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Saturn of Chagrin

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Message  Yoni Wolf Lun 20 Juin 2011 - 8:17

Tu vois? Le problème c'est que toi tu manipules TON monde ; alors que moi, de mon côté - côté vie comme biologique - j'essaie de manipuler un monde qui n'est pas le mien.
La psychose face à l'écriture.
Voilà! voilà la différence, la fine membrane qui nous sépare toi et moi.
Tu ne peux être qu'à moitié mère ; je ne peux être qu'à moitié maître. Et puis toi d'ailleurs? Hein? A qui pourrais-tu te confier sinon à Dieu? Ton langage n'est pas le mien - le nôtre je veux dire: celui de la Tribu. Il est mouvant, trop, encore indécis, le cherchant Lui, seul personnage à pouvoir encore donner le change. Tenir la réplique.
Tu es seule avec Dieu, maman.
Cloîtrée, enfermée dans ce champ étroit où ne pousse que de la perfection. Du génie. Un poison doux comme l'intérieur d'un ventre. Il n'est pas au monde, ce champ ; il est à toi, à toi seule, à toi, dans toi, par toi, pour toi. Égoïsme érigé comme un bunker. Paradis avant l'heure. L'esthétisme absolu, implacable, intensément jaloux de tout, et de toute sa hauteur dressé à même le Saint.
Sur une patte.
Équilibre fragile.
Et ça tangue soudain ça tangue et c'est encrassé de réalité nue. Intrusion! Un pétard dans le terrier! Ta fille, naïve, te tire par la manche et tu la regardes et c'est du Quotidien. Dans ses yeux du Quotidien comme une secousse brutale. De l'iris! Du biologiquement vert! Ça crève de partout! Ça pisse de la Responsabilité! Vite! vite! se planquer! mais où!? trop étroit! les remparts, déjà! les remparts et le remord qui tombe à verse! Et merde! mais où? pas d'abris dans la perfection-même! juste à rester là, au milieu, les bras ballants, les yeux exorbités...Tiens!? On dirait que ça monte! ça veut crier! oui! là! maintenant! à pleins poumons! et tout! et tout à la fois! et ton fils et ta fille famille père mère et le sang, les liens du sang! Ça veut crier vrai mais ça gratte aussi! Chut! j'entends! ça gratte et ça murmure! c'est eux! sûre que c'est eux! ça essaie d'entrer! les mioches surtout! paraît même que le fils s'est mis à écrire. Veut sans doute une place dans ma perfection? ou dans mes bras? Je sais pas! Juste envie de les crier! tous! les vomir! les avorter! les sortir de moi de mon corps de mes os! Toute la Tribu! Les noeuds du sang! Le bayons du nid! Plus d'attaches! PLUS D'ATTACHES, DIS-JE!!! Je veux être seule! seule et morte déjà! Pour vous! Pour eux! Socialement désintégrée! Plein coeur! Boum! Que clair et net! N'est que moi qui vive en moi, qui baise en moi, qui pleure en moi!

JE-NE-VEUX-PLUS-DE-VOTRE PITIE!!!

