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Lendemain de fête

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Message  ombre77 Jeu 10 Fév 2011 - 22:29

Déprime post alcoolique habituelle. Il est 7h55, j’ai ouvert les yeux vers 5 heures. La tête me tournait encore mais les idées noires n’ont pas tardé à surgir. Ma scène de jalousie clôturant la soirée, mon mal de gorge et mes poumons brûlants me rappelant l’urgente nécessité d’arrêter de fumer, mon mari en colère, mes fesses flasques, mon sexe ramolli, mes premières rides, nos problèmes d’argent… Bientôt 34 ans et rien accompli. Rien de rien. Ma jeunesse derrière moi, j’ai le sentiment que rien ne me reste. Je me sens déjà morte, je sens mon corps vieillir, la maladie me guetter, le temps s’accélérer année après année. A l’heure où l’on est censé désirer devenir mère, ne plus vouloir vivre seulement pour soi, je n’ai aucune envie. Je n’ai rien accompli mais je n’ai rien envie d’accomplir. Ma vie se déroule sans but, les journées passent sans qu’il ne se passe rien. Je ne parviens pas à prendre le contrôle, le temps seul est aux manettes. Je ne suis rien, je me sens vide.

Où sont passées mes belles années ? Dit comme ça, c’est un peu niais. Pourtant je n’arrive vraiment pas à comprendre où je suis passée, comment j’ai disparu. A 15 ans, j’étais déjà méchamment consciente de l’éphémère de ma situation. Je lisais l’envie dans le regard que les adultes portaient sur mon insolente adolescence : le corps bouillant, des rêves plein la tête, un monde infini de possibles à portée d’envie, où rien n’est encore décidé, rien n’est encore regretté. La mort est encore incertaine quand on a 15 ans. Le temps semble pouvoir s’étirer à l’infini. Mais scrutant le regard des adultes, je savais déjà qu’un jour le temps me manquerait. J’en profitais alors pour les toiser, leur jeter ma jeunesse à la figure tant qu’il en était encore temps.

Quand j’avais 15 ans, je n’étais pas très bien dans ma peau mais je savais que j’étais belle. Peut-être pas fatale mais suffisamment belle pour que la suite des évènements se déroule sans soucis majeurs. Suffisamment intelligente aussi, mais ça me paraissait moins important à l’époque. Je lisais beaucoup. Est-ce qu’à l’époque déjà ce que je trouvais dans les livres me paraissait plus réel que ce que je trouvais dans la vie ? Plus intense ? C’est peut-être ce que je cherchais, ce que j’attendais : vivre aussi intensément que les personnages des romans que je dévorais. Ma fibre dramatique me poussait à choisir des amis dramatiques : adolescents suicidaires, délinquants, handicapés… Les « cas sociaux » m’attiraient comme un aimant et je trouvais sexy les casquettes des « racailles ». Je trouvais si romantique la misère qu'on pouvait trouver dans les banlieues nantaises.

Si bien que je suis tombée amoureuse d'Erwan, petit punk paumé si touchant. Un écorché vif qui s’ignorait. L’introspection est un luxe qui ne pénètre pas tous les milieux. Sa mère travaillait à la chaîne dans la même usine depuis vingt deux ans. Vingt deux ans qu’elle coupait des durites au couteau, huit heures par jour. Le cerveau réduit en bouillie par ce boulot ahurissant. Son père était routier, il transportait des déchets et dépensait l’intégralité de son salaire dans les bars qui croisaient sa route. Sa petite sœur de 12 ans avait l'air un peu simplette, obèse en devenir et caractérielle, sa passion pour le maquillage (le sien) occupait tout son temps. Ses rapports avec son père étaient si explosifs qu’elle s’enfermait à clé dans sa chambre lorsqu’il était présent.

Tout ça me parut si exotique ! Et la perspective d’aider Erwan à sortir de ce milieu me paraissait plutôt excitante.

Nous avons vécu plusieurs mois de passion adolescente. J’ai rencontré ses amis, ses cousins, je me sentais bien avec eux. Sa mère se montrait incroyablement tendre et généreuse avec moi. Je lui ai présenté ma maison, ma famille. Et en dépit de la réprobation silencieuse de mes parents, il s’y sentait bien. Il fût mon premier amant. Ejaculateur précoce, vraiment très précoce… Mais bon comme je n’avais aucun moyen de comparaison, ça ne me paraissait pas vraiment anormal. Je trouvais même cette impatience à jouir assez flatteuse : je devais être vraiment irrésistible !

Je me suis tout de même rapidement lassée. Erwan était scolarisé dans un lycée professionnel où il ne mettait jamais les pieds, il passait ses journées à m’attendre dans un bar en face de mon école. En dehors de notre relation, sa vie paraissait vide. Et moi dans mon lycée privé, plutôt bourgeois, je rencontrais d’autres garçons, plus vifs, plus curieux, plus introspectifs. Plus intéressants. Ils m’éveillaient à la musique, chaque jour on me prêtait un nouveau CD, on me passait une cassette. Je commençais à délaisser les romans pour me plonger dans les albums des Smaching Pumpkins, Eels, Green Day, Pixies et autres Radiohead. Je chantais dans ma chambre sur les tubes de Nirvana. Je me sentais devenir intéressante. On se réunissait le week-end pour regarder des clips ou des vidéos de concert en fumant nos premières cigarettes. On discutait beaucoup, on riait, on flirtait. Mon petit ami punk me paraissait de moins en moins exotique et de plus en plus paumé. Je me suis rapprochée de Clément, un grand brun stylé, esthète, cultivé, passionné par la musique. J’ai rompu brutalement avec Erwan en lui promettant que nous resterions amis. Et j’ai couché avec Clément. Puis prise de pitié et de remords je me suis réconciliée avec Erwan qui continuait d’errer, désespéré autour de mon lycée. Au grand damne de Clément qui m’écrivit alors une de ces lettres dont seuls les adolescents ont le secret, m’expliquant combien il m’aimait et combien je l’avais fait souffrir. On n’a pas le droit de jouer comme ça avec les gens il disait.

Ma vie avec Erwan s’est donc poursuivie ainsi. En l’aimant un peu comme un petit frère que je devais protéger et en profitant au passage de son salaire plus consistant que mon argent de poche hebdomadaire : il avait officiellement quitté l'école et travaillait dans la même usine que sa mère. Nous avons commencé à écouter de la musique ensemble, il m’a fait découvrir et aimer les poètes Noir Désir et les bruyants Fugazzi, je lui faisais écouter les envolées orgasmiques de Radiohead et les mélodies hypnotiques de Ride. Il ne s’est plus jamais endormi sans ses écouteurs sur les oreilles, s’abandonnant au son de ces groupes de génie. On écoutait nos CD affalés sur son couvre-lit en faux zèbre, on mangeait des glaces sur le balcon en regardant les voitures de ses voisins aller et venir, et on riait. Beaucoup.

Erwan se révélait peu à peu doté d’une vraie sensibilité artistique. Il s’est mis à la guitare après avoir rencontré mes amis «gratteux» du lycée. Puis nous avons monté un groupe : lui à la basse, son meilleur ami Tony à la guitare, mes camarades de lycée Alexandre et Matthieu à la guitare et à la batterie, moi au micro. Pendant quatre ans, nous avons répété quatre heures chaque samedi, tout d’abord dans la grange de mon grand-père puis dans un vrai studio de répétition. Quand j’y réfléchis, je me dis que c’est bien la seule activité qui m’ait réellement motivée jusqu'à aujourd'hui. Ces répétitions, ces quatre heures dont nous disposions totalement, nos compositions « noisypoprock », ma voix dans les enceintes… Là encore tout était possible, nous pouvions encore devenir célèbres. On attrape vite la grosse tête à vingt ans, surtout quand on commence à être reconnu dans la rue et qu’on a l’impression d’évoluer dans un petit monde d’artistes qui a tout compris de la vie… On a donné quelques petits concerts et puis petit à petit le groupe s’est dissous, ma rupture avec Erwan scellant définitivement son sort.

Je l’ai quitté peu après mon entrée à la fac, cinq ans après notre rencontre, on avait en quelque sorte grandit ensemble mais le fossé s’était irrémédiablement creusé. On ne faisait définitivement plus partie du même monde. J’évoluais avec aisance dans le milieu universitaire, je commençais à penser plus sérieusement à mon avenir. Erwan me donnait l’impression de faire du sur place. Mes amis étudiants n’avaient aucun point commun avec lui. Sans doute déjà un brin paranoïaque, je sentais parfois peser leur regard interrogateur sur notre couple. Et puis j’avais besoin d’autre chose. C’est une fille que je connaissais à peine, Nora, qui un jour m’a dit que dans la vie, il valait mieux souffrir que ne rien ressentir. Et moi je ne ressentais plus rien. Après avoir passé des mois à rassembler l’énergie nécessaire, j’ai donc quitté Erwan. Et je n’ai même pas souffert. Lui m’a répondu dans un sanglot que je l’avais laissé goûter un gâteau délicieux auquel finalement il n’avait pas droit. Mais j’étais déjà ailleurs.

J’étais déjà dans les bras d’autres hommes. Le soir même je goûtais à un autre sexe, une autre peau, un autre souffle. Et le lendemain, je recommençais. En l’espace d’une journée, j’étais devenue comme irrésistible. Les hommes se retournait sur moi dans la rue, j’étais sans cesse accostée, invitée, complimentée… Moi qui avais laissé de côté ma vie sexuelle pendant cinq ans, je répandais mes phéromones à tous vents. Et les mâles répondaient. J’ai multiplié les partenaires, comme pour rattraper le temps perdu. Louis, le premier, est tombé amoureux de moi mais lui aussi je l’ai laissé pour d’autres. Dimitri, Djamil, Stefan, Yann, Olivier…

Erwan est mort quatre ans plus tard. Quelques mois après être devenu papa d’un bébé qui de toute évidence et à sa grande surprise n’était pas le sien. Ce soir là, ils faisaient la fête, tout le monde était déjà saoul quand les enceintes ont rendu l’âme. Pas question de poursuivre la soirée sans musique : Erwan a pris sa voiture pour aller en chercher de nouvelles. Il n’est jamais revenu.

