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Horreurs en couleurs

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Message  Lain Dim 14 Aoû 2011 - 17:19

en fait c'est une partie d'une petite nouvelle pas encore finie, je met le reste.


Horreur en couleurs



Boule est Henry,
Plot est Paul,
Chacun passé différemment,
De l’un à l’autre,
De l’autre à l’un.
Ils rêvent et racontent.
Un autre en rajoute.


Sous le parapet parapluie de ce temps pourri de ces nuits froides d’un été maudit venteux, sale crachin de merde, au creux de cet encastrement de marbre de cette entrée de l’ancien cinéma fermé il dort pelote en sac de nylon d’une veste affranchie de ses coutures nettes, par endroit du coton synthétique en mousse jaunie par le sol en sort même pas discrètement. Il dort comme un bébé. Il rêve comme un clochard.

Boule est venu cracher sur mes chaussures. Il avait un couteau à la main, le réverbère d’en face le faisait menace d’ombre, un couteau dans sa main, qui brillait même sur le mur éclairé. Boule est venu dans ses nouvelles brillantes chaussures, son nouvel imper, son nouveau couteau. Il a craché sur mes chaussures. Mais son ombre poignardait. Moi je dors, j’ai mes chaussures aux pieds, ma veste aux genoux, mon autre sous la couverture m’enlace douloureusement, ma tête repose sur cet oreiller de merde. Moi je dors comme un bébé. Je ressemble à un clochard. Celui de sous le parapet. Boule arrive et crache sur mes chaussures. Je ne me réveille pas mais je sens sa lame toucher ma jambe. Il s’abaisse pour cracher son glaviot de merde sur mes guenilles de merde. Boule et sa nouvelle vie, son nouvel imper crachant son ancien nom contre ma vie à moi.

J’ai claqué la porte et suis sorti, c’était si nouveau de claquer la porte pour sortir. Ca faisait tellement longtemps. Quand ça fait tellement longtemps ça semble si nouveau. C’est tout relatif. On oublie vite en rue. Hé ! Je ne dis plus dans la rue, mais en rue d’ailleurs maintenant. Je viens de m’en rendre compte. Cette vie prend le dessus déjà. J’ai claqué la porte et suis sorti, c’est à peine encore si je sais déjà dire chez moi. C’est pas naturel. C’est bizarre. Va falloir que je m’y fasse. J’osais pas claquer des portes. Quand tu vas chez le médecin, tu claques pas la porte, chez l’assistant social non plus, chez les flics non plus, il n’y a que chez toi que tu claques la porte. Je suis sorti, j’ai marché sur ce trottoir sur lequel je marche depuis pas longtemps direction le boulot. C’est un entrepôt pas très loin. Manutentionnaire. Je déplace des caisses du camion au camion, du camion à l’entrepôt, de l’entrepôt à l’entrepôt. Je me muscle les bras et me défonce le dos. C’est pas la panacée mais c’est mieux que rien. Le gars qui conduit le Clark me donne les ordres, il déplace le gros des palettes les plus lourdes le ciment les caisses renforcées. Le gars du Clark travaille là depuis des années. Il crie dans l’entrepôt comme si c’était chez lui. On est cinq à exécuter ce qu’il demande. Cinq hommes en gilet jaune fluorescent, chaussures de sécurité très usées, talquées et retalquées, bleu de travail dépoli. Le contremaître est en gris foncé. J’ai tourné à la deuxième à droite après être sorti de chez moi. J’ai continué à marcher en regardant le tram passer. Je pourrais le prendre mais pour deux arrêts ça sert à rien. Faut le payer. Ils me remboursent pas mes trajets. Je préfère marcher. Ca fait transition. Puis marcher dans la rue maintenant c’est plus la même chose. C’est dur à expliquer. La rue n’est plus la même. Oh qu’elle est plus belle. Faut que je me le dise. Elle est plus belle elle est plus belle. La vie est plus belle elle est plus belle. Faut absolument que je me le dise. Sinon c’est reparti pour un tour. Une tournée, deux, trois, sans s’arrêter, seul dans le café. La vie est plus belle.

