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Mythomane à vrai dire

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Raoulraoul
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Message  Raoulraoul Dim 25 Mar 2012 - 9:08

MYTHOMANE A VRAI DIRE

Dans l’hôtel Exelsior je la vois. Sur le carrelage, sur le tapis, ses jambes. Elle téléphone. Elle marche. Elle est dans le hall de hôtel Exelsior.
Tu marches. Tes talons aiguilles battent le carrelage. C’est un téléphone blanc en bakélite que tu tiens en marchant. Tu es nerveuse, grandiose.
On peut la regarder cette femme, en descendant l’escalier de l’Exelsior. Je descends l’escalier.
Je vois ton corps bougeant sur les carreaux de marbre noir et blanc. Tes jambes habillées de nylon. Il n’y a personne dans le hall. Que le réceptionniste. Il t’ignore.
Moi seul regarde cette femme.
A cette époque je faisais encore attention à toi.
Une femme marchait dans le hall de l’hôtel Exelsior, sans jupe, ses jambes habillées de nylon. On s’aimait encore un peu.
Sur une place publique d’une ville méridionale. Les habitants dorment à deux heures de l’après-midi. Une statue se dresse au centre de la place. C’est Hécube tuant les enfants de Polymestor. A cette heure du jour il n’y a pas d’ombre. Les immeubles se dressent massifs, épais, sans rémission. De l’un d’eux apparaît une femme. En plein soleil, je lui dis :
- Tu es donc venue.
Elle ne répond pas. Dans le soleil je ne peux lire son visage. Elle semble amaigrie. Sa robe est noire, des lacets dans le dos barrant sa peau blanche. C’est une déesse triste, droite dans la lumière. Elle est venue pour me demander l’insensé. Je lui dis :
- Je ne peux pas accepter.
- Tu dois, elle me répond.
Un fois dans une auberge, près de Valleraugue. Ca aurait été au printemps. La journée nous aurions longuement écouté le silence des pins. Un tintement puissant. Tous deux assis sur un talus de feuilles. Le soir à l’auberge, tu m’aurais fait une promesse. Une auberge qui sentait le feu de bois et la viande faisandée. Les lits, dans les chambres, craquaient. Tu aurais accepté que je le fasse, comme ça. Ca aurait été un renouveau entre nous.
La femme approche, marchant sur les pavés gris de la place. Des lacets entourent ses chevilles. Elle porte des espadrilles. C’est elle qui vient vers moi. Ses yeux lui dévorent le visage. Elle pourrait serrer dans ses mains une arme. Mais je pense avoir le droit pour moi. Elle me crache :
- J’ai changé. Durant ces années. Reconnais-le !
Je souris. Elle n’a pas changé de parfum. Je lui en veux. Un parfum intolérable aujourd’hui. Mais avec suavité, elle ajoute :
- Réfléchis encore. On se reverra.
Le soleil découpe d’elle une ombre trop mince. Elle repart vers l’immeuble.
Nous avons vu, tous, ils m’auraient dit. Souvent le soir. Des cris qui traversaient le mur. On ne peut pas le croire. Et puis après tout redevenait normal. Mais on savait. Cette normalité épouvantable qu’on ne peut cacher, elle l’aurait cachée. Personne ne dit jamais rien et plus tard on le regrette. Son pavillon ressemblait à tous les pavillons ici. Les journées étaient calmes. Ce serait le soir, uniquement le soir.
- Et le nuit ? je demande.
La nuit, peut-être la nuit. Les visages s’illuminent, avec le mot nuit. La nuit appartient au secret. Les témoignages se raréfient. Parfois une parole se libère à propos de la nuit. Les yeux chavirent, les doigts commencent à trembler pour désigner l’impossible.
Oui, la nuit. Des gens seraient venus. Leurs voitures s’arrêteraient devant son portail. Des voitures toujours différentes. La nuit, on voit mieux ce qui dérange la nuit. Des gens discrets. Sauf quelquefois.
- Quelquefois ?
Mais la honte, la peur, auraient clos leur bouche. Ils refermeraient leur porte. Ils auraient monté très fort le son de leur télévision. Je n’ai plus que les fleurs ou les nains de jardins pour témoins.
Sur la place, comme si le soleil ne s’était jamais couché, c’est un autre jour de soleil qui marque notre rencontre. Une robe rouge aujourd’hui tu as revêtue. Nous sommes au pied d’Hécube. Elle a assassiné les deux enfants du roi de Thrace. Ta robe rouge est une insulte. Cette fois tu as été la première à gagner le centre de la place. Je marche. Rien n’est prévu. L’air est écrasant. J’ai répondu à ton appel. Mais il y a longtemps tu ne prononces plus mon nom.
