Sauver Olga
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Sauver Olga
Cela aurait pu se passer sur le parvis de l'église Saint-Maurice à Lille ou dans les bas-fonds d'une capitale européenne. Une vitrine bien éclairée dans une ruelle obscure d'Amsterdam, pourquoi pas ?
Mais finalement non ! C'est sous un réverbère de l'agglomération caennaise, le long des quais glauques de l'Orne, qu'Olga vint nonchalamment s'adosser.
Une pluie fine et serrée lustrait les pavés. Bienvenue en Normandie ! Olga s'abritait sous un immense parapluie blanc. De hautes bottes blanches lui enveloppaient les jambes. Une longue veste en simili-cuir rouge laissait apparaître son décolleté profond. Une mini-jupe noire se cachait à peine dessous.
Elle regarda à droite, à gauche. Toutes ses consœurs se pelotonnaient au sec dans un fourgon. Olga, elle, n'était pas motorisée. Plantée sous son réverbère, elle affrontait courageusement les intempéries. Pour se réchauffer elle alluma une cigarette. Le rouge vif déposé en couche épaisse sur ses lèvres laissa une trace grasse sur le filtre.
Sans prévenir, son parapluie vira du blanc au noir. Manque de personnalité ou marque de coquetterie soucieuse d'assortiment, les bottes en firent autant. Elles raccourcirent un peu tandis que des bas résilles noirs montaient rejoindre la mini-jupe, bien au chaud sous la veste.
Peur de se mouiller ? Fin de mois difficile ? Toujours est-il qu'il y avait très peu de passage. Les rares clients s'arrêtaient un peu plus loin, à hauteur des fourgons. Olga était pourtant la plus visible, bien éclairée par son réverbère.
Il fallait se rendre à l'évidence. Accessoires blancs ou noirs, bas résilles ou pas, la soirée ne serait pas rentable. Et si tout simplement Olga ne plaisait pas dans cet accoutrement ?
Elle revêtit donc une robe vert tendre. Elle épousait ses formes à merveille, dessinant ses jolies fesses rebondies à point. Elle s'arrêtait en haut des cuisses. Olga portait un sac à main d'un vert plus soutenu. Perchée sur des talons aiguilles assortis, elle exhibait très haut son opulente poitrine.
Cette nuit de juillet était délicieuse. Une brise tiède la rafraîchissait à peine. L'activité battait son plein. Sitôt descendue d'une voiture, Olga rejoignait son réverbère. A peine le temps de passer une couche de rouge sur ses lèvres pulpeuses qu'un autre véhicule s'arrêtait. Les affaires marchaient bien. Rien ne s'opposait manifestement à ce que ça continue.
C'était sans compter ce type, légèrement en retrait, tapi dans l'obscurité. Il observait Olga depuis un bon moment. Il attendait l'arrêt de ce ballet incessant de véhicules. Olga était enfin disponible. Il se dirigea vers elle à pas vifs. Elle le regardait arriver. Trapu, la cinquantaine bien tapée, l'air bizarre. L'attitude gauche d'un acteur jouant mal son rôle. Il se planta devant Olga.
« Va voir les copines biquet, pas possible avec moi ! Je suis comme toi, pas motorisée ! » lui lança-t-elle avant même qu'il n'ait ouvert la bouche.
Il lui brandit alors un couteau sous le nez.
« Rien à foutre ! C'est tout de suite et ici, en pleine lumière sous ton réverbère » ! hurla-t-il.
Olga regardait l'individu. Elle voyait la lame briller à la lueur du lampadaire. Elle la sentit se déposer sur sa joue, glisser sur son cou jusqu'à s'arrêter sur sa poitrine.
Elle aurait du crier, paniquer, sentir son cœur cogner ! Elle aurait du avoir peur !
Mais elle restait stoïque, d'un flegme surprenant en la circonstance. Attachait-elle vraiment si peu d'importance à cette vie qu'on s'apprêtait à lui ôter ?
Soudain, un rayon de soleil envahit le salon. Éblouie, Adélaïde posa son stylo et se leva pour baisser le store.
Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? se dit-elle. Olga, c'est sûr, il lui faut de la lumière, comme à toutes les belles plantes. Mais si elle préférait la lumière du jour ?
L'instant d'après, Olga, un étui à la main, se dirigeait à pieds vers les bords de l'Orne. Là où les violettes bleues et blanches se la disputent à l'ombre des jonquilles pour annoncer le printemps.
Il faisait un temps radieux. Une de ces journées où seuls le soleil et les oiseaux pavoisent le ciel. Arrivée au lieu-dit « L'île enchantée », elle ouvrit l'étui et en sortit son instrument.
Violoniste virtuose, elle donnait un concert le soir-même. Elle mourait de trac. Dans ces cas-là, elle éprouvait le besoin de venir jouer à cet endroit. Si elle tenait bon en plein jour dans ce lieu fréquenté, elle savait qu'elle assurerait devant son public sous un projecteur.
Adélaïde avait enfin trouvé son personnage et son histoire. Son stylo courait aussi vite sur le papier que l'archet d'Olga sur son violon.
Mais finalement non ! C'est sous un réverbère de l'agglomération caennaise, le long des quais glauques de l'Orne, qu'Olga vint nonchalamment s'adosser.
Une pluie fine et serrée lustrait les pavés. Bienvenue en Normandie ! Olga s'abritait sous un immense parapluie blanc. De hautes bottes blanches lui enveloppaient les jambes. Une longue veste en simili-cuir rouge laissait apparaître son décolleté profond. Une mini-jupe noire se cachait à peine dessous.
