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Jeux d'enfants avant la ménopause

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Message  Raoulraoul Sam 17 Mar 2012 - 18:34

Jeux d’enfants avant la ménopause

Elle téléphone. Il se fait appeler « monsieur ». Elle travaille au quartier de la Défense. Elle rentre. Elle porte un tailleur Ralph Lauren. Elle rentre. Elle tire ses stores. Elle ne regarde plus la ville. Elle balance son sac Hermès sur le canapé. Elle boit du whisky japonais. Elle habite au quinzième étage. Elle est blonde. Attachée de direction. Elle écoute les albums de Keith Jarrett. Elle est seule ce soir.

Il tourne en rond. Il feuillette des magazines. Il se fait appeler « monsieur ». Elle lui téléphone.
Il mange des chipolatas. Il se promène en sabots suédois. Diplômé des Arts et Métiers. Il est myope. Il a un sourire franc. Il est en fin de droit. Il a une fille aux Etats-Unis. Il collectionne les voitures Dinky-Toys. Il habite au quatorzième étage. Il possède un chat. Il ne regarde plus la télévision. Il dépose des projets dans les ministères.

Elle lui ouvre la porte. Elle se plaint de la chaleur aujourd’hui. Ils s’assoient sur le canapé. Elle n’a pas eu le temps de se rafraîchir. Ils boivent un jus de goyave. Elle a gardé ses escarpins. Il la remercie de lui avoir téléphoné ce soir. Elle l’appelle toujours « monsieur ». Ils se prennent la main. Ils regardent la ville ensemble. Il n’a pas cru nécessaire de mettre une cravate. Sur le tapis du salon, une hutte d’indien est dressée. Elle s’est refait le rouge à lèvre. Ses cheveux font des vagues sur son cou. Elle prend le RER chaque matin. Ils sont imposables. Ils ont des flatulences. Ils roulent en voiture. Elle a une dentition parfaite. Elle a hérité d’une maison de campagne. Ils ont perdu leurs arrières grands-parents. Ils se souviennent. Ils n’aiment pas jouer au cartes. Ils ont une Bible. Elle suce des bonbons. Il porte un slip boxer de marque Calvin Klein. Il photographie des monuments. Il est allergique aux pollens. Il aimerait voyager dans le Turkestan. Elle se méfie des ascenseurs, elle évite les parkings. Elle fait un régime fitness. Ils sont assis sur le canapé. Ils se vouvoient. Il veut l’embrasser. Elle lui dit « non ».

Sur le tapis du salon, il y a une hutte d’indien dressée. Un jouet d’enfant. La ville brille de toutes ses lumières. La nuit. Par la baie vitrée on voit la nuit. Les lumières de la ville éclairent l’appartement. Elle a éteint les spots. Seule la nuit déverse sa lueur mauve dans l’appartement. « Allons dans la hutte » elle dit. Dans la hutte d’indien ils se glissent. Elle se tient debout. Elle l’appelle encore « monsieur ». Elle est grande ainsi, devant lui par terre. Elle dégrafe son chemisier.

Un odeur des bois. Celles des mûres et des primevères après une ondée matinale. Sur les chemins de l’école. Une odeur de lait tiède distribué à quatre heures

Dans la hutte Fleurs de Maïs est torse nu. Sa peau est blanche. Les pépins de ses seins comme des yeux. Aigle Chauve agenouillé vénère Fleur de Maïs. Il fait chaud dans le tipi. Aigle Chauve respire chaque contrée de Fleur de Maïs. Le fleuve de ses bras, la crique de ses aisselles, la voussure de ses jambes. L’idée de la hutte d’indien, c’est un truc à elle. Pour « monsieur ». Mais aussi pour elle. Pour intensifier le temps présent.

Elle dit maintenant à monsieur : « Aigle Chauve pourrait peut-être enlever sa peau de boxer ». Aigle Chauve s’exécute avec une lenteur solennelle. Il se retrouve nu comme un arbre après le passage d’un typhon. Fleur de Maïs lui sera redevable. Elle ne pleure pas. Elle frémit. Il faudra bien que Fleur de Maïs abandonne sa jupe en maille de jersey de Ralph Lauren.

