Exo "Les cailloux" : Le silex et les galets blancs

[Invité]

– Viens voir ce drôle de caillou.

Depuis le début de l’été, devant notre seuil s’étend, de jour en jour, un candide et minutieux pavage. Des galets blancs et plats que ma femme ramasse lors de notre balade matinale sur l’estran. La pierre noirâtre et grossière qu’elle vient de trouver n’a rien à y faire.

– C’est un silex. Du moins ce qu’il en reste, car on du l’amputer de nombreux éclats.
– ???
– Plus précisément, c’est un nucleus de silex. Au néolithique les hommes qui ont érigé les mégalithes qui foisonnent sur le littoral s’en servaient pour y débiter des lames. Sans doute a-t-il été égaré sur cette plage. Enfoui dans le sable par le va-et-vient des marées pendant des millénaires et exhumé récemment par une vague opportune.

Ma femme n’écoute plus. Elle vient de découvrir un galet blanc, large comme la main et pas plus épais qu’un livre de poche et manifeste son enthousiasme.

C’est marrant cette découverte. Je parle du silex. On le trouve en quantité industrielle dans la craie des falaises normandes. Mais pas en Bretagne. Pays de schiste et de granit. Il a donc du être transporté du pays de Caux au pays bigouden. Comment ? Vraisemblablement pédibus cum jambis et de main en main par la voie du troc.

Mais je ne peux m’empêcher de penser à la voie maritime. La plus naturelle. On ne peut contempler la mer sans éprouver l’impérieuse envie n’y naviguer. Ne serait-ce qu’en rasant les cailloux. C’est-à-dire au plus près de la côte. Les hommes du néolothiques ne devaient pas échapper à cette fascination.

Ils disposaient sans doute de la technologie suffisante pour fabriquer des embarcations de peau comme les curraghs irlandais ou les kayaks des inuits.

– Viens voir celui-ci ! Il est en forme de cœur.

Décidément, comme l’écrivait Anatole France, “les pierres parlent à ceux qui savent les entendre”. En outre elles adaptent leur langage selon les auditeurs.

Tiens ! Si je proposais un exo sur les cailloux ?

[Invité]

Héhé ! joli rétropédalage !

[Invité]

Joli périple au hasard des pérégrinations humaines dans le temps, pour ce petit silex éxilé parmi les galets blancs.

[Rebecca]

Fort bien écrit mais dans un style un peu trop documentaire à mon sens. Un sage exposé qui certes peut prêter à rêver, à imaginer, mais qui dans l'ensemble manque un peu de fantaisie.

[Invité]

[i]Merci à vous trois. En effet Rebecca, si l'anecdote est vécue (jeudi matin) le texte est écrit à la va vite. Je l'ai retravaillé pour le rendre moins didactique.

*****

– Viens voir ce drôle de caillou.

Mon épouse a toujours aimé les pierres. C’est une affaire de famille. Sa mère en ramassait systématiquement. Ils lui rappelaient des souvenirs. Heureux ou malheureux. Elle croyait même à leurs vertus curatives. Sa fille est plus pragmatique. Depuis le début de l’été, elle joint l’utile à l’agréable, en pavant une allée de notre jardin de galets plats et blancs, glanés tous les matins en bord de mer.

Noirâtre et difforme, ce drôle de caillou n’a pas le profil.

– C’est un silex.
– Ah bon ?
– Plus précisément, c’est un nucleus de silex. Les hommes du néolithique, qui ont érigé les mégalithes qui foisonnent sur le littoral, s’en servaient pour y débiter des éclats. Ces outils étaient aussi tranchants que des lames…

Elle fait semblant d’écouter. Mais à repris sa quête de galets blancs.

– Continue. C’est intéressant. Pendant ce temps je fouille un peu. Par ici ils semblent bien plats. Juste comme il faut.
– Il y aurait beaucoup à dire sur ce silex. Par exemple, comment il a pu arriver à la pointe de Bretagne alors que le gisement le plus proche est en Haute-Normandie. Pédibus cum jambis ? Vraisemblablement. Mais la voie maritime n’est pas à exclure. Ces gens-là devaient fabriquer des embarcations en peaux. Comme les curraghs irlandais ou les kayaks des inuits. Justement je…

– Viens voir celui-ci ! Il est en forme de cœur.

C’est toujours pareil, elle me pose une question. Je réfléchis au truc. Mais elle se fiche comme d’une guigne de ma réponse.

Mais j’y pense. Sans doute n’est-elle pas la seule lapidophile. Si je proposais un exo sur les cailloux ?

[Janis]

Oui, c'est mieux !

Très sympatique, et la Bretagne en fond d'écran, forcément ça parle !

[Rebecca]

Eh ben voilà :-)
C'est beaucoup plus vivant ainsi. Tu nous donnes les infos tout en faisant naitre un sourire chez le lecteur, qui peut s'identifier ou non au personnage de l'épouse, un peu désinvolte, ou à celui du narrateur avide de partager des connaissances. Un peu d'auto-dérision nuit rarement à la qualité d'un texte et en général tu es maitre en la matière.

[Invité]

je suis moi aussi pour la seconde version, moins théorique, et qui nous fait apprécier davantage l'origine de ton inspiration pour cet exo "cailloux". au départ je n'étais pas inspirée par ce thème qui finalement se révèle être intéressant, (bon sang, mais c'est bien sûr), sous tant de formes décliné !

[Invité]

Ah ! La seconde version est beaucoup plus vivante. Le "cause toujours" tu m'intéresses m'a bien fait sourire !

[Invité]

C'est drôlement chouette.
La seconde version est mieux, en effet.

[elea]

Quelle belle mise en abîme !
Côté littéraire j'ai préféré la seconde version, côté j'apprends-en-lisant j'ai bien aimé ce que la première m'a appris.

[CROISIC]

Comme Elea les deux versions m'ont séduite pour des raisons différentes.
Tout ce qui a la Bretagne comme théâtre a déjà conquis mon regard et mon coeur, mais je garde l'esprit critique quand même (au cazou!!)
Merci à nouveau pour cet EXO qui m'a réveillée d'une somnolence automnale.

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