Il allait mourir. Sanglé sur des rails d’une voie de province de campagne les oiseaux volent. Il a les pieds sanglés trop fort à l’intersection du rail d’acier et de la traverse en bois lourd, les épaules sanglées de même il est en travers de la voie indétachable le regard vers le ciel où des mouches dans ses yeux sont des nuées d’oiseaux des hirondelles. Il a très peur. L’air est chargé de sa sueur, le soleil lui grille le front les mains s’agitent se blessent se défaire se défaire est impossible il lutte et stresse ses mains ensanglantées lui piquent jusqu’à la nuque ses chevilles commencent à saigner aussi il se débat comme une bête puis s’arrête épuisé. Il regarde les oiseaux voler, une araignée grimpe sur son visage rouge humide chaud craquelé des fourmis se glissent sur ses mollets il arrête de se battre. Il se voit d’en haut. Le regard de l’oiseau ou de la mouche il se regarde attendre. Un train arrive avec le contremaître en proue, une sirène hurlante. Il ne peut plus raconter. Il se réveille.

En rentrant du boulot le dos défoncé j’ai fait un détour. Me convaincre la rue a changé. Mais j’ai pas pris de chemins inconnus, j’ai marché un peu à l’automatique. Je voulais voir la rue sentir le nouveau regarder les maisons pour les maisons je me suis perdu dans mes pensées j’ai marché puis j’ai plus regardé où j’allais. J’ai croisé Plot, enfin, Paul. On ne se parle plus. On se regarde plus, on s’ignore. C’est triste mais on se connait plus. On s’ignore. Je suis pas passé à côté de lui. J’ai préféré faire demi-tour. Je l’ai croisé de loin, il était assis son gobelet en face de lui, je l’ai vu de loin. La même attitude courbé mais joyeux. J’ai fait demi-tour et ça m’a fait revenir à la réalité. J’ai arrêté de penser, je me suis remis à observer les façades et le ciel qui est plein de nuages, et j’ai marché jusque chez moi, ce n’est pas très vert, il n’y a pas beaucoup d’arbres, mais les maisons sont assez basses, il y a de la lumière. Je suis rentré chez moi. La porte est banale, un peu vieillotte, style ouvrière, un carreau opaque, un cadre en alu, des barreaux noirs devant le carreau, une simple serrure. J’ai passé la porte et suis rentré chez moi. J’étais confus, triste, et vide. Pas encore de télé, je me suis couché sur mon lit dans la seconde pièce, j’ai regardé le plafond, calés les yeux au plafond. Quand on regarde un mur blanc trop longtemps, il y a un moment où la vision se brouille un peu, des taches minuscules apparaissent, qui bougent comme des nuées d’insectes, des hirondelles.

Il a fait un détour avant de rentrer. Mal de dos courbé, se forçant régulièrement à la droiture, la nouvelle stature, son nouveau statut. Il hésite ne sait pas par où aller où plonger son regard sa pensée comment penser. Son dos révèle son humeur volatile double nature esprit épars. Il a pris les rues qu’il connait pavé sur pavé reconnu inconsciemment dirigé. Il a marché le regard à terre puis aux balcons puis au ciel puis à la gouttière puis à la bouche d’égout puis il a regardé la route, les yeux un peu lentement relevés, la route, les voitures garées, le fond du trottoir. Il s’est arrêté. Plot à vingt mètres de lui, Paul. Plot n’a pas changé se dit-il tristesse et victoire. Henry s’arrête net. Il regarde Plot. Boule reconnaît Plot. Henry ne sait plus lui parler. Il fait demi-tour rentre chez lui dans son appartement deux pièces mal agencé pas habité sans télé. Il rentre le pas plus rapide. Paul ne l’a pas vu.

