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EXO de l’été : Rencontres

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Message  elea Jeu 12 Aoû 2010 - 20:44

A chaque fois qu’elle entend le signal de fermeture automatique des portes Béa sourit puis se laisse emporter dans les secousses de la rame, vers lui.
C’est l’annonce de la fin de l’attente et de la frustration, l’ultime étape pour le rejoindre et se perdre dans son regard.
Au bout de cette porte qui se referme il sera là : audible, palpable, visible, elle pourra le goûter à nouveau, humer son odeur.
Cette alarme est une connivence, un clin d’œil indiquant qu’elle est au bon endroit, le seul qui compte, dans la machine qui l’emporte à bon port.
C’est un kakemphaton comme elle l’appelle, sa clochette de Pavlov, le son qui se distingue entre tous et provoque son plaisir.
Elle aime penser qu’elle est la seule à comprendre sa réelle signification.
Il est à elle ce signal, unique et dédié.

Avant, il y a la longue marche dans les couloirs fourmillants et pressés, les bousculades anonymes, Béa n’est pas à ce qu’elle fait, elle pose un pied devant l’autre, pensées tournées uniquement vers sa destination. Puis il y a le quai immense, avec sa foule qui l’avale et la rejette comme une proie indigeste. Elle s’y pose, étourdie.
Ensuite la rame arrive, s’ouvre dans un sourire, l’accueille en son sein et la prévient juste avant de se refermer qu’elle est prête à la conduire à lui. Après, les rails n’en finissent pas, engloutissant goulûment, mécaniquement les kilomètres qui les séparent. Le bruit machinal et chaotique la berce jusqu’à ce qu’enfin la porte s’ouvre et la libère.

Béa descend, l’aperçoit et le clin d’œil sonore retenti une dernière fois, un petit kakemphaton de plus, pour accompagner son bonheur et plus seulement le lui promettre mais elle l’entend dans un rêve brumeux, cotonneux.
Il est là, une main la saluant, l’autre dans la poche, les yeux mi-clos, tout sourire, lumineux, se détachant de la foule et l’estompant comme par un effet de caméra pointant l’élément essentiel de la scène.
Elle s’approche.
Il l’attend, immobile, la laissant venir à lui, rocher solide auquel elle va pouvoir se raccrocher, se rassurer.
Elle s’appuie contre lui, glisse ses lèvres sur les siennes, sent la chaleur de son corps la submerger et l’attendrir et peut enfin se fondre dans son regard, retrouver son océan de tendresse, les paillettes d’affection qui brillent dans son iris bleu roi, l’étonnante braise de cette couleur froide.

Béa l’a rencontré un matin, dans la grisaille fraîche d’un jour de novembre, au milieu d’une foule d’officiels participant à la cérémonie commémorative d’une armistice déjà lointaine.
Elle se souvient.
Il se tient sous le drapeau, tête baissée, uniforme impeccable parmi les autres. Elle le remarque car il est régulièrement secoué de petits tremblements. Elle est inquiète, prête à siffler la sécurité pour l‘évacuer en cas de malaise. Puis il relève un peu la tête et elle comprend qu’il tente de réprimer une crise de fou rire et quand il dirige son regard vers elle, tout ce qu’elle voit ce sont ses yeux assortis au drapeau, bleu royal, blanc immaculé et petites stries rouges.
Elle lui sourit, d’un air entendu elle se redresse, bien droite, pour l’inciter à faire de même et l’aider à retrouver son sérieux de circonstance, il cligne de son œil national, la complicité s‘installe.
La suite est un buffet solennel et barbant s’étirant sans fin, entrecoupé de deux paires d’yeux se cherchant dans la foule et se reconnaissant, un dialogue sans paroles, quelques pas aimantés qui se rejoignent à l’écart, un long baiser frissonnant et des caresses esquissées dans une ruelle intime.
Avant de retourner à leurs obligations, ils s’échangent un numéro de contact et ne le perdent plus.
Deux jours après elle reçoit un message : le nom d‘une station de métro et une heure précise. Le temps d’apprendre par cœur le trajet, elle file, le cœur cognant et le corps ému. Se moquant d’elle-même et de ses émois d’adolescente, elle compte les stations qui défilent, rebours au ralenti faisant monter excitation et impatience.
Elle sent un creux dans le ventre à l’approche de la station nommée et l’alarme retenti une pénultième fois avant la récompense.
A chaque alarme son désir a augmenté, en cadence, promesses du plaisir à venir, préliminaires métropolitains rythmés par les accélérations et les coups de freins, les arrêts et les démarrages, intensifiant puis frustrant son désir.
Et puis la station du jour est là, la rame s’arrête, elle en sort et le cherche du regard parmi les voyageurs qui envahissent le quai, l’aperçoit enfin dans un mouvement de corps qui s’écartent et se noie de plaisir dans le regard bleu roi de son être aimé.
En un rendez-vous elle est devenue accro aux rails du métro, veines invisibles reliant leurs âmes, toile d’araignée urbaine à laquelle elle est ventousée et sur laquelle il la déplace au gré de ses messages.