C’est la voix sourde de Tony qui m’a annoncé le décès au téléphone. Je ne sais pas ce qui m’a fait le plus mal : sa mort ou le bébé que sa copine avait conçu avec un autre. Savoir qu’il ne resterait finalement rien de lui, à part ses photos et sa voix sur quelques vieilles cassettes enregistrées en répétition. Erwan, mon petit punk paumé. Perdant sur toute la ligne. Mort à 27 ans. Comme Kurt Cobain. J’étais plus dans sa vie, je l’avais utilisé puis jeté. J’étais plus là pour veiller sur lui. Il s’était totalement planté. Je me sentais coupable. Sa dernière phrase sur le gâteau résonne encore aujourd’hui dans ma tête.

J’ai pris sans hésiter le premier avion pour assister aux obsèques qui se tenaient à Rennes. J’y ai retrouvé mon ancien groupe, sa famille et ses amis qui m’ont accueillie à bras ouverts. Je me suis blottie contre Tony. Un morceau de Noir Désir passait dans la petite salle pendant que le cercueil brulait…

Je n'ai pas peur de la route
Faudrait voir, faut qu'on y goûte
Des méandres au creux des reins
Et tout ira bien

Le vent l'emportera

Ton message à la grande ourse
Et la trajectoire de la course
A l'instantané de velours
Même s'il ne sert à rien

Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera

La caresse et la mitraille
Cette plaie qui nous tiraille
Le palais des autres jours
D'hier et demain

Le vent les portera

Génétique en bandoulière
Des chromosomes dans l'atmosphère
Des taxis pour les galaxies
Et mon tapis volant lui

Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera

Ce parfum de nos années mortes
Ceux qui peuvent frapper à ta porte
Infinité de destin
On en pose un, qu'est-ce qu'on en retient?

Le vent l'emportera

Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi


C’est sa petite sœur, devenue belle, qui avait choisi la musique. Il n’y aurait pas eu meilleur choix. J’ai mis des années avant de pouvoir réécouter cette chanson. Je frisais la crise d’hystérie dés que je tombais dessus à la radio. Et en relisant ses paroles je comprends un peu le vide de mon existence. La mort d'Erwan a fini d’engloutir ma jeunesse, j’avais 26 ans et je comprenais qu’il y avait une fin, que tout n’était pas possible et qu’il fallait faire avec.

L’insouciance n’est plus là, on fait semblant mais on ne leurre personne. On fume et on boit pour oublier. On préfère se faire du mal plutôt que subir le temps qui passe. Je fume et j’attends mon cancer. Je mange mal, je ne fais pas de sport, j'évite le grand air et je stresse au maximum. La mort ne m’aura pas par surprise, je lui prépare le terrain. Je cultive mon indifférence à la vie pour ne plus avoir peur de la perdre. Je cultive aussi mon indifférence aux autres. Et je m’en sors plutôt pas mal.

J’ai la nausée, putain de gueule de bois… Hier soir encore j’ai simulé l’insouciance. Je suis super bien dans ma peau, regardez comme je danse ! Regardez comme je ris ! Et pourtant la peur d’être invisible me tenaillait, le sentiment de ne pas être vraiment là me ravageait les entrailles, ma difficulté à entrer en relation avec l’autre achevait de me déstabiliser. Mais je souriais et je dansais. Illusion accomplie ! Je peux rentrer chez moi et me laisser tomber de sommeil, ne plus penser à rien. Ah si, je n’ai pas pu résister au profond sentiment de jalousie que j’ai éprouvé face à la vitalité de l’ex de mon mari pendant toute la soirée. Elle riait et dansait. Et chez elle, ça paraissait vrai. Dans la voiture, j’ai demandé à mon mari si elle lui plaisait toujours. J’avais cru surprendre son regard sur elle à plusieurs reprises. Et ça m’avait fait mal. Quand on est une ombre, on a du mal à croire qu’on est encore désirable. J’ai reproché à mon mari ses regards supposés. Il s’est mis en colère. On est rentré sans se parler, j’ai tout juste trouvé la force de bredouiller quelques excuses minables avant de sombrer au fond du lit. Je le regardais dormir lorsqu’il s’est réveillé ce matin. Nos regards se sont étrangement croisés pendant quelques instants, puis plus rien. Il a quitté la maison sans un mot. Il finira probablement par me quitter. Mais comme la mort, il ne m’aura pas par surprise. J’aurai moi-même réuni tous les éléments pour être détestée.
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Message  midnightrambler Ven 11 Fév 2011 - 0:45

Bonsoir Ombre,

J'ai lu votre texte avec beaucoup d'intérêt.
L'écriture est très soignée ... un peu trop pour le sujet ?
Le texte est court mais on sent que vous avez la capacité de le développer.
Deux ou trois thèmes sont abordés avec talent et pourraient être étoffés : la culture punk et sa musique, l'opposition entre le monde d'Erwan et celui de la narratrice en se demandant d'ailleurs pourquoi elle est aussi "soft" ...
"Vingt deux ans qu'elle coupait des durites au couteau, huit heures par jour." Plusieurs détails - qui ne s'inventent pas - comme celui-ci donnent une grande réalité au récit ...
Pour vous redonner le sourire encore (beau pléonasme) : on peut à trente-quatre ans arrêter de fumer et, à toutes fins utiles, se muscler les fesses et le clitoris ...

Une remarque : au grand dam ?

BIENVENUE SUR VOS ECRITS !

Amicalement,
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Message  boc21fr Ven 11 Fév 2011 - 4:47

ombre77 a écrit: Ma vie se déroule sans but, les journées passent sans qu’il ne se passe rien. Je ne parviens cherche pas à prendre le contrôle, le temps seul est aux manettes. Je ne suis rien, je me sens vide Être.

ça c'est tout moi dans mes meilleurs jours.

Étonnant comme quelques phrases peuvent bien résumer le caractère d'un personnage. Et d'infimes changements altérer en profondeur la façon dont il éprouve, subit, s'exalte ou jouit du fait d'exister.
Le mode de narration "résumé de journal intime" n'est pas ma tasse de thé, car si le breuvage a bien le gout amer d'une vie que l'on aurait voulue pleine de saveurs un peu plus sucrées, il rend difficile l'identification au personnage principal, ce qui me fait compatir en tant qu'élément extérieur au récit au lieu d'éprouver avec lui exaltations et gueules de bois, rêves et déceptions.
Une synthèse prometteuse à développer sous un mode plus dynamique et vivant à mon sens.
Bienvenue sur VE !
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Message  Invité Ven 11 Fév 2011 - 9:17

Etat des lieux assez réaliste et fort bien rendu, pour une génération dont je me dis rétrospectivement que leurs soixanthuitards de parents auraient dû réfléchir un peu que si tout est donné d'avance il n'y a plus rien à conquérir...
Mais là n'est pas le propos : texte efficace, convaincant, qui appelle une suite, à mon avis.
Et bienvenue sur VE.

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Message  Invité Ven 11 Fév 2011 - 9:57

J'ai décroché à partir du décès de Erwan, ou plutôt j'ai survolé la suite sans surprise, je connaissais le texte d'avance, j'en ai lu plein comme ça. La petite histoire se répète presque mot à mot d'une génération à l'autre, remplacer Nirvana et Radiohead par Genesis, Zappa ou Pink Floyd...
Et puis le côté confession, auto-analyse m'a dérangée.
J'admets toutefois avoir plutôt apprécié l'écriture sèche et sans fioritures, elle colle bien à la désillusion de la narratrice.

une remarque : "au grand dam"

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Message  ombre77 Ven 11 Fév 2011 - 16:36

Merci beaucoup pour vos retours et vos messages de bienvenue ! Ça me redonne encore effectivement le sourire ^^
Easter et Boc, je suis plutôt d'accord. C'est pour cette raison que mes textes finissaient jusqu'ici toujours à la corbeille : la banalité du propos et le côté journal intime d'ado me sautait aux yeux à la première relecture... En même temps j'essaie de restituer avec un maximum d'honnêteté mon ressenti. Je vais essayer d'ouvrir le récit (plus de descriptions ?) je ne sais pas encore comment, pour dépasser le côté égocentrique et auto-analytique.
J'ai aussi bien envie de tenter de développer le texte. J'avais fait plusieurs coupes, notamment la description de l'appartement (kitch) des parents d'Erwan. Peur de passer pour snob, d'avoir l'air d'être dans le jugement... J'ai aussi "censuré" quelques passages pour respecter les règles du forum. Bien sûr, je pense qu'une suite est envisageable...
Midnightrambler, une petite question : je n'ai pas bien compris ce qui était soft, la narratrice ou l'opposition entre les deux mondes ? Pour ce qui est du sport, j'y penserai !
Je prends bien note : au grand dam.
Merci encore.
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Message  Yugoski Ven 11 Fév 2011 - 17:06

Sincèrement, j'ai frissonné en lisant ce texte et mes yeux étaient humides. Si tu as besoins d'un petit jeune pour oublier le temps qui passe je suis là ^^ J'imagine que mon destin ne sera pas plus joyeux que celui de ton personnage :-)

Et puis je me suis un peu reconnu dans cette personne qui lit des bouquins et se surprend à rêver d'une vie aussi intense. Moi aussi, j'aime les cassos, les gens qui galèrent, je les trouve 100 fois plus intéressant que des gens a qui tout sourit, peut-être par jalousie, qui sait.

En tout cas, si c'est autobiographique, t'as réussis ta vie : avoir une existence si intense qu'elle puisse être retranscrite sur papier et transmettre de nombreuses émotions.

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Message  elea Ven 11 Fév 2011 - 23:55

Le texte est ancré dans une époque par la musique et certaines idées, l’écriture est agréable, elle sait se faire oublier au service de l’histoire. Certains passages sont prenants et l’impression d’ensemble est globalement plaisante.
Mais je n’ai pas pu adhérer, peut-être parce que je ne suis pas en accord avec certaines choses énoncées, gênée par d‘autres, juste un problème de visions différentes, personnel donc.
Ce qui prouve que le texte ne m’a pas laissée indifférente !
Bienvenue.

