Du brouillard sur l'estuaire
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midnightrambler
Jean Lê
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Du brouillard sur l'estuaire
Le renoncement au monde des formes est la voie royale qui mène à la cessation de la douleur, me disait toujours un moine bouddhiste qui avait ouvert une maison rouge dans Hanoï la close.
Le chalutier faisait relâche, le matin nous avions ravitaillé en biscuits à Nantes. Nous avions bien essayé d’abréger les adieux d’une alcoolade virile comme sait faire le fier marin, mais on a encore discuté avec des Pétula Perrault...
Bref, beurrés comme des petits Lu nous sommes parti vers un destin insolite sur les flots bleus de la grande Loire. Nous avons appareillé après avoir écrasé une larme et largué la dernière amarre à une bitte du quai de la fosse. A Nantes on l’appelle quai de la fesse, sans doute à cause du nombre de grues qui montent des palanquées de barriques et autre truc du même tonneau.
Dans le courant d’eau sans courant d’air nous avons hissé la voile qui s’est mise à pendouiller comme les seins de ma tante Agathe de Zurbaran.
C’est donc au moteur que le cap’tain a mit droit sur l’embouchure, cap au large !
Puis le brouillard s’est couché. En embouquant la sortie de l’estuaire il s’est épaissi. Peu après, dans un grincement sinistre on a ressentit un tremblement de mer. La coque venait de heurter un banc de sable où notre bâtiment s’était coulé.
Enfer et damenature ! c’est marée basse, a dit le cap’tain et on n’a pas de béquilles, rien à faire, y’a plus qu’à attendre qu’elle remonte, on a le temps de manger d'ici la renverse.
Après avoir préparé la tambouille dans la cambuse, on s’est installé dans la carré pour manger dans un silence religieux. Les rideaux ont commencé à se décoller des ouvertures des bannettes, puis les petits pois ont quitté un à un mon assiette de poulet pour rouler vers les gamelles des babordais. Le pire : j’ai vu mon rouge basculer tout seul de mon verre. Le chalutier a continué a s’incliner en douceur pour gîter à quarante cinq degrés.
Quand le mascaret nous a soulevé c’était la purée de pois jusque dans la carré. Sous le pont de St Nazaire on a juste vu l’écho de ses gros piliers sur l’écran du radar.
Quand on est arrivé sur la grande bleue il faisait déjà noir.
Le chalutier faisait relâche, le matin nous avions ravitaillé en biscuits à Nantes. Nous avions bien essayé d’abréger les adieux d’une alcoolade virile comme sait faire le fier marin, mais on a encore discuté avec des Pétula Perrault...
Bref, beurrés comme des petits Lu nous sommes parti vers un destin insolite sur les flots bleus de la grande Loire. Nous avons appareillé après avoir écrasé une larme et largué la dernière amarre à une bitte du quai de la fosse. A Nantes on l’appelle quai de la fesse, sans doute à cause du nombre de grues qui montent des palanquées de barriques et autre truc du même tonneau.
Dans le courant d’eau sans courant d’air nous avons hissé la voile qui s’est mise à pendouiller comme les seins de ma tante Agathe de Zurbaran.
C’est donc au moteur que le cap’tain a mit droit sur l’embouchure, cap au large !
Puis le brouillard s’est couché. En embouquant la sortie de l’estuaire il s’est épaissi. Peu après, dans un grincement sinistre on a ressentit un tremblement de mer. La coque venait de heurter un banc de sable où notre bâtiment s’était coulé.
Enfer et damenature ! c’est marée basse, a dit le cap’tain et on n’a pas de béquilles, rien à faire, y’a plus qu’à attendre qu’elle remonte, on a le temps de manger d'ici la renverse.
Après avoir préparé la tambouille dans la cambuse, on s’est installé dans la carré pour manger dans un silence religieux. Les rideaux ont commencé à se décoller des ouvertures des bannettes, puis les petits pois ont quitté un à un mon assiette de poulet pour rouler vers les gamelles des babordais. Le pire : j’ai vu mon rouge basculer tout seul de mon verre. Le chalutier a continué a s’incliner en douceur pour gîter à quarante cinq degrés.
Quand le mascaret nous a soulevé c’était la purée de pois jusque dans la carré. Sous le pont de St Nazaire on a juste vu l’écho de ses gros piliers sur l’écran du radar.
Quand on est arrivé sur la grande bleue il faisait déjà noir.
Jean Lê- Nombre de messages : 591
Age : 65
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 22/11/2010
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Une bonne bouffée d'air marin à la Kro est venu chatouiller mes narines !
Sur le quai, j'agite mon mouchoir, dans la plus pure tradition, pour saluer le talent !
Sur le quai, j'agite mon mouchoir, dans la plus pure tradition, pour saluer le talent !
Invité- Invité
AS.
Bonsoir,
On croit entendre le capitaine Haddock lorsqu'il n'était qu'un petit moussaillon ...
Merci de ce court récit des bords de Loire où la Biscuiterie Lefevre Utile est classée et où le Quai de la Fosse/Fesse a perdu beaucoup de son authenticité ...
Amicalement,
Midnightrambler
On croit entendre le capitaine Haddock lorsqu'il n'était qu'un petit moussaillon ...
Merci de ce court récit des bords de Loire où la Biscuiterie Lefevre Utile est classée et où le Quai de la Fosse/Fesse a perdu beaucoup de son authenticité ...
Amicalement,
Midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Une anecdote qui en dit long sur ce monde à part, avec le lexique et l'humour qui lui sont propres.
Invité- Invité
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Savoureux, pas un mot en trop et l’humour ne gîte pas, lui.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Tout un univers, un vocabulaire, une région que j'adore.
Texte superbe, poétique et délirant. Et... quelle belle gueule il a ce Jean Lê... sur son avatar !!!
Texte superbe, poétique et délirant. Et... quelle belle gueule il a ce Jean Lê... sur son avatar !!!
Re: Du brouillard sur l'estuaire
J'ai vogué sans encombre jusqu'à la cessation de la couleur.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Enfer et damenature ! Voilà un texte qui sent bon le rhum et les embruns !
Invité- Invité
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Entre un peu Jules Vernes et un peu Tardieu je ne me suis pas trop ennuyé.
Invité- Invité
Re: Du brouillard sur l'estuaire
Pas mal du tout !
Un brin chargé, peut-être, avec une volonté de mettre un paquet d'images dans un format court, ce qui fait que par moments, ça donne des airs forcés au trait mais cette impression est fugace car l'air marin emporte tout ça bien loin.
Un brin chargé, peut-être, avec une volonté de mettre un paquet d'images dans un format court, ce qui fait que par moments, ça donne des airs forcés au trait mais cette impression est fugace car l'air marin emporte tout ça bien loin.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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