Dès la première fois, tel le signal de départ d’une course, un bruit est devenu celui du début du plaisir, son kakemphaton, son klaxon déclenchant la cacophonie des sens.
Plaisir de la chair et des sentiments, de l’esprit et du corps, plaisir évanescent et brutal, vague de plaisir, onde de plaisir perpétuel, tourneboulée, chavirée, renversée, éparse et fusionnante à la fois, suppliant parfois que le plaisir reflue, pour respirer, reprendre pied, l’accalmie avant de repartir de plein fouet dans la tempête de plaisir, contre elle, sur elle, en elle, pour elle et pour lui, par eux, effaçant l’espace, flottant dans un monde irréel et inexistant, un bout de temps arrêté, sans ressentir soif, faim, manque quelconque, besoin ou envie d’autre chose qu‘eux, coupés du brouhaha extérieur, des couleurs et odeurs parasites, autres que les leurs, lui en elle, fondu, pour n’être plus qu’un être, apaisement et sérénité, certitude et confiance, intimité et connivence, siècles d’éternité calme et douce puis impétueuse et violente, mordante, griffures et serrements, passion et dévorée, mort heureuse et résurrection avide, sous les regards perçants d’un royal bleu.

Pendant plusieurs années, une dizaine de fois par mois elle a vécu suspendue aux messages, finissant par connaître par cœur les 300 et quelques stations, sachant à l‘avance celle qui serait la plus proche, la plus rapide à atteindre ou au contraire celle qui la ferait le plus languir avant sa dose de bonheur hebdomadaire.
Essayant de deviner quelle serait la prochaine, pariant dessus, toujours prête à foncer dés qu’elle lirait le lieu du rendez-vous.
Et la même litanie, imprimée dans la moindre de ses cellules : le métro, le kakemphaton phonique et le plaisir bleu roi au bout.
Le reste du temps, elle a survécu, entre manque et joie impatiente quand la date de la rencontre suivante était fixée.
Ses séjours horizontaux comme elle les nommait en plaisantant, des heures allongés dans un lit d’hôtel, une chambre de bonne, un appartement cossu, selon les cas.
A discuter, rire, se serrer, faire l’amour, se séparer pour mieux revivre les passions du jour.
Les jambes coupées, tremblantes des plaisirs pris et donnés, s’asseoir pour grignoter dans un square, posée sur un banc, picorant sans y penser comme les pigeons venant roucouler à ses pieds, sourde au vacarme de la circulation, aux piaillements des petits joueurs, insensible aux rayons mordants du soleil ou au picotement de la bise givrée.
Les saisons n’avaient plus de prise sur elle, son rythme biologique était désormais celui de l’intense et des creux l’entrecoupant.
Les yeux bleu roi étaient affectueux, tendres, émus, excités mais n’ont jamais été amoureux. Elle s’en moquait, sa vie et son avenir entre parenthèses, tournée entièrement et dévotement vers lui, seigneur et maître, souffrant chaque jour sans lui, à se sentir prise entre les rouleaux furieux de l’océan, à étouffer de douleur et de manque, droguée aux voyages rituels, aux secondes de bonheur accordées, à la vie qui reprenait corps contre le sien.
Vivant dans deux émotions : malheureuse loin de lui, heureuse avec.