Je m’appelle Paul j’ai trente-huit ans j’ai pas de travail. C’est ma première représentation. Enfin, la dernière dont je me rappelle. Je m’appelle Plot plutôt alors. Paul est mort dans le film que j’ai oublié. Paul errant est Plot. J’erre et reste assis et me couche, besoins minimaux, contacts minimaux, rien de très grave. Je m’appelle Plot, je vis sur la langue d’entrée du cinéma. Langue décrépie, figée par Médusa, en marbre crasseux. Quatre euros cinquante il est que trois heures. Le soleil brille les pièces aussi. De cinquante, de dix surtout, puis les ridicules, les mêmes pas brillantes mais je cracherais pas sur un bol rempli de celles-là. Envie de m’arrêter mais qu’arrêter ? Enlever le gobelet changera pas ce que je suis. Bordel c’est pas un travail, faut bien que je me rentre ça dans le crâne. Je m’appelle Plot je suis sans âge. J’attends vos bons offices je suis moine bouddhiste ou moineau défaitiste. Je m’imagine parfois déclamer dans le métro ma petite présentation en me moquant de la raison. Faire de ma vie de clochard un théâtre. Je déclamerais dans les rames mes multiples poèmes je chanterais mes « je m’appelle… » mais j’oserais jamais. J’ai la voix rauque aigue, le regard trop sombre, la peau trop abimée, la barbe trop mal taillée. Il y en a qui osent ça, passer dans les métros, se présenter haute la voix le gobelet dans la main, le manteau puant puis passer de sièges en sièges. J’oserai jamais. Je suis Plot l’enfant décrépi du cinéma qui repose sur sa langue avachie.

Le trottoir est mou comme du sable. Sensation agréable. Mon corps se love et détend ses nerfs. Le sol est chaud et pas humide. Je suis couché la tête sur les mains jointes paume contre paume. J’observe mon souffle agiter de minuscules poussières, les faire vivre comme un grand vent les papiers les gens. Mon souffle agite toutes ces petites gens. Je me prends pour Dieu un moment. Une main interrompt ma vision, je la reconnais, c’est celle de ma mère. Elle est jeune mais je vois les rides futures pré-dessinées. Je sens le sol trembler, la main disparaît, je ne vois plus que des pavés. Je ne suis plus couché, je ne vois plus que des pavés de haut, Ils glissent comme dans un creux, j’ai envie de les retenir mais je n’ai pas de bras juste des yeux, Un grand sac poubelle accompagné d’un bruit de camion qui fait marche arrière, un tût-tût, un grand sac poubelle ramasse les pavés. Je me réveille.


C’est toujours un drôle de manège une rencontre malaisée les éboueurs et les clochards. Les uns se demandent ce qu’ils ne doivent pas prendre les autres ce qui va leur rester. Plus loin, à un ou deux quartiers de là, Henry dort dans son lit.

Lain

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Message  Invité Dim 14 Aoû 2011 - 19:48

C'est pas mal... une fois qu'on a compris comment ça fonctionne. Assez dubitative au début, je me suis laissée prendre au jeu.
Sans faire une lecture volontairement studieuse j'ai toutefois relevé cette coquille :

"Pas encore de télé, je me suis couché sur mon lit dans la seconde pièce, j’ai regardé le plafond, calés ("calé") les yeux au plafond."

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Message  Lain Dim 14 Aoû 2011 - 19:58

ha c'est chouette...merci
le "calés", en fait c'est pas une erreur, c'est accordé à "yeux", j'aurais pu mettre une virgule mais je préférais pas.
si on se laisse prendre un peu au jeu, alors je la continue et la posterai finie et recorrigée.



< Comme nous le demandons à tous les auteurs ici : prière d'éviter de répondre systématiquement à chaque commentaire mais plutôt de regrouper vos réponses afin d'éviter de faire remonter ou maintenir vous-même votre texte en haut de page au détriment de ceux des autres auteurs.
Merci de votre compréhension.
La Modération >

.

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Message  Invité Lun 15 Aoû 2011 - 5:58

Lain a écrit:ha c'est chouette...merci
le "calés", en fait c'est pas une erreur, c'est accordé à "yeux", j'aurais pu mettre une virgule mais je préférais pas.
si on se laisse prendre un peu au jeu, alors je la continue et la posterai finie et recorrigée.

vote pour. ludique. du style. un peu de licence. bref de la littérature. écrite la littérature. ;-)

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Message  Yoni Wolf Lun 15 Aoû 2011 - 8:01

Vote pour aussi. Vraiment.
Yoni Wolf
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http://lespigeonsecrases.blogspot.com/

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Horreurs en couleurs Empty la petite fin...

