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La prison est un assemblage d'ennui, de morale et de ciment.

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La prison est un assemblage d'ennui, de morale et de ciment. Empty La prison est un assemblage d'ennui, de morale et de ciment.

Message  boudi Ven 18 Mai 2012 - 1:41

Le crime sculpte et sublime ; le remords défigure. Combien j'en ai vu d'amoureux, les jambes nouées, à la place de l'accusé ? Combien sur ce trône, sis dans la majesté qu'exhalaient les regards réprobateurs des curieux, qui abdiquaient dans l'aveu, terrassés par le juge ? J'ai vu l'hermine leur glisser des épaules, j'ai vu leurs traits se creuser, j'ai vu que le regret était la première ride dans la beauté et la beauté -qui n'est beauté que parfaite, inaltérée- se brisait.

Ces visages irréversibles qu'ont les pénitents me dégoûtent. Cette mortification publique, laïque est une renonciation à l'absolu, une négation de l'infini. Voilà qu'au corps, aux mains ils avaient toutes les légendes et qu'ils les rejettent. C'est trop lourd l'Univers pour ces lâches. Ah, des stèles millénaires espéraient recevoir leurs bustes brisés et sublimes... Mais l'aveu, l'aveu, l'aveu qui devait décomposer leurs lèvres, y proscrire le baiser ultime, a joué son rôle de missionnaire. Encore un prêtre pour gâcher la beauté. Encore un pour désenchanter le monde. La beauté des criminels -et cette leçon je la tiens de Genet- tire toute sa grâce de sa morgue, de sa fierté. Cette beauté est immortalité, aucune guillotine n'y a jamais rien changé.

Les avocats de la défense, quand le criminel avoue, ont un geste d'humeur qui n'est pas celui- grotesque d'avoir perdu une affaire, d'avoir taché une réputation ou envoyé en enfer un innocent mais celui du déçu amoureux, d'avoir adoré une force d'un seul mot épuisé, de s'être laissé dupé par un geste que le juge, frappant de son marteau, fend en deux corps : ici l’homme ; là bas le criminel, et les deux distincts en vérité, irréconciliables, ne sont que par cette substance gluante que la loi et qui répugne les avocats-poètes. Les avocats ne défendent pas des clients mais des amants ! J’ai abandonné le droit à cause de la lâcheté qui menace le corps de chaque homme-criminel. Criminel pour ceux-là n'est qu'une fonction provisoire, un office. Quand je découvre à leurs bouches un mot de vertu mon dégoût est semblable à celui que vous devez éprouver face à une lèvre infectée d'herpès.
J’ai fait du droit. Jusqu’à l’agonie. Par goût du désastre, par espoir d'aimer. J’ai fait du droit et pour continuer de brûler j’ai rencontré M. qui avait mis le feu à sa conjointe. Ses doigts de cendres amoureuses tirent deux allumettes calcinées qu'ils nomment amoureusement « sale pute ». Il ajoute : « c'est ce qu'il reste après l'amour, le crime ».

Je vais aller voir des criminels. D'autres criminels, comme s’il était possible qu’il existe d’autres criminels, je veux dire par là comme s'il était possible que le crime n'annule pas l’individualité, ne se confonde pas dans tous ces corps et les privant de leur unicité les range dans sa belle mâchoire. Comme si le crime n'effaçait pas l'homme pour l'écraser de sa tyrannie aimable. Comme l’on est, au dehors des lois, « avocat, cadre, magistrat, chômeur » il n’est pas d’autres fonctions possibles que celle de détenu-criminel, rien qui ne distingue plus ces criminels du reste des criminels, ils appartiennent entièrement à leur acte, ne sont pas l’addition d’une foule d’actions, de gestes qui leur appartiendraient en propre, mais le précipité de cette grâce interminable.

Je veux visiter des prisons, m'égarer dans ce « corps social » où chaque être est déjà une cellule, je veux voir ce bâtiment gris qui fait un automne à l'Etat et l'Etat, honteux de cet amant coupable, le repousse à la périphérie où, dans l'ombre, il viendra chercher ses baisers. Je pense à toutes les caresses que s'adressent les prisonniers, ces caresses où personne ne fait la femme, mais où l'un des amants fait le mort. J'ai le goût de la catastrophe, ne m'embêtez pas avec votre morale imbécile. J'ai la passion des défaites non par goût de la déroute mais par amour des lendemains désastreux. J'aime les prostituées tant, et ces mort-amants, de leurs silences qui se disloquent en larmes, m'y font penser. Vous avez tous connu ces peaux couvertes de larmes séchées, ces peaux d'épine où se pendent vos envies, vos injures.

