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La vérité aux cheveux rouges

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La vérité aux cheveux rouges  Empty La vérité aux cheveux rouges

Message  Raoulraoul Ven 17 Aoû 2012 - 13:00

La Vérité aux cheveux rouges

Mare, mare, de la bêtise qui m’aveugle ! Mare du bruit ! Je ne m’entends plus. La pilule du samedi soir. Les bamboulas. A poil dans les bains de mousse. L’autre soir, fallait se déguiser en peau de bête, sinon interdit d’entrer. Tous les mois, ils t’imposent un thème stupide. Ca marche. On n’est plus soi-même. Tu deviens folle. Le lundi matin je ne me souviens plus de mon week-end. J’en ai mare d’être furieuse après tout le monde, à cause de la connerie. Tu sais, j’ai rencontré Tonio.

Elle ne parle pas au téléphone. Elle écrit. Elle aime encore ce moyen pour communiquer. Elle écrit, parce que les mots alors, circulent dans tout son sang. C’est son sang malade, noir, désespéré, qu’elle répand sur la feuille, quand elle écrit à Jessy, sa meilleure amie :

Tonio ne va pas à ce genre de soirée. On s’est rencontré à l’université Paris VII. Il n’est qu’auditeur, mais il aime les grands écrivains. Moi aussi, je crois que le l’aime. Avec Tonio, je sors écouter des concerts. Il me parle beaucoup. Sa voix est douce. Au fond de lui, je le sens malheureux. C’est ce qui nous rassemble.

Jessy a peu l’habitude de lire des lettres. Surtout que celles-ci sont écrites au feutre fluo de toutes les couleurs. Il y a beaucoup de rouge, avec des dessins noirs qui remplacent parfois des mots. Les dessins ne représentent rien. Ce sont des mouvements, des formes, des traits, mais toujours soigneusement exécutés. Elle a voulu faire un portrait de Tonio, l’amie de Jessy. C’est un bariolage d’une beauté rare, presque raffiné qui égaye l’écriture nerveuse de son amie. Plusieurs lettres ainsi se succèdent. Jusqu’au jour où…

Ma Jessy chérie. Voilà deux semaines que je ne t’ai pas écrit. Tonio est moi on se voit tous les soirs. Nous parlons beaucoup. Enfin surtout lui. Je ne vois plus les autres copines, à cause de Tonio. Cela me prend beaucoup de temps à l’écouter. Il m’écrit des poèmes qu’il me chante (Là, un dessin très noir sur la feuille, comme un trou dans la nuit) Ce qui m’inquiète, Jessy, c’est que Tonio ne m’est pas encore embrassé. Comprends-tu cela ?

Jessy essaie de relire la lettre. Elle pense à son amie. Elles se sont tant amusés ensemble, et leurs copines, dans les soirées les plus déjantées, consommés les trips les plus invraisemblables, les plaisirs étaient sans limite. Et Tonio, aujourd’hui, ne l’a pas encore embrassé ?!... Jessy immédiatement téléphone à son amie. Mais elle ne répond pas. Dans une lettre suivante, Jessy apprend que Tonio écrit des livres, et qu’il organise des séminaires. Des gens paient pour venir l’écouter. Des séminaires ! Jessy s’inquiète. Tonio ne serait-il pas un curé ?! Jessy aimerait se rendre chez son amie. Mais elle n’habite plus rue de Thrace, là où elles se retrouvaient avant, entre copines, dans le vieux quartier Latin. L’amante de Tonio maintenant accompagne son Tonio dans ses tournées, ses conférences, ses signatures de livres. La rue de Thrace ne résonne plus de l’exubérance de ses visiteuses, quand elles se réunissaient pour préparer leurs mémorables sorties. Jessy reçoit encore une lettre surprenante.

Le soir, à l’hôtel, il s’endort. Il est épuisé d’avoir tant parlé. Sa guitare est enfermée dans sa housse. Il ne me chante plus ses jolis poèmes. Il ignore mon corps, nu, près de lui. Que veulent dire les paroles s’il n’y a pas de preuves d’amour ? (s’ensuivent des éclaboussures, des dessins avortés, puis abandonnés) Je crois que Tonio a aimé une femme autrefois.