Cette femme me regarderait. Elle serait tombée. Un geste j’aurais fait. Mais la femme qui me regarde et qui ne tombe pas, un jour se transformera en chienne, comme Hécube. Il fait chaud. Le femme vacillante me dit :
- Tu la fais venir.
- Non.
L’enfant est derrière moi. La place est cernée par nos trois petites ombres. C’est diabolique.
- Il y a si longtemps, elle dit la femme.
On ne peut vraiment plus respirer, à cause du passé, à cause du soleil, à cause de son éblouissement qui transperce tout. Ce sont les troyennes qui crevèrent à coups d’aiguilles les yeux du roi de Thrace. C’est le roi de Thrace qui tua Polydore, le plus jeune fils d’Hécube, que Priam lui avait confié. Hécube a eu raison de massacrer les enfants du roi félon.
L’enfant sur la place, sa casquette de travers, aveuglé de soleil, il cligne d’un œil, regardant la femme.
- Maman, tu ne recommenceras pas ? il dit.
- Je te le promets.
Je ne sais si ce dialogue a lieu. A deux heures de l’après-midi, on dort dans le midi.
Je me souviens d’un enfant. Il mangeait trop peu. Et la nourrice se désespérait. La pauvre femme avait ligoté l’enfant sur une petite chaise. Elle fouettait l’enfant jusqu’à ce qu’il mange. L’enfant ne disait rien. Il avait de la peine à voir la femme désespérée. Mais il ne pouvait pas manger une nourriture qu’il n’aimait pas. Un jour on découvrit des traces de coups de fouet sur le dos de l’enfant. Il fut donc retiré de chez la nourrice. J’ai du mal à admettre que l’enfant, c’était moi.
Je dis au petit garçon de ne pas bouger. Le verdict du juge avait été clair.
- Il veut m’embrasser, dit la femme.
- Plus tard, je dis.
- Mais ce n’est qu’un enfant.
- Quand il pourra comprendre, on verra, j’insiste fermement.
Mais l’enfant s’échappe. Il court vers sa mère. Il ne peut pas courir car il tombe, car il a les pieds meurtris.
Mon métier, avant, me conduisait sur les routes. Je rentrais tard. Souvent la clientèle m’obligeait à dormir à l’hôtel. Certaines nuits, je te laissais au pavillon, toute seule, avec l’enfant. L’enfant ne disait rien. Ils étaient seulement heureux de nous retrouver unis ensemble pendant plusieurs jours d’affilée. Mes absences te rendaient folle.
La femme relèverait l’enfant. Les habitants se seraient réveillés, autour de la place, dans les immeubles. Ils connaitraient le jugement qui condamne la femme. Ils verraient la femme enlacer l’enfant qu’elle aurait martyrisé à coups de tisonnier sur les jambes, sur les pieds. Ils verraient et ils cracheraient leur colère, en jurant sous le soleil implacable.
Hécube a dû descendre de son piédestal pour se protéger des jets de pierres, les citoyens de Thrace lapidant la vieille Hécube, tueuse d’enfants. Hécube hurle à la mort, se métamorphose en chienne, de sa gorge sortent des aboiements.
La nourrice vient me détacher de la chaise. Pauvre femme. Elle pose le fouet, et ses vieilles mains noueuses m’étalent une crème douce sur les entailles de sang qui sillonnent mon dos. Je me précipite alors sur l’assiette de ravioli que la nourrice me tend. Je la rend si heureuse, comme ça.
Hécube, par ses aboiements, remplit de compassion les Grecs, et même Héra, la plus cruelle ennemie des Troyens.
On voit maintenant une femme, sur la place publique, se courbant sous les quolibets de la foule. L’enfant l’embrasse. On ne sait si l’homme intervient. L’enfant porte des sandales de caoutchouc qui le brûlent, en ce mois de juillet. Il ne pourra jamais marcher comme les autres enfants. L’ombre arrive sur la place. La femme s’en va. L’enfant boitillant se retourne vers l’homme et le rejoint.
Après plusieurs jours, la presse locale relaterait que la police aurait repêché, dans le Canal du Midi, le corps d’une femme noyée. Je dois annoncer la nouvelle à l’enfant. Il est blottit contre moi, il me demande de lui masser les pieds. Les douleurs lui reviennent.
Hécube s’est jetée dans la mer, un endroit qu’on appelle Cynossema, qui signifie « Le tombeau du chien ». La mythologie rentre dans ma vie.
Souvent à l’Hôtel Exelsior, je reviendrais, pour entendre sur le carrelage, battre les talons aiguilles d’une femme et les longues jambes du souvenir me rattraperaient. Tes longues jambes, autour de mon cou, comme une corde.