Je ne fantasme pas la prison. Je la connais. J'y suis né, j'y suis mort, et j'y reviendrai.
Je suis en prison, dans mes nuits, et je sens la brutalité vile d'un homme trop grand, trop imposant, et je me sens poussé au fond d'un abîme effrayant. J'ai peur de sentir l'envie du bourreau qui traverserait la nuit, qui fracasserait le phantasme pour entrer dans la réalité. Peur, de sentir le sexe qui se dresse, peur que tout ça devienne une histoire, où le sperme lactescent qui jaillirait me crèverait le poumon et m'asphyxierait le cœur.

Je n'aime pas les hommes ; je désire des criminels, je désire les nés-criminels, guidés là par la seule pulsion primitive, par l'audace et le goût du miracle. Ces siamois de l'infraction et de la lumière. Ce crime qu'ils ont attendu de commettre, qu'ils réalisaient déjà dans l'imagination, qu'ils ont commis cent fois d'un plaisir décroissant par-delà le rêve. Combien d'images et de corps inventés ont péri dans leurs bras avant que ne s'abatte le premier corps, avant que ne s'écrase la première victime. Ils ont perfectionné leur art –parce que c'est d'art qu'il s'agit- sur des images immobiles, avant d'atteindre les hommes. Et les hommes et les images appartiennent pour eux au même délire ennemi.

J'essaie de leur ressembler parce que je voudrais être beau, j'essaie de me distinguer, de me farder les yeux de petits brouillons de crimes que sont les ruptures amoureuses, les adieux cruels, que sont les départs nocturnes. Je serre le poing et je crois ma paume mon crime, que je cache et dissimule, et voilant un criminel je deviens moi-même un criminel.

Je n'ouvre plus les doigts, je ne montre plus ma paume, parce que s'y tient cette merveille secrète, et s'il se libérait, s'il venait à percer, à montrer son dos, ses épines au jour ferait tourner trop de têtes, évanouirait trop de corps. Je le chéris, jusqu'à ce qu'il crève ma main. Me dévore moi. Le crime est comme toutes les amantes trop belles ; cruel.

Ce qu'il faudrait dire au procureur qui énumère les victimes comme un mauvais comédien, c'est qu'il en manquera toujours une, que la police lui a remis un mauvais manifeste, que le décompte est erroné, il me manque « moi ». C'est secouer la tête en entendant le silence qui suit la prononciation du dernier péri, silence pesant et imbécile, rempli de volontés et de paroles, silence bavard, qui nous répète précisément, d’une voix affligée « Vous entendez bien ce silence, voilà ce à quoi le criminel condamne ses victimes, vous entendez bien, vous remarquez comme il pèse, le silence total après que ce juge illégitime se plut à disposer d’une vie. Vous remarquez combien l’heure est grave, comme le temps est inquiet. Vous remarquez bien, n’est ce pas ? ». Reprendre avec tendresse ce pauvre acteur de boulevard. Lui dire « ce n'est pas grave ».

Et les criminels s'ils avaient encore une voix, une parole, diraient « ce n’est pas grave » et ajouteraient « Je suis le premier sang, la première blessure, la première plaie de ce crime qui gémissait en moi. Il me faut le nourrir ce crime, celui dont on est enceint, qui jaillit de nous, plein de barbarie. Devrait-on laisser mourir de faim son enfant au prétexte du reste de l’humanité ? Comment dites vous avec vos phrases pleines de maturité ? « nécessité fait loi », je dirais « nécessité fait crime »

Il faut déserter. Toujours déserter. Abandonner les ambitions, les orgueils, les armées, la vie. Après.

Cette vie s'épuise ; et je m'endors la paume serrée sur un secret, le ventre tremblant contre le corps de la nuit.

boudi

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La prison est un assemblage d'ennui, de morale et de ciment. Empty Re: La prison est un assemblage d'ennui, de morale et de ciment.

Message  AleK Ven 18 Mai 2012 - 6:51

Le crime sculpte et sublime ; le remords défigure. Combien j'en ai vu d'amoureux, les jambes nouées, à la place de l'accusé ? Combien sur ce trône, sis dans la majesté qu'exhalaient les regards réprobateurs des curieux, [qui] abdiquaient dans l'aveu, terrassés par le juge ? J'ai vu l'hermine leur glisser des épaules, j'ai vu leurs traits se creuser, [j'ai vu que] le regret était la première ride dans la beauté et la beauté [-qui n'est beauté que] parfaite, inaltérée- se brisait.