Message  Lain Lun 15 Aoû 2011 - 20:42

C’est un drôle de manège une rencontre malaisée les éboueurs et les clochards. Les uns se demandent ce qu’ils ne doivent pas prendre les autres ce qui va leur rester. Plus loin, à un ou deux quartiers de là, Henry dort dans son lit.


J’insulte les passants ignares du trottoir, j’ai une canne, je les menace, ils m’ignorent, je ne suis pas seul, entouré de boiteux, je veux les battre les passants, ils me retiennent, mes frères d’armes, leurs mains sur mes poignets, ma canne tombe, je me baisse, la ramasse, je me relève, il n’y a plus personne personne autour de moi.

Le réveil a sonné, encore un rêve qui va me poursuivre sur le chemin du travail. C’est le dernier jour de la
semaine, il y en a que ça réjouit. Je verrai ma fille, même si son regard n’a pas changé. Elle me déteste mais c’est toujours ma fille.


Plot gagne son temps à perdre sa vie, la rancœur en grandit la colère assiège. Il a vu Boule ce matin, plus propre et rasé, comme toujours de loin depuis que Boule a réussi, trahi, médit, comme toujours de loin silencieusement. Il élabore des plans, fantasme le savoir mort. Rasé et avec ses habits il prendra sa place et sa fille. Je m’appelle Henri dira-t-il.

Ivre à m’en nourrir je voudrais le voir mort. Alors je m’appellerai Henri, j’aurai un boulot, une fille, un
endroit sec et chaud, une maison mère, je m’enivre jusqu’à dormir.



Complet costume confortable une arme dans la poche m’alourdit le pantalon, froide au contact des doigts. J’observe mon reflet dans la porte vitrée. Je n’ose pas entrer. On ouvre la porte, mon reflet glisse à
l’ouest, un complet costume confortable me dévisage referme la porte mon reflet revient, c’est moi dans la vitre maintenant, mal-froqué, le flingue dans la main droite, je tire la vitre se brise.



De la nuit Plot ne dormira plus mais il boira jusqu’au lendemain. Henri, chez lui, craint la venue de Chloé sa fille, comme chaque fois. Il n’en a pas dormi. Regardera-t-elle autrement ? Au matin il sort, une course au magasin, quelques broutilles avant qu’elle arrive. Quand il revient, un couteau à la main Paul est assis devant sa porte, a l’œil livide mais vivant, et rageant, l’assassine.

Lain

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Horreurs en couleurs Empty le tout pour corriger les erreurs de mise en page, désolé...

Message  Lain Lun 15 Aoû 2011 - 20:47

Horreur en couleurs

Boule est Henry,
Plot est Paul,

Chacun passé différemment,
De l’un à l’autre,
De l’autre à l’un.


Ils
rêvent et racontent.
Un autre en rajoute.

Sous le parapet parapluie de ce temps pourri de ces nuits froides d’un été maudit venteux, sale crachin de merde, au creux de cet encastrement de marbre de cette entrée de l’ancien cinéma fermé il dort pelote en sac de nylon d’une veste affranchie de ses coutures nettes, par endroit du coton synthétique en mousse jaunie par le sol en sort même pas discrètement. Il dort comme un bébé. Il rêve comme un clochard.


Boule est venu cracher sur mes chaussures.
Il avait un couteau à la main, le réverbère d’en face le faisait menace d’ombre, un couteau dans sa main, qui brillait même sur le mur éclairé. Boule est venu dans ses nouvelles brillantes chaussures, son nouvel imper, son nouveau couteau. Il a craché sur mes chaussures. Mais son ombre poignardait.
Moi je dors, j’ai mes chaussures aux pieds, ma veste aux genoux, mon autre sous la couverture m’enlace douloureusement, ma tête repose sur cet oreiller de merde. Moi je dors comme un bébé. Je ressemble à un clochard. Celui de sous le parapet. Boule arrive et crache sur mes chaussures. Je ne me réveille pas mais je sens sa lame toucher ma jambe. Il s’abaisse pour cracher son glaviot de merde sur mes guenilles de merde. Boule et sa nouvelle vie, son nouvel imper crachant son ancien nom contre ma vie à moi.