Et puis il est parti, loin, dans un pays sans métro, au bout d’une vingtaine d’heures d’avion, dans un village sans réseau, sans hôtel, avec femme et enfants.
Elle a proposé de le suivre, supplié mais les yeux bleu roi sont devenus bleu froid opposant un refus catégorique.
Elle a cru devenir folle, de vide et de perte, de goût et d’envie, de destruction d’espoir et de rêve, ravagée, brisée, brûlée de l’intérieur, terre morte sans plus rien à planter, gâchis noir. Folle de chagrin.

Je la croise parfois en me rendant à mon travail, dans une des stations du métro où elle passe désormais son temps, d’un arrêt à l’autre, d’une ligne à l’autre, de rame en drame.
Maigre silhouette grise, frêle, voûtée, accablée, douloureuse, sans âge. Elle descend sur le quai, semble chercher quelque chose ou quelqu'un sans le trouver, tourne en rond un moment, désorientée puis remonte dans le métro suivant et sourit, s’éclaire d’espoir dés que l’alarme de fermeture automatique des portes retenti.
C’est en la voyant sourire que je l’ai baptisée Béa, comme Béatitude.
Le reste du trajet j’imagine que l’histoire que je lui ai inventée est vraie et je me prends à rêver qu’un jour, je vais la voir s’illuminer en descendant à la station, s’avancer dans la foule et s’apaiser contre ce qu’elle cherche en vain.



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Contraintes : plaisir - bleu roi - alarme RATP : lorsque les portes du métro se referment - mot dont on ne connait pas le sens = kakemphaton.

***

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Message  Invité Ven 13 Aoû 2010 - 19:17

Bien vue la récurrence de la contrainte via le signal sonore. Sinon, j'ai lu sans réel enthousiasme une première fois, puis plus convaincue après une autre lecture. En goûtant l'écriture, comme d'habitude. Je trouve que le récit - sur un thème à la fois essentiel et banal au possible - a du mal à décoller, à raconter ; en même temps je vois tout à fait pourquoi il en est ainsi.
La fin - avec le changement de sujet, procédé qui m'a plu parce totalement inattendu - est émouvante, peut-être trop rapide.
En résumé, je reste partagée, je ne sais pas si j'aime ou pas, je ne sais pas si c'est bon ou pas. Je ne me suis pas vraiment sentie impliquée dans l'histoire, il y a eu un frémissement mais il m'a manqué quelque chose pour vraiment pouvoir m'accrocher.

Sinon, sur le plan de l'expression : l'alarme retentit

Et je me demande s'il est vraiment correct de dire "A chaque fois", si on ne devrait pas plutôt dire seulement "Chaque fois" ?


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Message  Rebecca Ven 13 Aoû 2010 - 19:41

Pas mal ... vu les contraintes . Moi aussi j'ai bien aimé le retournement à la fin où l'on voit que l'histoire de Béa a été imaginée par un autre passager d'après son comportement étrange.
Bea qui du coup se met à ressembler furieusement à Isabelle Adjani dans Adele H, cette fille folle d'amour qui voyage et erre dans les rues à la recherche de son beau capitaine qui l'a rejetée , qui croit le voir à tous les coins de rue, et finit à l'asile.
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Message  silene82 Sam 14 Aoû 2010 - 10:30

Ouf, tu m'as rassuré, Reb', ça n'est pas la Bea de minijoe, il ne va pas nous monter un souk...
L'écriture est jolie, ornementée, souvent à la limite de la préciosité, ce qui ne me semble pas gênant. Mais je trouve l'histoire un peu longuette, engluée, tirant en longueur et me donnant l'impression qu'il a fallu pressurer le thème pour tenir la distance. Pour le kakemphaton récurrent, très bien trouvé et exploité.
Cela dit, je vais relire après décantation.
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Message  Kilis Lun 16 Aoû 2010 - 10:03

Ton écriture est limpide et agréable. Tu rends bien l’état psychique de ton personnage, son euphorie tendue, focalisée à l’extrême. Cependant, j’ai trouvé que ça se tirait en longueur car tu exprimes la même idée plusieurs fois avec d’autres mots mais sans apport supplémentaire. Vient ensuite l’histoire de la rencontre et des ébats tout cela est assez banal et l’idée des yeux bleus blancs rouge : bof, pour moi.
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Message  Invité Mer 18 Aoû 2010 - 19:25

entre manque et joie impatiente
impatience joyeuse ?
Sinon, j'ai aimé, le texte (hormis la fin) traîne un peu, ponctué des mêmes choses , mais dans l'amour il y a beaucoup de même. Du , Dubon, Dubonnet.