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Message  Jano Sam 12 Fév 2011 - 14:27

Ca faisait un moment que je n'avais pas autant accroché sur un texte. Peut-être parce que je me suis reconnu dans certains traits d'Erwan et de son adolescence à la dérive, si bien retranscrite. Ce côté journal intime aussi me plaît bien, voir l'évolution d'un individu se débattant entre doute et espoir est intéressante. Enfin cette conclusion, pessimiste mais tellement vraie sur la vacuité de l'existence. Le tout au service d'une écriture impeccable.
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Message  ombre77 Dim 13 Fév 2011 - 15:46

Merci à Yugoski, Elea et Jano pour vos commentaires.
Je vous avoue qu'être lue pour la première fois est assez émouvant... surtout par d'autres plumes, plus aguerries, plus "pointues". Vos retours m'encouragent et me donnent de vraies pistes pour avancer. En attendant, je vous lis, je découvre vos textes et poèmes... et c'est un vrai bonheur !
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Message  Curare Dim 13 Fév 2011 - 17:56

Merci à toi Ombre77..

-J'avais 1 journal intime..
Et par 1 jour de rage incontrôlée
j'ai jeté tous mes écrits-

L'émotion ressentie s'installe comme 1 empreinte au fil de la lecture,
Et le souvenir de Noir Désir surgissant comme la menace de la culpabilité..

Profite de la vie m'a-t-il dit ..
Et pour le reste, en volées littéraires

Et nous nous envolerons

J'écoute Saez, c'est pas mal aussi ..
Noir désir ne reviendra pas nous hanter..

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Message  midnightrambler Dim 13 Fév 2011 - 22:07

Bonsoir,

C'est l'opposition qui est "soft" dans mon esprit ! Mais la narratrice l'est peut-être aussi ...
Je voulais développer, mais non ! Je n'en sais finalement pas assez sur le monde de la narratrice ....

Amicalement,
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Message  ombre77 Ven 18 Fév 2011 - 11:24

Merci pour ton joli commentaire Curare. J'ai écouté Saez que je connaissais vaguement. Ses textes sont beaux mais j'ai un peu de mal à accrocher sur le personnage (je n'accroche heureusement pas plus sur le personnage de Cantat aujourd'hui...) Merci pour la précision Midnightrambler, je retravaille mon texte dans ce sens. En attendant voici la suite champêtre de mes divagations post-alcooliques...
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Message  ombre77 Ven 18 Fév 2011 - 11:36

Ma mère vient d’appeler, j’essayais de dormir en vain quand le téléphone a sonné. Je me suis raclé la gorge avant de décrocher, mon allo se voulait léger mais je fus démasquée dés la première syllabe. Quand elle m’a demandé ce qui se passait, je n’ai pu m’empêcher de sangloter comme une fillette. Il ne se passe rien. C’est comme ça. Déprime de lendemain de fête, quand on est trop faible pour refouler au loin sa tristesse. Et puis entendre la voix de ma mère… Plus de 3000 kilomètres nous séparent. J’ai tout fait pour vivre loin, toujours plus loin. Et aujourd’hui j’aimerais pouvoir redevenir la petite fille qui élevait des coléoptères et attrapait des bourdons dans la lavande du jardin.

Petite, jamais je ne m’ennuyais. Mon goût déjà prononcé pour la solitude me faisait passer des journées entières allongée dans l’herbe ou fouillant dans les buissons, avec pour seule compagnie les sauterelles, les pucerons, les grillons, les fourmis… La nature m’émerveillait, tout était là, à portée de main. Le jardin regorgeait de trésors, il suffisait de savoir regarder. Et je n’avais besoin de personne pour accéder à toutes ces merveilles.

J’observais les insectes pendant des heures, je les traquais, les emprisonnais dans des bocaux dont j’avais percé le couvercle. Puis je les relâchais, un tantinet grisée dans ma toute puissance à leur confisquer puis à leur rendre la liberté. Je scrutais le moindre détail anatomique de ceux que j’avais trouvés morts sur la lame de mon microscope. Ce microscope, je l’avais tellement désiré ! Mes parents l’avaient enfin déposé au pied du sapin cette année là. A travers la lentille, j’avais parfois l’impression d’observer un extra-terrestre, ou bien un concentré de haute technologie. Je notais mes observations sur des fiches puis recoupais avec les encyclopédies de la nature que je trouvais dans la bibliothèque de mes parents. Je rêvais de devenir biologiste, ou plutôt une célèbre entomologiste qui découvrirait de nouvelles espèces de coléoptère en Amérique du Sud !

Mon plus grand bonheur à l’époque : mettre la main sur un cocon ou une chrysalide de papillon et attendre patiemment la métamorphose, des jours durant. Ils se logeaient souvent sous les appuis de fenêtre, c’était facile. Et là j’essayais de deviner l’espèce de papillon qui se cachait à l’intérieur. Je fouillais dans les livres puis trépignais d’impatience jusqu’à ce que la transformation aboutisse. Mes préférés étaient les bombyx, il y en avait de toutes sortes et ils n’avaient pas la fragilité des autres papillons. Leur aspect robuste me rassurait. Car j’avais toujours quelques craintes quant au devenir de ces nouveau-nés une fois envolés.

Je reste encore aujourd’hui fascinée par la nature, même si mes occupations d’adulte me laissent peu de temps pour la contemplation et que mes angoisses me font redouter la moindre promenade en forêt. Le grand air et les grands espaces m’asphyxient. Sans doute me renvoient-ils trop violement à l’étriqué de l’existence que je me suis construite.
L’autre jour, j’ai trouvé un tout petit gecko dans la maison. J’ai passé près d’une heure, en pleine nuit, à faire sortir le minuscule lézard rose et blanc sur le balcon. Je ne voulais pas le laisser à la merci de mon chat et j’avais très peur de le blesser tant il paraissait délicat. Je me suis donc évertuée à le faire monter sur un bout de carton que j’ai ensuite posé à l’extérieur. C’est dans ces rares petits moments, qui sembleraient dérisoires pour beaucoup, que j’éprouve encore un semblant de plaisir et de satisfaction.

Je n’ai pas pu devenir entomologiste, ni éthologue. J’étais trop mauvaise en maths et en physique. Mes bonnes notes en biologie ne suffisaient pas pour intégrer une première S. J’ai passé un bac L. Puis j’ai intégré la fac de Psychologie sans trop savoir ce que je ferais par la suite.

Je regarde la mer par la fenêtre, elle me paraît si loin. Le ciel bleu ne parvient pas à me réconforter. Le printemps approche et il me fait déjà peur. L’été suivra avec son cortège de légèreté imposée. Le spleen est encore plus insupportable sous le soleil. Il devient indécent. Si heureuse autrefois, lorsqu’allongée dans l’herbe je laissais les premiers rayons du soleil caresser ma peau blanche, je ne supporte plus d’entendre les gens se réjouir de l’arrivée du printemps. Comment se réjouir du temps qui passe…

Quand mon mari est rentré hier soir, il était triste. Juste triste, pas fâché. Il m’a demandé ce qui se passait, pourquoi je faisais toujours tout pour gâcher les bons moments. Il m’a demandé si ma joie de vivre exprimée pendant la soirée de la veille n’était qu’une mise en scène. J’ai répondu que oui et il m’a décerné l’Oscar de la meilleure actrice. Comme quoi, on finit par maîtriser son sujet…

Je me cache depuis tellement longtemps que moi-même parfois je ne sais plus qui je suis, de quoi je suis faite. Quelles sont mes valeurs ? Quelle est mon histoire ? Quels étaient mes rêves ?

Mon mari attend des explications. Je tente d’exprimer mes peurs, la perte de sens… je lui demande pardon, je balbutie, je fonds en larmes. Découragé, il tente de m’expliquer pourquoi je n’ai rien compris. La vie est un océan de possibilités, on n’a pas le droit de la laisser passer comme ça ! Il me dit qu’il est là pour moi, qu’il m’aime et qu’il est malheureux de me voir si triste. Ses paroles me réconfortent, ma gueule de bois se fait moins présente et j’ai envie de croire de nouveau à cet infini de futurs. Certains pourront être choisis, d’autres s’imposeront à nous. C’est ça la vie Bébé… En attendant, s’il te plait, ne tente plus de provoquer les catastrophes et fais un peu attention à toi.

Ce soir, j’ai aussi reçu un mail de ma tante. Les nouvelles vont vite dans la famille… « Allez ma chérie ! Après la pluie, le beau temps ; après l'hiver, le printemps qui arrive en ce moment ; les bons jours sont devant toi et aussi quelques moins bons, normal, mais pas de panique ! » Et oui, le printemps… Deux heures avant j’aurai simplement fermé ma boite mail, mais là j’ai quand même répondu merci.

Portée par la culpabilité, j’accumulais toute la soirée les gestes tendres envers l’homme qui semble veiller sur moi depuis quatre ans. Je me suis couchée tôt. Mon visage ravagé dans le miroir au moment du démaquillage me fit encore un instant repenser au passé. Il fût un temps où pleurer des heures ne suffisait pas à me rendre laide. J’ai mis un peu de tenseur sous mes yeux bouffis et je me suis glissée sous les draps avec l’impression étrange d’être de nouveau la veille. Comme si cette journée n’avait pas existé.

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Message  ombre77 Ven 18 Fév 2011 - 11:40

Petite correction : violemment.
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Message  elea Ven 18 Fév 2011 - 21:51

J’ai aimé tout ce qui concernait la nature et les insectes, le ton est juste, servi par une belle écriture, et ce sont des passages apaisés, plus sereins, ce qui fait du bien au milieu de cette introspection aux parfums déprimés.
Le spleen et la quête de sens se font par endroits un peu pesants à mon goût, mais la légèreté des papillons donne un joli souffle d'air à l’ensemble.

