Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Cdiscount : -30€ dès 300€ d’achat sur une sélection Apple
Voir le deal

MST2 : Lignes de fuite

+4
grieg
Giny
Mutants Anachroniques
Krystelle
8 participants

Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty MST2 : Lignes de fuite

Message  Krystelle Mer 15 Nov 2006 - 7:22

La nuit sous la bruine, ça pue la gasoil, le bitume défoncé prend des allures de lune noire à la lumière rasante des phares, le béton suinte, tout dégouline ; la nuit sous la bruine, les stations-service sont belles parce qu'elles ressemblent enfin à ce qu'elles sont. Je respire ma dernière cigarette devant des pères de famille qui font le plein ; ils ont l'air de pantins humant leur solitude. C'est le meilleur endroit de l'univers pour méditer.
Quand la bécane a lâché tout à l'heure, à trois bornes de là, on s'est regardé les yeux dans le carter, on s'est demandé lequel des deux ressemblait le plus à une épave. Elle est restée en vrac dans le fossé, et je suis reparti pour lui démontrer définitivement la supériorité de l'homme qui avance sur une machine dans le fossé.
J'avais déjà de sacrées emmerdes, il a fallu qu’en plus le scooter tombe en rade.
J'ai le blouson détrempé de trois bornes à pattes le long de la nationale. Dans les toilettes, je tente des acrobaties ridicules avec le sèche-main. J'abandonne au bout de dix minutes, n'osant pas me retourner vers le mec qui attend son tour, de peur de lire dans son regard de l'agacement, de la pitié, ou pire, de la compassion.
Je vérifie qu'il est toujours là. Mon horizon est dans la poche de mon blouson : un bout d'espoir de trois centimètres sur quatre. L'encre est à moitié délavée, on y lit griffonnée une adresse improbable et manifestement trop lointaine pour que mes grolles s'y rendent.
Je crois que je vais me poser un peu ici. Faire le point. Je m'achète un kawa, des clopes, et je ressors pour méditer. Une Alfa Romeo noire s'arrête en face de moi. Les petites courses m'ont coûté environ la moitié de ce que j'ai en poche. A l'évidence, ma durée de vie dans cet endroit risque d'être très limitée.
Ce matin chez moi, il y avait deux balèzes, impolis comme des huissiers, et avec un flingue en poche. Ca me suffit pour éviter de considérer le demi-tour.
Alors que je finis juste de tordre la touillette en plastique du café, le mec de l'Alfa rentre dans le magasin, me fait un signe de la tête en passant.
Sur la portière de sa voiture, quelque chose scintille… La clé, j'en suis sûr ! Mon coeur s'accélère, je sais que je n'ai pas beaucoup de possibilités.
Je fonce, j'entre, je m'assois, trouve enfin comment mettre le contact, et je démarre. Première, seconde, troisième ... troisième ... J'appuie à fond, tant pis, c'est le tout pour le tout. Troisième ? Putain, elle passe pas la troisième...
Je panique, je rentre la tête dans les épaules, ça klaxonne à droite, à gauche, je suis ébloui pleins phares... Putain, elle va passer cette troisième ? J'ai le coeur à deux cents et la caisse à cinquante.
Enfin, elle passe. Je suis sur la route, je suis vivant. Et heureux comme un gosse. Je pousse un cri jouissif, du fond du ventre !
Tout à coup, derrière moi, un grand raffut. La boule dans la gorge, tous mes muscles se tendent. Quelqu'un respire. Très lentement, je me retourne.
Il y a un clebs, bâtard, style labrador mais pas tout à fait, le museau posé sur le siège, laissant ses oreilles mortifiées tomber. En me voyant, il remue vaguement la queue. Il vient de dégobiller un truc infâme sur la banquette arrière.


