Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

La parole du Mort

4 participants

Aller en bas

La parole du Mort Empty La parole du Mort

Message  Madeleine Adèle Mer 7 Mai 2014 - 10:04

Elle se réveille de bonne humeur. En vain, elle termine en pleureuse.
Ils sont allongés, nus, dans le lit matrimonial.

Ses larmes chaudes viennent mouiller l'oreiller.

Ils sont chacun absorbés dans leurs pensées impénétrables. Ils demeurent, sans un bruit, sans un mouvement de paupière, sans un souffle bruyant, noyés dans leur songe qu'ils n'arrivent plus à partager. Langage de malaimés, discours de sourds, ils ne se comprennent plus.

Leur amour se délite un peu plus à chaque dispute, à chaque mot de trop, à chaque arrivée tardive, à chaque message envoyé. A qui sont-ils désormais puisqu’ils ne semblent plus se comprendre ? Les émanations de phéromone du début ne laissent plus que place à ce liquide d’amertume et de regret qu’ils laissent, chacun, un peu plus suinter chaque jour. Leurs rêves ne sont plus que douleurs.

Où est donc cette illusion d’une vie parfaite en fusion ?

« Tu m'entends ?
- …
– Je sais que non.
– …
– Tu me vois ?
– …
– Je sais que non »

Abandonnée, alors qu’ils sont toujours à deux, meurtrie, elle vivote au grès de ses paroles de trop.

Face à face, les yeux emplis de tristesses; voilà ce qu'ils laissent à voir, en ce réveil nuageux et gris. Les oiseaux ne chantent plus, le soleil est resté en hiver, leur couple tente de renaitre.

Elle perçoit, à travers les poches sous ses yeux, un puits plein de chagrins qu'il n'arrive pas à assécher. Sa paupière palpite, son regard prend une drôle de couleur rouge orangée, mais il demeure trop lâche pour laisser s’échapper une once de sollicitude à l’égard des réactions trop romantiques de sa belle éteinte.

Alors, ils se touchent, se caressent comme pour effacer ce désarroi qui les ronge. Ils se redessinent à travers un semblant de partage de doigts.

Elle a mal au corps, elle ne supporte plus ces mots qui la rabaissent.
Elle lui dit.
Il lui demande, d’un air sauvage et dédaigneux, d'arrêter de chialer à chaque fois qu'il lui parle.

Retirée dans son antre, petit, amère, aigri, elle fuit le temps présent, et remonte le temps.

La gorge enflée, le sang glacé à lui laisser des marques de marbrure violette sur ses jambes frêles, elle laisse resurgir violemment ses angoisses. Elle se rappelle sa peur à l'entente de ses pas, à l’approche de son corps assuré et animé d’une vengeance certaine, la main comme attachée au martinet, prolongement d’elle-même.

« Ou es-tu ?
- ….
- Viens ici !
- …
- Tu m’entends ! »

Tremblante, effrayée, elle retient sa respiration. Rien ne doit dépasser, ni un cheveu électrisé, ni un cœur qui bat, un cil qui vacille, une main qui grelotte.
Sous la couette, au parfum d’enfance et au doux sourire d’une belle princesse mensongère, enfouie, camouflée, elle se protège dans un cocon de coton.
Trop fragile, elle ne fera pas le poids.

Les enjambées se font de plus en plus rapprochées, sonores. Sa petite tête blonde se fait lourde et se remplit petit à petit d’une armée de bourdons au bruit trop étourdissant.

Recroquevillée au fond du lit, le souffle coupé, les deux mains encerclant sa tête, elle chuchote à Dieu de venir la sauver. Il lui semble la seule présence à laquelle se rattacher, en cet instant d’un supplice intolérable. Ce calvaire est incessant. Elle murmure aux anges, elle prie aux étoiles du ciel.