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Message  midnightrambler Sam 19 Fév 2011 - 0:46

Bonsoir Ombre,

Ces deux textes forment une suite d'allers et retours entre le passé et le présent, entre le calme et l'agitation.
L'écriture épouse les situations et les sert avec réalisme.
L'évocation du passé qui se fige peu à peu dans une immobilité qui gomme les moments sombres et difficiles et magnifie les période de calme et de félicité permet d'aborder le présent qui deviendra, lui aussi, un souvenir ... des souvenirs ...
Le passé se double d'un éloignement et d'un isolement géographique que même le directeur général du FMI avouait aujourd'hui supporter difficilement parfois.
Une lecture qui ne laisse pas indifférent car elle nous renvoie à nos échecs et à nos demi-succès ... quant à nos succès, nous les avons oubliés depuis longtemps !
La narration se déroule sur un fond d'exotisme - le Liban manifestement - et présente des aspects originaux : l'observation du monde des insectes - quelle horreur ! pour certains, mais tout le monde a vu Microcosmos - et la musique punk/rock de la fin du XXe siècle ...
J'attends la suite ... la loupe à la main !

Amicalement,
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Message  Jano Sam 19 Fév 2011 - 13:17

Ton deuxième texte renforce l'impression du premier. Il semble que tu te débats dans les affres de la dépression, celle qui ronge insidieusement et détruit l'envie de vivre. Mais peut-être aussi, je l'espère pour toi, tout ceci n'est qu'artifice littéraire, genre dramatique délibérément choisi.
Une chose est sûre, ces écrits passionnants prouvent que tu as encore beaucoup d'énergie, d'élan vital, que tout est loin d'être éteint en toi.

Bien aimé le passage sur les insectes en parallèle avec la curiosité sans borne des enfants.
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Message  ombre77 Jeu 24 Fév 2011 - 23:21

Merci pour votre lecture et vos commentaires... Voici donc la suite. Bien pesante, je vous aurai prévenus ! J'essaie de rester cohérente avec ma ligne dramatique ^^ Et puis si le président du FMI lui-même... alors allons-y franchement !
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Message  ombre77 Jeu 24 Fév 2011 - 23:24

Mon passé envahit sans vergogne mon présent. Sans relâche, sans jamais prévenir, il s’impose dans ma tête comme s’il était chez lui puis il s’installe dans mon quotidien avec tout son bordel.

Il est huit heures, je prépare mon café, ajoute un peu de lait en poudre et porte le mug jusqu’à la table du salon. Les mains de Djamil serrant les miennes sur le quai de la gare à Nantes. Je me dirige vers la salle de bain, retire mon T-shirt. Ma petite cousine de neuf ans m’annonçant en pleurant le décès accidentel de son père. Je fais couler l’eau chaude, règle la température et entre dans la baignoire, je ferme les yeux. Erwan, assis sur le canapé dans le salon de mes parents, avec ses rangers et son drôle de regard sur moi.

Je quitte la maison, marche quelques minutes puis hèle un taxi. Le parking du campus des sciences humaines, au Petit Port, un après-midi ensoleillé de mars. Je me rends à la fac, rue de Damas, pour mon tout premier cours, j’appréhende un peu, je ne sais pas combien d’étudiants seront présents pour m’écouter… Serai-je à la hauteur, serai-je crédible ? Les beaux yeux de Loïc, ses polos Adidas et ses Converses au bar du Remorqueur. Je regarde défiler les rues de Beyrouth, la radio diffuse de la vieille variété française que je ne connais même pas. Les musiciens du groupe Dolly sur scène avant que Mickaël, le bassiste ne se tue en voiture, lui aussi.

Puis… les poutres de mon appartement à Toulouse. La place du Capitole et le Moncaf’ reconverti depuis en Sephora. Les fins cheveux blonds de mon amie Steph. Les boîtes de nuits Barcelonaises. L’appartement en désordre de Louis sur le boulevard Dalby. Ma meilleure copine Claire et nos poupées invisibles jouant entre les racines des arbres de l’école St Joseph. Les cours de fitness, les fragrances mêlées de déodorants, de shampoings et de produits d’entretien dans les vestiaires. Le bien être après l’effort et la douche quand je retrouve la moiteur de la rue et que je parcours les rues pavées jusqu’à mon petit duplex de la place Wilson. Les soirées Hip Hop au Nouveau Casino. La bouche de Gerald sur mon ventre, mes vagues protestations, juste avant de m’abandonner totalement dans une cage d’escalier… j’ai décroché.

Des flashs, des bribes, des images, des odeurs, des visages, des sensations, des impressions surgissent continuellement, m’empêchant de vaquer à mes occupations quotidiennes. Sans répit, à longueur de journée, ce que j’ai été, les gens rencontrés, les lieux fréquentés, les amitiés faites et défaites, les amants... Dans ma tête, les morceaux de souvenirs se jouent en désordre, s’enchaînent, se succèdent sans logique et sans repos.

C’est ainsi que j’échappe à mon présent qui se fait de moins en moins présent, grand perdant dans la bataille contre les souvenirs. Je n’arrive pas à avancer, le passé me tire en arrière, il se rappelle à moi quand je fais des projets. Je le sens s’agripper dans mon dos, tirer sur le tissu de ma veste. Il m’interpelle en chuchotant… Hé ! Pssst… C’est moi ton passé ! Je suis là, ne m’oublie pas… je suis ce que tu as été. Je suis ce que tu es aujourd’hui. Tu es faite de moi, tu ne peux rien faire sans moi. Je suis toi. Tu n’es que ton passé…

Mon présent ne me convient pas, je ne vois aucune autre explication à cet envahissement.

Mes souvenirs s’arrêtent à Paris, un jour de décembre 2005. Ce qui suis… je m’en souviens mais je ne m’en rappelle pas. Ce qui suis n’est plus vraiment important. Je me suis juste laissée portée, enlevée, virevoltée. Vivotée. Je n’ai plus vraiment décidé de ce que je voulais. Tout es devenu pastel, cotonneux, imprécis… J’ai saisi la première main tendue qui m’ait parue assez honnête et je me suis laissée faire. J’ai tout fait pour m’inscrire dans la normalité et je me suis composé un petit rôle qui ne fait pas de vague. J’ai cessé d’écouter de la musique. Je me suis plongée dans le travail, puis dans le mariage. J’ai évité de penser. J’ai pris mes psys pour des cons et préféré jouer la carte de l’anesthésie générale. Je me suis intégrée dans un petit monde très conventionnel dans lequel je me sens comme une extra-terrestre. J’ai fini par me persuader que c’était la seule façon de supporter l’existence : la survoler de façon légère, en évitant de s’impliquer. Comme les papillons de mon enfance. En un peu moins éphémère.

Et c’est ainsi que petit à petit je suis devenue une ombre.
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Message  midnightrambler Ven 25 Fév 2011 - 1:12

Bonsoir Ombre,

Je ne connais pas beaucoup Toulouse, mais j'ai vécu la décennie 60 à Nantes ...
J'ai vécu l'expatriation (quatre ans à Londres, ville super sympa et quatre ans à Douala/Cameroun, ville un peu moins sympa !) ...
Nous pourrions trier ensemble quelques souvenirs ...
Faire en sorte que le futur, optimiste et porteur de projets plus excitants et valorisants les uns que les autres, prenne aujourd'hui toute sa place et empêche le passé d'envahir le présent puis le repousse là où il doit rester sans trop se manifester : sur un vieux disque dur dans une unité centrale remisée au grenier ...
Mais je ne suis pas sûr qu'ici soit le lieu idoine ...

Amicalement,
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Message  elea Ven 25 Fév 2011 - 19:35

J’aime bien cette manière d’entremêler le présent et le passé en montrant comment petit à petit il grignote tout l’espace de la pensée. C’est bien retranscrit.
Peut-être que cela aurait eu plus de force s’il y avait eu plus souvent un rapport entre le moment présent et le souvenir qu’il suscite, comme avec le campus et la fac de Damas.
Même si, par la suite, il est dit qu’il n’y a ni logique ni repos, j’ai eu du mal à imaginer ces souvenirs qui surgissent, autonomes, sans que rien, une odeur, une couleur, ne les déclenche. Mais ce n’est que mon ressenti et ça fonctionne quand même comme ça.
Le paragraphe sur le passé, selon moi est un peu en trop : tu as parfaitement démontré que le passé se rappelait à la narratrice, je crois que ce n’est pas nécessaire de le formaliser encore plus en le disant explicitement.
Mais dans l'ensemble j'ai bien aimé ce passage.

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Message  Invité Ven 25 Fév 2011 - 20:22

Une pléthore de "je" dans le dernier paragraphe, il me semble qu'il y a possibilité de faire sans et sans pour autant dénaturer le message, peut-être même en lui imprimant plus de force. Bien aimé ce passage, je trouve que passé et présent s'entrechoquent harmonieusement.

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Message  midnightrambler Sam 26 Fév 2011 - 0:45

Bonsoir Ombre,

J'ai relu tes textes, c'est tout ce que je pouvais faire ...
Je viens de m'apercevoir - on ne lit donc pas toujours avec assez d'attention - que le titre commençait par le mot lendemain ...

Amicalement,
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Message  midnightrambler Sam 26 Fév 2011 - 11:20

Bonjour,

Pour Ombre, à la librairie Française de Beyrouth :

Une vie de pintade à Beyrouth de Muriel Rozelier, chez Calmann-Lévy 9782702140406
Sans garantie de quoi que ce soit !

Amicalement
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Message  ombre77 Sam 26 Fév 2011 - 11:54

Héhé, merci beaucoup !! Je vais voir ça et te raconterai ce qui se cache derrière ce titre...
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Message  ombre77 Sam 26 Fév 2011 - 12:22

Zut, je pensais avoir posté une réponse, mais elle semble s'être perdue dans les méandres de la toile... Je recommence donc...

Merci beaucoup pour vos lectures. J'ai retravaillé le texte dans le sens de vos commentaires.