* * *

Bon Dieu, ça pue ! Je me doute bien que le dégobillis de chien, ça sent jamais Guerlain, mais à ce point, c’est à la limite du supportable. Ouvrir la fenêtre, s’allumer une clope et respirer les fumets de nicotine…
J’ai toujours eu une sainte horreur des animaux. Enfin non, pour être tout à fait exact, c’est plutôt eux qui m’ont chaque fois cherché des noises.
Je me souviens, je devais avoir neuf ou dix ans, j’étais parti au fin fond de la cambrousse, en classe verte ; à peine arrivé, le fox terrier du centre d’hébergement déféquait dans ma valise. Deux ou trois ans plus tard, je retrouvais le shitsu que la voisine nous avait confié raide mort sur mon lit. Ça arrive, mais là c’était salement moche, descente d’organes je crois bien.
Et voilà, je me retrouve avec un molosse qui météorise plein pot à l’arrière d’une voiture qu’est même pas à moi et sûr que le propriétaire va pas tarder à vouloir récupérer. Sans parler des deux nerveux de ce matin, ou d’hier, je sais plus, qui vont pas me lâcher. Trente mille euros et des poussières, c’est rien pourtant... Enfin, pour ce genre de type j’entends. Ils ont plus d’or dans les chicots que j’en aurai jamais entre les mains. Mais ils lâcheront pas.
J’ai pas la moindre idée de l’endroit où je me trouve, j’ai quitté l’autoroute il y a quelque temps déjà, par mesure de précaution… Et rouler de nuit sur les petites routes de campagne c’est pas une mince affaire, surtout quand on souffre de diplopie.
Par-dessus le marché, me reste même pas un billet pour casser la croûte ; en même temps le cerbère à l’arrière m’a coupé l’appétit. J’ai pas pioncé depuis des heures, des jours peut-être bien et, je vais devoir dormir là, dans la caisse, parmi les relents mélangés de cuir et de pâtée régurgitée.
Ouais, sacrément moche la vie…
Je me dis qu’on devrait parfois pouvoir fermer le monde comme on ferme les yeux, effacer les galères comme on s’endort, se réveiller ailleurs… Plus loin...
Elle avait dit : « Un autre endroit. Une autre fois. Promis. » Alors pourquoi pas là-bas, à Rotterdam, et bientôt. Elle avait accompagné sa promesse d’un sourire à déglinguer la terre entière et s’était évaporée. Ça fait huit ans. Elle aura pas oublié, non, elle peut pas avoir oublié.
La bande blanche se dédouble, mon cerveau s’embrume : dormir… J’ai dû griller un stop, un « cédez le passage » ou quelque chose dans le genre. Concert de cornes de brumes, pleins phares… Le son et lumière est parfait, très réussi, n’empêche, j’ai eu la peur de ma vie.
Tout va bien, respirer et s’arrêter quelque part, à l’abri des regards. Les roues s’embourbent dans le petit chemin terre que j’ai choisi pour passer un bout de nuit. Bloqué.
On verra ça plus tard. Je jette un regard derrière : étalé de tout son long le chien dort d’un sommeil profond. Je lui lance un « bonne nuit mon gros » et tends une main en sa direction, à l’aveugle, en signe de paix. C’est humide, pâteux… et merde, connerie de clébard !

Krystelle

Nombre de messages : 7162
Age : 44
Date d'inscription : 12/12/2005

http://fuitedanslesidees.blogspot.com/

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Mutants Anachroniques Jeu 16 Nov 2006 - 18:05

