Ni le matin ni Roland

[Marvejols]

......................Ni le matin ni Roland


Le grand roi Charles en la fenêtre pleure
N’est plus Roland jamais en sa demeure.
Le brave est chu fendant de son épée
Mil sarrasins au coeur d’une mêlée.
Glaive brisé, ne vint jamais la peur,
Elève alors un cor face aux Gascons.
Chante ma voix! l’élan qui fut l’honneur.
Folie qu’aller aventurant barons
Et guerriers jusques en Saragosse.
Croyant fidèle, par crainte d’empereur,
Un petit roi qu’excelle au seul négoce.
Sitôt allié, l’host sus à l’infidèle,
Voici qu’attaquent deux mil Saragocins
A la nuitée au col de Roncevelle.
Ni le matin et ni Roland revint.

Habit de noir belle Aude en son chagrin
S’échoit aux pieds roi Charles et lui compleure.
La lumière blanche inonde la montagne
Où s’écrie l’ange : pourqu’un Charles soit magne
Faut une belle et qu’en fin Roland meurt.

[Invité]

Décasyllabes, rimes, tournures d'époque,
l'illusion est parfaite
on croit lire un authentique extrait de la chanson de Roland.

[Annie]

Je n'ai pas compris ce vers: "Un petit roi qu’excelle au seul négoce."

Et celui ci est remarquable "S’échoit aux pieds roi Charles et lui compleure."

Le tout est très plaisant.

J'ai un doute concernant l'orthographe : "qu’en fin Roland meurt." c'est pas meure?
et "La lumière blanche inonde la montagne" : 11 syllabes

[malizog]

lumière compte 4 syllabes

[Marvejols]

Merci de vos appréciations et encouragements. L'authenticité littérale serait plus proche de quelque chose (ici pleine d'approximation) comme ça :

Li gran reis Karles en la finestre ploret
N'y est Roland plus mais qui dimoret
Lo prodz a chet son espede fendent
Mil sarasins si vifs et querellent

(prononcer plourèt' et dimourèt' fandannt' et querellannt')

Grossière erreur: c'est bien sûr un subjonctif à meurt et il faut donc bien écrire MEURE

Quant à La lumière blanche (au Moyen Age -cf. Pastoureau- le blanc ou l'or sont l'éclat ou la manifestation de Dieu) je me suis laissé emporté par l'oral ("j'entends" un tel texte lorsque je l'écris): si l'on peut rejeter une diction avec diérèse adaptée pour l'époque classique mais non pour celle romane, en revanche le -E final à Lumière confère 5 syllabes au lieu de 4 alors que le décasyllabe roman se compose d'un 4 puis d'un 6 après l'hémistiche... Je corrige en remerciant votre belle vigilance :

Le rayon blanc inonde la montagne
Où s’écrie l’ange : pourqu’un Charles soit magne
Faut une belle et qu’en fin Roland meure.


"Un petit roi qu’excelle au seul négoce." = élision pour Un petit roi qui excelle...

[Invité]

Je passe surtout par curiosité, et pour approcher doucement un monde que je ne connais pas encore, la poésie avant le 19 ème siècle, en gros.
Vous donnez l'impression de travailler avec un plan préalable : tel sujet, telle époque, tel style. Fonctionnement qui m'est complètement étranger.

Ça n'avance pas votre réflexion sur votre travail, bien sûr, mais je suis une lectrice de plus (mode humour)

[Sahkti]

Pas le domaine poétique que je préfère mais quelle maîtrise... rien à redire, ça sonne très agréablement à l'oreille, avec toute l'emphase nécessaire et l'allure dramatique aussi. Bravo.

[Annie]

"Le rayon blanc inonde la montagne" c'est beaucoup mieux que la lumière blanche qui cumule les E muets.