Elea, j'avais hésité à mettre un peu plus d'échos dans la façon dont le passé surgit dans le quotidien mais je craignais que ça paraisse un peu facile, peut-être la peur de tomber dans une espèce de cliché de madeleine de Proust au rabais... Et je souhaitais aussi appuyer le côté intempestif des souvenirs. J'ai quand même essayé d'y mettre un peu plus de cohérence même si ça ne saute pas encore aux yeux (la suite viendra certainement éclairer tout ça...). Concernant le paragraphe où le passé s'exprime plus franchement, j'ai de toute évidence été influencée par le film Gainsbourg, vie héroïque que j'ai vu cette semaine... J'ai beaucoup aimé l'idée du double aux doigts crochus qui se rappelle sans cesse à lui et essaye d'influencer toutes ses décisions. J'ai très légèrement modifié le passage.

Easter, la répétition du je est en effet plus qu'indigeste ! JE me suis un peu emballée ^^

Midnight, bien vu pour le titre ! J'hésite d'ailleurs actuellement à ajouter un s à lendemain... car il n'y en aura pas qu'un et (j'ose l'espérer pour la narratrice) ils ne seront peut-être pas tous aussi déprimés.

Voici donc le texte légèrement modifié :


Mon passé envahit sans vergogne mon présent. Sans relâche, sans jamais prévenir, il s’impose dans ma tête comme s’il était chez lui puis il s’installe dans mon quotidien avec tout son bordel.

Il est huit heures, je prépare mon café, ajoute un peu de lait en poudre et porte le mug jusqu’à la table basse. Erwan, assis sur le canapé dans le salon de mes parents, avec ses rangers et son drôle de regard sur moi. Je me dirige vers la salle de bain, laisse tomber mon T-shirt sur le sol. Ma petite cousine de neuf ans m’annonçant en pleurant le décès accidentel de son père. Je fais couler l’eau chaude, règle la température et entre dans la baignoire, je ferme les yeux. Sous la pluie, dans le hall de la gare de Nantes, les mains de Djamil serrent les miennes pour la dernière fois.

Je quitte la maison, marche quelques minutes puis hèle un taxi. Le parking du campus des sciences humaines, au Petit Port, un après-midi ensoleillé de mars. Je me rends à la fac, rue de Damas, pour mon tout premier cours, j’appréhende un peu, je ne sais pas combien d’étudiants seront présents pour m’écouter… Serai-je à la hauteur, serai-je crédible ? Les beaux yeux de Loïc, ses polos Adidas et ses Converses, toujours assis au premier rang dans les cours de TP. Absorbée par les mouvements du lotus dans son dos, j’oublie d’écouter le prof. Je regarde défiler les rues de Beyrouth, la radio diffuse de la vieille variété française que je ne connais même pas. Les musiciens du groupe Dolly sur scène avant que Mickaël, le bassiste ne se tue en voiture, lui aussi.

Puis… les poutres de mon appartement à Toulouse. La place du Capitole et le Moncaf’ reconverti depuis en Sephora. Les fins cheveux blonds de mon amie Steph. Les boîtes de nuits Barcelonaises. L’appartement en désordre de Louis sur le boulevard Dalby. Ma meilleure copine Claire et nos poupées invisibles jouant entre les racines des arbres de l’école St Joseph. Les cours de fitness, les fragrances mêlées de déodorants, de shampoings et de produits d’entretien dans les vestiaires. Le bien être après l’effort et la douche quand je retrouve la moiteur de la rue et que je parcours les rues pavées jusqu’à mon petit duplex de la place Wilson. Les soirées Hip Hop au Nouveau Casino. La bouche de Gerald sur mon ventre, mes vagues protestations, juste avant de m’abandonner totalement dans une cage d’escalier… j’ai décroché.

Des flashs, des bribes, des images, des odeurs, des visages, des sensations, des impressions surgissent continuellement, m’empêchant de vaquer à mes occupations quotidiennes. Sans répit, à longueur de journée, ce que j’ai été, les gens rencontrés, les lieux fréquentés, les amitiés faites et défaites, les amants... Dans ma tête, les morceaux de souvenirs se jouent en désordre, s’enchaînent, se succèdent sans logique et sans repos.

C’est ainsi que j’échappe à mon présent qui se fait de moins en moins présent, grand perdant dans la bataille contre les souvenirs. Je n’arrive pas à avancer, le passé me tire en arrière, il se rappelle à moi quand je fais des projets. Je le sens s’agripper dans mon dos, tirer sur le tissu de ma veste. Il m’interpelle en chuchotant… Hé ! Pssst… je suis toujours là, ne m’oublie pas… je suis ce que tu as été, je suis ce que tu es… tu es toute entière faite de moi, tu ne peux rien faire sans moi. Je suis toi…

Mon vrai moi ?

Mon présent ne me convient pas, je ne vois aucune autre explication à cet envahissement.

Mes souvenirs s’arrêtent à Paris, un jour de décembre 2005. Ce qui suis… je m’en souviens mais je ne m’en rappelle pas. Ce qui suis n’est plus vraiment important. Je me suis juste laissée portée, enlevée, virevoltée. Vivotée. Sans plus rien décider. Tout est devenu pastel, cotonneux, imprécis… J’ai saisi la première main tendue qui m’ait parue assez honnête puis me suis laissée faire. A l’heure où la menace du basculement se faisait plus précise, la normalité m’accueillait soudain à bras ouvert. Il suffisait de se composer un petit rôle qui ne fait pas de vague. Surtout éviter de penser... J’ai pris mes psys pour des cons et préféré jouer la carte de l’anesthésie générale. Plus efficace. La musique a cessé de résonner chez moi. De raisonner en moi. Je me suis plongée dans le travail, puis dans le mariage... jusqu’à m’intégrer parfaitement dans un petit monde très conventionnel. Je m’y sens comme une extra-terrestre. Mais l’essentiel est que personne ne s’en rende compte.

Une stratégie implacable s'est imposée à moi pour pouvoir continuer de supporter l’existence : la survoler de façon légère, en évitant de s’impliquer. Comme les papillons de mon enfance. En un peu moins éphémère.

Et c’est ainsi que petit à petit je suis devenue une ombre.


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Message  midnightrambler Sam 26 Fév 2011 - 13:09

Bonjour,

Lendemain ... ma remarque avait pour but de dire qu'il n'y a pas que le passé et que le futur existe ... si tu y ajoutes un "s", tu pourras dire des "lendemains qui chantent" selon l'expression consacrée !
Quant au livre, je l'ai commandé aussi !

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Message  ombre77 Sam 16 Avr 2011 - 18:33

Ce que je pensais être ma vie a disparu une nuit de décembre. Les mois qui suivirent furent marqués par mon absence au monde. Je marchais dans les rues, indifférentes à moi-même et aux autres. On se retournait parfois sur mon passage, on s’inquiétait faiblement. Ca va Mademoiselle ? Je m’apercevais alors que je devais paraître bien faible et inoffensive. C’est qu’à Paris, on s’inquiète plutôt rarement pour ses compagnons de métro et on évite généralement d’adresser la parole à ses voisins… En fait je n’existais presque plus, je ne représentais plus aucun danger pour mes con-citoyens.

Les entrailles en béton. Le souffle coupé. Effarée, incapable de comprendre ce qui s’était passé, refusant d’intégrer les informations des derniers mois, de réviser mes souvenirs à la lumière de ce que j’avais découvert. Je trainais mes 49 kilos dans la ligne 11, remontais la rue des Pyrénées, poussais la lourde porte de l’immeuble et saluais la gardienne d’une voix étranglée. J’entrais chez moi et m’asseyais. Incapable de plus. Assise dans le silence, les rideaux fermés, je restais là au milieu des cartons, oubliant où j’étais, oubliant de nourrir mon chat dont les miaulements plaintifs peinaient à me sortir de cette torpeur. Pendant cette période, j’ai développé une phobie de la télévision. La simple idée de laisser entrer ses images et ses voix dans mon salon me remplissait d’horreur. En fait, voir le monde continuer d’avancer alors que le mien semblait s’être définitivement arrêté m’était insupportable.

Je fumais sans discontinuer et je vomissais tout ce que j’avalais. Ma raison de vivre n’était plus et n’avait sans doute jamais été. J’ai été contrainte de retirer mes œillères une nuit de décembre. Le lendemain, comme un robot, j’ai tout plaqué. L’homme qui partageait cet appartement avec moi et mon boulot.

Non, Anne ! Je n’accepterai pas votre démission, vous n’êtes pas dans votre état normal. Prenez quelques jours de vacances s’il le faut et revenez me voir ! C’était la première fois que je tenais tête à cette femme dragon mais je n’avais pas l’intention de prendre des vacances. Ma lettre de démission sur son bureau, je retournais dans le mien et attaquais ce premier jour de préavis comme un automate.

J’étais coordinatrice dans une association de Montreuil sous Bois. Nous avions décroché un marché auprès du Conseil Régional pour accompagner 200 jeunes des quartiers dans leur insertion professionnelle. Public difficile mais attachant. Je me tuais à la tâche depuis un peu plus d’un an. Ma première expérience professionnelle, passionnante et douloureuse.

Dans mon dos, les jeunes me surnommaient Taillefine. Ca m’avait beaucoup amusée. Dans mon bureau c’était M’dame. Des petits durs de Montfermeil, Aulnay sous Bois, La Courneuve… Des enfants dont plus aucun établissement scolaire ne voulait. En groupe, ils étaient insupportables, parfois violents. Individuellement, ils pouvaient être charmants et j'étais souvent touchée par leurs parcours de vie.