Lu aussi la première partie et la contrefaçon, celle-là pleine d'aisance (de prestance pourrait-on presque dire) mais plus résolument polar, disant peut-être trop de choses trop vite...
Donc retour à la suite officielle, ton texte.
Style net et brillant, c'est très différent de ce qui précède en dépit de ton effort pour user du même registre de vocabulaire. Ce MST montre d'autant plus la limite de l'exercice qu'il est à la première personne. Or le personnage, d'un paragraphe à l'autre, a changé, le cours de ses pensées a pris un tout autre rythme. Un truc que ça nous inspire, c'est l'idée qu'avec ce système de "relai" le meilleurs roman qu'on pourrait écrire, le plus viable, aurait pour narrateur ce qu'on appelle souvent (mais de façon impropre parait-il) un schizophrène, un être à personnalités multiples...
Ou alors il faudrait à chaque fois changer de narrateur, adopter par exemple le point de vue du chien? (Cette idée on est moins sûr qu'elle est viable!!!)
C'est quand même très intéressant de te voir investir ce registre, ce personnage de looser en cavale. Mais avec toi il devient tout de suie un peu proustien! Il vit moins dans le présent, quoi... Qui est censé faire la suite? En tout cas celle-là tient la route (facile, ok) et on n'a pas vraiment de critique de détail à faire. Introduire l'idée du problème que le héros a toujours eu avec les animaux, même si cette idée est en un sens assez attendue dans le contexte, laisse au suivant quelque chose à développer. La scène où le malheureux perds plus ou moins le contrôle de son véhicule est bien, sauf qu'après son accident de bécane ça commence à faire pléthore de sorties de route, réelles ou évitées!
Mutants Anachroniques
Mutants Anachroniques

Nombre de messages : 117
Date d'inscription : 12/07/2006

http://www.stase.org

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Krystelle Jeu 16 Nov 2006 - 18:59

Mutants Anachroniques a écrit:Mais avec toi il devient tout de suie un peu proustien!
Je le prends comme un compliment même si je suis pas certaine que ça en soit un :-))

Krystelle

Nombre de messages : 7162
Age : 44
Date d'inscription : 12/12/2005

http://fuitedanslesidees.blogspot.com/

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Mutants Anachroniques Ven 17 Nov 2006 - 11:55

Krystelle a écrit:
Mutants Anachroniques a écrit:Mais avec toi il devient tout de suie un peu proustien!
Je le prends comme un compliment même si je suis pas certaine que ça en soit un :-))
Eh bien, dans notre duo EMD est très branchée Proust, FM un peu moins car préférant Chateaubriand (on sait bien que ce n'est pas la même époque, mais bon...). Ce n'est pas tant ton écriture que la sensibilité du personnage qui est ici "proustienne". Et c'est plutôt un compliment car ce rapport raffiné à la mémoire, comme aussi chez Virginia Woolf, on aime beaucoup. Même si, c'est vrai, vu la situation extrême que traverse le personnage, cette impression de raffinement peut apparaître déroutante dans le contexte.
Mutants Anachroniques
Mutants Anachroniques

Nombre de messages : 117
Date d'inscription : 12/07/2006

http://www.stase.org

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Giny Dim 19 Nov 2006 - 10:08

héhé j'aime bien, en plus moi aussi j'aime pas les chiens, qui me le rendent bien donc je compatis tout à fait avec ton personnage. C'est bien mené, bien écrit
Giny
Giny

Nombre de messages : 1802
Age : 36
Localisation : Dijon
Date d'inscription : 14/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  grieg Dim 19 Nov 2006 - 11:12

même si la descente d'organe du shitsu me fait rire, cette suite ne m'a pas convaincu.
L'impression que tu n'étais vraiment pas à l'aise avec ce genre, ce style.
trop de chien aussi, trop de souvenirs, qui cassent le rythme "fuite effrenée" du premier épisode.
Non, pas convaincu.

grieg

Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Loupbleu Mar 21 Nov 2006 - 10:53

Je suis assez peu d'accord avec les mutants, quant à leurs analyse du "je", n'ayant moi-même ni conduit un scooter, ni volé une bagnole, etc. :-), et leur réticence sur l'exercice me semble trop pessimiste.

Ceci dit, leur analyse est très pertinente quand ils soulignent un traitement du temps différent. Peut-être la raison est-elle proustienne, mais peut-être aussi que "techniquement", tu refuses d'écrire "je" + un verbe d'action au présent*. Tu avais déjà dit toutes tes réticences sur ce procédé d'ailleurs... Est-ce que tu as essayé et trouvé que ça faisait trop toc ?

