurette, tu ne peux pas comprendre…
- Traite-moi donc d’abrutie par-dessus le marché ! Bien sûr que je comprends. Je vous ai vus tous les deux ; j’ai connu l’amour moi aussi, ne te déplaise, et je n’ai pas eu de mal à le voir dans vos yeux. Mais elle n’est plus, et toi tu es là à te morfondre comme si ça pouvait y changer quoique ce soit !
- Justement, Hélène, justement…
- Justement quoi ? Tu perds des boulons mon pauvre ami, je te le dis tout net. Encore un peu et je signe pour te faire enfermer !
- Tu crois ça ? Je voudrais plutôt que tu me croies, moi. Ca a changé quelque chose. Quelque chose a changé. J’ai changé, ne le vois-tu pas ? Viens !
Il la prit par le coude et la leva de sa chaise sans ménagement. Il l’attirait vers l’escalier mais elle résista de toutes ces forces.
- Lâche-moi pauvre fou !

Se ressaisissant, il la laissa se dégager de son emprise et la fixa avec une intensité qui la glaça d’effroi.
- Ecoute : je te demande de me suivre là-haut, rien qu’une minute. Ensuite, je ne te demanderai plus rien, je te le jure. Je signerai moi-même pour me faire interner si tu le décides, je ne viendrai plus ici et je mettrai la maison en vente. Je te le promets, Hélène, je te le jure, mais il faut que tu me suives, juste pour cette fois.
Hélène sentit combien il serait vain de tenter de lui faire entendre raison et se rassura quant aux dangers qu’il pourrait y avoir à le suivre. Le chagrin l’avait sans doute abimé mais pas au point d’en faire un homme dangereux.
Elle le précéda dans le grenier et, comme il le lui avait demandé, se hissa sur le siège. Elle était plus petite que lui de vingt bons centimètres et son regard ne pouvait dépasser le toit de tuiles.
- Je ne peux rien voir, il faudrait quelque chose de plus haut, lui précisa-t-elle.
- Tu ne regardes pas où il faut, c’est tout. Attends, je m’en occupe.
Il trouva la place de poser ses pieds à côtés de ceux d’Hélène sur le siège pour atteindre la fenêtre, qu’il fit doucement basculer pour que l’angle s’ajuste à la taille de sa sœur. Petit à petit, le verger apparut à Hélène dans le reflet de la vitre. Le verger, les arbres fruitiers, la balançoire et…
Elle.
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Message  Invité Lun 9 Nov 2009 - 21:48

J'ai eu l'impression de lire par moments une parodie de M. Lévy, ici par exemple :
Il lui en coûtait bien sûr, car elle aurait eu bien d’autres choses à faire en ville, compte tenu de son âge et de sa beauté

En tout état de cause, je ne vois pas en quoi le fait d'avoir situé l'histoire dans le Connecticut apporte quoi que ce soit.
Pour la chute, j'ai été un peu déçue qu'elle se résume à un mot. Pour le coup, là je l'aurais bien vue habillé ce "Elle", étoffé par une description succinte mais qui lui donne plus de substance.
Tout comme j'aurais aimé que le feu qui consume Marc de l'intérieur soit plus apparent, plus exploité dans le récit.

Pour ce qui est du détail, j'ai relevé peut-être une contradiction temporelle avec la mention suivante : il en approcha le vieux siège d’osier qui avait rejoint depuis des lustres alors qu'au début on comprend que Marc et Louise n'ont vécu que 2 ans dans cette maison.
Pour finir, j'ai été surprise que la jeune Hélène utilise une expression un peu surannée telle que "bougre d'âne", mais c'est sûrement un effet de la traduction ;-)


note :
abîme
Ça

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Message  mentor Lun 9 Nov 2009 - 21:50

pas encore lu
mais juste le titre, ça me fait rire
une fenêtre sans vue c'est quoi ? juste pour pouvoir respirer ?
;-)

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Message  silene82 Mar 10 Nov 2009 - 12:21

Ayant lu les coms sur le fil "Prose", j'ai abordé la lecture en sachant que c'était une parodie de Levy.
Je n'ai rien lu dudit Levy, et je subodore avoir bien fait, car, à la deuxième ligne, je fronçais les sourcils, surpris et désappointé: qu'avait -on fait à conselia, qu'il arbore soudain cette écriture niaise, qui donne pour acquis des lieux communs, qui décrit un univers de carton-pâte, plein d'idées convenues.
Mais ouf, c'est un pastiche...
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Message  Plotine Mar 10 Nov 2009 - 16:22

Moi non plus jamais lu Levy. C'est Marc et Hélène qui m'ont fait tilter. J'attendais prudemment les réactions des autres avant de faire un commentaire.
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Message  Ba Mar 10 Nov 2009 - 17:09

Question :Marc a-t-il poussé Hélène par la fenêtre pour se débarrasser enfin de cette empêcheuse de rêver ?
Le thème du grenier me rappelle Psychose, avec le fauteuil en rotin en prime.
Sinon, je respecte le travail des uns et des autres qui consiste à écrire de la sorte de courts récits cohérents, au schéma narratif déroulé sans fausse note, aux personnages inscrits dans le vraisemblable.
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Message  Invité Mar 10 Nov 2009 - 17:18

Hélène... En lisant je pensais à Sue Ellen !! Conselia l'a sûrement fait exprès !

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Message  Invité Mar 10 Nov 2009 - 17:18

Plotine a écrit:Moi non plus jamais lu Levy.
Dispense-toi.

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Message  Modération Mar 17 Nov 2009 - 19:07

< Voici le texte libre aux commentaires. ;-) >

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Message  Sahkti Dim 27 Déc 2009 - 13:27

C'est léger, un peu trop pour moi. J'aurais préféré que tant qu'à plonger dans ce registre, tu le fasses réellement, sans concessions ni facilités. Un truc du genre La clinique de la Forêt noire à la puissance 10. Ici, c'est amusant mais survolé, alors que tu es capable de mieux.
Ce genre d'histoire offre de multiples possibilités d'exploitation, que celle-ci soit ou non moqueuse; il faut simplement réussir à dépasser le genre initial pour en faire ressortir les clichés, les traits essentiels et récurrents. Trop timide ici dans la démarche même si le potentiel est là.
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