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Message  elea Mer 18 Aoû 2010 - 20:30

Je suis d’accord avec vous, ça s’étire en longueur, se traîne et se répète.
Mon inspiration pour une histoire avec mes contraintes était mince. D’habitude quand je relis, j’élague, je coupe, je circoncise et enlève jusqu’à un tiers du jet d’origine, là j’ai dû en ajouter pour me rapprocher des 10 000 signes, un comble !
Un grand merci à ceux qui ont pris le temps de me commenter.

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Message  Arielle Jeu 19 Aoû 2010 - 8:33

Oui, j'ai éprouvé la même chose que les précédents commentateurs. Répétitions qui tirent en longueur un texte qui serait sans doute beaucoup plus prenant si la contrainte des 10 000 avait été oubliée par l'auteur.
Pourquoi ne pas en tenter une réécriture en t'abstenant de tout comptage, en ne te fiant qu'à ton sens du récit avec les coupures que tu aurais faites si tu en avais eu la liberté ?

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Message  elea Jeu 19 Aoû 2010 - 19:48

Je suis psycho-rigide en matière de contraintes : on me demande 10 000 ? J'écris 10 000 !
Enfin non, 9300 et quelques...
Mais il existe effectivement une version épurée, la voici pour ceux et celles qui le veulent.

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Chaque fois qu’elle entend ce bruit Béa sourit, emportée dans les secousses de la rame, vers lui.
Ce n’est pas un signal de fermeture automatique des portes mais un kakemphaton comme elle l‘appelle, le klaxon qui déclenche la cacophonie des sens, sa clochette de Pavlov, un signal dédié.
Au bout il sera là : audible, palpable, visible, elle pourra le goûter à nouveau, humer son odeur, se perdre dans son regard : fin de la frustration.
L’alarme retentira une dernière fois, pour accompagner son bonheur et plus seulement le lui promettre mais elle l’entendra dans un rêve cotonneux. Parce qu’il sera là : une main la saluant, l’autre dans la poche, les yeux mi-clos, lumineux, se détachant de la foule et l’estompant, immobile, la laissant venir à lui, rocher solide contre lequel elle se rassurera, glissant ses lèvres sur les siennes, sentant la chaleur de son corps la submerger, l’attendrir et retrouvant son océan de tendresse, les paillettes d’affection brillantes de son iris bleu roi, l’étonnante braise de cette couleur glacée.

Béa l’a rencontré dans une grisaille fraîche, au milieu de la foule d’officiels d‘une cérémonie quelconque.
Il se tenait, tête baissée, parmi les autres, régulièrement secoué de petits tremblements. Elle s’est inquiétée, prête à siffler la sécurité pour l‘évacuer en cas de malaise mais quand il a relevé la tête, elle a compris qu’il tentait de réprimer une crise de fou rire. Et lorsqu’il a croisé son regard, elle s’est redressée d’un air entendu pour l’inciter à faire de même et retrouver son sérieux de circonstance, il a obéit dans un clin d’œil.
Pendant le long buffet solennel et barbant qui a suivi ils se sont cherchés du regard, dialogue sans paroles, leurs pas aimantés se sont rejoints à l’écart pour un baiser frissonnant et des caresses esquissées dans une ruelle intime.
Avant de retourner à leurs obligations, ils ont échangé un numéro de contact et ne l’ont plus perdu.
Deux jours après elle a reçu un message concis : le nom d‘une station de métro et une heure précise.
Sans réfléchir elle est allée au rendez-vous.
A chaque station, à chaque alarme, son désir a augmenté, excitation, impatience, préliminaires métropolitains rythmés par les accélérations et les coups de frein de la machine.
En un rendez-vous elle est devenue accro aux rails du métro, veines invisibles les reliant, toile d’araignée urbaine sur laquelle il la déplace depuis au gré de ses messages.
Et avec lui elle a connu le plaisir.
De la chair et des sentiments, de l’esprit et du corps, évanescent et brutal, onde perpétuelle, renversante, éparse et fusionnante à la fois, suppliant qu’il reflue un instant, pour reprendre pied, accalmie avant de repartir de plein fouet dans la tempête, effaçant l’espace, flottant dans un monde irréel et inexistant, un bout de temps figé, coupés du brouhaha extérieur, des couleurs et odeurs parasites, autres que les leurs, lui en elle pour n’être plus qu’un être, apaisement et sérénité, certitude et confiance, intimité et connivence, siècles d’éternité calme et douce puis impétueuse et violente, sous les regards perçants d’un royal bleu.