(*) par exemple, tu évites en disant : "ouvrir la fenêtre, s'allumer une clope", au lieu de j'voure la fenêtre, j'allumeune clope.


A mon avis, il n'y a peut-être pas trop de souvenir, mais simplement un refus de retourner dans un présent d'action immédiat.

Sur le fond : j'aime le chien qui fait caca, mais ça fait trop avec le chien qui est mort dans son lit, et ce dernier événement pourrait / devrait être plus développé. Par exemple avec l'idée sous-jacente que le narrateur "fuit", qu'il se détache du poisseux et du morbide qui lui collent au cul. Aussi à la fin du texte avec l'idée qu'il va encore passer la nuit avec un chien, et prier pour pas le retrouver crevé au matin...

Je suis aussi pas assez convaincu peut-être par les deux méchants avec les dents en or, mais ça passe quand même.

Bref, s'il y a des trucs qui ne collent pas, je trouve qu'il y a le contenu et bien que ce ne soit pas dans la continuité du style, c'est bien écrit !
Loupbleu
Loupbleu

Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Sahkti Mar 21 Nov 2006 - 12:41

Je ressens un décalage entre les deux textes qui me gêne un peu. Une autre approche, un rythme différent, des styles distincts. C'est donc une suite sans en être vraiment une, seule l'histoire se poursuit en fait, mais pas vraiment l'esprit. Moins de vivacité et d'humour, un ton plus victimisant... je suis moins emballée par la suite que par le début, trop introspective à mon goût. J'avais "reproché" à Loup de parfois trop en dire dans son texte, c'est valable aussi pour le second épisode. Moyennement accroché, désolée.
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  claire Lun 20 Aoû 2007 - 23:56

