repas de noces 2

[outretemps]

Antoine, dit « protège coudes »,minuscule fonctionnaire, situation assise, petit bureau, qu’avait passé sa vie, sandwich, serviette, rangés, premier tiroir à droite, pour jamais rien salir.
Antoine, donc, avait décidé devant la tournure que prenaient les évènements, l’intention était bonne, comme dans tous les naufrages, de mettre sa p’tite femme au sec.
Il s’était choisi pour ce faire, le petit espace triangulaire derrière la table à remiser bectances pour picorer tranquille, comme en tout, spectateur.

Sa femme, la belle Laurette, qui adorait vivre en altitude pour mieux montrer ses jambes qu’elle avait belles, s’était hissée tout en hauteur. Le dos contre la fenêtre, assise sur le rebord d’icelle.

Mais ne voilà- t-il pas, que suite à une erreur propulsive, Tantante et son bolide se trouvent balancés en plein dans le buffet.
-Hiiiiiiii qu’elle crie la petite vieille, comme pour freiner pleins dentiers très fort.
- Hiiiiiii, qu’elle remet plus aigu encore au fur qu’elle voit l’empaffade inévitable.
Et plafff…le péplum en moins qu’il faut pour dire, vire tarte à la crème, le char à Ben Hur en pleine course plante dans le tréteau qui dégringole.
Accrochée par le guidon du bolide, la table s’envole, se désagrège, s’éparpille les viandes et victuailles et propulse, emplâtré culinaire des pieds jusqu’à la tronche, l’Antoine giclé au sol.

-Louise, Louise qu’il se met à gigoter Tonton Ficelle, qu’on avait lui aussi mis au sec, encoignure de porte tandis qu’il entame automate , petits pas raclés babouches, la piste de danse à traverser, Louise, Louise, t’as rien, ça va, ça va ?

- Que veux tu donc qu’il m’arrive depuis le temps qu'il m'est plus rien arrivé, enfin, Ernest, pour une fois que j’ m’amuse ! qu’elle lui fait la tantante, en se frottant les crèmes qui lui souillaient couvertures et véhicule.
Puis, se pirouettant la carriole, comme jamais encore je l’avais vue faire pour voir les dégâts en plus général:
- Tiens, occupe- toi donc plutôt de l’Antoine, il me semble en grands besoins !

Depuis des mois on l’avait plus vue aussi intéressée, ma tantante.
J’en étais arrivé à me dire que ça pouvait bien venir d’elle cette trajectoire détournée. Je l’en sentais bien capable, tout exprès, tellement elle l’avait dans le nez, l’Antoine.

Voila qu’elle nous faisait poste commandement du haut de ses roulettes :

-Qu’ on lui cherche de l’eau, Enfin, Ernest, fait quelque chose !

- Oh ! Antoine , Antoine, toi, toujours si propre en tout, il a fallu que ce soit sur toi qu’ je tombe ! Mon pauvre Antoine ! qu’elle jubilait.

Tonton Ficelle, tremblait de tout l’ squelette, c’est tout juste s’il claquait pas des dents, tellement cela lui rappelait l’accident de la mine, il y a si longtemps ..

L’Antoine, il avait sur ses fringues et jusque dans les tifs de quoi satisfaire tous les goûts et les couleurs, calories et crustacés, coquillages, poissons et vitamines en toute marmelade, parsemés, sur fond de crème, feuilles de salades pour alléger, à vous tartiner l’enfer en arc en ciel.

Pendant quelques minutes il resta là, l’Antoine, sans parole ni geste comme dans un vieux film de Charlot, plus raide que mort, puis l’esprit lui revint.

Après trois tentatives achevées peau de bananes-glissade, se redressant enfin, il se présenta à nous, à peine ébroué, portrait en pied.

C’était une œuvre d’art véritable : Arcimboldo picassiette ? Picasso arcimboldé ?, Le doute était permis, tant l’amalgame des styles, de par leur nature même si dissemblables.
Il faisait devant nos yeux à quatre siècles de distance, une synthèse parfaite de ce dont étaient capables les deux maîtres, chacun de son côté.

-Un appareil ! un appareil ! qu’elle s’était mise à frétiller ma tantante, un appareil !.
Michel, va donc chercher ton appareil photo, dépêche toi, c’est trop drôle, c’est trop drôle, Mon pauvre Antoine, comme tu t’es arrangé là, quand même Antoine, un garçon si sérieux Oh là là !

Moi les photos c’avait été premier réflexe, Hop… dans la boite l’Antoine à tous ses stades : vautré, glissé, dérapé, rechuté dans toutes les positions je l’avais figé, et même là sur pieds, pas une prise j’avais loupée.

