Fleur de lys

Fleur de lys

Sur le fil un drap blanc louvoyait dans le vent,
Mollement. Le ciel gris coiffait de convenance
Les ardoises du toit en raison d’une instance :
Dans le lointain le glas, inexorablement

Soulevait dans nos cœurs, au rythme convulsif,
Des tombeaux de chagrins, des lambeaux de colère.
Une ombre insaisissable, assise sur la pierre
Semblait offrir un lys d’un geste suspensif.

Les oiseaux se taisaient brisant la verticale
D’une vie suspendue au parfum d’une fleur
Dont l’ultime rosée laissa choir les pétales.

Mère s’est endormie en guettant le passeur
Emergeant de la rive aux orgues léthifères.
Pour la première fois, je vis pleurer mon père.

Une ambiance nébuleuse à souhait dans sa tristesse, mais trop précieuse pour moi pour que l'émotion passe... franchement, le lys qu'on offre d'un geste suspensif, pour moi ça ne "passe" pas. Et que le narrateur appelle ses parents (dont l'un qui vient de mourir dans l'histoire) "père" et "mère" installe à mon avis une trop grande distance.

Un usage un peu trop soutenu des rejets à mon goût, mais j'aime beaucoup le premier, avec ce "Mollement". En revanche, j'ai l'impression qu'il faudrait choisir etre lui et "inexorablement" ; je trouve les deux adverbes en "ment" trop proches l'un de l'autre.

Merci, Socque d'avoir pris le temps pour un long commentaire.

Je m'autorise aussi des écrits très personnels. peut-être devrais-je les garder pour moi.
Je comprends parfaitement que l'on puisse ne pas être sensible à ce genre d'émotion.

Sans rancune.

J'ai beaucoup aimé ce sonnet, et je compatis à la douleur...

Opaline

Très beau sonnet dont j'aime tout, sauf la fleur de lys, pour moi trop fort symbole de royauté.

Les deux quatrains esquissent une ambiance dont la tristesse me semble suffisamment poignante.
Ce drap flottant dans le vent pour évoquer la mort est une trouvaille. L'ombre au lys me fait penser à ces statues sur les tombeaux dont on si était friand au XIXe siècle, elle suffit, à mon goût, pour installer la scène.

Mais il y a de l'affectation dans l'emploi d'adjectifs comme ultime ou léthifère et des images (les oiseaux, le parfum des fleurs, les orgues) qui brisent dans les tercets cette impression de sincérité que je ressentais au début du poème. Le dernier vers sauve heureusement l'ensemble de l'emphase où le poème s'enlisait.
Tout cela n'étant, bien entendu, que mon ressenti personnel !

Un beau poème dans son ensemble malgré quelques petits détails:
- le titre qui a, pour moi aussi, évoqué d'abord la royauté et qui a donc été en décalage avec le texte
- le passage de la première à la deuxième strophe qui s'effectue au milieu d'une phrase, ça n'est pas bien passé à la lecture pour moi
- et l'emploi de "léthifères" qui m'a semblé être d'un registre trop soutenu par rapport au reste du sonnet...

Mais l'impression générale reste celle d'un beau poème empli de tristesse...

Pour être honnête, je n'ai pas réussi à construire l'image. Que diable ce texte conte ? je n'en ai pas idée.
J'aime bien ce vers : Mère s’est endormie en guettant le passeur.

Incapable de prendre du recul sur ce thème. J'aime donc, le ton solennel, grave. Et plus encore que le rythme lent et pesant, certaines belles images, qui savent elles alterner le prosaïque et une certaine fugacité, pour dire par exemple l'éphémère de la fleur, de l'ombre, du passeur. Un poème réussi qui me va personnellement comme un gant. Je crois savoir que le lys blanc est bien une fleur de deuil. Rien à voir mais c'est aussi une de mes fleurs préférées :-)

Si je comprends volontiers sa présence, je trouve cependant que le dernier vers est quelque peu en décalage avec le reste. Il ne réussit pas à totalement respecter la solennité de l'émotion émanant de tout ce qui le précède et c'est dommage, ça tomberait presque à plat, surtout après la grande beauté des vers précédents.
Ce détail mis à part, je suis touchée par ce texte que je trouve élégant, racé oserais-je dire. Il dit les choses avec richesse et dignité.