Loupbleu a écrit:La nuit sous la bruine, ça pue la gasoil, le bitume défoncé prend des allures de lune noire à la lumière rasante des phares, le béton suinte, tout dégouline ; la nuit sous la bruine, les stations-service sont belles parce qu'elles ressemblent enfin à ce qu'elles sont. Je respire ma dernière cigarette devant des pères de famille qui font le plein ; ils ont l'air de pantins humant leur solitude. C'est le meilleur endroit de l'univers pour méditer.
Quand la bécane a lâché tout à l'heure, à trois bornes de là, on s'est regardé les yeux dans le carter, on s'est demandé lequel des deux ressemblait le plus à une épave. Elle est restée en vrac dans le fossé, et je suis reparti pour lui démontrer définitivement la supériorité de l'homme qui avance sur une machine dans le fossé.
J'avais déjà de sacrées emmerdes, il a fallu qu’en plus le scooter tombe en rade.
J'ai le blouson détrempé de trois bornes à pattes le long de la nationale. Dans les toilettes, je tente des acrobaties ridicules avec le sèche-main. J'abandonne au bout de dix minutes, n'osant pas me retourner vers le mec qui attend son tour, de peur de lire dans son regard de l'agacement, de la pitié, ou pire, de la compassion.
Je vérifie qu'il est toujours là. Mon horizon est dans la poche de mon blouson : un bout d'espoir de trois centimètres sur quatre. L'encre est à moitié délavée, on y lit griffonnée une adresse improbable et manifestement trop lointaine pour que mes grolles s'y rendent.
Je crois que je vais me poser un peu ici. Faire le point. Je m'achète un kawa, des clopes, et je ressors pour méditer. Une Alfa Romeo noire s'arrête en face de moi. Les petites courses m'ont coûté environ la moitié de ce que j'ai en poche. A l'évidence, ma durée de vie dans cet endroit risque d'être très limitée.
Ce matin chez moi, il y avait deux balèzes, impolis comme des huissiers, et avec un flingue en poche. Ca me suffit pour éviter de considérer le demi-tour.
Alors que je finis juste de tordre la touillette en plastique du café, le mec de l'Alfa rentre dans le magasin, me fait un signe de la tête en passant.
Sur la portière de sa voiture, quelque chose scintille… La clé, j'en suis sûr ! Mon coeur s'accélère, je sais que je n'ai pas beaucoup de possibilités.
Je fonce, j'entre, je m'assois, trouve enfin comment mettre le contact, et je démarre. Première, seconde, troisième ... troisième ... J'appuie à fond, tant pis, c'est le tout pour le tout. Troisième ? Putain, elle passe pas la troisième...
Je panique, je rentre la tête dans les épaules, ça klaxonne à droite, à gauche, je suis ébloui pleins phares... Putain, elle va passer cette troisième ? J'ai le coeur à deux cents et la caisse à cinquante.
Enfin, elle passe. Je suis sur la route, je suis vivant. Et heureux comme un gosse. Je pousse un cri jouissif, du fond du ventre !
Tout à coup, derrière moi, un grand raffut. La boule dans la gorge, tous mes muscles se tendent. Quelqu'un respire. Très lentement, je me retourne.
Il y a un clebs, bâtard, style labrador mais pas tout à fait, le museau posé sur le siège, laissant ses oreilles mortifiées tomber. En me voyant, il remue vaguement la queue. Il vient de dégobiller un truc infâme sur la banquette arrière.
* * *[je propose en 2 bis]
On s'en fout, c'est pas le moment. Houh! Les nerfs en pelote, j'appuie tout ce que je peux sur l'accélérateur, histoire de quitter au plus vite les lieux. Je ne veux regarder ni derrière ni dans le rétro; je file direction Brest.
Putain! Ca pue quand même. J'ouvre la fenêtre en grand, je me prends une giclée de vent plein les narines. Ca sent l'asphalt mouillé, ça sent la nuit, j'ai les deux mains crispées sur le volant et, tout à coup, je me fais l'effet d'une momie empaquetée dans sa camisole de force, façon commandeur.
Si je prends l'autoroute, je suis cuit. Le mec a prévenu les flics, c'est sûr. J'ai peut-être quelques heures devant moi, pas davantage. Réfléchir vite et bien. Pour Brest, pas de lézard, je peux débarquer à n'importe quel moment, Pierrot, c'est pas Dédé l'Embrouille. Le seul truc, c'est de trouver le moyen d'arriver là-bas sans me faire repérer. Sans me faire repérer... ça me rend songeur... on peut pas dire que je sois du genre verni aujourd'hui, je serais même prêt à penser que s'il y a une merde à récolter, je serai le premier servi. Des fois, la poisse, ça vous colle tellement aux basques que vous savez plus quel pied poser, même le chien pourrait témoigner. Tours: 157 km, une heure et demie, je parle tout haut, j'entends la chose derrière qui bouge, qu'est-ce qu'il fout ? Je jette un oeil, instinctivement, on ne sait jamais, ça fait du bruit, un drôle de bruit, une sorte de déglutissement, je regarde la route, il faut que je tourne à gauche un peu plus loin, ça fait des gros chlap dans mon dos, j'aime pas ça, je ralentis, clignotant, je prends la route comme indiqué, j'accélère, je tourne la tête d'un coup, il a bouffé son vomis, il se lèche les babines à pleine langue, je referme la fenêtre, mets un coup de ventilation, pour bien imprégner l'habitacle des remugles du gangster affamé, j'en reviens pas, pas une trace.
Il fait froid, je me concentre à nouveau sur la route. A Tours, je laisserai la voiture dans une rue très passante (*) mais pas en centre ville, assez loin de la gare routière où je prendrai le premier car vers l'ouest. Je dois avoir juste assez pour payer un billet. Je suis vraiment parti à l'arrache ce matin, j'ai même pas pu passer prendre mon blé chez Jil, j'ai seulement eu le temps de le prévenir, un coup de fil, bref, il savait déjà au ton de ma voix que l'alerte était donnée. Je lui ai dit en enfilade pour les deux costauds, le flingue, les questions, les menaces; je l'ai pas vendu Jil, mais les mecs, s'ils le retrouvent ils lui feront la peau, je lui ai dit de déguerpir, moi je l'ai échappé belle, ça doit être à cause de mon visage, de mon allure, on m'a toujours dit que je faisais plus jeune que mon âge et ça a toujours eu le don de m'énerver, j'aurais jamais imaginé en tirer un profit quelconque; l'involontaire a pris cette fois des allures d'ange-gardien. Ils ont dû penser qu'ils suivaient pas la bonne piste; comme quoi le doute, chez les gangsters, est mauvais conseiller... ou ça veut dire qu'ils travaillent pour un autre. Bon, je débrouillerai ça plus tard.
Je tourne le bouton du chauffage, sors précautionneusement mon petit bout de papier, petite île à déchiffrer, le dépose bien à plat sur ma cuisse, mon jean est trempé, comme mon blouson, il me colle à la peau, le moindre mouvement de jambe et c'est comme si on m'arrachait les poils. Du bout des doigts, tout en surveillant ma conduite, je déplie l'origami aux lettres dessinées à l'encre invisible, en pince un coin entre deux ongles, le soulève délicatement, le chien émet un grognement, coince le volant avec le genou, la route est droite, fais passer le carré blanc entre les ongles de l'autre main, ouvre la boîte à gants et le mets à sécher sur le tiroir béant.
(* sic)
claire
claire