Ces visages irréversibles qu'ont les pénitents me dégoûtent. Cette mortification publique, laïque est une renonciation à l'absolu, une négation de l'infini. Voilà qu'au corps, aux mains ils avaient toutes les légendes et qu'ils les rejettent. C'est trop lourd l'Univers pour ces lâches. Ah, des stèles millénaires espéraient recevoir leurs bustes brisés et sublimes... Mais l'aveu, l'aveu, l'aveu qui devait décomposer leurs lèvres, y proscrire le baiser ultime, a joué son rôle de missionnaire. Encore un prêtre pour gâcher la beauté. Encore un pour désenchanter le monde. La beauté des criminels -et cette leçon je la tiens de Genet- tire toute sa grâce de sa morgue, de sa fierté. Cette beauté est immortalité, aucune guillotine n'y a jamais rien changé.

Les avocats de la défense, quand le criminel avoue, ont un geste d'humeur qui n'est pas celui- grotesque d'avoir perdu une affaire, d'avoir taché une réputation ou envoyé en enfer un innocent mais celui du déçu amoureux, d'avoir adoré une force d'un seul mot épuisé, de s'être laissé dupé par un geste que le juge, frappant de son marteau, fend en deux corps : ici l’homme ; là bas le criminel, et les deux distincts en vérité, irréconciliables, ne sont que par cette substance gluante que la loi et qui répugne les avocats-poètes. Les avocats ne défendent pas des clients mais des amants ! J’ai abandonné le droit à cause de la lâcheté qui menace le corps de chaque homme-criminel. Criminel pour ceux-là n'est qu'une fonction provisoire, un office. Quand je découvre à leurs bouches un mot de vertu mon dégoût est semblable à celui que vous devez éprouver face à une lèvre infectée d'herpès.
J’ai fait du droit. Jusqu’à l’agonie. Par goût du désastre, par espoir d'aimer. J’ai fait du droit et pour continuer de brûler j’ai rencontré M. qui avait mis le feu à sa conjointe. Ses doigts de cendres amoureuses tirent deux allumettes calcinées qu'ils nomment amoureusement « sale pute ». Il ajoute : « c'est ce qu'il reste après l'amour, le crime ».

Je vais aller voir des criminels. D'autres criminels, comme s’il était possible qu’il existe d’autres criminels, je veux dire par là comme s'il était possible que le crime n'annule pas l’individualité, ne se confonde pas dans tous ces corps et les privant de leur unicité les range dans sa belle mâchoire. Comme si le crime n'effaçait pas l'homme pour l'écraser de sa tyrannie aimable. Comme l’on est, au dehors des lois, « avocat, cadre, magistrat, chômeur » il n’est pas d’autres fonctions possibles que celle de détenu-criminel, rien qui ne distingue plus ces criminels du reste des criminels, ils appartiennent entièrement à leur acte, ne sont pas l’addition d’une foule d’actions, de gestes qui leur appartiendraient en propre, mais le précipité de cette grâce interminable.

Je veux visiter des prisons*, m'égarer dans ce « corps social » où chaque être est déjà une cellule, je veux voir ce bâtiment gris qui fait un automne à l'Etat et l'Etat, honteux de cet amant coupable, le repousse à la périphérie où, dans l'ombre, il viendra chercher ses baisers**. Je pense à toutes les caresses que s'adressent les prisonniers, ces caresses où personne ne fait la femme, mais où l'un des amants fait le mort. J'ai le goût de la catastrophe, ne m'embêtez pas avec votre morale imbécile. J'ai la passion des défaites non par goût de la déroute mais par amour des lendemains désastreux. J'aime les prostituées tant, et ces mort-amants, de leurs silences qui se disloquent en larmes, m'y font penser. Vous avez tous connu ces peaux couvertes de larmes séchées, ces peaux d'épine où se pendent vos envies, vos injures.

Je ne fantasme pas la prison. Je la connais. J'y suis né, j'y suis mort, et j'y reviendrai.***
Je suis en prison, dans mes nuits, et je sens la brutalité vile d'un homme trop grand, trop imposant, et je me sens poussé au fond d'un abîme effrayant. J'ai peur de sentir l'envie du bourreau qui traverserait la nuit, qui fracasserait le phantasme pour entrer dans la réalité. Peur, de sentir le sexe qui se dresse, peur que tout ça devienne une histoire, où le sperme lactescent qui jaillirait me crèverait le poumon et m'asphyxierait le cœur.