Et soudain elle s'est levée, comme ça, tout d'un bloc, tendue et tremblant comme jamais. Il faisait nuit mais l'air était doux encore. Nous étions nombreux - une quinzaine peut-être -, tous attablés, accrochés ferme à ces repas de famille qui permettent de boire plus et de gueuler plus fort que d'habitude.
Une aubaine pour les parents ; un enfer pour les enfants.
Bref.
Elle s'est levée puis elle s'est mise à hurler comme ça qu'elle ne travaillerait jamais, elle, qu'elle ne comprenait pas - n'acceptait pas! - que l'on puisse jouir du simple fait d'être utile socialement ; que Dieu ne l'avait jamais voulu ainsi ; que les ouvriers aussi bien que les patrons étaient tous emmauvaisés ; que l'école assassinait les enfants ; que les parents étaient mille fois coupables de les encourager à TRAVAILLER ; que réussir ce n'était pas TRAVAILLER ; que c'était bonnement et simplement savoir écouter la parole de Jésus ; que Jésus seul avait eu pour vocation de souffrir ; que par son seul sacrifice il avait libéré les Hommes de toute espèce de torture - donc de TRAVAIL ; que le TRAVAIL et la torture c'était la même chose, le même, la même racine sifflante et malement divisée par l'Homme ; que "gagner sa croûte" n'est-ce pas, n'était pas l'accepter ; que l'homme ça n'était de toute façon que du blabla que la femme était un Homme elle aussi mais feminé qu'elle avait donc les même droit qu'un homme dit masculé qui mangeaient tous de la viande alors que c'était contre-nature parce que Dieu avait gnagnagna et puis ça aussi et que Jésus-Le-Fils, par son seul sacrifice, avait libéré la France des sévices de la guerre des tourments du TRAVAIL à la chaîne enserrant l'Homme et ainsi jusqu'à l'et caetera poussant la dictature généalogique à l'application d'un fascisme nerveux que même Artaud n'aurait pas fait mieux qu'on la regardait tous ne pas finir et que j'en avais décidément ras la casquette...
Et tout ça, bien sûr, en nous pointant rageusement du doigt à tour de rôle.
C'était baroque - donc ridicule - mais impressionnant. J'avais dans les neuf ou dix ans. Je souriais parce que je voulais être un homme. Faut croire cependant que, ce soir-là, j'étais le seul, d'homme, car autour de moi ça ne souriait pas -pas du tout, même. Ça faisait silence. Lourdement. Puissamment. Ça pianotait sur la table. Ça se regardait furtivement. Ça tapait la fourchette sur l'assiette pour couvrir le bruit de ce milliard d'atomes s'exaltant, se tabassant façon Comedia del Arte.
Ridicule, donc. Ridicule, mais génétiquement révoltant - tout du moins pour le fils que j'étais.
Et ça a duré.
Duré.
Duré...
Et puis ma grand-mère a fini par l'alléger, ce silence ; elle nous a dit, à ma soeur et à moi, que nous pouvions quitter la table, qu'on pouvait même aller jouer - exceptionnellement - sur l'ordinateur. L'Aubaine! Enfin! J'ai jeté un dernier coup d'oeil (bien méprisant) à celle qui restait malgré tout ma génitrice, puis me suis levé, puis suis parti, royal, en direction de la salle du computer. Ma soeur me suivait, mais je sentais bien qu'elle était loin d'être aussi gaillard que moi. Ça m'a fait comme une poussée de dégueulasserie. J'en bavais d'orgueil. Du coup, j'ai craché par terre - et encore! deux fois! et du blaster! et je m'en foutais bien, moi, de savoir si on m'avait grillé ou pas ; j'étais un dur-de-dur, un vrai-de-vrai. J'avais un tee-shirt Born To Be Last.
Je ne sais pas bien ce qu'il s'est passé ensuite, mais les hurlements ont progressivement baissé d'intensité, jusqu'à devenir du bruit, jusqu'à devenir du vent, jusqu'à devenir plus rien du tout ; ou juste une porte qui se referme...
C'est moi qui ai fait le meilleur temps au démineur.
Plus tard, dans la nuit dans mon lit j'ai pleuré. Mais attention hein!?, pas de tristesse, ni de pitié. Non. J'ai pleuré de rage, de dégoût, de honte. Les mâchoires serrées. Mes ongles lacérant long, tout, du torse à la nuque et jusqu'aux mollets. Tout contre le mur j'étais, recroquevillé comme un sale foetus plein d'asthme et de sueur ; des grognements sourds ; des sifflements brefs, tranchants ; un coeur à ne plus savoir qu'en faire tellement ça battait fort, tellement ça bat sauvage, boum!, dans la carcasse et puis ; partout ; la ville entière battait mon corps ; j'étais fixé ; ma vie ; ma vie entière dans l'oeil immense de ce perroquet plaqué au mur et qui, ma foi, était l'oeuvre de ma mère ; ou un lambeau de placenta ou de je sais pas quoi mais ; du multicolore en tout cas, giclé rageur dans son bec mangeur de nuit, dans son plumage à faire chialer n'importe quel fils abandonné ; n'importe quel moi qui comme gavé de nerfs et de toxines à force d'étouffer. Oui. C'est ça. J'étouffais, tirais de grandes taffes d'enfer sous ma carapace de couettes. C'était pas bon. J'avais chaud, trop. Alors je me suis levé et j'ai ouvert la fenêtre. De l'air est entré. Ça m'a soulagé un peu. J'ai levé la tête, j'ai regardé la lune bien en face -droit dans l'oeil! comme on dit -, puis, avec toute mon espèce de dignité enfantine, je lui ai dit, moi, à la lune, je lui ai juré que jamais ô grand jamais je ne tolérerais que l'on ait pitié de lui, de moi, de Pete McPuta!
Colère et fierté.
"Un beau projet", comme dirait Fuzati.
Un beau projet, oui, certes, j'en conviens, assurément, mais qui n'a pas tenu bien longtemps. C'est pas solide un projet tu sais. Ça se barre avec le vent
- avec le vent dans le dos
- avec le vent dans le dos qui te pousse à l'Ambition
- avec le vent dans le dos qui te pousse à l'Ambition qui t'écrase peu à peu le scrupule
- avec le vent dans le dos qui te pousse à l'Ambition qui t'écrase peu à peu le scrupule jusqu'à finalement l'accepter, cette pitié, à condition qu'elle te serve à quelque chose,
bien sûr.
A briller par exemple.
Un peu.
Et juste au dessus de la nuit en plein dans la douleur de tes proches aïeux tout ce fatras de frères de sang qu’il faudrait tuer vite et bien dans le seul but de préserver ce qu’il te reste de santé d’équilibre mental
et de liberté.
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Message  Invité Lun 20 Juin 2011 - 17:19