Nombre de messages : 590
Age : 56
Date d'inscription : 07/05/2007

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Loupbleu Mar 21 Aoû 2007 - 16:52

Claire, il faudrait que tu recopies ce texte dans un autre fil à part entière, afin qu'on puisse donner nos commentaires !

- Ne t'inquiète pas, le but du "MST" était de créer une émulation, c'est parti un peu dans tous les sens, et tout le monde a le droit de récupérer continuer ou reprendre n'importe quoi. C'est une chouette idée d'avoir repris ça !


- Un petit commentaire (je le déplacerai quand tu auras créé ton fil) :

En me relisant et en voyant la suite (les suites), je regrette vraiment d'avoir utilisé un vocabulaire sans doute trop gratuitement argotique (parfois limite grossier). Je trouve que ça tiendrait mieux sans ça.

Tu as trouvé un rythme très haletant pour le récit ! Et peut-être un peu trop, parce que je ne crois pas que l'adrénaline puisse tenir trop longtemps. Du coup, les explications concernant la visite du matin est peut-être un peu confuse... Peut-être que revenir à une atmosphère plus lente pourrait mieux fonctionner ?

Le coup du chien, c'est dégoutant, mais j'adore ça ! Peut-être pourrais-tu tisser un peu mieux une relation entre le chien et le fugitif (ceci dit, c'est pas obligé) ?

Ceci étant dit, j'aime bien cette suite, écrite de façon percutante, et qui demande sans doute également une suite !...


* * *

C'est toujours la surprise, ces suites : à l'époque, je crois que j'avais dans l'idée une suite qui allait doucement "désamorcer" l'histoire, disons que l'intrigue se serait désagrègée (je pensais que le narrateur tait probablement un peu mythomane sur ce coup !) au profit du voyage et d'une certaine forme d'introspection...
Loupbleu
Loupbleu

Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  claire Mer 22 Aoû 2007 - 10:08

Loupbleu a écrit:Claire, il faudrait que tu recopies ce texte dans un autre fil à part entière, afin qu'on puisse donner nos commentaires !

Le coup du chien, c'est dégoutant ! Peut-être pourrais-tu tisser un peu mieux une relation entre le chien et le fugitif (ceci dit, c'est pas obligé) ?

Ceci étant dit, j'aime bien cette suite, écrite de façon percutante, et qui demande sans doute également une suite !...