Raoulraoul
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Message  Invité Dim 25 Mar 2012 - 10:25

La fin est très belle dans sa concision, dans sa brutalité.
Avant, c'est, disons... contorsionné. Vrai qu'un tel titre permet quelques outrages consentis.
Non, franchement, c'est d'une prodigieuse richesse, impressionnant d'intensité, de profondeur, de drame à mi-mot, enfoui, étouffé ; passé-présent mêlés, le mythe et la réalité, confondus, envahissants. Contourner, détourner, pour tout dire sans en parler vraiment.
Raoulraoul, you are my writing hero !


Je ne vais pas relever tout ce que j'aime, sauf ceci : On ne peut vraiment plus respirer, à cause du passé, à cause du soleil, à cause de son éblouissement qui transperce tout.
et :
- Maman, tu ne recommenceras pas ? il dit.
- Je te le promets.
Je ne sais si ce dialogue a lieu. A deux heures de l’après-midi, on dort dans le midi.

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Message  Invité Dim 25 Mar 2012 - 11:04

L'intérêt de ce texte est (à mon sens) dans sa confusion. Il tire sa force de ça. On sent le "fil conducteur", mais on ne sait pas où l'on va.
Quelques maladresses peut-être dans le style et la mise en page (des retours à la ligne plus fréquents le rendrait plus lisible et plus "poétique" ).

J'aime bien cette ambiance.

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Message  Invité Dim 25 Mar 2012 - 14:19

"Je ne sais si ce dialogue a lieu. A deux heures de l’après-midi, on dort dans le midi." Exact, ce qui me fait dire que ce texte a été écrit pendant la sieste, une de ces sieste où l'esprit divague, le corps pèse, pendant laquelle on a l'impression que l'on va passer au travers du matelas. Une sieste faite de confusions et de divagations, dont on à peine à s'extraire.

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Message  Invité Dim 25 Mar 2012 - 20:04

J'ai beaucoup aimé ce texte tout en facettes, comme une boule de miroirs, cette espèce de scintillement généré par les changements de temps...
Il n'y a qu'ici
Cette femme me regarderait. Elle serait tombée. Un geste j’aurais fait
que je me suis dit " tiens, il fait du style", et je l'ai regretté.
C'est très fort, par le thème et par la façon dont tu joues avec l'écriture.

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Message  midnightrambler Mar 27 Mar 2012 - 22:31

Bonsoir,

C'est lourd et collant, même en faisant abstraction du fait que le lecteur n'est pas obligatoirement un spécialiste de la mythologie grecque, ni même un simple amateur.

Amicalement,
midnightrambler

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Message  Calvin Mar 27 Mar 2012 - 22:37

putain en fait c'est toi qu'es lourd et collant


< Voulez-vous cesser ce petit jeu svp.
Deuxième avertissement.
La Modération >


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Message  Raoulraoul Mer 28 Mar 2012 - 8:53

Merci à celles et ceux qui me lisent régulièrement. Pour répondre à Coline au sujet de "Cette femme me regarderait..." ; par cette conjugaison j'ai tenté une ambiguité, une incertitude entre réalité ou fiction (mythomanie). Mais sans doute est-ce maladroit, comme tu le soulignes à juste titre. A Minighttrambler, je répondrai que je donne les informations minimums pour comprendre la mise en écho du récit mythologique (de Hécube tueuse d'enfants) avec le présent contemporain de l'histoire, une mère qui maltraite son enfant... A bientôt.
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Message  Jano Mer 28 Mar 2012 - 10:18

Beaucoup de répétitions en début de texte, j'imagine que c'est volontaire mais je ne comprends pas trop l'effet recherché.
C'est un texte tortueux qui m'a égaré, entre passion amoureuse, maltraitance et références mythologiques. Le déroulé de l'histoire est compliqué à suivre, passé, présent et conditionnel se télescopent, les sentiments s'enchevêtrent. Il y a indéniablement une ambiance mais encombrée d'un écheveau trop complexe à démêler.

