Le corps errant

[roro]

Je voudrais vous le décrire, ce ciel qui peine à se jeter dans le soleil.
Vous donner avec exactitude sa position dans l'atmosphère, sa latitude, sa densité, sa texture...
Pour vous faire une idée, de ce ciel bu à travers un verre de rosé, il faut imaginer des arc-en-ciel qui moussent, des bulles qui éclatent en douceur, une légèreté brumeuse comme une caresse, le souffle sur la glace, la marque des lèvres, voluptueuses qui sucent tandis que le regard baigne au loin dans la mer, et l'esprit tout seul voltige.
Imaginez-le donc, planant au-dessus du coucher de soleil, là où les palmiers singent le luxe sans tromper personne.

Le mendiant passe, son pantalon retroussé laisse entrevoir une culotte trouée. Le soleil se jette finalement dans un brasier doré et tout se meurt enfin sans bruit.

Je voudrais parler aussi de lui, ce corps sans passé sans futur et sans vie. Qui erre avec un foulard auquel rien n'accroche, même pas les insectes du quartier.

De cette pluie drue qui tombe en effaçant toutes les couleurs, rien n'accroche ce corps, sa mémoire le fuit. Des portes se sont ouvertes dans le crâne, laissant passer les souvenirs comme des papillons de nuit. Alors il erre sur le trottoir seul, à la recherche d'expériences, mais rien ne vient teindre de manière permanente sa peau, et la pluie, toujours elle, tombe de manière persistante, efface et entraine tout ceci dans le caniveau.

Alors le corps avance tel un automate, sans aucun signe distinctif qu'un foulard informe, et de loin et même de près, personne ne saurait l'identifier, le reconnaître et lui même aimerait crier, pleurer, sentir, hair, mais rien ne sort et il continue sa course insensée et inutile, jusqu'au bout de la nuit.

Alors il rêve d'un soleil multicolore, qui viendrait réveiller les couleurs, raviver le tout, colmater cette brèche par laquelle s'effacent les souvenirs, retenir des mots, des visages, se raccrocher à quelque chose, enfin, crier, crier autrement que par habitude, crier peut-être par surprise, se surprendre à rêver, à se souvenir, à composer des visages, le sien, les leur, les appeler par leur nom, retenir des dates, des paysages, des vols de mouettes, que la cage se referme, que la prison se reconstitue, qu'il puisse enfin, un soir, penser que tout ceci a un sens, qu'il est bien plus qu'un corps, bien plus qu'un cri.

[ubikmagic]

J'avoue avoir du mal à dire mon avis...
Tout ça me fait penser à la peinture. Je m'explique :
En peinture ( mais ça vaut en musique aussi ), quand on veut exprimer trop de choses à la fois, quand on mélange trop de couleurs, on finit par obtenir une espèce de marron finalement assez peu attirant.
J'ai l'impression qu'ici, on a mêlé trop de choses. Voulu tout dire à la fois. On parle du soleil, comme si le texte était solaire. Mais voilà que la pluie détrempe tout. Et le dernier paragraphe est un tourbillon, un déferlement d'images. Alors sans doute que tout ça flirte trop avec la poésie... je ne sais pas. Mais j'ai ressenti ça un soir, dans un concert, des gars qui jouaient très bien, du reste, une sorte de jazz-rock intelligent, bien pensé, mais à force de superposer les harmonies, d'en rajouter, de laisser chacun dériver sur tel ou tel degré, telle ou telle transposition, on en venait à un brouillard sonore d'où plus rien n'émergeait... Alors...
Incapable donc de dire mon avis, face à mon ressenti qui implique soit mon incapacité à comprendre et décoder, soit la votre à transmettre, ne voulant pas trancher car après tout, je ne suis point critique et n'en fais point mon métier, je dis juste mon désarroi.
Reste la dernière phrase, que j'ai eu l'heur de comprendre, et qui m'interpelle très profondément. J'aimerais, moi aussi, ne pas être qu'un corps, qu'un cri. J'aimerais que nous ne le fussions pas, tous. Mais je doute...

Ubik.

[roro]

Voilà que vous m'ôtez d'un coup la possibilité d'écrire, de peindre et de jouer de la musique!

[roro]

Merci Ubik de votre commentaire, je vois bien ce que vous voulez dire...



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