* * *

C'est toujours la surprise, ces suites : à l'époque, je crois que j'avais dans l'idée une suite qui allait doucement "désamorcer" l'histoire, disons que l'intrigue se serait désagrègée (je pensais que le narrateur tait probablement un peu mythomane sur ce coup !) au profit du voyage et d'une certaine forme d'introspection...
Loup-Bleu
Je me permets de reprendre quelques points de ton commentaire.
Il ne me semble pas pertinent de créer un nouveau fil pour cette proposition de suite, étant donné que le fil existe déjà (CQFD) et
claire
claire

Nombre de messages : 590
Age : 56
Date d'inscription : 07/05/2007

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  claire Mer 22 Aoû 2007 - 11:00

claire a écrit:
Loupbleu a écrit:Claire, il faudrait que tu recopies ce texte dans un autre fil à part entière, afin qu'on puisse donner nos commentaires !

Le coup du chien, c'est dégoutant ! Peut-être pourrais-tu tisser un peu mieux une relation entre le chien et le fugitif (ceci dit, c'est pas obligé) ?

Ceci étant dit, j'aime bien cette suite, écrite de façon percutante, et qui demande sans doute également une suite !...

* * *

C'est toujours la surprise, ces suites : à l'époque, je crois que j'avais dans l'idée une suite qui allait doucement "désamorcer" l'histoire, disons que l'intrigue se serait désagrègée (je pensais que le narrateur tait probablement un peu mythomane sur ce coup !) au profit du voyage et d'une certaine forme d'introspection...
Loup-Bleu
Je me permets de reprendre quelques points de ton commentaire.
Il ne me semble pas pertinent de créer un nouveau fil pour cette proposition de suite, étant donné que le fil existe déjà (CQFD) et
mauvaise manip., mon ordi. est très sensible, je continue,

qu'on peut s'y retrouver (assez) facilement dans VE.
Une suite appelle une suite, en effet. Tu regrettes (quel mot étrange! ou quel vilain mot!) que la suite 2 ne donne pas de fin; il faut le temps de dérouler une histoire et une histoire se joue sur bien des rythmes; on ne respire jamais de façon régulière à la lecture d'un texte; il y a des moments haletants -voulus par la situation -, des répits, des lenteurs, des langueurs, des coups de speed (pardon, des précipitations !); je ne t'apprends évidemment rien là-dessus;ne sois peut-être pas trop pressé, laisse le temps au texte de se faire. On peut envisager ici la possibilité d'une plus longue histoire avec des suites à venir et pas seulement un exercice d'écriture qui se regarde avancer ou se savoure tout seul.
J'entends bien que, lorque tu as jeté sur le papier ce début, tu aies imaginé la suite ou désiré voir une atmosphère particulière se dégager progressivement, que tu aies eu quelque(s) idée(s) un peu définie(s) ou précise(s) sur ton personnage, mais la "nature"même de cet exercice, de ce jeu d'écriture (à plusieurs) , fait qu'on est dépossédé de quelque chose qu'on a commencé à créer et dans lequel on a commencé à naviguer ou à déambuler; c'est pas facile d'accepter que quelqu'un d'autre fasse dévier le mouvement dans lequel on a commencé à s'inscrire.
Quant à ta remarque sur le "gratuitement argotique, à la limite du grossier", je ne te suis pas; elle n'a pas de pertinence pour moi; elle peut,en revanche devenir un enjeu de discussion sur les registres et niveaux de langage etc. Si tu veux, on approfondit la question, on peut lui trouver un champ qui permette de creuser ce que tu n'as qu'à peine effleuré.
Pour ce qui est d'une "relation à tisser" éventuellement entre le clébard (oups, le chien) et le personnage, là aussi, tu veux aller trop vite à mon goût et le temps écoulé dans la suite 2 est court.
Maintenant, un petit "commentaire" sur ton début.
Tu lances les armes/le matos comme pour un polar, une poursuite, un truc louche ou énigmatique...qui demandera des éclaircissements à un moment ou à un autre de l'histoire, progressivement ou en bloc ou par touches (ce point-là relève de choix dans l'écriture d'une suite) et tu t'alarmes de voir que le personnage que tu as conçu dans une fuite, prenne la tangente, la trouille au ventre. Imagine deux secondes: il y a deux balèzes avec flingue, son seul espoir un bout de papier délavé, il ne lui est arrivé que des merdes (hh pardon ! des déboires) depuis le matin, il fauche (re hhh! il emprunte) l'Alfa noire d'un type qui , le croisant, lui fait un signe de tête donc le voit, et il faudrait un rythme lent dans la voiture alors que tu le fais paniquer sur la 3ème qui ne passe pas! Non!Là, c'est une cavale, un rythme soutenu ici est bien, après, après les choses peuvent se poser; là, pour le moment il y a urgence; le personnage est en situation d'urgence; il n'a pas le choix, il est en danger, au moins danger de se faire arrêter, pour vol ... qu'ensuite tu l'imagines plutôt mytho., pourquoi pas....
Voilà Loup-Bleu, en espérant que tu trouves ce petit mot malgré l'absence d'un nouveau fil!
claire
claire