C'est drôle parce que j'ai à te lire le sentiment que ce texte a été écrit en urgence, qu'il est une urgence. Et pourtant je n'arrive pas à croire que ce soit possible, que ces phrases, cette construction n'aient pas pris le temps de mûrir. Parce que ça l'air brouillon comme ça, tourbillon même... Et pourtant on ne peut faire abstraction de ce fil ténu mais bien droit qui guide le récit, le (re)tient. "Équilibre fragile."
Enfin, voilà, je suis une fois de plus sur le derrière, avec un gros poids au creux de l'estomac.

J'aurais mauvaise figure de faire plus que pointer des fautes d'orthographe. Mais je te dirai quand même qu'on met un espace avant le point d'interrogation et d'exclamation, ça facilite la lecture...

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Message  Invité Lun 20 Juin 2011 - 18:05

Elle s'est levée puis elle s'est mise à hurler comme ça qu'elle ne travaillerait jamais, elle, qu'elle ne comprenait pas - n'acceptait pas! - que l'on puisse jouir du simple fait d'être utile socialement ; que Dieu ne l'avait jamais voulu ainsi ; que les ouvriers aussi bien que les patrons étaient tous emmauvaisés ; que l'école assassinait les enfants ; que les parents étaient mille fois coupables de les encourager à TRAVAILLER ; que réussir ce n'était pas TRAVAILLER ; que c'était bonnement et simplement savoir écouter la parole de Jésus ; que Jésus seul avait eu pour vocation de souffrir ; que par son seul sacrifice il avait libéré les Hommes de toute espèce de torture - donc de TRAVAIL ; que le TRAVAIL et la torture c'était la même chose, le même, la même racine sifflante et malement divisée par l'Homme ; que "gagner sa croûte" n'est-ce pas, n'était pas l'accepter ; que l'homme ça n'était de toute façon que du blabla que la femme était un Homme elle aussi mais feminé qu'elle avait donc les même droit qu'un homme dit masculé qui mangeaient tous de la viande alors que c'était contre-nature parce que Dieu avait gnagnagna et puis ça aussi et que Jésus-Le-Fils, par son seul sacrifice, avait libéré la France des sévices de la guerre des tourments du TRAVAIL à la chaîne enserrant l'Homme et ainsi jusqu'à l'et caetera poussant la dictature généalogique à l'application d'un fascisme nerveux que même Artaud n'aurait pas fait mieux qu'on la regardait tous ne pas finir et que j'en avais décidément ras la casquette...
quel souffle !

tu sais tu as les balises [/justify] pour recentrer les paragraphes.

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Saturn of Chagrin Empty Re: Saturn of Chagrin

Message  Invité Lun 20 Juin 2011 - 18:11

cependant quelque-chose va de guinguois :
que "gagner sa croûte" n'est-ce pas, n'était pas l'accepter
je me suis baladé comme dans Königsberg, la formule est fausse, telle qu'elle.

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Message  kazar Lun 20 Juin 2011 - 20:23

Embrumé dans le premier paragraphe, à chasser des ombres, des silhouettes, à essayer de m'accrocher, de respirer, de me frotter les yeux.
Je n'y suis pas, je ne vois rien, je ne sens rien, tout m'échappe. C'est pâteux dans ma bouche, lourd dans mes poumons.

Et puis vient la suite.
Et puis là, lumière.
Viscéral, oui, maîtrisé, double oui, intelligent et foutrement bien écrit : oui. Encore.
C'est mature, c'est beau, tu me promènes en jouant avec les règles et j'adore ça.
Parfois, la débâcle. Parfois, c'en est trop. Passionné. Crié.
Mais tout le reste !
Fort.

Panda a dit un jour qu'il aimait un texte posté parce qu'il était de ceux qui lui font acheter un livre ouvert au hasard.
Je le reprends, le plagie, sans scrupule, ici.
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Message  Yoni Wolf Jeu 23 Juin 2011 - 16:34

Si vous saviez comme vos commentaires me touchent. Je passe en coup de vent et j'ai pas envie de faire le salaud cynique et faussement lumineux.
Alors merci.
Yoni Wolf
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