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Message  Louis Mer 28 Mar 2012 - 15:05

Redoublements.

Une femme, alternativement proche et lointaine. Dans une position dédoublée, « elle » et « tu ».
Elle est d’abord en troisième personne, « elle » ; d’abord une vision, « je la vois », pas une voix ; si elle « téléphone », on ne sait rien de ses paroles, rien de ce qui est dit. Elle n’existe que par « ses jambes », elle n’a pas de voix, pas de visage, pas de regard, juste des jambes, et une démarche, une marche, dans un hôtel, elle n’est vue que de passage.

« Elle », lointaine, apparaît ensuite plus proche, plus intime, « Tu marches » ; elle est maintenant à la deuxième personne, « tu » « toi ». La proximité pourtant ne change rien : elle est toujours en jambes, sur ses « talons aiguilles », « jambes habillées de nylon », elle n’a toujours pas de visage. Elle marche toujours, téléphone encore, mais l’on ne sait toujours pas ce qu’elle dit, n’a pas de parole audible.

Dans l’hôtel désert, juste la vision d’une femme en marche, juste des jambes entièrement découvertes, « sans jupe » pour les masquer ; juste un mouvement, un déplacement dans un hall. Fascination érotique pour de longues jambes découvertes et offertes dans un hall, lieu d’entrée et de sortie. Lieu de « passe ». Lieu des cent pas.
Si la femme est dans un mouvement de marche, le narrateur, lui, est dans un mouvement du regard. C’est son regard qui se déplace, qui se tourne vers une place.

Nouveaux dédoublements : une femme et une statue, le temps et l’éternité.

Nouvelle vision : une statue au milieu d’une place publique. Nette opposition entre le mouvement, la marche, les jambes qui passent et cette statue, immobile, figée. De passe, on passe à place, à l’immobilité. La scène rappelle les tableaux de De Chirico ( Piazza d’Italia, par exemple).

La statue représente une femme mythique : Hécube, mère infanticide. Une femme apparaît, « déesse triste » habillée de noir, couleur du deuil, habillée de nuit à l’heure du plein jour, à l’heure de la pleine lumière, seule ombre dans cette clarté. Cette femme, elle aussi n’a pas de visage : « Dans le soleil je ne peux lire son visage ». Sa parole aussi est inaudible, elle ne peut être entendue, non pas cette fois parce que trop lointaine, mais parce qu’insensée. « Elle est venue pour me demander l’insensé ».

La femme de l’hôtel, la femme en jambes, et celle apparue sur la place publique sont une seule et même femme. L’une est l’ombre de l’autre, ombre d’un passé ; celle qui passait dans un hall n’est plus que cela, un passé. Mais elle se présente près d’une permanence, l’éternité d’une statue, l’éternité d’un mythe. Elle est le double temporel d’une éternité.
Le regard du narrateur se fait pluriel : point de vue sur un passé, sur un présent, sur l’éternité qui échappe au temps. A la métaphysique d’un tableau de De Chirico, s’ajoute la multiplication cubiste des points de vue, la même femme apparaît multiple dans la réfraction de l’espace et du temps, du réel et de l’imaginaire, individuel et collectif (le mythe)

Dédoublement : le rêve et le réel.

Rêve d’un « renouveau » dans une auberge, pas un hôtel, une auberge ; rêve d’un printemps de la vie à deux, rêve d’une écoute complice du « silence des pins ». Pas de dialogue entre eux, pas d’excuses ou de justifications, une écoute des arbres dans leur existence simple et sereine, « Tous deux assis sur un talus de feuilles. », assis sur l’automne, sur le passé révolu. Mais une promesse : celle d’un jamais plus.
Cette image fictive vient se juxtaposer à la perception du réel, sur la place où trône Hécube.

Double rencontre : le rouge et le noir.

« La déesse triste » dans la triste réalité n’a plus la fascination érotique des longues jambes et des talons aiguilles ; plus prosaïquement, elle « porte des espadrilles ». Elle prétend au changement, « J’ai changé. Durant ces années. Reconnais-le ! », ainsi elle ne serait plus la même. Elle n’est pas la statue qui la redouble dans l’éternité, elle n’est pas un mythe, elle se veut de chair et de sang, dans le temps, changeante. Elle s’approche pourtant, agressive : « Elle pourrait serrer dans ses mains une arme », « elle me crache … ». Mais son parfum n’a pas changé, insupportable.