Jessy pense que Tonio est un salaud, et qu’il se moque de son amie. Une bouffée de colère monte en elle, mais comme une mouche emprisonnée, elle se cogne contre la vitre qui l’empêche de sauver sa meilleure copine. Une idée lumineuse soudain la traverse.
Dans quelques jours Tonio doit donner une conférence dans une ville de province. L’information s’affiche sur Internet. « Le symbolisme et son langage » dans l’œuvre de Stéphane Mallarmé. C’est le thème de la conférence au Hangar 14, sur les rives de la Garonne, à Bordeaux.
Il pleut ce jour là. Il est six heures du soir. Les gens se pressent devant le Hangar, aménagé à l’intérieur en une sorte d’amphithéâtre pour la circonstance. La foule est impatiente d’assister à l’événement. La foule est toute grise, emmitouflée dans ses imperméables sombres, sous la pluie battante. Enfin la conférence démarre. Tonio O. apparaît. C’est un bel homme jeune. Il parle avec pondération. Sa voix est musicale. Tout le monde l’écoute, visiblement charmé par cet orateur hors paire. Au premier rang des gradins, une fille , dont la chevelure rousse et épaisse embrase ses épaules, est assise, le souffle suspendu à chaque mot que l’orateur prononce. Après quelques minutes de cette conférence solennelle et envoutante, quelqu’un fait passer à la fille rousse, un petit billet qu’elle déplie nonchalamment : « Sauve-toi vite. Je t’attends dehors. Jessy ». La rousse blêmit. Elle jette un regard dans l’assistance. Elle reconnaît, en haut de l’amphi, Jessy, engoncée dans un Burberry couleur muraille. La fille déchire le billet. Elle se replonge dans le flux abscons et mallarméen de son orateur. Peu après un nouveau billet la télescope : « Ton mec est un imposteur. Tu seras prévenue ». La fille griffonne au dos du billet : « Je l’aime. Donnons lui encore sa chance ». Jessy intercepte le retour.
La conférence se poursuit. Tonio O. développe avec brio l’importance du mystère caché derrière l’apparence de la réalité dans le poème de Mallarmé « Tristesse d’été ». Pour appuyer la démonstration il scande les vers en s’accompagnant d’une suite d’arpèges sur sa guitare. C’est prodigieux, renversant, inénarrable.
Puis arrive la conclusion de cette maestria poétique que salue sans réserve une salve d’applaudissements. Tonio O. ensuite se prête aux questions de l’auditoire. Elles viennent lentement comme l’habitude. L’orateur répond à chacune d’elle avec application et bienveillance, jusqu’au moment où les questions se font plus problématiques, voire agressives, pour constituer franchement une controverse dont les flèches fusent de l’amphi de toutes parts sur l’orateur. Des femmes se lèvent, véhémentes. Elles expriment leur réprobation. Avec ironie et intelligence elles ridiculisent Tonio O. Symbolisme, mystère, ne peuvent pas rivaliser avec le principe de réalité dont font preuve ici les femmes. Elles sont belles, leur chevelure rouge étincelle de feu, les poitrines se gonflent sous les Burberry ouverts, ce sont les Erinys modernes de la contestation contre l’ordre ancien des poètes et leur lyre désuète en cordes de boyaux de brebis. Tonio O. est vaincu. Il doit quitter la salle. On lui jette des boules de papier, chewing-gum baveux et collants, tomates, œufs pourris, quolibets, injures, rires intempestifs. Il se sauve. Seule une fille rousse est restée sur le banc. Elle pleurniche.
- Tu vois, je t’avais prévenu. Les copines sont venues à ton secours, dit Jessy en s’approchant de son amie effondrée
- Ce n’est pas vrai ! Tonio est un grand artiste. Il m’aime ! Il va vous le prouver et vous faire condamner toutes !
La fille se redresse, sort de l’amphithéâtre, et court à la recherche de Tonio dans les ruelles de Bordeaux.
Un phénomène étrange s’ensuit après cette conférence pitoyable. Tonio ne brille plus. Les rencontres littéraires et artistiques où il est encore convié sont des fiascos. La presse, les médias ont divulgué sans mesure la scandaleuse conférence de Bordeaux. Le lectorat et les fans de Tonio O. se sont évaporés comme neige au soleil. Les éditeurs des œuvres de Tonio sont devenus récalcitrants. Toutes les portes se ferment devant celui qui ne trouve plus voix, fougue et croyance en son génie lyrique.
Jessy reçoit alors une lettre de son amie, aux cheveux aussi incandescents et fauves que toutes les copines :