""Un petit roi qu’excelle au seul négoce." = élision pour Un petit roi qui excelle..."
bien sûr, mais ça n'éclaire pas ma lanterne, quel roi vient faire ici son petit commerce ? et seulement du commerce ? à moins que négoce ayant une autre signification, vous évoquiez des négociations ? ça m'étonnerait quand même, Charles et ses fieux ayant coutume de tranche du Sarrazin sans discuter

[Marvejols]

"Un petit roi qu’excelle au seul négoce." = élision pour Un petit roi qui excelle..."
bien sûr, mais ça n'éclaire pas ma lanterne, quel roi vient faire ici son petit commerce ? et seulement du commerce ? à moins que négoce ayant une autre signification, vous évoquiez des négociations ? ça m'étonnerait quand même, Charles et ses fieux ayant coutume de tranche du Sarrazin sans discuter

Oui négoce pour négociation. La diplomatie carolingienne était très importante (à la mesure des guerres impériales d'ailleurs). Ici, Li reis Carles se lance dans une expédition sur la marche d'Espagne où les petits rois catholiques marchandent régulièrement avec leurs homologues maures; fragile et instables équilibres de petits territoires en lutte pour leur survie ou leur expansion. L'un se vend à Charles un jour puis à un autre le lendemain. Ainsi va le petit négoce. Charles a probablement eu les yeux grands comme son appétit et des alliances se sont nouées à son insu qui ont envoyé une armée basque, peut-être alliée à un parti maure et vraisemblablement mue par des intérêts chrétiens wisigothiques, lui faire comprendre que l'expansion franque devait avoir des limites. De fait de ce côté elle ne s'aventura plus.

[Annie]

Entendu.

[Marvejols]

Vous donnez l'impression de travailler avec un plan préalable : tel sujet, telle époque, tel style. Fonctionnement qui m'est complètement étranger.

Eclaircie je ne sais pas trop ce que vous entendez par là, mes textes étant assez variés (même si l'on retrouve des constantes) et loin de répondre au schéma que vous indiquez. Ce schéma est propre à ce texte: j'ai simplement voulu (dans un "à la manière de") évoquer voire résumer la chanson de Roland. D'où les décasyllabes, un rythme très joli et asymétrique (4/6). Je me suis permis une petite ironie: au pays médiéval ce n'est jamais un homme, moins encore un prince ou baron, qui se trouve à la fenêtre (surtout avec des sentiments). C'est toujours une figure féminine, car les hommes sont dans l'action, jamais enfermés ou confinés (dans l'étage de la reproductrice -dixit R. Fossier) moins encore en proie aux sensations. Enfin du moins dans l'idéologie médiévale dominante (car on a des textes où par exemple des parents pleurent la mort d'un enfant et qui n'ont rien à envier à l'époque du je et de l'individu sensible...).

Mais peut-être que vous voulez dire que je suis parti d'une idée, d'un projet. En ce cas oui. Et contrairement à mon habitude (où je pars souvent du dernier vers, auquel je veux aboutir : le début par la fin) ici je suis bel et bien parti du premier. Où Charlemagne pleure (en fait c'est symbolique) à sa fenêtre (il est tout bonnement triste de la mort d'Orland).

Incursion possible dans la poésie médiévale (Xè -XVè) là (sans les originaux toutefois) :
http://medieval-lydia.blogspot.fr/search/label/La%20po%C3%A9sie%20m%C3%A9di%C3%A9vale

sinon à partir de mon site (rubrique "Des temps oubliés"):
http://marvejols-poesie.e-monsite.com/pages/content/des-temps-oublies/

Vous verrez, c'est épatant (et de temps à autre ça régénère...).

[Marvejols]

Incursion possible dans la poésie médiévale (Xè -XVè) là (sans les originaux toutefois) :
http://medieval-lydia.blogspot.fr/search/label/La%20po%C3%A9sie%20m%C3%A9di%C3%A9vale

Euh... j'ai oublié de dire que pour trouver les poésies médiévales, sur ce site il faut aller dans le menu de droite, vers le bas à la rubrique "Libellés".

sorry

[Frédéric Prunier]

elle manque un peu de légèreté pour une chanson médiévale
elle aurait besoin de tournures plus faciles
d'envolées graciles et de jongleries
pour nous égayer le château
en quelques gestes
sans ralenti d'écriture ...

à mon goût,

amitié

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