Elle est alors tirée violemment par les cheveux, jetée à terre. Le choc est terrible. Le pantalon du pyjama baissé, le martinet annonce sa lente et irritante retombée. Saccadée, chaque jetée des liens en cuir vient abîmer sa peau déjà trop rougie. Revêtue de son air malin et déchainé, elle frappe. Défouloir d'un être frustré, elle s'octroie alors le droit de posséder cette progéniture crée et façonnée à l'image qu'elle en a. Un enfant moche, sale, à punir.

Elle sait aujourd'hui d'où vient le dégout de ce corps malaimé et détruit, abimé, violenté et impure.

Ils sont allongés nus, l'un derrière l'autre. Enchevêtrées, emmêlés, ils cherchent à se pardonner en tentant de pénétrer l’un dans l'autre, prendre leur cauchemars pour mieux les jeter dans la fenêtre du révolu.

Elle pense trop, Adèle. Trop afin de se donner consistance par l’esprit et non par ce corps infecte dont elle ne veut pas être responsable. Il est à l’Autre.

Depuis petite, Adèle a un corps dérangeant.
Depuis petite, Adèle a un corps troublant.

Malmenée par des punitions avilissantes, abusée par un être cher aux limites morales déplacées vers l’inceste, chahutée par des enfants en manque de pouvoir, elle fuit cette apparence comme devant son miroir qui n’est que le reflet de son dégout profond.

Ils se regardent une dernière fois, comprennent qu’il faut sauver les apparences.

Elle se lève, enfile sa chemise de nuit, va à la salle de bain, se déshabille et frappe d’un poing sûr et déterminé ces cuisses trop grosses qu’elle haie qui ne sont pas encore suffisamment châtiées.
En silence. En colère contre cette mère toute puissante, elle reproduit.

« Que fais-tu ? »

Surprise, elle sursaute, prise en faute d’un acte incompris par celles et ceux qui ne savent pas.
Mais, Personne.

« Que fais-tu ? »

Désarçonnée, elle cherche, se retourne, se colle au carrelage froid.

« Je te parle ! »

Les bleus ne vont pas tarder à apparaitre. Elle doit rapidement se laver pour tenter de les faire mourir.

« Tu m’entends ?! Cette fois-ci c’est moi qui m’adresse à toi ! …
- Pardon ? … Toi ? Toi ?
- Oui mon amour perdu. Je te vois dans ta folie. Laisse ces jambes magnifiques. Tu connais la vérité et l’histoire tout comme moi. Je suis là. Parle-moi.
- Mon tendre. Mon doux. Que fais-tu ici ?
- Je viens te sortir de ce tréfonds habité par tous tes fantômes d’antan.
- Comment es-tu ?
- Je suis un mort blanc et froid mais au cœur chaud. J’ai de moins en moins peur.
- Que comptes-tu faire ? Me sauver ? Toi, ce pauvre être déchu enfermé dans ta boite celée sous cet amas de pierres gelées. N’es-tu pas encore complètement bouffé par ces vers non poètes ?
- Ne me parles pas de poésie. »

Elle pense à cette autre femme, troublante, envoutante, bandante. Pourquoi n’est-ce pas elle ?

Elle s’avachit, et glisse dans un crissement de peau vers le sol. Glacial, il viendra apaiser la torture qu’elle vient de s’infliger.

Elle n’a pas pu calmer sa faim. Il est venu avant la fin. Pour rien.

« Je reviendrai. Ne t’inquiète pas. Je vois ton regard apeuré. Je te connais.
- Quand ?
- Reviens me voir avant. J’ai adoré tes fleurs jaunes criardes qui te ressemblent tellement. Je commençais à être lassé des roses rouges et des tulipes blanches. Ô ! Mon Amour, mon bel amour … Elles avaient ce petit gout de toi, de soleil. Je revois ta peau nue dorée contre la mienne au doux parfum d’été et d’embrun marin.
- Ne me dis pas ça. Tu es enterré, rongé. Comme un mort-vivant, tu réapparais pour venir hanter mes nuits ?
- Je t’aime.
- Non. Tu ne réponds pas à ma question. Que veux-tu de moi ?
- …
- Non. Ne repars pas déjà. Ne me laisse pas en suspens, mets fin à mes doutes !
- … »

Rien. Elle ne sait plus où se situe. Est-il bien là réincarné dans son fantasme mortifié ?

