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Marie (Reprise)

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Marie (Reprise) Empty Marie (Reprise)

Message  Charles Lun 9 Jan 2006 - 14:58

La maison s’affaisse, fatiguée. Les mousses gagnent le vieil escalier. Les rideaux blancs derrière les grandes fenêtres ont pris une teinte sinistre. La petite cour, celle-là même où je jouais, enfant, reste à jamais figée dans le silence glacé de ce mauvais jour de novembre.

Je ne te voyais pas souvent, cinq ou six fois dans l’année, peut être. Les matinées de printemps, je restais sur les marches du perron, guettant quelques lézards gris, partageant avec eux quelques rayons de soleil. Au déjeuner, tu nous servais souvent une poule au riz ou du chou braisé. Tu n’as jamais su, je crois, que je ne voulais pas en manger ailleurs que chez toi, prétextant invariablement que personne d’autre ne savait le cuisiner. L’après midi, la sempiternelle promenade à travers les champs, qu’il pleuve ou qu’il vente, m’ennuyait à mourir. L’enfance éphémère n’aime pas la lenteur de la marche.

Au retour, je cherchais méticuleusement un article intéressant dans les vieux numéros de la vie du rail qui traînaient toujours à côté du vieux buffet blanc. Je ne l’ai jamais trouvé. Après le repas du soir, nous entamions une bonne partie de carte. Seul enfant parmi les adultes, je jouais d’égal à égal. Pas question de tricher ou de fanfaronner en cas de victoire, j’avais trop peur de te vexer ou de te faire de la peine. Je me souviens aussi de ta télévision, toujours en noir et blanc ! Tu ne voulais pas d’images en couleur comme si pour toi, la vie devait être grise.

Je me souviens et tu me manques. Ton rire, un peu hoquetant, contenu, me manque. Tu ne te livrais pas beaucoup. Mon père, ton fils, en a d’ailleurs gardé une pudeur maladroite qui m’attriste parfois, mais au détour d’un geste ou d’un regard, je savais quand tu étais heureuse.

La dernière fois, je n’arrivais pas à te regarder, à te parler. Je ne savais pas quoi te dire, toi qui n’espérait que la fin, papa qui essayait de te convaincre de lutter et moi qui me taisait pour ne pas avouer que je te comprenais et que tu avais probablement raison, que toi seule savait. J’ai eu aussi un peu honte de ne pouvoir t’aider, de repartir si rapidement vers mon propre bonheur égoïste. Que pouvais je faire ? Qu’aurais je du faire ? Je ne sais pas.

Aujourd’hui, je repense souvent à toi. Je regrette que tu n’aies pu connaître mon fils. L’un arrive, l’autre s’en va. Il me reste mes souvenirs et quelques vieux livres aux pages jaunies où je garde, enfermé, le parfum de mon enfance.
Charles
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