Les enseignes de la ville clignotent sans répit. On voit les églises et la cathédrale comme un îlot de blancheur dans la fébrilité nocturne. L’Arche de la Défense oppose sa modernité, encadrant le fouillis de la ville. L’attachée de direction se voit dans ses fonctions ; performante, compétitive, une fesse sur un coin du bureau, dictant ses ordres. Elle la tient à coup de cœur, de sang, de sueur et d’esprit sa société de marketing internationale. La Défense miroite de tous ses néons sur le tipi.

Ca sent bon sous le tipi. Le labeur suspendu mais encore là, dans chaque pore de la peau. Il transpire jusqu’aux limites de l’acceptable. Fleur de Maïs rompt la ceinture, sa jupe choit. Un buisson de perles d’eau scintille sous la hutte. Une sierra de croupes tournoie devant Aigle Chauve. Elle a gardé ses escarpins comme unique parure. C’est le partage d’un bouquet qu’ils vivent sous la hutte. Tout deux se regardent aimablement. Elle debout, totémique. Lui, au pied, adorant.

Les sirènes hurlent à l’assaut des fenêtres, la nuit. Les ambulances du malheur sillonnent la ville. Un suicide, un malade, une détresse. D’une tour, un chômeur s’est jeté, ayant épuisé ses droits. A Pigalle, sous le manteau, on vend des barrettes de chit. Une étudiante se prostitue pour payer son loyer. Des mères de familles jouent les hôtesses escort. Des séminaires à La Défense servent de prétexte à des parties fines. Une Limousine s’arrête acheter un pâté chez Fauchon.

Fleurs de Maïs, tu te rappelles autrefois nos jeux dans le garage, ou dans la cabane dans la forêt. Le pain qu’on faisait griller au bout d’une branche dans le feu de braise. Les pommes de terre chaudes sous la cendre. Et le couple d’amoureux dans une voiture, elle, un mouchoir sur son pubis dénudé, quand nous les avons surpris en passant à vélo. Aigle Chauve raconte à Fleur de Maïs. L’ombre des motifs de la hutte dessinent des tatouages sur leur corps. Aigle Chauve pose ses lèvres sur la dentition parfaite de Fleur de Maïs ! Un baiser d’adoucissement et de réconfort dans la cité, sous une petite hutte d’enfant.

Ils se serrent très fort l’un contre l’autre. La pluie tombe. Les gouttes dégoulinent sur la hutte. Ils ne savent pas ce qui les attend dehors. Les adultes s’agitent. Ils ont bien un poignard et des flèches pour se défendre, mais ils ne font peur qu’aux oiseaux. Dans leur vie d’indien ils marches sur la terre gelée. Il parait que le monde dans quelques heures aura explosé. Ils n’en savourent que mieux les odeurs charnelles. Une humanité remplie de cheveux et de tendresse. La tente des Sioux, c’est la dernière maison avant la banquise qui va recouvrir la campagne. Ils ne veulent même plus faire d’enfant, car comment les sauver une fois qu’ils seront nés ? Alors le couple s’étreint pour le plaisir, pendant qu’une pluie nucléaire crève le ciel. Ils se contentent d’un bonheur primitif, enlaçant leur souffle pour durer un peu plus.

Sont-ils mari et femme ? Evidemment. Un étage les sépare. Le téléphone les relie. Le vouvoiement les amuse et les écarte. Le tipi les rassemble. C’est aux prémisses de l’aube, après leur rituel conjugué sous la hutte, entre nostalgie d’enfance et serment de longévité, que l’Aigle Chauve quitte sa Fleur de Maïs. Lui retrouve son étage du dessous. Chacun, anonyme, replonge dans la ville qui les dévore. Elle rejoint ses affaires à la Défense. Lui caresse son chat, feuillette des journaux. Ce matin le Service de la Coopération répond à l’un de ses projets. Il devra partir à Tombouctou. Elle regarde son avion monter dans le ciel. Ils ne se reverront plus le soir, sous la tente, quand elle sentait bon et fort le parfum du travail. Elle va s’ennuyer en sirotant du whisky japonais.

Mais un jour, il l’invite. Dans le désert. C’est là qu’il creuse pour chercher de l’eau. Et dans le désert, sous une tente touareg, elle défait sa jupe Ralph Lauren, enlève ses escarpins, et se roule dans le sable blanc, entre les griffes apaisées de son Aigle Chauve.