J’ai claqué la porte et suis sorti, c’était si nouveau de claquer la porte pour sortir. Ca faisait tellement longtemps.
Quand ça fait tellement longtemps ça semble si nouveau. C’est tout relatif. On oublie vite en rue. Hé ! Je ne dis plus dans la rue, mais en rue d’ailleurs maintenant. Je viens de m’en rendre compte. Cette vie prend le dessus déjà. J’ai claqué la porte et suis sorti, c’est à peine encore si je sais déjà dire chez moi. C’est pas naturel. C’est bizarre. Va falloir que je m’y fasse. J’osais pas claquer des portes. Quand tu vas chez le médecin, tu claques pas la porte, chez l’assistant social non plus, chez les flics non plus, il n’y a que chez toi que tu claques la porte. Je suis sorti, j’ai marché sur ce trottoir sur lequel je marche depuis pas longtemps direction le boulot. C’est un entrepôt pas très loin. Manutentionnaire. Je déplace des caisses du camion au camion, du camion à l’entrepôt, de l’entrepôt à l’entrepôt. Je me muscle les bras et me défonce le dos. C’est pas la panacée mais c’est mieux que rien. Le gars qui conduit le Clark me donne les ordres, il déplace le gros des palettes les plus lourdes le ciment les caisses renforcées. Le gars du Clark travaille là depuis des années.
Il crie dans l’entrepôt comme si c’était chez lui. On est cinq à exécuter ce qu’il demande. Cinq hommes en gilet jaune fluorescent, chaussures de sécurité très usées, talquées et retalquées, bleu de travail dépoli. Le contremaître est en gris foncé.
J’ai tourné à la deuxième à droite après être sorti de chez moi. J’ai continué à marcher en regardant le tram passer. Je pourrais le prendre mais pour deux arrêts ça sert à rien. Faut le payer. Ils me remboursent pas mes trajets. Je préfère
marcher. Ca fait transition. Puis marcher dans la rue maintenant c’est plus la même chose. C’est dur à expliquer. La rue n’est plus la même. Oh qu’elle est plus belle. Faut que je me le dise. Elle est plus belle elle est plus belle. La vie est plus belle elle est plus belle. Faut absolument que je me le dise.
Sinon c’est reparti pour un tour. Une tournée, deux, trois, sans s’arrêter, seul dans le café. La vie est plus belle.



Il m’a raconté son rêve. Il risquait la mort. Sanglé sur des rails d’une voie de province de campagne les oiseaux volent. Il a les pieds sanglés trop fort à l’intersection du rail d’acier et de la traverse en bois lourd, les épaules sanglées de même il est en travers de la voie indétachable le regard vers le ciel où des mouches dans ses yeux sont des nuées d’oiseaux des hirondelles. Il a très peur. L’air est chargé de sa sueur, le soleil lui grille le front les mains s’agitent se blessent se défaire se défaire est impossible il lutte et stresse ses mains ensanglantées lui piquent jusqu’à la nuque ses chevilles commencent à saigner aussi il se débat comme une bête puis s’arrête épuisé. Il regarde les oiseaux voler, une araignée grimpe sur son visage rouge humide chaud craquelé des fourmis se glissent sur ses mollets il arrête de se battre. Il se voit d’en haut. Le regard de l’oiseau ou de la mouche il se regarde attendre. Un train arrive le contremaître en proue une sirène hurlante.
Il ne peut plus raconter. Il se réveille.