- Il est des nooootres, il se soule comme les auuuuuutres. C’ est un ivroooogne… qu’ils revenaient, les Huns, mes petits copains, en sautillant en ronde autour de l’arlequin engastronomisé.

Y avait que ma tantante à s’être permis les commentaires eut égard ses infirmités.
Cela lui donnait des droits que les autres ne se donnaient pas.
Près des tables ou encore sur chaises debout, ceux qu’avaient quelconque savoir vivre s’enfonçaient les rires à renforts de serviettes au plus profond des gorges.

Quand du fond de la salle, une voix tonitruante qu’on ne connaissait que trop s’éleva.
-Encore heureux que t’aies mis tes protèges-coudes, sans quoi dans état tu serais ?

La remarque ayant fait sauter bouchons et serviettes, les rires à l’unisson éclatèrent pour de bon.

Il avait le pauvre Antoine, pour la petite histoire, deux frères missionnaires jésuites, dont un bouffé au lion (je reviendrai ailleurs sur cette histoire des plus croustillantes dès que je pourrai)

La très jolie Laurette, l’épouse à l’Antoine, entre péché et repentir toujours, tailleur très polisson, talons aiguilles en sus, avait fini quand même, en se mouillant du moins possible, par essorer du mieux qu’elle pouvait le vivant chef d’oeuvre.
Devant l’ampleur de la tâche il avait pas fallu trop la prier pour lui faire éponge jeter.
Ce fut ainsi qu’ abandonné de tous dans la baignoire privée du restaurateur, tout seul, Antoine dû s’aller restaurer.
C’était, la belle Laurette, une vraie copine au pape de par ses beaufs jésuites introduite.
Elle apprenait, par le biais de ces froqués, les toutes dernières nouvelles de sa sainteté et de sa petite santé.
Jusqu’à ses états d’âmes qu’elle lui auscultait.
Depuis qu’il avait béni les canons des Nazis, il leur semblait à tous, que le saint père petit à petit se ratatinait.
Elle relatait tout ça, à ma vieille qui transcrivait détail, pour ne rien laisser perdre, sur un petit calepin qui la quittait jamais. Elle y inscrivait les crasses que je lui faisais et celles dont d’autres se chargeaient, ainsi que ses vengeances à ne pas oublier. Elle y marquait aussi ses recettes de cuisine, les courses à ne pas oublier et les messes pour les morts à faire prier, le tout bien mélangé.
Ce que lui contait la belle Laurette, c’était en premières pages réservées et en rouge qu’ elle le soulignait
Car cela lui servait fort à clouer le claque merde à ses copines du bled quand par trop, elles me médisaient les lubricités.
- J’ai un voyou pour fils, mais je connais le pape, moi !
Auprès de ces grenouilles, un peu qu’ ça rattrapait.
C’était là sa force de frappe, son argument de masse, fallait voir toutes ces vipères comment ça les calmait.

Pour en revenir à notre affaire et pour pas qu’on s’égare le sujet, heureusement que l’ Alfred des Tranchées on avait pensé à l’évacuer préventif sanitaire, dès que les choses s’étaient par trop précipitées.
On l’avait collé sous surveillance sévère dès les premières chansons lancées.
Nous voir ainsi nous agiter, eut trop risqué de lui rappeler ses guerres et ses batailles.
Au point de déclencher une crise, comme on lui en connaissait.
Des crises, où, redoutable à la baïonnette, il revivait ce jour, pour lui terrible entre tous, où deux des boches d’en face, l’avaient attaqué alors que dans sa tranchée tranquille il venait de se mettre à table, cuillère, fourchette, gamelle dégoupillées.

L’urgence dans laquelle il vivait la chose quand ça lui revenait, lui demandait un espace considérable, pour qu’il puisse à son aise se défendre en tout sans se mettre en péril.
Valait alors mieux avoir vu large, pour être sûr de ne pas morfler !

Adélaide, ma nouvelle belle mère , une fois évacués l’Antoine et ses reliefs visqueux, s’était mise à danser, heureuse de voir son Camille pour une fois neutralisé.
Le peu d’ alcool de menthe, qu’on lui avait fait prendre pour le calmer, lui qui ne buvait et ne vivait que d’eau, avait suffi à l’ éliminer.

Aussi , l’Adélaïde, il lui était poussé des ailes de désir, fine prête à s’ envoler. Finies ses vagues à l’âme, toutes robes de chambres aux orties, oubliées.
Elle se frottait du ventre pire que bique lubrique à tout ce qui se présentait.