J’aimais ce travail autant qu’il me stressait. Ma directrice était despotique et l’ambiance de travail atroce. Notre chef se plaisait à diviser les équipes et à isoler. J’étais isolée. Tout le monde semblait me détester. J’étais nouvelle et, aux yeux des plus anciens, je ne méritais pas mon poste. Concentrée sur ma mission, je n’ai pas cherché à leur plaire. Je n’avais pas besoin d’eux et ils ne m’intéressaient pas. Bien sûr mon mépris n’a fait qu’accroître leur rancœur… Les coups bas se sont multipliés, j’entendais des rires étouffés quand je passais devant les bureaux, les fausses rumeurs circulaient, on montait mon équipe contre moi. Il arrivait même qu’on me bouscule dans le couloir... Chaque jour je déjeunais seule devant mon écran. Mais je m’en fichais. Le boulot me plaisait, des primes venaient régulièrement récompenser mes efforts, les partenaires extérieures appréciaient mon travail. Et surtout, j’avais une vie personnelle qui me semblait suffisamment pleine pour contrer les effets du harcèlement que je subissais au bureau. Je me sentais bien au dessus de tout ça. Je me sentais invincible.

Ma vie avait pourtant commencé à basculer mais je refusais de m’en rendre compte et poursuivais aveugle le chemin que l’on m’avait tracé. Le piège s’était refermé sur moi et j’en tissais moi-même les filets depuis des années, de plus en plus serrés, jusqu’à ce que je ne puisse plus voir le monde extérieur de mes propres yeux. Petit à petit, j’avais laissé à quelqu’un d’autre le soin de me décrire ce monde et c’est avec ses yeux que j’avançais maintenant.
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Message  mitsouko Dim 17 Avr 2011 - 10:48

j'aime votre univers.............et cette façon de ne pas tricher
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Message  elea Dim 17 Avr 2011 - 11:40

Au début j’ai trouvé bien retranscrite la partie sur la vie qui bascule, cette fuite du monde jusqu’au travers de la télévision. Le ton est juste et permet l'empathie sans trop de pathos.
La partie sur le travail l’est aussi, bien retranscrite, et intéressante.
Mais le liant entre les deux ne m’a pas paru aller de soi dans le déroulement de la narration.
Mais c’est peut-être moi.
En tout cas il y a ici une sorte de suspens, je suis intriguée par cette fameuse nuit de décembre qui fait tout basculer. Envie de lire la suite, d'autant qu'au niveau du style, c'est agréable à lire.

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Message  Invité Dim 17 Avr 2011 - 19:48

Je suis remontée pour me remémorer l'ensemble, surtout voir quel détail m'aurait échappé parce que ce nouvel ajout est vraiment intrigant. Il semble que je n'ai rien loupé de crucial précédemment, reste donc à attendre la suite pour découvrir. Je suis intéressée par le ton factuel, cette espèce de façon résignée de conter, sans fioritures et pourtant sans que ça tourne aride non plus.

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Message  ombre77 Lun 25 Avr 2011 - 8:38

Nantes, un soir de mars 1999. C’est la St Patrick, le quartier du Bouffay est plein à craquer. Comme de coutume, il pleuviote un peu. On écume les bars, on parle fort. Je suis avec Louis, notre courte histoire est déjà terminée mais nous restons amis, Anne, ma meilleure amie du lycée, quelques copines de fac et des potes musiciens retrouvés à la sortie du Buck Mulligan’s. Notre petit groupe s’étoffe d’heure en heure. Notre degré d’alcoolémie aussi. La soirée se poursuit au Remorqueur, un vieux bateau amarré sur le canal St Félix. Nous nous asseyons tout autour d’une grande table en ferraille et commandons nos boissons. Bercée par la musique électro-rock et l’ambiance underground du bar, j’observe la faune hétéroclite aller et venir entre le pont et la cale. Je me sens bien. Je n’ai pas peur du regard des gens, je n’ai pas peur des moqueries, je n’ai pas peur d’avoir mal. Mon groupe d’amis agit comme un cocon protecteur. Je m’y blotti confortablement, grisée par l’insouciance générale, promenant mon regard sur les visages, curieuse de ce que nous réserve la suite de cette soirée.

Tout le monde ne se connaît pas, on se présente les uns les autres, on parle musique, on rit et on drague. J’ai 21 ans. Ma silhouette élancée, mon visage de poupée, ma jupette écossaise et mes Doc Martens bleues me donnent confiance en moi. J’ai le sentiment que le monde tomberait à mes pieds, je n’en serais même pas étonnée. Je suis alors en pleine période exploratoire. J’explore la ville, j’explore les hommes, j’explore mon propre corps. Mes sens sont aiguisés, la réalité bien présente, je suis là. Je suis tout simplement. Et je compte bien en profiter.

Parmi les convives, un petit nouveau qui suscite de suite mon intérêt. Il semble un peu timide. Mes copains musiciens m’expliquent qu’ils l’ont rencontré au Buck et comme il ne connait personne à Nantes, ils l’ont embarqué avec eux… C’est la St Patrick quand même ! Anne s’est assise à côté de lui et ils discutent ensemble depuis un bon moment déjà. Je sirote mon Mojito sans les quitter des yeux puis décide de me rapprocher. Je m’extirpe de mon siège coincé derrière la lourde table que je contourne en direction des deux bavards.

En bonne entremetteuse, mon amie se charge des présentations. Il habite Angers, il passe trois semaines à Nantes pour veiller sur son grand-père hospitalisé. Le vieil homme a fait le voyage du Liban pour faire opérer ses yeux. Le Liban… Je ne vois pas trop où c’est en fait. A l’époque, j’avais peu voyagé et entièrement tournée vers la musique, ma culture générale n’incluait pas la géographie. Je réfléchis un peu… Liban, Albanie, Talibans… Tout ça est un peu confus dans ma petite tête. Je me lance sans complexe. Bon alors c’est où exactement le Liban ? Et toi tu es libanais ? Et tu fais quoi à Angers ? T’as une copine ? Ah ouais t’as une copine… La déception traverse furtivement le visage d’Anne qui nous voyait déjà mariés, avec au moins deux ou trois enfants. Moi je n’ai encore aucune idée de ce que j’ai envie de faire de ce garçon.

Il est mignon, plutôt beau même, un brin sexy avec son look d’étudiant sage qui ne me trompe pas. Derrière ses petites lunettes griffées, je perçois un tempérament plus coquin, peut-être même un peu vicieux… Je perçois aussi dans sa gestuelle, quelque chose d’un peu enfantin, presque féminin. Ça pourrait traduire de la fragilité mais ce n’est pas tout à fait ça, je ne parviens pas à qualifier ce que je ressens… C’est peut-être sa façon de se tenir, son sourire ou bien juste la finesse de ses traits… je ne sais pas. En tout cas ce n’est pas du tout ce que je recherche habituellement chez un homme. Et puis il y a autre chose que je n’arrive pas à déchiffrer. Dans son regard. A plusieurs reprises, je le sens m’observer. Il détourne les yeux dés qu’il s’en aperçoit. Mais j’ai aussi l’impression qu’il souhaite que je m’en rende compte. Pas que je l’intéresse. Mais qu’il tente de s’en cacher... C’est assez étrange. A vrai dire, il m’intrigue et me met mal à l’aise à la fois.

Anne a décidé de lui faire découvrir la ville le lendemain. Le garçon qui s’ennuie toute la journée à l’hôpital semble ravi par la proposition. Cette grande rousse pleine de vie va le distraire un peu. Il est trois heures du matin. Mes copines de fac rentrent chez elles, le reste du groupe décide de poursuivre la soirée dans une petite boîte de nuit, tout près du château. Nous suivons sans hésiter, accompagnées de l’intriguant garçon.

Mes souvenirs sont plus confus par la suite. Les conversations se font moins cohérentes, on s’abandonne aux vapeurs de l’alcool, on se cherche des yeux, on se perd un peu. Dans le bruit et la fumée de cigarette, les corps s’enlacent sur la piste. On tâtonne, on reconnait les visages de ses amis. On se sait plus pourquoi on rit, on oublie ce qu’on fait là, puis on se souvient qu’il faut rentrer pour dormir un peu. On sort en chancelant. Il fait déjà jour ? Le petit nouveau me cherche parmi les fêtards qui sortent en clignant des yeux. Il me retrouve à l’entrée de la rue du Château et, dans un geste dont l’assurance me surprend, m’attrape par la taille pour m’embrasser à pleine bouche. Mettant ça sur le compte des mojitos, je me laisse faire. Puis, le sourire aux lèvres, je prends congé et m’éloigne tranquillement vers le cour des Cinquante Otages. Le premier tramway ne passe que dans une demi-heure, je décide donc de rentrer à pied, achète deux croissants dans une petite boulangerie et remonte le long des quais de l’Erdre jusqu’à mon studio, boulevard Amiral Courbet. A peine rentrée, je m’écroule sur le matelas posé à même le sol, mes Doc Martens bleues toujours aux pieds.

Je me réveille doucement en début d’après-midi, plutôt en forme. Je m’étire, pétrit mon oreiller, me roule encore un peu sous la couette. Soudain, je me souviens de la manif… Une étudiante de sociologie sans papiers est menacée d’expulsion. Les étudiants se sont mobilisés et militent depuis plusieurs semaines. Et moi j’aime l’énergie des manifestations… j’adore m’y incruster, c’est plus fort que moi. Je me lève d’un bond, fais passer mes croissants avec un café noir, me brosse les dents et, sans prendre la peine de me changer, je file rejoindre les pancartes devant la préfecture. Quand j’aperçois l’attroupement, la bonne nouvelle vient de tomber, l’étudiante sera régularisée. J’allume ma première cigarette de la journée. Le groupe exulte et je me délecte de la liesse collective. On m’apprend que ce soir, une soirée est organisée pour fêter ça à la fac de socio. Bonne idée.