Je n'aime pas les hommes ; je désire des criminels, je désire les nés-criminels, guidés là par la seule pulsion primitive, par l'audace et le goût du miracle. Ces siamois de l'infraction et de la lumière. Ce crime qu'ils ont attendu de commettre, qu'ils réalisaient déjà dans l'imagination, qu'ils ont commis cent fois d'un plaisir décroissant par-delà le rêve. Combien d'images et de corps inventés ont péri dans leurs bras avant que ne s'abatte le premier corps, avant que ne s'écrase la première victime. Ils ont perfectionné leur art –parce que c'est d'art qu'il s'agit- sur des images immobiles, avant d'atteindre les hommes. Et les hommes et les images appartiennent pour eux au même délire ennemi.

J'essaie de leur ressembler parce que je voudrais être beau, j'essaie de me distinguer, de me farder les yeux de petits brouillons de crimes que sont les ruptures amoureuses, les adieux cruels, que sont les départs nocturnes. Je serre le poing et je crois ma paume mon crime, que je cache et dissimule, et voilant un criminel je deviens moi-même un criminel.

Je n'ouvre plus les doigts, je ne montre plus ma paume, parce que s'y tient cette merveille secrète, et s'il se libérait, s'il venait à percer, à montrer son dos, ses épines au jour ferait tourner trop de têtes, évanouirait trop de corps. Je le chéris, jusqu'à ce qu'il crève ma main. Me dévore moi. Le crime est comme toutes les amantes trop belles ; cruel.

Ce qu'il faudrait dire au procureur qui énumère les victimes comme un mauvais comédien, c'est qu'il en manquera toujours une, que la police lui a remis un mauvais manifeste, que le décompte est erroné, il me manque « moi ». C'est secouer la tête en entendant le silence qui suit la prononciation du dernier péri ****, silence pesant et imbécile, rempli de volontés et de paroles, silence bavard, qui nous répète précisément, d’une voix affligée « Vous entendez bien ce silence, voilà ce à quoi le criminel condamne ses victimes, vous entendez bien, vous remarquez comme il pèse, le silence total après que ce juge illégitime se plut à disposer d’une vie. Vous remarquez combien l’heure est grave, comme le temps est inquiet. Vous remarquez bien, n’est ce pas ? ». Reprendre avec tendresse ce pauvre acteur de boulevard. Lui dire « ce n'est pas grave ».

Et les criminels s'ils avaient encore une voix, une parole, diraient « ce n’est pas grave » et ajouteraient « Je suis le premier sang, la première blessure, la première plaie de ce crime qui gémissait en moi. Il me faut le nourrir ce crime, celui dont on est enceint, qui jaillit de nous, plein de barbarie. Devrait-on laisser mourir de faim son enfant au prétexte *****du reste de l’humanité ? Comment dites vous avec vos phrases pleines de maturité ? « nécessité fait loi », je dirais « nécessité fait crime »

Il faut déserter. Toujours déserter. Abandonner les ambitions, les orgueils, les armées, la vie. Après.

Cette vie s'épuise ; et je m'endors la paume serrée sur un secret, le ventre tremblant contre le corps de la nuit.

hum hum
au réveil, on a l'esprit vide de sa journée à venir, on a pas d'a-priori.
Ce qui commence comme un texte un peu abscons finit en apothéose.

je me suis permis de souligner des choses qui heurte la lectures en début de texte, qui disparaissent ensuite.
pour le reste :

* et *** : propos contradictoire, la première phrase amène implicitement le fait qu'il n'a pas visiter encore de prison que ce paragraphe est une extrapolation de sa pensé, la seconde nous amène ailleurs.

** : La phrase est trop longue pour moi, la lecture est laborieuse, surtout que le texte devient plus nerveux.

**** : maladroit ?

***** : il manque un sujet, on le comprend implicitement, mais ça heurte chez moi. "sous prétexte de la sauvegarde du reste de l'humanité" ou un truc du genre ?


voila pour moi.
Bonne continuation !

AleK, si vous souhaitez mettre des passages en exergue dans vos commentaires, il est peut-être judicieux (et pratique...) de ne relever que les passages en question au lieu du texte dans son intégralité.
La Modération
AleK
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