Pendant plusieurs années elle a vécu suspendue aux messages, semblables au premier, finissant par connaître par cœur les 300 et quelques stations, sachant à l‘avance la plus proche ou la plus languissante, essayant de deviner la suivante, pariant dessus pour passer l’attente, survivant entre deux, en manque.
Ses séjours horizontaux comme elle les nommait en plaisantant, des heures allongés l’un contre l’autre à discuter, rire, faire l’amour.

Les yeux bleu roi étaient affectueux, tendres, excités mais n’ont jamais été amoureux.
Il est parti.
Loin, dans un pays sans métro, dans un village sans réseau, avec femme et enfants.
Elle a proposé de le suivre, supplié mais les yeux sont devenus bleu froid, opposant un refus catégorique.
Elle a cru devenir dingue, ravagée, terre brûlée et morte, gâchis noir.
Folle de chagrin.

Je la croise parfois en me rendant à mon travail, à l’une des stations du métro, jamais la même, où elle passe désormais son temps, d’un arrêt à l’autre, d’une ligne à l’autre, de rame en drame.
Maigre silhouette grise, voûtée, douloureuse, sans âge.
Elle descend sur le quai, semble chercher quelque chose ou quelque un sans le trouver, tourne en rond un moment, désorientée puis monte dans le métro suivant et sourit, s’éclaire d’espoir dés que l’alarme de fermeture automatique des portes retentit.
C’est en la voyant sourire que je l’ai baptisée Béa, comme Béatitude.
Le reste du trajet j’imagine que l’histoire que je lui ai inventée est vraie et je me prends à rêver qu’un jour, je vais la voir s’illuminer en descendant, s’avancer dans la foule et s’apaiser contre ce qu’elle cherche en vain.

















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Message  Rebecca Jeu 19 Aoû 2010 - 19:57

Oui c'est plus dense c'est plus fort et j'aime toujours cette idée que toute l'histoire sort du cerveau d'un autre passager du métro.
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Message  Hegar Jeu 19 Aoû 2010 - 20:38

Je trouve la deuxième version plus intéressante et l'histoire est d'autant plus limpide dans son déroulement. Les émotions sont précises et multiples, peut-être trop "vives" à mon goût, mais bon vu que c'est un peu le thème... Très agréable à lire pour ma part, les deux.
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Message  Invité Ven 20 Aoû 2010 - 7:49

Sûr qu'on tourne moins en rond ; une tout autre approche avec ce récit blanc, factuel, distancé, sans que cela empêche l'impact de certaines phrases. Entre les deux mon goût balance...

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Message  Halicante Ven 20 Aoû 2010 - 16:13

J’ai trouvé l’histoire plaisante. La fin est très réussie.

J’ai relevé beaucoup de passages admirables :
« ses yeux assortis au drapeau, bleu royal, blanc immaculé et petites stries rouges »
« A chaque alarme son désir a augmenté, en cadence, promesses du plaisir à venir, préliminaires métropolitains rythmés par les accélérations et les coups de freins, les arrêts et les démarrages, intensifiant puis frustrant son désir. »
Les « rails du métro, veines invisibles reliant leurs âmes »

Le passage que j’ai le moins aimé :
« Plaisir de la chair et des sentiments, de l’esprit et du corps, (…) sous les regards perçants d’un royal bleu. » Un peu trop brouillon (même s’il s’agit de dépeindre le plaisir, j’ai trouvé que le mot revenait justement trop souvent.)