Tonio est malade. Il dit que c’est vous la cause de son désastre autour de lui. Il ne trouve plus les mots pour chanter, et ses doigts sont morts sur les cordes de sa guitare.(Là, une kyrielle de gribouillis charbonneux macule la feuille, puis reprise) Demain, à cinq heures, à l’Orphéon’s Bar, je vous invite à faire la paix avec lui.
L’Orphéon’Bar est un bar gay dans la capitale. Jessy prévient les copines.
Cinq heures. L’ambiance est feutrée. Tonio est blotti dans un coin de banquette, devant un bitter San Pellegrino qu’il ne boit pas. Des hommes se tiennent par la main. Une fille en casquette de laquelle fuse un toupet de cheveux rouges, murmure à Tonio : « Elles veulent te parler. Elle sont dans la cour, derrière. » Sur l’insistance de la fille au toupet, Tonio finit par céder mollement. Il sort dans la cour.
C’est l’hiver. C’est une clarté entre chien et loup qui baigne la cour. Les filles se sont amassées. Les copines. C’est Jessy qui fait la médiatrice. L’amie en casquette, l’amoureuse de Tonio, s’est retranchée dans un angle de la cour. D’abord on s’explique. Tonio articule des paroles pour la première fois depuis la débâcle de Bordeaux. Il se refait inventif, charmeur, brillant, devant les filles, les copines, leurs yeux scintillant dans la pénombre. C’est un chant magique qui se déroule de sa bouche. Tonio défend sa raison d’être, la beauté des images, le pouvoir de la poésie. Mais les filles n’entendent rien. Elles déboutonnent leur Burberry. Sous leur peau de bête, elles dénudent leur poitrine, dressent leur crinière de pourpre, sortent leurs canines, brandissent des thyrses, espèce de bâton laser, une arme favorite. Cette nudité mélangée de rage impressionne mortellement Tonio, dont les figures de styles, les métaphores, les évocations allusives, la nature éthérée des choses constitue la matière de son être. Elles le déchirent. Elles le griffent. Leur vérité de violence, elles la déversent sur la personne mélodieuse de Tonio, ses membres atones sans désir. Le poète s’écroule dans la cour. Son amoureuse laisse faire, puisqu’elle n’est pas aimée. Toutes les femmes se déchaînent puisque Tonio les méprise. Même les hommes qui passent dans la cour ne sauvent pas Tonio. Peut-être appellent-ils la police. C’est une sirène qui suspend le geste impétueux d’une femme qui s’apprête à pulvériser le crâne de Tonio à coups de thyrse. Comme une nuée de Ménades aux cheveux rouges, les femmes furieuses évacuent la cour. Les policiers ramassent le cadavre de l’artiste. Il a expiré sous les coups. Seule sa tête, encore radieuse, détachée du corps, semble réciter un poème, que les murs, les fenêtres, les toitures et la lune, secrètement, entendent et pleurent à chaudes larmes. Une guitare sèche de bois et de cordes, incendiée par les furieuses, termine de se consumer dans un coin de la cour, au milieu du sang.

Rue de Thrace, les filles se retrouvent. C’est de là qu’est née l’histoire de Tonio avec la fille aux cheveux rouges qu’il n’a jamais aimée. Jessy et ses indissociables copines occupent l’appartement. Elles essaient de consoler leur amie que l’amour d’un poète a illusionné. Mais plus les jours passent, plus une tristesse morbide envahit les femmes. Elles n’ont plus de cause pour réveiller leur colère. Des paroles d’homme leurs seraient utiles. La fumée de leurs mots pour magnifier et décupler l’amour. Elles tapotent bien sur leur iPhone ou autres antroïdes, mais rien n’y fait. Alors elles se morfondent. Elles se flétrissent à attendre ce qui ne peut plus venir. Elles deviennent objets inanimés, vieux meubles, vieilles tables, tapisseries pourries. Aucune vie ne les fait plus vibrer et s’émouvoir. Leurs cheveux si rouges, flamboyant, deviennent étoupe terne et grise. Elles sont méconnaissables. La police même perd leurs traces.