Même mon vieux que le péché des chairs, c’ était pas ses choses, avait dû y passer.
Au point que faisant mine de rien voir, la tante Charlotte, amoureuse elle aussi de mon papa, causait de plus belle à m’sieur le curé, que pour donner le change, elle avait alpagué.

[Invité]

Excellent ! De la hargne rigolarde formidable...

[à tchaoum]

C'est pas pour pinailler, tu sais que j'aime ça, mais là :

[...] ses vengeances à ne pas oublier. Elle y marquait aussi ses recettes de cuisine, les courses à ne pas oublier et les messes pour les morts à faire prier, le tout bien mélangé.

y en a un d'trop.
à rewriter d'urgence.
Sinon, bah... j'aimerais bien acheter le bouquin pour me goinfrer tout d'un coup.

[outretemps]

C'est pas pour pinailler, tu sais que j'aime ça, mais là :

[...] ses vengeances à ne pas oublier. Elle y marquait aussi ses recettes de cuisine, les courses à ne pas oublier et les messes pour les morts à faire prier, le tout bien mélangé.

y en a un d'trop.
à rewriter d'urgence.
Sinon, bah... j'aimerais bien acheter le bouquin pour me goinfrer tout d'un coup.

Foutre dieu, cela m'avait échappé. Autant pour moi, t'as raison, merci d'avoir remarqué, je vais gommer. Tes pinailleries sont toujours pour moi les bien venues. Pour t'en remercier je te prédis qu'il y aura une troisième et dernière partie pour ces noces, avant que je ne passe à la vente aux enchères, je pense, ou a autre chose . C'est ces noces là juste pour présenter des personnages à développer dans d'autres pages.
Merci socque, à vous aussi de votre commentaire pour la première partie. Le début fut laborieux, comme vous l'aviez remarqué; Aussi je vous remercie pour vos remarques qui elles aussi tombent toujours juste et qui témoignent de l'intéret que vous voulez bien porter aux textes de ce forum, qui sans vous, ne serait de loin pas ce qu'il est.

[outretemps]

A propos, à tchaoum, ton triangle, l'artiste, le philosophe et l "travailleur" faudrait plutôt mettre l"art", la "philo" et le "travail". l'homme il peut se situer alternativent dans les trois angles au cours de sa vie? non?

[à tchaoum]

A propos, à tchaoum, ton triangle, l'artiste, le philosophe et l "travailleur" faudrait plutôt mettre l"art", la "philo" et le "travail". l'homme il peut se situer alternativent dans les trois angles au cours de sa vie? non?

Non-non-non, avec travail et travailleur, tu opères exactement le glissement qui déclasse les deux autres, c'est la technique éprouvée des scientifiques pour faire primer leur vue et ils sont en ça fort soutenus par le marché. Les deux autres travaillent aussi, davantage du chapeau, peut-être, mais c'est du travail !
Je place tout au niveau chercheur.
Donc je tiens à la trilogie Arts, Lettres et Sciences.
Mais l'idéal serait effectivement de passer par les trois points de vue dans une vie bien remplie... à défaut de pouvoir opérer la synthèse.
Je m'en suis un peu plus expliqué là où tu demandais des éclaircissements...

[outretemps]

Je suis éclaici tout à fait, mais le mot travail venant du latin "tortore" ou quelque chose de semblable qui signifie "torture". La torture c'est ce qui permet à l'homme de s'occuper du trépieds dont tu causes. Alors où mettre dans le triangle ce qui permet au reste d'exister? Faudrait à ce moment là envisager une forme pyramidale, mais la pyramide supporte mal un triangle autre qu'équilatéral. où allons nous aller à ce rythme pharaonique ? A moins de poser l'édifice sur la pointe, ce qui ferait comme une fleur, le travail à la base à partir duquel s'élaboreraient les "arts" au sens large? Quelle vilaine pensée!

[claire]

Outretemps je voudrais bien faire un chti commentaire à vos repas de noces mais ça vient pas, parce que c'est pas cette veine là que j'aime le plus dans ce que tu/vous écris/écrivez (je sais plus si on se tutoie ou si on se vouvoie; je ferai donc un mélange des 2); moi j'aime tesvos histoires de bidoches, de famille à curetons, les dégueulasseries internes que tuvous mettez en scène... bon ben alors ici c'est pas le bon fil!

[à tchaoum]

[...] travail [...] "torture". [...] du trépieds dont tu causes. Alors où mettre dans le triangle ce qui permet au reste d'exister?