Madeleine Adèle

Nombre de messages : 38
Age : 43
Date d'inscription : 11/04/2014

Revenir en haut Aller en bas

La parole du Mort Empty Re: La parole du Mort

Message  Polixène Jeu 8 Mai 2014 - 8:04

Un texte fort, qui n'a pas besoin à mon sens de ces explications (on avait compris! et le personnage...aussi!!!) :

"...par un être cher aux limites morales déplacées vers l’inceste"
"Tu es enterré, rongé. Comme un mort-vivant, tu réapparais pour venir hanter mes nuits ?"


La scène que tu donnes à voir se suffit à elle-même.
Polixène
Polixène

Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

La parole du Mort Empty Re: La parole du Mort

Message  jfmoods Ven 9 Mai 2014 - 9:46

"gré"
"renaître"
"amer"
"déchaîné"
"créee"
"dégoût"  x 2
"mal-aimé"
"abîmé, impur."
"Enchevêtrés"
"infect"
"hait"
"apparaître"
"Ne me parle pas"
"envoûtante"
"goût"
"embruns marins"
"Elle ne sait plus où ? se situe."

Le propos gagnerait en effet à être plus allusif. Tu ne laisses pas assez de place au lecteur. Cependant, l'image de l'absence à soi est particulièrement prégnante. La "belle éteinte" est une métaphore dont le poids est celui, exact, d'un oxymore. Il signale, à lui seul, les enjeux complexes de ton texte. La locutrice n'est pas en mesure de sortir de cette ombre dévastatrice dans laquelle elle fut précipitée enfant. Ce corps, dont la liberté a été violemment arrachée, ne peut pas se reconnaître véritablement à soi, se saisissant pleinement dans ses virtualités, s'appartenant, franchissant enfin "la fenêtre du révolu". Aussi beau soit-il ("ces jambes magnifiques"), ce corps ne saurait se jauger que par le truchement d'une fantasmatique masculine ("bandante") illusoire, mortifère. Le titre du texte ("La parole du Mort") recouvre une tentative finale vouée à l'échec. Mais peut-être cette parole intérieure de l'Amant virtuel, qui plaide pour un réenchantement introuvable, est-elle la seule manière de tenir, en l'état, face à un ciel absent, de supporter ce calvaire incessant de devoir se confronter à un mur, infranchissable sans secours extérieur ?
jfmoods
jfmoods

Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013

Revenir en haut Aller en bas

La parole du Mort Empty Re: La parole du Mort

Message  Jano Mar 13 Mai 2014 - 18:50

L'écriture n'est pas assez subtile pour dépasser le stade de la démonstration. Vous expliquez tellement les choses qu'elles s'enferrent dans une espèce de morne banalité, en tout cas elles n'ont pas la capacité de s'élever. On sent pourtant que vous faites des efforts, certainement trop, car en route vous perdez du naturel et aboutissez à un style artificiel et affecté : "le sang glacé à lui laisser des marques de marbrure violette sur ses jambes frêles"

En voulant à tout prix produire du beau vous en oubliez l'essentiel : le cri, brut, de l'être qui souffre. Quand on a mal comme le prétend la narratrice on ne recherche pas l'esthétisme mais la délivrance. Or, avec tout mon respect, dans votre texte on ne ressent que de la supercherie
Jano
Jano

Nombre de messages : 1000
Age : 54
Date d'inscription : 06/01/2009

Revenir en haut Aller en bas

La parole du Mort Empty Re: La parole du Mort

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum