Miroir et réflexion

Miroir et réflexion

Je veux pas.
Non, je veux pas.
Trop risqué.
Imaginez que ce soit vrai.
Imaginez que ce soit vous.
Imaginez que vous vous réveilliez un matin avec l’absolue certitude de ne plus être tout à fait vous, d’avoir glissé dans la peau d’un ou d’une autre, peu ou prou.
Prendriez-vous le risque de vous lever ?
Moi pas.
Rester couché, se rendormir. Implorer la nuit, supplier le sommeil…
Alors peut-être qu’il y aura un autre demain, un après-demain en quelque sorte, alors peut-être que cette fois-ci vous vous réveilleriez avec l’absolue certitude de n’être personne d’autre que vous et peut-être qu’alors tout ira bien.
Peut-être.
Ou peut-être pas.
Alors, vous appellerez à l’aide, vous crierez, hurlerez, jusqu’à ce qu’il vienne se pencher sur votre visage. Vous chercherez dans ses traits le moindre flottement, vous fouillerez l’inquiétude dans les plis de son front, l’incrédulité dans l’arc-boutant de ses sourcils. Et bien sûr, vous trouverez tout ça, parce qu’évidemment, il vous aime, il ne peut pas ignorer que vous n’êtes plus tout à fait vous ; il ne peut pas non plus vous l’avouer, je vous l’ai dit, il vous aime.
Et tandis qu’il s’en ira chercher une ou deux viennoiseries caressant l’espoir insensé que ces petites douceurs panseront quelque peu vos tourments, vous rognerez chaque bout d’ongle ayant réchappé à l’appétence de votre angoisse, traquerez chaque petite peau morte rescapée. Et quand vous n’aurez plus rien à vous mettre sous la dent, quand l’appel des croissants commencera à se faire insistant, il faudra bien vous résoudre à vous lever.
Lentement, très lentement vous enfilerez un pull, chausserez vos lunettes parce que vous avez beau ne plus être vous, vous n’êtes pas moins myope pour autant, et vous descendrez une à une les marches du petit-déjeuner.
Dans la salle de bain, vous garderez les yeux fermés jusqu’à ce que le miroir trépigne, s’impatiente, vous conjure de vous rendre à l’évidence.
Vous ouvrirez un œil, le refermerez aussitôt, ouvrirez l’autre, et ainsi de suite au point d’être aveuglé par l’effet stroboscopique de votre petit manège.
Inspirer, souffler. Synchroniser les paupières, focaliser et capturer l’image.
Vous scruterez votre visage, en détaillerez la géométrie, fixerez chaque ligne des méandres de l’âge. Et tout y sera, même ces petites zébrures à l’angle de votre regard, celles dans lesquelles sont venues se nicher autant de perles de larmes, autant d’éclats de rire, autant de tout, depuis autant d’années... Oui, elles y seront encore, dessineront le même soleil autour de vos yeux fatigués, cernés, mais désormais apaisés.
Vous êtes vous, toujours vous, belle et bien vous.
Evidemment il vous faudra supporter les railleries du miroir. Faut dire vous avez été ridicule sur ce coup-là. Evidemment le café sera froid et les croissants ne seront déjà plus ; il vous aime oui, mais le matin il a faim. Evidemment...
Puis il vous soufflera un baiser dans le cou et vous glissera à l’oreille, dans un murmure, un « Bon anniversaire », un « Je t’aime ». Alors, autour de vos yeux, se dessineront des milliers de petites zébrures comme pour lui offrir un soleil de mercis.
« Aussi ».

Bah mince, t'écris comme tu respires maintenant toi !
Je suis impressionnée, crois moi.
Et très joyeux anniversaire, moi qui l'ai lamentablement loupé, et qui me dis amie au près de toi.
Que ces futures années soient pleines de mots, de phrases, de pages et de romans, et que tu creuses encore longtemps ton toi, pour qu'on continue à lire ce qui te touche, ce qui fait mouche.
Car c'est toujours un plaisir de découvrir tes textes, ces petites tranches de vie posées ça et là dans ce forum, comme un peu de sucre dans le fromage blanc, oui, car c'est comme déguster une sucette pour moi. Plaisir court et intense, je ne m'en lasse pas. Et oui, je suis ( presque ) objective.
Très joyeux anniversaire à toi

J'aime beaucoup ton text, Krys. Belle écriture et subtilité.

e

;-)

C'est joli, mais je me permets de te mentionner deux fautes que j'ai repérées:

1) Prendriez-vous le risque de vous levez ? (lever)
2) ne peut pas non plus vous l’avouez (l'avouer)

Sinon, c'est un beau texte.

jonjon21 a écrit:C'est joli, mais je me permets de te mentionner deux fautes que j'ai repérées:

1) Prendriez-vous le risque de vous levez ? (lever)
2) ne peut pas non plus vous l’avouez (l'avouer)

Quid ? :-))

Suis très partagée. De la force et de la réflexion dans ce texte mais tout cela me laisse un peu de côté, à cause du ton trop distant du texte qui n'est pourtant pas suffisamment froid et sec à mes yeux pour être réellement grave et dramatique, il manque quelque chose et je ressens trop l'impression d'un ensemble de phrases collées bout à bout pour former quelque chose. Pas pour moi cette fois, désolée.

Je trouve ce texte bien réussi: il est plein de drôleries, d'originalité, et en même temps comporte un petit quelque chose de sérieux qui pourrait l'être mais pas forcément.