Passeur de mémoire

[Arielle]

(chansonnette pour un poilu)

Il a franchi à petit bruit
le pas de porte de l’histoire

À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli

Il gardait au fond d’un tiroir
une ou deux guerres assoupies
qui s’embrasaient parfois le soir
et crépitaient du feu nourri
de ses souvenirs-laminoirs

À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli

Il avait roulé sous son lit
les beaux drapeaux jubilatoires
et les armistices fleuris
que l’on déploie
ostentatoires
arrogants comme des défis

Il préférait
dans ses histoires
évoquer l’amitié qui lie
entre eux
ceux que le désespoir
tient dans son poing
à sa merci.

Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui zébraient l’horreur de ses nuits

Il a franchi à petit bruit
le pas de porte de l’histoire

Il est assis dans ma mémoire
et son fauteuil un peu flétri
en m’accueillant vient émouvoir
son passé qui s’y tient blotti

[Invité]

J'aime l'idée de commémorer le sacrifice des poilus par une « chansonnette » intimiste.
Une bonne chanson, bien torchée, vaut mieux que des centaines de poèmes aussi pompeux qu'ennuyeux.
Et touche, à coup sûr, un bien plus vaste auditoire.

Celle-ci m'a un peu déçu. Le parti-pris de poétiser sur seulement deux rimes (ou assonances) t'a sans doute coupé les ailes. Toi, la rebelle, tu t'es bêtement imposé un carcan.

Du coup, la seconde partie du texte manque de souffle et se cantonne dans le convenu.

[Peter Pan]

Bonjour et merci pour cette chansonnette Arielle, j’ai immédiatement pensé aux « Paroles de poilus ». Dès le début, j’ai lu les mots en chantant, peut-être ai-je été influencé par la parenthèse ou peut-être est-ce parce que « l’exercice » est réussi. Tu rends de bien belle façon hommage à ton grand-père (enfin j’imagine qu’il s’agit de ça...), j’aurais bien entendu Fréhel fredonner cette chansonnette...

Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui zébraient l’horreur de ses nuits

Le passage que je préfère...

[Invité]

Je nuance mes réserves
Ce couplet est super

Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui zébraient l’horreur de ses nuits

[Lucy]

La sensation que la guerre, le décorum et le bruit des fusils sont loin. Que tout ce qui compte c'est cet ancien soldat, cet homme, cette personne. C'est ce qui fait la simplicité et la beauté de ce poème : l'intimité et la sobriété.

Merci de nous avoir partagé un peu de lui en quelques mots !

[jfmoods]

Merci pour ce poème à visage humain.

[Legone]

Pour moi, il est réussi ce poème. Toujours de belles images qui accrochent l'attention du lecteur et un ton sobre et puissant. Beau, je trouve.
Posté de façon anonyme, j'aurais reconnu de l'Arielle...

[Invité]

(chansonnette pour un poilu)

Il a franchi à petit bruit
le pas de porte de l’histoire

À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli

Il gardait au fond d’un tiroir
une ou deux guerres assoupies
qui s’embrasaient parfois le soir
et crépitaient du feu nourri
de ses souvenirs-laminoirs


Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui zébraient l’horreur de ses nuits

J'ai apprécié ton poème Ariane. Il m'a émue. En "citer" les passages que je préfère.

J'ai moins aimé ce dernier, peut-être à cause des mots... jubilatoires, ostentatoires...

(chansonnette pour un poilu)


Il avait roulé sous son lit
les beaux drapeaux jubilatoires
et les armistices fleuris
que l’on déploie
ostentatoires
arrogants comme des défis

[Invité]

Beaucoup de tendresse pour accompagner cet ultime témoin d'un passé commun... Je te reconnais bien là, Arielle !
J'ai entendu l'alternance  des rimes oir/i comme le une/deux des soldats et trouvé que c'était bien joué !

Mon passage préféré :


Il gardait au fond d’un tiroir
une ou deux guerres assoupies
qui s’embrasaient parfois le soir
et crépitaient du feu nourri
de ses souvenirs-laminoirs

[Pussicat]

ma préférence,

(chansonnette pour un poilu)
Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui zébraient l’horreur de ses nuits

j'aime.

[Arielle]

Voilà mon poilu bien content d'avoir éveillé votre sympathie. Je l'imagine tirant son mouchoir pour essuyer une larme attendrie. Je l'ai bien connu ce vieux Justin qui rangeait sous son lit le drapeau tricolore des cérémonies patriotiques qu'il finit par ne plus sortir ...

Coline, le rythme martial des vers sur deux rimes est bien vu même si, je te l'avoue, je ne l'avais pas prémédité, il s'est en quelque sorte imposé d'office.
Legone, je ne pensais pas être si facilement identifiable ;-)

[Annie]

Il n'est pas trop tard pour saluer ce vieux combattant, Arielle.
Tu sais nous donner l'émotion sans verser dans l'apitoiement Même si pour ma part je ne peux penser qu'à l'horreur de la chose, je me sens touchée par tes vers.

[Invité]

une fragilité contenue dans les mots sans trop en faire, et on visualise bien à travers eux le vieil homme, sans qu'il soit vraiment décrit.

il y a de la douceur, et entre les lignes des silences pudiques qui mettent en valeur le propos.

un seul mot me heurte un peu dans ce décor : "jubilatoire", parce qu'il tranche avec l'humilité.

[mychelc]

Vous montrez fort bien la double peine qu'infligea cette guerre à ceux qui y survécurent : la faire et, ensuite, vivre avec le souvenir des horreurs vues, ou endurées.

Votre texte est très émouvant et habilement tourné, comme à votre habitude !

Amicalement
Mychelc

[Invité]

D'accord avec Dusha
Il faut couper, couper toujours disait Janis
Et elle avait raison

[Invité]

Toujours beaucoup d'émotion à la lecture de tes poèmes. C'est sobre, pudique, juste comme il faut.

[Invité]

Condremon : Couper, dégraisser, c'est souvent un conseil judicieux que je m'applique à moi-même, surtout quand, comme ici, le texte atteint une  longueur qui ne m'est pas habituelle. Mais je n'ai pas su faire plus court avec ce personnage et tu n'es pas le seul à m'avoir fait cette remarque  ... Pourrais-tu me dire ce que tu retrancherais de l'ensemble ? cela me rendrait bien service.

Rho, je ne me sens pas du tout de taille à donner des conseils en écriture. D'habitude dans mes commentaires je m'en tire en disant ce qu'un texte m'évoque, ou bien ce que j'en retire. J'évite de donner des conseils le plus souvent, pas qualifié.  
Simplement j'aime bien le réarrangement de Dusha (l'extrait de ses vers favoris qui fait un poème je trouve).
Et si j'avais dû écrire un texte sur le même sujet ? Je crois que j'aurais insisté sur les silences, car les vieux soldats sont souvent taiseux je crois, sauf peut-être les grand pères avec les petits enfants. C'est ce que j'aurais essayé de faire. Comment ? Je ne sais pas. Difficile.

[CROISIC]

je n'aime pas le sujet
mais... le traitement que tu en fais
est très réussi, j'aime la musique du texte !

[Invité]

J'aime beaucoup l'ensemble et surtout :

"À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli"

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