Argh, c'est une conversation qui se tient avec un crayon. Tu parles du fonctionnement et moi du point de vue. Pour le fonctionnement, trois points ou étapes aussi : action, expérience, réflexion, et on boucle, encore un cercle vicieux sans début ni fin, tu commences où tu veux...
Le disque est-il rayé ? Avec un petit décalage à chaque tour on a la spirale de l'évolution, en développement sur le plan (nautile, galaxie...) ou sur un axe (l'escalier en colimaçon). Mais alors, gravir les degrés ? Graviter ?
"fais comme si c'était pas grave" dit le Cheyenne,
Combien de marches-degrés ? Trois ? deux ? un ? "marche min tcho ! teun' perdo rin pour attend' " dit tante Lolotte (la chti)...

Faudrait à ce moment là envisager une forme pyramidale, mais la pyramide supporte mal un triangle autre qu'équilatéral. où allons nous aller à ce rythme pharaonique ? A moins de poser l'édifice sur la pointe,

et toc, la pyramide, l'autre figure, vers le haut ? vers le bas ? les deux mon capitaine ! on remarque dans l'Incal (Moebius et Jodorowsky) que les deux pyramides croisées forment l'étoile de David...
Oh que je suis fatigué tout d'un coup...
Et cette vielle baderne de capitaine, tout ç'qu'i sait dire : "en avant, marche !"

[claire]

Le disque est-il rayé ? Avec un petit décalage à chaque tour on a la spirale de l'évolution, en développement sur le plan (nautile, galaxie...) ou sur un axe (l'escalier en colimaçon). Mais alors, gravir les degrés ? Graviter ?

Faudrait à ce moment là envisager une forme pyramidale, mais la pyramide supporte mal un triangle autre qu'équilatéral. où allons nous aller à ce rythme pharaonique ? A moins de poser l'édifice sur la pointe,

et toc, la pyramide, l'autre figure, vers le haut ? vers le bas ? les deux mon capitaine !

On reste dans les formes reconnaissables, rassurant ou ya pas le choix?
Et si le parcours se faisait au risque de la forme reconnaissable; il serait beaucoup plus difficile de classifier, définir... et là, paf, le point de vue il prend une de ces puissances dans notre tronche!

[outretemps]

Faudrait qu'on arrête les géométries, ça devient d'un complexe.

[lol47]

Bon, je vais peut-être prendre le contre-pied de tout le monde, non pas que cela soit mal écrit (ou bien écrit, d'ailleurs), mais je n'arrive pas à accrocher.

Une sensation de froideur, de distanciation.
Comment l'expliquer ?
En ce qui me concerne, ce n'est pas fade mais lymphatique comme si l'auteur écrivait complètement détaché de ce qu'il écrit.
Pas de mise en valeur, pas de mise en danger, un retrait permanent qui ne permet pas d'entrer et d'approfondir.

Amicalement, lolo.

[Sahkti]

Je lis le début et je me dis "Mince, me vlà dans Videogag" (je n'aime pas trop Videogag, c'est souvent lourd et forcé, mais bon...).
Heureusement, cette impression de dure pas :-)
Des tons désabusés, tristes et drôles à la fois, finissent par s'esquisser, créant une ambiance particulière en demi-teinte, comme ces maisons de vieux qui sentent bon le passé mais aussi le sûret.
Au final, j'aime bien celui-ci, plus que d'autres de la même famille.

[bertrand-môgendre]

outretemps en bon observateur

Antoine, dit « protège coudes »,minuscule fonctionnaire, situation assise, petit bureau, qu’avait passé sa vie, sandwich, serviette, rangés, premier tiroir à droite, pour jamais rien salir.
Antoine, donc, avait décidé devant la tournure que prenaient les évènements, l’intention était bonne, comme dans tous les naufrages, de mettre sa p’tite femme au sec.
Il s’était choisi pour ce faire, le petit espace triangulaire derrière la table à remiser bectances pour picorer tranquille, comme en tout, spectateur.

J'aime ce côté griffé sur un carnet de notes telles esquisses prises sur le vif que l'on ne retouche jamais tant la vie transperce le papier.
Le reste me semble du gaspillage de nourriture sous couvert de drolerie peu rafinée.
Tu as la plume théâtrale.

[outretemps]

Merci pour tes remarques. Je crois que c'est pas très simple de transcrire des "carabinades" ou des bringues , sans virer dans le gras et le lourd. J'ai quand même évité la "danse des canards"-:))), je suis tout à fait d'accord. mais bon, ça s'est passé comme ça
En tout cas merci pour ce que tu dis c'est parfaitement bien vu.

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