La nuit

[roro]

Quelques objets encore, une montre volante, aux aiguilles grandioses, une rose qui crache du sel dans un pub à la mode. Que sais-je encore. Encore beaucoup d'éléments magiques autour de moi pour accrocher mes pensées et m'aider à oublier. Une femme aux ailes de papillon géant passe devant moi et fait signe de la main à un homme en cravate assoupi dans un fauteuil énorme. Je me rappelle vaguement d'une souris qui parlait à un serveur mais j'en suis à mon troisième cocktail et ne suis plus très sur de savoir compter à cette heure avancée de la nuit. En tout cas le cocktail était terrible, en plusieurs couches géologiques et de couleur, on pouvait y retrouver le vert des prairies et même le rouge de la croûte terrestre. Des rayons de soleil m'attaquent venant de la piste de danse, je me débat, en vain, car ils ont raison de moi à la fin et m'encerclent comme des guirlandes.

Derrière tous ces éléments fortuits, je le sais, il y a un fond de vérité, quelque chose de beaucoup moins glamour, un bruit plus poignant que la musique qui me parvient de la piste. Ca ressemble au gémissement, au murmure, à la supplication, ça ressemble à des pleurs dans la nuit, à quelque chose de solitaire et de peu marrant. Un bruit qui me rappelle autre chose, ce quelque chose qui nous unit tous, bien plus qu'une belle symphonie. Il y a un fond de malheur dans mon verre, dans le rythme de cette musique, dans les couleurs chatoyantes, partout, il suffit de bien voir. Mais ce soir, je veux oublier. Et je vais le faire. La ligne verte serpente devant moi et remonte dans les airs en mimant un escalier invisible, remontant où ? Vers quel Dieu, que nous reste-t-il comme divinités à cette heure avancée de la nuit, quelle spiritualité viendra circuler parmi nous à cette heure tardive ? Tout le monde nous a abandonné, il ne reste que nous, pauvres nageurs, danseurs, buveurs, rejetons de la nuit, rejetons d'une ville aux rythmes effrenés, chacun reprendra son sac à la fin et repartira, ni plus ému ni plus grandi, il repartira tel qu'il est venu, seul ou accompagné, sans expérience ultime. Non, nous ratons chaque jour des occasions inouies de se battre avec des monstres et de la vie, il n'y aura même pas de sel sur la peau de la nymphe que je compte manger bientôt, je vais bomber ce torse et me mettre bien en vue devant elles, elles se jetteront et je prendrai la plus leste, la plus blonde, celle qui aura la peau la plus glissante avec le moins d'écailles. Au bout d'une semaine de rythme je compte le résultat. Combien de brunes, combien de blondes ai-je mis dans ce panier...

[OZz]

J'aime, j'ai déjà ressenti ce dont tu parles, une tristesse, dans ces moments qui ne mènent nul part.

[Invité]

conte du B52 (le cocktail)
c'est écrit un peu vite avec le parfait mépris de la concordance des temps.
Pourtant la trame est assez simple.
Cependant c'est un thème que j'aime bien et je ne suis pas en désaccord avec ce que la narration chante.
Il devrait y avoir moyen de réécrire tout-ceci correctement.

[Invité]

Un peu comme Panda, je regrette une espèce de flottement des temps vers la fin mais dans l'ensemble le texte ne m'a pas déplu, avec cette parenthèse dans la conscience du quotidien.

[Marchevêque]

Bonjour Roro,

J'ai beaucoup aimé le premier paragraphe, très "borderline", ...ailleurs!
Le deuxième paragraphe plus "conventionnel" m'a embarqué dans une réflexion "constatique" trop sérieuse, trop proche d'une réalité qui me dérange parfois. Mais ne boudons pas notre plaisir, c'est à mon goût bien écrit, enfin, moi j'aime ça, et du coup, le dis...
Marchevêque

[Lucy]

À chaud, des images que je caresse du bout des yeux. Il me faudra une autre lecture, mais la première impression est bonne.

[Contenu sponsorisé]