Sous un autre tipi du monde, ils s’aiment. Leur amour se conforme à la mondialisation, et au dessèchement stérile le de la planète.
Raoulraoul
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Message  Rebecca Sam 17 Mar 2012 - 19:52

On dirait du Brett Easton Ellis avec ces citations de marque, Ralph Lauren Calvin Klein Fauchon, cette description de la jungle urbaine, la violence de la guerre économique sous les apparences feutrées des appartements de standing, l'appartenance à la caste dominante de ces personnages définis par leurs fonctions, leur statut social, les objets modernes qu'ils utilisent téléphone voiture avion et leurs goûts de bobos chic, whisky japonais, jus de goyave, régime fitness.
Ici Manhattan serait la Défense où pour se défendre d'être ce qu'ils sont, (des WASP, white anglo saxons protestants ou copies conformes )pour oublier qu'ils ne sont que de vieux enfants blasés et frigides, ils jouent à l'Ancien Monde quand Manhattan était peuplé d'indiens...
joli terrain de jeux pour les maitres du monde
qui ne voudraient pour rien au monde remettre en question leur style de vie.
Ce qui frappe bien sur ce sont ces phrases trés courtes.Haletantes. Où nous sont dispensés les informations censés nous dire de façon exhaustive tout ce qu'il y a à savoir sur ces personnages dans une sorte de tacatac de mitraillette qui ne hiérachise rien , n'accorde aucune valeur particulière à tel ou tel détail où tout est événement vite décrit vite consommé vite oublié en quelque sorte uniformisé, mécanique sous couvert d'être objectif , informatif.
Sous le tipi on se prend à espérer que quelque chose advienne un grain de sable dans les rouages une rencontre naïfs que nous sommes mais non nos personnages se prêtent se frottent mais ne se donnent pas. Ralph Lauren y veille Calvin Klein aussi.
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Message  elea Sam 17 Mar 2012 - 19:53

Étrange sensation de lecture.
On frôle parfois l’énumération un peu lourde, appuyée, la faute aux phrases courtes et à ces informations qui partent dans tous les sens. Peut-être qu’il faudrait en enlever un peu, pas au début mais dans le troisième paragraphe.

Mais j’ai beaucoup aimé les présentations des deux et le moment où ils se rejoignent sous la hutte, à partir de là, ma lecture s’est faite d’une traite. Pour l’idée et son traitement, les descriptions sous le tipi, les relations entre les deux que cela révèle et tout simplement une sensualité mêlée de poésie.

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Message  Invité Sam 17 Mar 2012 - 19:53

C’est loufoque tout en étant parfaitement “normal” ; maîtrisé, presque bridé mais foisonnant et empli de sensualité. Tu es doué, Raoulraoul, tu parles intime et universel, distant mais familier et moi, je suis toujours aussi fan.

Une erreur ici :
"ils marches sur la terre gelée."

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Message  Invité Sam 17 Mar 2012 - 19:56

grandiose ! en revanche, je n'aime pas la dernière phrase en l'état; pas au regard du message mais de la forme.

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Message  Invité Sam 17 Mar 2012 - 21:14

Superbement impersonnel. Je ne veux pas dire que ce texte soit du tout venant, au contraire : tu décris d'une façon extrêmement personnelle un monde dépersonnalisé.
Du beau boulot !

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Message  midnightrambler Sam 17 Mar 2012 - 22:02

Bonsoir,

Une écriture courte et efficace qui sert probablement bien les effets recherchés.
J'ai moyennement aimé le climat écolo-décroissant dans lequel la rencontre surréaliste de cette femme et de cet homme se perd, mais c'est un avis personnel ...

Amicalement,
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Message  Raoulraoul Lun 19 Mar 2012 - 14:28

Merci à Eléa, Coline. Merci à Rebecca ; je ne suis pas grand lecteur de Brett Easton, mais ta remarque est juste ainsi que la suite de ton analyse. L'idée d'un "grain de sable" sous le tipi, en effet m'interroge... Pourquoi pas ? Merci à Easter pour ta compréhension toujours acérée et nuancée. Merci à Pandaworks ; le choix de ma dernière phrase est en référence au titre ; pénopause=stérilité... Mais sans doute que cela est un peu lourd de ma part. Merci à Midnightrambler ; le climat "écolo" est sans doute une influence ambiante qui me piège et frôle la démagogie... Merci à vous tous qui m'encouragez, m'aidez à progresser, et qui m'obligez à toujours plus d'exigence.
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