Je rentre chez moi et passe quelques coups de fil. J’invite une dizaine d’amis à passer pour l’apéritif. Ouais parfait ! Aux alentours de vingt heures ce sera très bien ! Si tout le monde est partant, on filera après à la soirée de la fac. Ca marche, à tout à l’heure ! Au téléphone, Anne me fait un compte rendu précis de sa journée de guide touristique. C’était génial ! On n’a pas arrêté de discuter, il est vraiment intéressant. Il voulait visiter le musée des Beaux Arts, on y a passé tout l’après-midi. Il m’a invitée à déjeuner aussi, on a parlé de toi ma belle ! Enfin plutôt, il voulait que je lui parle de toi… Ah oui… Et qu’est ce qu’il a prévu ce soir ton protégé ? Là il est à l’hôpital avec son grand-père. Anne s’amuse un peu de mon détachement qu’elle devine surjoué. Tu veux que je l’invite hein coquine ? Oui, bonne idée. Appelle-le, de toute façon j’ai invité pas mal de monde, et plus on est de fous…

Je me douche et me change enfin. J’enfile un pantalon moulant en imprimé python, ma paire de Docs noire et un pull chaussette beige. J’adore. Je noircis un peu mes yeux, mets un brin de rouge sur mes lèvres, relève mes cheveux. Un dernier coup d’œil dans le miroir. Satisfaite, je lance un CD de Jeff Buckley et met un peu d’ordre dans la pièce en chantant… Well baby I've been here before. I've seen this room and I've walked this floor. I used to live alone before I knew ya… I've seen your flag on the marble arch. Love is not a victory march! It's a cold and it's a broken… Hallelujah ! Hallelujah

Une heure plus tard, assise en tailleur sur mon petit clic-clac, je feuillette le dernier numéro des Inrocks. Je récupère tranquillement de la soirée de la veille et me prépare en douceur à celle qui se profile en cette fin d’après-midi. J’entrevois à travers les rideaux, les derniers rayons roses d’une journée qui commencent à peine. Je me sens terriblement bien.

Mathieu arrive en premier, une bouteille de champagne à la main, sans doute discrètement subtilisée à ses parents. Médecins à la retraite, ils ne sont jamais là, préférant leur petite maison sur la côte vendéenne. Mathieu occupe donc seul leur immense appartement face à la cathédrale St Pierre. Nous le squattons aussi régulièrement, le plus souvent avec Clément et Jérôme, dormant dans le même lit, pataugeant à deux ou à trois dans la grande baignoire, dînant des confits de canard ou des cailles farcies stockés dans le congélateur… Une petite communauté qui fonctionne bien : en échange de tout cet espace parqueté, je fais un peu de ménage et m’occupe de la lessive des trois comparses. De leur côté, les garçons m’apportent à tour de rôle le petit déjeuner au lit et veillent sur ma bonne humeur tout au long de la journée.

Louis, Soizic, Stéphanie, Jérôme et Denis suivent de près, chargés de victuailles. Tous célibataires, des amis d’enfance, des copains de fac… A l’extérieur, nous pouvions donner l’illusion d’une jeunesse un peu dorée mais en fait nous étions tous fauchés comme les blés. Le concept d’auberge espagnole fonctionnait donc à plein régime. Je pillais moi-même régulièrement le frigo de mes parents quand j’y passais en trombe le week-end. Les premiers bouchons sautent au son des Chemical Brothers. D’autres connaissances nous rejoignent, les bises claquent, les mains se serrent, on plaisante en se donnant l’accolade. Le clic clac et le lit déjà pleinement occupés, les nouveaux arrivants s’asseyent à même le sol et se servent à boire sans faire plus de manières. Je lance un CD de Basement Jaxx. L’excitation collective monte d’un cran.

Anne et notre ami de la St Patrick arrivent en bons derniers. Quand j’ouvre la porte, il est au téléphone. Sans doute avec sa copine. Il s’excuse. Ils entrent, je sers à boire et c’est reparti. On parle, on rit, on se cherche du regard, on s’observe. Un peu plus tard, grisé par les premiers verres, il sort de sa réserve, saisit ma guitare et entonne avec assurance un morceau des Pink Floyd… How I wish, how I wish you were here. We're just two lost souls Swimming in a fish bowl, year after year ! Running over the same old ground. What have we found ? The same old fears… Wish you were here… Il chante juste, sa voix est douce. Ce n’est pas renversant mais c’est vraiment joli. J’écoute attentivement, je lui souris un peu bêtement. Soudain, j’ai l’impression diffuse que mes amis masculins ne semble pas tous approuvé l’intérêt que je manifeste à l’encontre de cet invité surprise. En fait, l’équilibre du petit groupe semble déjà craindre de vaciller.

La fatigue aidant, la suite est devenue confuse un peu plus tôt que la veille. Je me souviens d’avoir jouer au foot avec des bouchons de champagne dans le hall de la fac. Je me souviens de la musique très forte et des étudiants qui dansaient tout autour de moi. Je me souviens de l’attirance de plus en plus magnétique éprouvée envers celui qui m’avait embrassée la veille. La soirée avançait et peu à peu mon champ de vision se rétrécissait, pour finir par ne plus se concentrer que sur lui. Je n’ai pas vu tous mes amis partir. Mathieu a proposé de me raccompagner. Je suis montée dans sa vieille Golfe rouge, tirant par la main le sujet de ma fascination éthylique. Mathieu me glissa à l’oreille que je n’étais pas très prudente, que je le connaissais à peine. J’éclatais de rire, croyant déceler une pointe de jalousie dans cet excès de zèle. On s’amusait ensemble de temps en temps mais je n’avais pas de compte à lui rendre. De toute façon, je ne pensais qu’à une chose. Satisfaire ma curiosité qui ne cessait de grandir depuis la veille. Résoudre l’énigme que j’entrevoyais dans ce regard tour à tour fuyant et insistant. Partager quelque chose d’intime avec lui dans l’espoir qu’il me livre quelque mystérieux secret…

La nuit me réserva finalement peu de surprise. Le garçon était effectivement audacieux, comme je l’avais deviné le premier soir. Je constatai néanmoins qu’il aimait dominer sa partenaire, sa timidité apparente m’avait trompée sur ce point. Mais jamais il ne sortit franchement de sa réserve. Je le sentais réfléchir, il manquait par moment de spontanéité. Comme s’il s’efforçait en permanence de garder le contrôle. Moi qui cultivais le lâcher prise dans tous mes domaines de vie, je percevais quelque chose qui m’était étranger. Cela ne m’inquiétait pas. A quoi bon ? La vie ne m’avait encore jamais fait de mauvaises surprises. Et puis j’avais vraiment aimé sa peau, sa douceur et son élasticité m’avait subjuguée. J’avais aimé son ventre plat, la fine musculature de ses bras. J’avais aimé la façon dont il m’avait possédée. Fermement, implacablement… Sa morsure dans mon dos, ses mains attrapant mes cheveux…

Et surtout, il m’intriguait toujours.
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Message  elea Lun 25 Avr 2011 - 21:00

J’aime bien ce passage, le mystère du garçon est bien rendu, moi aussi il m‘intrigue. Mais c’est l’ambiance surtout qui est présente, cette vie étudiante un peu bohème, les sorties, les relations. Et ici on est plus dans l’action que dans la réflexion ou l’introspection et les souvenirs se font plus vivants que dans certains des extraits précédents. Ça donne du rythme et c’est agréable à lire. Je suis même accrochée et impatiente de lire la suite.

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Message  Invité Mar 26 Avr 2011 - 10:10

On continue à remonter le temps, à boucler la boucle... Je suis partagée entre ce passage long, détaillé, linéaire, où tout s'enchaîne sur le même ton -vif, sans temps mort, soit quand même dit en passant ; et quelque chose qui me retient, sans doute le personnage masculin, dont tu as su bien rendre la fascination qu'il exerce sur la narratrice et à travers elle, sur le lecteur ; il est évident qu'il va jouer un grand rôle par la suite. Je trouve que le suspense monte bien, graduellement, on s'attend à chaque détour de phrase à une sorte de révélation détonante, ce n'est pas plus mal qu'elle ne vienne pas, pas encore... Cela entretient la curiosité. Mais je persiste à penser que ce passage pourrait être raccourci...

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Message  bertrand-môgendre Dim 1 Mai 2011 - 6:52

Au cours de ce dernier passage, le personnage principal me débecte au plus haut point. Sa nonchalance et son insouciance y sont pour beaucoup.
Si je ressens à ce point cette énergie négative, c'est sûrement parce que l'auteur écrit bien.
Bravo pour l'ensemble des textes.
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Message  ombre77 Lun 2 Mai 2011 - 13:56

Merci pour vos commentaires. C'est un peu long en effet, la description de cette rencontre se poursuit pourtant, j'espère que ça ne va pas ennuyer... J'essaie de planter le décor mais je manque peut-être d'esprit de synthèse dans cette partie. Voici donc la suite :

Nous passons la journée du lendemain à flâner. Place Graslin, rue Crébillon, passage Pommeraye… Je ne me sens pas toujours à l’aise à ses côtés. Le fait qu’il me tienne la main me gêne par moment… Pas assez naturel peut-être. Et puis, ce n’est pas comme si personne ne l’attendait à Angers… Pourtant je ne veux pas encore le quitter. J’ai besoin de le connaître un peu plus. Je n’ose pourtant pas lui poser les questions qui me brulent les lèvres... J’ai dû penser vraiment fort car il me parle soudain de sa copine. Ca ne marche pas, elle est mal dans sa peau, ils ne font plus l’amour. J'écoute... sa jalousie maladive, ses crises de nerf… Il veut la quitter depuis un moment mais cherche à la ménager. Peur qu’elle fasse une bêtise… L’air abattu, il soupire en sortant son portefeuille. Il en tire une photo d’identité qu’il me tend. J’y contemple l’image de sa copine. Je ne l’ai jamais rencontrée et ne la rencontrerai sans doute jamais et pourtant son visage me parait familier. Je la trouve magnifique. Une apparence douce et fragile, de grands yeux bleus tristes… Je me sens étrangement proche d’elle, dans une espèce d’empathie qui me trouble pendant de longues minutes. Peut-être plus longtemps car je ne me souviens plus de ce qu’on a fait ensuite. Je pensais sans doute à elle, peut-être bien que je me sentais triste pour elle. Peut-être un peu coupable aussi.