Un jour, elles apprennent que Tonio O. a été enterré dans un grand cimetière de la ville. L’amie de Jessy, rassemblant ses dernières forces, se rend sur la tombe de Tonio. C’est un tombeau somptueux. Une lyre de pierre a été sculptée sur le fronton du monument. Sur la stèle, on peut lire en lettres d’or : « J’ai rejoint celle que j’aime. Avec toi, mon Eurydice, notre amour est éternel. Tonio O. un poète et chanteur incompris ».
Lorsque la fille revient rue de Thrace, dans l’appartement, muette de douleur, elle donne un petit papier à Jessy : « Il en aimait une autre, qu’il a retrouvée dans la mort. Maintenant ils sont heureux ensemble ». Un dessin représentant le visage d’une femme belle, aux longs cheveux de nuit, complète le message.

Alors une interminable plainte s’échappe du ventre des femmes, craquant comme du vieux bois. Une plainte, sans écho, puisque l’amour a rejoint la mort, très loin, au-dessous de leurs pieds, dans le fond de la terre.

**
Raoulraoul
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Message  Invité Sam 18 Aoû 2012 - 7:18

J'ai arrêté ma lecture à la moitié du texte, à peu près. Seule sa longueur en est la cause. Je reviendrai à un autre moment pour terminer.

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Message  Invité Sam 18 Aoû 2012 - 9:22


Comme précédemment, je ne suis pas sûre de pouvoir complètement apprécier le récit tel quel, abstraction faite du (des) mythe(s) au(x)quel(s) il renvoie, tant il paraît étrange.
En revanche j’approuve toujours ces tentatives, ces expériences d'écriture, ces interprétations, et le fait qu'elles encouragent à découvrir un univers que pour ma part j'ai surtout négligé..

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Message  Invité Dim 19 Aoû 2012 - 5:14

J'ai commencé par apprécier la construction du texte, faisant alterner correspondance et commentaires. Puis j'ai senti une sorte d'étrangeté dans les faits rapportés, dans les évènements, et enfin, l'univers dans lequel le récit a basculé dans un genre séries télévisées dont je ne possède pas les codes.
Intéressants, les passages sur les références littéraires, sur la condition de l'artiste adulé et finalement conspué, avec sa conclusion attendue d'être un incompris.
En conclusion, un texte dont j'ai trouvé la lecture agréable, même si je ne suis pas sûre d'avoir tout compris, en particulier quant aux motivations des femmes.

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Message  Invité Dim 19 Aoû 2012 - 6:57

Si je peux me permettre, Iris (Raoulraoul expliquera mieux que moi), quelques lumières :

http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9nades
http://fr.wikipedia.org/wiki/Orph%C3%A9e (milieu de texte, en face de l'illustration "Orpheo")

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Message  Invité Lun 27 Aoû 2012 - 15:22

Je suis repassée pour une lecture plus éclairée, grâce aux explications données. Merci !

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Message  Invité Dim 2 Sep 2012 - 17:41

Un texte d'inégale facture. Ici et là, une relecture attentive aurait permis d'éviter quelques coquilles (un moment de fatigue sans doute) :
- Moi aussi, je crois que le l’aime. je
- Tonio est moi on se voit tous les soirs. : Tonio et moi…
- Enfin surtout lui : Enfin, (enfin est un peu comme un soupir).
- c’est que Tonio ne m’est pas encore embrassé : m'ait
- C’est un bariolage d’une beauté rare, presque raffiné qui égaye l’écriture nerveuse de son amie. Ici je verrai une incise : rare – presque raffiné –
- Une phrase assez bancale : Elles se sont tant amusés ensemble, et leurs copines, dans les soirées les plus déjantées, consommés les trips les plus invraisemblables, les plaisirs étaient sans limite : Elles se sont tant amusées ensemble, avec leurs copines, dans les soirées les plus déjantées, ont consommé les trips les plus invraisemblables ; les plaisirs étaient sans limites.
- visiblement charmé par cet orateur hors paire : pair.
À part cela, j'ai apprécié l'alternance correspondance/récit. Je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque Tonio est chassé de l'Olympe par les ménades. On retrouve, çà et là dans le récit, des ingrédients propres au récit mythologique.

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