Pour ma part, la première version était très bien. Je trouve la seconde un peu trop rapide.
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Message  Invité Lun 23 Aoû 2010 - 20:11

Je n'ai pas lu la deuxième version, puisque je connaissais l'histoire, mais la longueur de la première ne m'a pas vraiment gênée, j'ai trouvé qu'elle correspondait bien à l'état d'affolement du personnage. Un bémol sur la répétition du mot "plaisir", que je trouve par moments trop insistante. Sinon, j'ai aimé cette intensité, cette simplicité, et la conclusion qui clôt en beauté la narration.

Mes remarques :
« le clin d’œil sonore retentit une dernière fois »
« la cérémonie commémorative d’un (et non d’une) armistice déjà lointain (et non lointaine) »
« l’alarme retentit une pénultième fois avant la récompense »

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Message  souricettedu.94 Mer 25 Aoû 2010 - 5:53

Tu écris avec talent si un jour tu es édité, ce qui me parais une évidence! fais le moi savoir j'aimerai t'avoir dans ma bibliothèque!
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Message  conselia Mer 25 Aoû 2010 - 15:05

souricettedu.94 a écrit:Tu écris avec talent si un jour tu es édité, ce qui me parais une évidence! fais le moi savoir j'aimerai t'avoir dans ma bibliothèque!

Pour ça, on sait déjà où cela pourrait se faire...
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Message  Roz-gingembre Mer 1 Sep 2010 - 20:13

Ma main au feu que cette Béa existe et même au pluriel. Une histoire banale, si tant est qu'une histoire dramatique puisse l'être.
J'ai aimé l'écriture, dont la lecture marque le rythme des sentiments avec des accélérations et des moments plus languissants.
Mais j'ai aussi trouvé que l'histoire tirait en longueur dans sa première version. La version courte me semble suffisante même s'il m'est difficile d'en juger juste après avoir lu le texte initial.
Mais c'est la chute que j'ai préférée. Inventer les histoires des gens juste sur quelques détails dans le métro, le bus, (chez le dentiste sur les sites internet...) Peut-être que le texte aurait gagné en accroches si tu avais progressivement intégré ce point de vue de spectateur : confier l'histoire des autres à son imagination. Beau thème que tu abordes là et qui donnerait certainement matière à gloser.
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Message  Gobu Mer 8 Sep 2010 - 14:01

Le métro n'est pas un lieu de partage, c'est un lieu de rassemblement. Des millliers de bernard-l'hermite, engoncés frileusement dans leur carapace de solitude partagée, quotidiennement s'y croisent, s'y esquivent, s'y frôlent, parfois s'y bousculent, presque jamais ne s'y rejoignent, leurs coquilles frottant l'une contre l'autre prduisent un bruit de foule. C'est le métro qui est en effet le personnage principal de ton histoire, et l'idée d'y arranger des rendez-vous galants au hasard du plan est séduisante. En revanche, l'intrigue principale flirte dangereusement avec la mièvrerie ; ils s'aiment, il la plaque elle se retrouve toute triste, on a lu - ou vu - cela mille fois. Même si en littérature tout est dans le traitement - ou dans le style ce qui est du pareil au même, il faudrait se garder de la banalité. Restent de nombreuses perles que d'autres ont relevées avant moi, et une fin nostalgique qui remet les choses à leur place : et si tout cela, je l'avais inventé ? Ce qui est pure vérité !
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Message  Sahkti Ven 10 Sep 2010 - 13:07

L’aspect par moments laborieux du récit colle plutôt bien au déroulement de l’histoire, ceci expliquant cela. Ce déroulement peut paraître long, à première vue, et pourtant, chaque élément finit par trouver sa place, donnant naissance à un ensemble cohérent.
Ceci dit, il y aurait sans doute certaines longueurs à corriger.

J’aime également l’option choisie pour la narration, ce regard double, pas réellement bluffant mais interpellant tout de même. C’est un truc qui marche bien, l’imagination par l’observation, j’adore ça !
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