En rentrant du boulot le dos défoncé j’ai fait un détour. Me convaincre la rue a changé. Mais j’ai pas pris de chemins inconnus, j’ai marché un peu à l’automatique. Je voulais voir la rue sentir le nouveau regarder les maisons
pour les maisons je me suis perdu dans mes pensées j’ai marché puis j’ai plus regardé où j’allais. J’ai croisé Plot, enfin, Paul. On ne se parle plus. On se regarde plus, on s’ignore. C’est triste mais on se connait plus. On s’ignore.
Je suis pas passé à côté de lui. J’ai préféré faire demi-tour. Je l’ai croisé de loin, il était assis son gobelet en face de lui, je l’ai vu de loin. La même attitude courbé mais joyeux. J’ai fait demi-tour et ça m’a fait revenir à la réalité. J’ai arrêté de penser, je me suis remis à observer les façades et le ciel qui est plein de nuages, et j’ai marché jusque chez moi, ce n’est pas très vert, il n’y a pas beaucoup d’arbres, mais les maisons sont assez basses, il y a de la lumière. Je suis rentré chez moi. La porte est banale, un peu vieillotte, style ouvrière, un carreau opaque, un cadre en alu, des barreaux noirs devant le carreau, une simple serrure. J’ai passé la porte et suis rentré chez moi.
J’étais confus, triste, et vide. Pas encore de télé, je me suis couché sur mon lit dans la seconde pièce, j’ai regardé le plafond, calés les yeux au plafond.
Quand on regarde un mur blanc trop longtemps, il y a un moment où la vision se brouille un peu, des taches minuscules apparaissent, qui bougent comme des nuées d’insectes, des hirondelles.



Il a fait un détour avant de rentrer.
Mal de dos courbé, se forçant régulièrement à la droiture, la nouvelle stature, son nouveau statut. Il hésite ne sait pas par où aller où plonger son regard sa pensée comment penser. Son dos révèle son humeur volatile double nature esprit
épars. Il a pris les rues qu’il connait pavé sur pavé reconnu inconsciemment dirigé. Il a marché le regard à terre puis aux balcons puis au ciel puis à la gouttière puis à la bouche d’égout puis il a regardé la route, les yeux un peu lentement relevés, la route, les voitures garées, le fond du trottoir. Il s’est arrêté. Plot à vingt mètres de lui, Paul. Plot n’a pas changé se dit-il tristesse et victoire. Henry s’arrête net. Il regarde Plot. Boule reconnaît Plot. Henry ne sait plus lui parler. Il fait demi-tour rentre chez lui dans son appartement deux pièces mal agencé pas habité sans télé. Il rentre le pas plus rapide. Paul ne l’a pas vu.


Je m’appelle Paul j’ai trente-huit ans j’ai pas de travail. C’est ma première représentation. Enfin, la dernière dont je me rappelle. Je m’appelle Plot plutôt alors. Paul est mort dans le film que j’ai oublié. Paul errant est Plot.
J’erre et reste assis et me couche, besoins minimaux, contacts minimaux, rien de très grave. Je m’appelle Plot, je vis sur la langue d’entrée du cinéma.
Langue décrépie, figée par Médusa, en marbre crasseux. Quatre euros cinquante il est que trois heures. Le soleil brille les pièces aussi. De cinquante, de dix surtout, puis les ridicules, les mêmes pas brillantes mais je cracherais pas sur un bol rempli de celles-là. Envie de m’arrêter mais qu’arrêter ?
Enlever le gobelet changera pas ce que je suis. Bordel c’est pas un travail, faut bien que je me rentre ça dans le crâne.



Je m’appelle Plot je suis sans âge. J’attends vos bons offices je suis moine bouddhiste ou moineau défaitiste. Je m’imagine parfois déclamer dans le métro ma petite présentation en me moquant de la raison. Faire de ma vie de clochard un théâtre. Je déclamerais dans les rames mes multiples poèmes je chanterais mes « je m’appelle… » mais j’oserais jamais. J’ai la voix rauque aigue, le regard trop sombre, la peau trop abimée, la barbe trop mal taillée.
Il y en a qui osent ça, passer dans les métros, se présenter haute la voix le gobelet dans la main, le manteau puant puis passer de sièges en sièges. J’oserai jamais. Je suis Plot l’enfant décrépi du cinéma qui repose sur sa langue avachie.