Elle regarda à droite, à gauche. Toutes ses consœurs se pelotonnaient au sec dans un fourgon. Olga, elle, n'était pas motorisée. Plantée sous son réverbère, elle affrontait courageusement les intempéries. Pour se réchauffer elle alluma une cigarette. Le rouge vif déposé en couche épaisse sur ses lèvres laissa une trace grasse sur le filtre.
Sans prévenir, son parapluie vira du blanc au noir. Manque de personnalité ou marque de coquetterie soucieuse d'assortiment, les bottes en firent autant. Elles raccourcirent un peu tandis que des bas résilles noirs montaient rejoindre la mini-jupe, bien au chaud sous la veste.
Peur de se mouiller ? Fin de mois difficile ? Toujours est-il qu'il y avait très peu de passage. Les rares clients s'arrêtaient un peu plus loin, à hauteur des fourgons. Olga était pourtant la plus visible, bien éclairée par son réverbère.
Il fallait se rendre à l'évidence. Accessoires blancs ou noirs, bas résilles ou pas, la soirée ne serait pas rentable. Et si tout simplement Olga ne plaisait pas dans cet accoutrement ?
Elle revêtit donc une robe vert tendre. Elle épousait ses formes à merveille, dessinant ses jolies fesses rebondies à point. Elle s'arrêtait en haut des cuisses. Olga portait un sac à main d'un vert plus soutenu. Perchée sur des talons aiguilles assortis, elle exhibait très haut son opulente poitrine.
Cette nuit de juillet était délicieuse. Une brise tiède la rafraîchissait à peine. L'activité battait son plein. Sitôt descendue d'une voiture, Olga rejoignait son réverbère. A peine le temps de passer une couche de rouge sur ses lèvres pulpeuses qu'un autre véhicule s'arrêtait. Les affaires marchaient bien. Rien ne s'opposait manifestement à ce que ça continue.
C'était sans compter ce type, légèrement en retrait, tapi dans l'obscurité. Il observait Olga depuis un bon moment. Il attendait l'arrêt de ce ballet incessant de véhicules. Olga était enfin disponible. Il se dirigea vers elle à pas vifs. Elle le regardait arriver. Trapu, la cinquantaine bien tapée, l'air bizarre. L'attitude gauche d'un acteur jouant mal son rôle. Il se planta devant Olga.
« Va voir les copines biquet, pas possible avec moi ! Je suis comme toi, pas motorisée ! » lui lança-t-elle avant même qu'il n'ait ouvert la bouche.
Il lui brandit alors un couteau sous le nez.
« Rien à foutre ! C'est tout de suite et ici, en pleine lumière sous ton réverbère » ! hurla-t-il.
Olga regardait l'individu. Elle voyait la lame briller à la lueur du lampadaire. Elle la sentit se déposer sur sa joue, glisser sur son cou jusqu'à s'arrêter sur sa poitrine.
Elle aurait du crier, paniquer, sentir son cœur cogner ! Elle aurait du avoir peur !
Mais elle restait stoïque, d'un flegme surprenant en la circonstance. Attachait-elle vraiment si peu d'importance à cette vie qu'on s'apprêtait à lui ôter ?
Soudain, un rayon de soleil envahit le salon. Éblouie, Adélaïde posa son stylo et se leva pour baisser le store.
Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? se dit-elle. Olga, c'est sûr, il lui faut de la lumière, comme à toutes les belles plantes. Mais si elle préférait la lumière du jour ?
L'instant d'après, Olga, un étui à la main, se dirigeait à pieds vers les bords de l'Orne. Là où les violettes bleues et blanches se la disputent à l'ombre des jonquilles pour annoncer le printemps.
Il faisait un temps radieux. Une de ces journées où seuls le soleil et les oiseaux pavoisent le ciel. Arrivée au lieu-dit « L'île enchantée », elle ouvrit l'étui et en sortit son instrument.
Violoniste virtuose, elle donnait un concert le soir-même. Elle mourait de trac. Dans ces cas-là, elle éprouvait le besoin de venir jouer à cet endroit. Si elle tenait bon en plein jour dans ce lieu fréquenté, elle savait qu'elle assurerait devant son public sous un projecteur.
Adélaïde avait enfin trouvé son personnage et son histoire. Son stylo courait aussi vite sur le papier que l'archet d'Olga sur son violon.
Lisa Decaen- Nombre de messages : 199
Age : 58
Date d'inscription : 17/06/2011
Re: Sauver Olga
Un peu perdue au début, j'ai au bout du compte beaucoup aimé sautiller comme ça d'un personnage à l'autre au gré de l'imagination de sa créatrice. C'est bien amené, les transitions se font sans heurt, ça glisse tout seul, avec des indices pas trop voyants ni trop cryptiques. Oui, c'est sympa comme texte.
Remarque : "elle aurait dû"
Remarque : "elle aurait dû"
Invité- Invité
Re: Sauver Olga
J’aime beaucoup, à la lumière de la fin je comprends mieux ces changements magiques de tenues vestimentaires. L’écriture est en plus vraiment agréable et Olga, quelle que soit sa destinée sous la plume est un personnage bien troussé.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Sauver Olga
J'ai trouvé très amusant de nous faire assister en direct aux hésitations de la narratrice. Le moment où l'on donne corps à son personnage : qui sera-t-il ? où évoluera-t-il ? s'apercevoir que l'affaire prend une tournure que l'on ne désire pas, recadrer le tout ... L'effet de surprise engendré par ce qui nous parait comme des incohérences en début de lecture est bien mené.
Invité- Invité
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