La triste réalité sur la place se redouble d’une nouvelle rencontre avec la femme qui redouble Hécube. Toujours dans le plein soleil, dans une permanence de lumière, sans l’interruption d’une nuit, sans discontinuité temporelle. Douloureuse lumière : celle d’un plein soleil, écrasant », « son éblouissement qui transperce tout », celle d’une pleine vérité. Sans la nuit « qui appartient au secret ».
Elle est vêtue de rouge. Rouge sang de la robe, près d’Hécube qui a fait couler le sang des enfants de Polymestor. « Ta robe rouge est une insulte. »

Dédoublement : enfant et adulte.

Sur la place, le narrateur est venu avec un enfant. Il est venu aussi avec son enfance. « L’enfant est derrière moi ». Derrière le narrateur, un enfant se cache. L’enfant du couple, lui et la femme en jambes. Mais aussi l’enfant qu’il a été, enfant battu, l’enfant fouetté.

Le double brisé.

L’horrible vérité se fait jour, plein soleil douloureux : la femme en jambes, double d’Hécube, a « martyrisé » l’enfant, « à coups de tisonnier sur les jambes, sur les pieds. »
Elle a brisé les jambes de son enfant, elle qui n’existait, ne plaisait, ne séduisait que par ses jambes, ses pieds dans les talons aiguilles. Elle s’est niée elle-même, à travers son enfant, son double ; à travers leur enfant. Elle ne supportait pas les absences de son compagnon, « Mes absences te rendaient folle », ça ne marchait plus dans leur couple, son geste a signifié violemment que ça ne pourrait plus marcher, avec son compagnon à l’hôtel, lieu où ça marche, ailleurs, dans les halls où s’observent les jambes des femmes. De fait, l’enfant, lui, leur enfant « ne pourra jamais marcher comme les autres enfants. »
Sup
erposition du double.

Le réel devient incertain dans la douleur. « Je ne sais si ce dialogue a lieu. A deux heures de l’après-midi, on dort dans le midi. »
L’imaginaire et le mythe n’alternent plus avec le réel, ne se distinguent plus, mais se superposent et se mêlent à lui. « La mythologie rentre dans ma vie. »

Union dans la confusion des doubles.

Tentative de remédier dans la confusion au double brisé. A s’en étrangler, « Tes longues jambes, autour de mon cou, comme une corde. », comme une victoire finale d’Hécube qui assassine deux enfants, l’enfant caché « derrière » le narrateur, et leur enfant.

Merci Raoulraoul pour ce texte, dont j’ai apprécié la subtile construction et la richesse des thèmes abordés. Ce commentaire, pourtant très long, n’en a pas entièrement rendu compte, j’en ai conscience.


Louis

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Message  Carmen P. Jeu 29 Mar 2012 - 10:10

Un jeu de miroirs où l'on essaie de saisir le personnage qui révèle sa vie.
Ce qui surprend est cette recherche d'amour malgré tout, qui dissocie l'action de la personne ; surprenant !
Lecture '"mythomagique" !
Carmen P.
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Message  AGANIPPE Dim 1 Avr 2012 - 9:20

L'alternance des pronoms renforce le trouble. C'est un texte envoutant, brûlant, le drame se lit sous un soleil écrasant , une tragédie grecque aveuglée de lumière.
J'aime
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Message  Janis Dim 1 Avr 2012 - 16:55

étrange jeu de facettes, belle écriture, belle construction
le début me laissait craindre le pire (la femme à talons aiguilles qui descend un escalier) puis tout se disloque, mais dans une armature solide qui fait que si on se perd dans les différentes figures de la femme, de l'enfant, du tu elle il je, le texte nous montre le chemin.

Désolée, je commente avec des images, tout ça pour dire que ça m'a plutôt épatée
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Message  Titia_____ Jeu 12 Avr 2012 - 20:50

Même impression que Coline Dé, une boule de miroirs, c’est ce qui m’a plu, l’alternance, la superposition, l’enchevêtrement des « je » et « tu » quand on parle d’elle, des temps, du présent, des passés, de la mythologie, les éléments qui se répondent comme les chaussures ou les jambes de la femme et de l’enfant etc… C’est un peu compliqué à suivre, on avance un peu perdu, un poil plus serait trop à mes yeux, mais là c’est juste ce qu’il faut. Je n’avais jamais lu un texte écrit de cette manière, j’aime beaucoup cette construction.

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