En fin d’après-midi, je le raccompagne à la gare. Il doit rentrer chez lui pour le weekend. Il m’embrasse avant de monter dans le TGV, promet de m’appeler. Je m’éloigne tranquillement en m’efforçant de ne pas imaginer son arrivée à la gare d’Angers, résolue à reprendre le cours de ma vie comme si je ne l’avais jamais croisé. Il m’a appelée le soir même. Je ne me souviens plus de la teneur de la conversation. Ça parait ridicule aujourd’hui mais au son de sa voix, j’ai senti comme un souffle d'air tiède caresser l’intérieur de mon ventre.

Il me rappelle plusieurs fois dans la semaine. J’en suis ravie évidemment mais je m’efforce de rester détachée. Je suis bien dans ma vie de célibataire, je n’ai pas envie d’une relation exclusive. Le sentiment de liberté que j’éprouve depuis à peine un an me parait bien trop précieux. Je peux explorer mon petit monde à ma guise sans que personne n’y trouve à redire. J’ai tout simplement l’impression de pouvoir être moi-même. Et j’aime bien ce que je suis. Bien sûr, je fais beaucoup la fête, bois parfois un peu trop et peux passer aux yeux de certains pour une fille facile. Mais je me fiche complètement du regard des autres. Et je n’ai pas l’intention de rater ma vie. Tout ça n’est qu’une joyeuse parenthèse avant ma vie d’adulte responsable. Il faudra bientôt prendre les bonnes décisions mais ça peut encore attendre. Pour le moment, je me baigne joyeusement dans l’océan de possibilités qu’offre la jeunesse. Et j’ai bien l’intention de continuer ainsi encore quelques temps.

Je le retrouve pourtant le lundi suivant, Gare Nord, face au Jardin des Plantes. Fait étonnant, je ne reconnais pas tout de suite son visage. Il me parait un peu moins beau aussi. Plusieurs jours nous ont séparés. Ce doit être ça. Et j’ai aussi passé la nuit précédente dans les bras du beau Morgan. Étudiant aux Beaux Arts, crinière brune savamment décoiffée, regard sombre et inspiré… une vraie gueule d’artiste. Toutes les filles sont après lui. Trop sûr de son effet sur le sexe opposé, un brin misogyne et finalement assez peu généreux, il n’est pas très bon amant. Je lui pardonne trop facilement. Il se plait à oublier son écharpe ou son téléphone quand il quitte mon studio avec les autres à la fin d’une soirée. Il revient frapper à mes volets quelques minutes plus tard et je le laisse en riant se faufiler sous ma couette…

Le garçon avance vers moi, souriant. Sous le panneau des arrivées, j’ai l’impression furtive d’être face à un inconnu. Je me dérobe discrètement lorsqu’il se penche pour m’embrasser. Légèrement décontenancé, il cache vite sa surprise sans faire de commentaire. Nous retrouvons Anne qui nous attend sur le parking et nous allons diner tous les trois dans une petite crêperie du centre-ville.

Sa conversation est passionnante. Il se montre curieux de tout et nous démontre, l’air de rien, une solide culture générale. Étudiant en économie, ses intérêts ne s’arrêtent pas aux chiffres et aux bilans comptables. D’ailleurs il nous explique assez brillamment que l’économie est un sujet bien plus vaste que ça. Il lit Kundera et Tolstoï, s’intéresse à la géopolitique, à la musique, à l’histoire et à la physique quantique. Nous l’écoutons attentivement, complètement charmée par cet érudit qui n’oublie pas de se montrer modeste par moment. Scolarisé au Maroc jusqu’au bac, il nous explique que ses difficultés avec la langue française l’ont fait échouer en 1ère année de médecine. Son père, un brillant anesthésiste, a été très déçu. Après quelques cours de français, il s’est réinscrit en Sciences Sociales. L’économie fait tourner le monde nous explique-t-il. C’est ça qui l’intéresse, comprendre comment tourne le monde…

Il tient à régler l’addition avant de repartir vers l’hôpital où il doit passer la nuit. Je reste pour un dernier verre avec mon amie. Anne s’extasie sur cette rencontre. Il est adorable ! Et vraiment beau, quel sourire ravageur il a ! Vous allez tellement bien ensemble ! Quel beau couple... Tu sais le premier jour, quand je lui faisais visiter la ville, il m’a parlé de toi ? Il m’a dit qu’il te trouvait très belle, et moi tu me connais, je t’ai fait de la pub! Tu en es où maintenant avec lui ? Il t’a reparlé de sa copine ?

Non il ne m’a pas reparlé de sa copine. Soudain je n’ai plus envie de discuter. Non… je ne sais pas où il en est avec elle. Mais je devine qu’elle l’attend chaque fois à la gare d’Angers, peut-être même qu’elle l’y a conduit aujourd’hui… Son grand-père restera encore une dizaine de jours à Nantes. L’histoire s’arrêtera sans doute après ça. Il me semble pourtant que quelque chose commence à m'échapper, que je pourrais avoir besoin de plus. Mais que la décision, pour une fois, risque de ne pas m'appartenir.

Les jours suivants, il dort chez moi. Il m’a gravé trois CD : la BO de Jacky Brown, que nous avons vu et adoré chacun de notre côté, une compile de Morcheeba et le dernier album de Natasha Atlas. Je n’avais jamais écouté de musique orientale, c’est plaisant à mes oreilles. Je souhaite moi aussi partager mon univers musical et fais tourner en boucle des albums de Trip Hop, mouvement qui touche à son apogée en 1998, porté par Portishead et Massive Attack. Ainsi bercée par la musique, j’oublie peu à peu l’étrangeté de son regard, je ne perçois plus ce manque de spontanéité que j’ai cru déceler la première nuit.

Sa présence me devient familière.

Nous parlons beaucoup. Je l’écoute le plus souvent, donnant de temps en temps mon avis. Un peu timidement. Je ne suis pas très sûre de moi, bien des sujets abordés me sont totalement nouveaux. De toute façon, j’aime l’écouter et j’aime le regarder. J’aime son look soigné, un peu précieux. Son côté féminin presque assumé, ses gestes gracieux, sa voix délicate et son très léger accent qui lui donne de la fragilité. J’aime son profil volontaire, son nez droit, sa bouche charnue et ses dents blanches, parfaitement alignées. Son teint mat et un grain de peau très fin donnent à son visage une belle luminosité. Je ne me lasse pas de l’admirer lorsqu’il se déplace dans la pièce. Son physique me parait parfait. Sportif, il ne fume pas et boit très peu. Il semble aussi faire attention à son alimentation. Ce qui n’est pas du tout mon cas. Je fais partie de ces filles qui mangent comme quatre sans jamais prendre un gramme, je fume quotidiennement mon paquet de Marlboro et les soirées arrosées sont ma spécialité. Je commence peu à peu à m’étonner qu’un garçon si plein de qualités s’intéresse autant à moi. Je me sens flattée et développe d’heure en heure une espèce de reconnaissance pour l’attention qu’il me porte.

J’étais pourtant jusque là assez sûre de moi. J’avais confiance en moi et dans l’avenir. Je survolais mes études sans effort, une petite cour de garçon tournait en permanence autour de moi, je ne doutais plus de mon pouvoir d’attraction. J’avais aussi de vrais amis avec qui je partageais tout. Jusqu’ici rien ne semblait me manquer. Comme tout le monde, j’avais bien un talon d’Achille… Mais il était si secret, si profondément enfoui, que j’étais certaine que personne ne pourrait jamais l’atteindre. Je me sentais simplement comblée, et ce n’était que le début. C’est à cette époque que j’ai senti les plus violentes bouffées de bonheur me traverser le corps. Les dernières en fait... Dans les moments les plus anodins. Au détour d’un souffle d’air, d’une odeur de pâtisserie, d’un rayon de lumière tiède. L’époque où je n’avais peur de rien et envie de tout.

Malgré tout ça, sa présence semble me valoriser d’une façon particulière. Inédite. Je pensais n’avoir besoin de rien et pourtant je sens peu à peu qu’il me devient nécessaire.

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Message  ombre77 Lun 2 Mai 2011 - 14:42

Heu... je vais me faire un commentaire un moi-même, histoire de prendre les devants :
"j’ai senti comme un souffle d'air tiède caresser l’intérieur de mon ventre" c'est quand même un peu maladroit ^^
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Message  Chako Noir Lun 2 Mai 2011 - 15:06

Je suis en retard, je n'ai lu que les deux premiers posts, mais je commente quand même avant de passer à la suite.

C'est sûr qu'on en a tous lu des textes d'ados qui découvrent la vie, qui fument un joint ou enfilent une capote sur du King Crimson, du Zappa, du Simple Minds ou du Jamiroquai (p'tain... j'suis en train de me dire, dans quelques années on les verra écrire sur Kanye West et Rihanna... p'tain...)
Passons ! Oui, le sujet est plus que déjà exploité, mais dans ce texte il y a une force qui vient du dénuement avec lequel c'est livré. Pas de "voilà c'est ma vie me jugez pas mais regardez quand même" typiquement skybloggueur. Un texte d'autobiographie adolescente sans les fioritures adolescentes qui te pourrissent la lecture. N'empêche, il fait bizarre le retour à la réalité après la très longue digression Erwan !
Après, (sur le deuxième post), ça me fait un peu penser à certains textes de Croisic (camarade vélienne). Bon, j'attends de la voir (re)vivre. Replongeons.
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Message  Chako Noir Lun 2 Mai 2011 - 15:57

coline Dé a écrit:Etat des lieux assez réaliste et fort bien rendu, pour une génération dont je me dis rétrospectivement que leurs soixanthuitards de parents auraient dû réfléchir un peu que si tout est donné d'avance il n'y a plus rien à conquérir...
Ton commentaire m'a frappé, Coline... J'arrive un peu après les enfants de soixanthuitards, mais ça ne me semble qu'encore plus vrai pour ma génération, quand à celle qui arrive n'en parlons même pas... Triste.
Du coup, ça et le texte (la lente transformation en ombre) j'ai l'impression de retrouver Bret Easton Ellis dans Les Lois de l'attraction. Sex, drug, rock'n'roll. Allez, j'attends la St Patrick, de l'ombre à la lumière.
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