Le trottoir est mou comme du sable. Sensation agréable. Mon corps se love et détend ses nerfs. Le sol est chaud et pas humide. Je suis couché la tête sur les mains jointes paume contre paume.
J’observe mon souffle agiter de minuscules poussières, les faire vivre comme un grand vent les papiers les gens. Mon souffle agite toutes ces petites gens. Je me prends pour Dieu un moment. Une main interrompt ma vision, je la reconnais, c’est celle de ma mère. Elle est jeune mais je vois les rides futures pré-dessinées. Je sens le sol trembler, la main disparaît, je ne vois plus que des pavés. Je ne suis plus couché, je ne vois plus que des pavés de haut, Ils glissent comme dans un creux, j’ai envie de les retenir mais je n’ai pas de bras juste des yeux, un grand sac poubelle accompagné d’un bruit de camion qui fait marche arrière, un tût-tût, un grand sac poubelle ramasse les pavés. Je me réveille.



C’est un drôle de manège une rencontre malaisée les éboueurs et les clochards. Les uns se demandent ce qu’ils ne doivent pas prendre les autres ce qui va leur rester. Plus loin, à un ou deux quartiers de là, Henry dort dans son lit.


J’insulte les passants ignares du trottoir, j’ai une canne, je les menace, ils m’ignorent, je ne suis pas seul, entouré de boiteux, je veux les battre les passants, ils me retiennent, mes frères d’armes, leurs mains sur mes poignets, ma canne tombe, je me baisse, la ramasse, je me relève, il n’y a plus personne personne autour de moi.


Le réveil a sonné, encore un rêve qui va me poursuivre sur le chemin du travail. C’est le dernier jour de la
semaine, il y en a que ça réjouit. Je verrai ma fille, même si son regard n’a pas changé. Elle me déteste mais c’est toujours ma fille.



Plot gagne son temps à perdre sa vie, la rancœur en grandit la colère assiège. Il a vu Boule ce matin, plus propre et rasé, comme toujours de loin depuis que Boule a réussi, trahi, médit, comme toujours de loin silencieusement. Il élabore des plans, fantasme le savoir mort. Rasé et avec ses habits il prendra sa place et sa fille. Je m’appelle Henri dira-t-il.


Ivre à m’en nourrir je veux le voir mort. Alors je m’appellerai Henri, j’aurai un boulot, une fille, un
endroit sec et chaud, une maison mère, je m’enivre jusqu’à dormir.



Complet costume confortable une arme dans la poche m’alourdit le pantalon, froide au contact des doigts. J’observe mon reflet dans la porte vitrée. Je n’ose pas entrer. On ouvre la porte, mon reflet glisse à l’ouest, un complet costume confortable me dévisage referme la porte mon reflet revient, c’est moi dans la vitre maintenant, mal-froqué, le flingue dans la main droite, je tire la vitre se brise.


De la nuit Plot ne dormira plus mais il boira jusqu’au lendemain. Henri, chez lui, craint la venue de Chloé sa fille comme chaque fois. Il n’en a pas dormi. Regardera-t-elle autrement ? Au matin il sort, une course au magasin. Quelques broutilles avant qu’elle arrive. Quand il revient, un couteau à la main Paul est assis devant sa porte, a l’œil livide mais vivant, et rageant, l’assassine.

Lain

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Message  Lain Lun 15 Aoû 2011 - 20:53

la mise en page est encore pire...il va falloir que je me fasse au copier-coller. (mentor, viens moi en aide)

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Message  Invité Mar 16 Aoû 2011 - 10:50

Comme ça ?

Bon, je venais lire et commenter mais j'ai passé tant de temps sur la mise en page, suis plus trop réceptive. Reviendrai plus tard...

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Message  Invité Mar 16 Aoû 2011 - 18:39

Dommage que la dernière phrase ne soit pas limpide. Qui est qui dans la deuxième proposition ? : ", a l’œil livide mais vivant, et rageant, l’assassine." L'absence de sujet crée la confusion. Ou bien est-ce voulu ?, ;-)

Invité
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