Nombre de messages : 590
Age : 56
Date d'inscription : 07/05/2007

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Loupbleu Mer 22 Aoû 2007 - 11:50

J'ai trouvé le mot, j'ai des yeux partout sur le site !

Non, je ne regrettais pas que ta suite n'ait pas de fin (ça aurait été trop rapide en effet de déjà conclure !), mais je voulais plutôt suggérer qu'elle appelait à être continuée... :-)

Tu as raison concernant l'écriture à plusieurs, c'est normal que ça prenne des routes différentes de ce qu'on a imaginé, et c'est plutôt bien !

Concernant le rythme du récit, tu fais des observations très justes. A la réflexion, je pense que ton extrait est dans le bon registre, qu'il faudrait probablement juste par la suite ménager des temps plus lents, puis des reprises... (Disons que tenir jusqu'à la fin sur ce rythme, c'est sans doute un peu dur).

Bon, le plus intéressant, c'est le niveau de langage : je n'ai rien en général contre les mots grossiers dans les textes, j'ai juste l'impression que le niveau de langue que j'ai utilisé au départ n'est pas approprié au personnage que j'avais en tête, ou plus exactement, pas approprié à la situation. En relisant, je me suis dit que le personnage pouvait utiliser des mots plus populaires, quand il est stressé, en colère. Mais que ça n'était pas son habitude de parler (de se parler à lui-même). Du coup, je trouve que par moment, ça rend mon début un brin trop factice.

Et sinon :
On continue le texte ?
Loupbleu
Loupbleu

Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Yali Mer 22 Aoû 2007 - 11:57

j'adooooore l'échange :-)))

Yali

Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Loupbleu Mer 22 Aoû 2007 - 12:04

Yali a écrit:j'adooooore l'échange :-)))
:-))))))))))))
Pas de commentaire !!!!
Loupbleu
Loupbleu

Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Yali Mer 22 Aoû 2007 - 12:13

N'existe-il pas une variation de ce début-là ? Soudain j'y songe :-)

Yali

Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Loupbleu Mer 22 Aoû 2007 - 12:18

Yali a écrit:N'existe-il pas une variation de ce début-là ? Soudain j'y songe :-)
Me semble que tu avais dû faire ça !
Ca nous fait deux débuts et deux suites :-)
Loupbleu
Loupbleu

Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  claire Mer 22 Aoû 2007 - 13:18

Loupbleu a écrit:On continue le texte ?
Oui, on continue
claire
claire

Nombre de messages : 590
Age : 56
Date d'inscription : 07/05/2007

Revenir en haut Aller en bas

MST2 : Lignes de fuite Empty Re: MST2 : Lignes de fuite

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum