Chausser le vent

[Arielle]

Chausser le vent
Et saltimbanque se pendre au cou d'un arlequin
Confier la veuve à l'orphelin
Les pantoufles de l'épicier aux crocs d'un tigre de papier
Pleurer pour rire et délivrée des lois du lourd et de l'ennui
Livrée au vin bleu de l'errance
Tenter sa chance

Chausser le vent glisser sa plume
Entre le marteau et l'enclume
Une étincelle
Face aux clichés
Clouer la faim sortant du bois
Comme un loup aux portes des granges

Mordre aux caprices de sa muse
Pour elle
Déployer mille ruses
Coudre des ailes à son coursier
Qui décroche un quartier de lune
Avec les dents

Chausser le vent et passer outre
Lever la herse de ses doutes
Entre les troncs
- Forêts en marche-
Glisse la trame du plain-chant
Oser frotter
Ses pieds au vent
Et sentir entre ses orteils
Crisser la soie d'un arc-en-ciel.

[souris]

Les images surréalistes se bousculent. Il y a un vent de révolte, une volonté de se délivrer de ses fers, de mordre... en tout cas ça gronde en sourdine, c'est sous pression !

Parfois j’ai l’impression d’écrire sous la dictée d’une petite voix intérieure, bien plus « mûre » que je ne me soupçonne de l’être. Il faut lire le journal d’Anne Frank pour s’en convaincre (je tiens le mien depuis la 6e et des fois je me crois victime d’un dédoublement de la personnalité comme dans le Horla de Maupassant ou le Double de Dostoïevski).
Mais dans ton poème, l’écriture automatique est à la fois maîtrisée et non bridée.
Les mots qui se répondent en musique font comme des étincelles et leurs sens mêlés agissent comme une réaction sémantique ou un truc comme ça. Ton arc-en-ciel final est un feu d’artifice.

[pierre-henri]

Sur ce coup-là, je vous trouve, même si ça chante, un soupçon précieuse, ce qui réduit mon plaisir.

[annallissée]

Chacun écrit avec son style. la préciosité n'est pas une gêne en poésie, pourvu que le choix des mots, leur ciselure, leur agencement, ne se contente pas de pure forme mais qu'il fasse sens et émotion.

Il me semble que c'est le cas pour ce poème travaillé, plein d'images en mouvement , de joie et d'incitation au rêve, voire à un idéal de vie.

Mais il est vrai que la rupture, de temps en temps, avec un ou deux vers tout simples permet de faire digérer la succession de métaphores

ex :

Chausser le vent et passer outre
Lever la herse de ses doutes
Entre les troncs
- Forêts en marche-

Les deux derniers petits vers tout courts sont importants dans la construction de la strophe car ils suscitent une légèreté, font une rupture visuelle et rythmique. En permettant aussi de se poser, ils donnent une force au paragraphe.

Enfin, c'est ma façon toute personnelle de lire ce poème ; il n'est pas facile de commenter la poésie car il faut aussi garder sa manière d'écrire et s'exprimer comme on le ressent.

[Arielle]

Souris, souris tu m'intimides! "Des images surréalistes", "l'écriture automatique" tu me fais nager dans des courants que je n'ai jamais vraiment pensé à fréquenter ;-)
J'aime mieux quand tu parles des "mots qui se répondent en musique, font comme des étincelles". Là, tu me touches parce que la musique des mots est pour moi essentielle en poésie.
Je n'ai pas relu Anne Frank depuis l'époque où je fréquentais le lycée. Je ne crois pas que sa maturité était ce qui avait retenu mon attention alors. Quand une personne, quel que soit son âge, est capable de nous emporter dans le plaisir de lire on oublie vite, je crois, ce côté anecdotique de la biographie de l'auteur. Tu me donnes envie de relire ce journal que j'avais beaucoup aimé en le découvrant.

[Arielle]

Enfin, c'est ma façon toute personnelle de lire ce poème ; il n'est pas facile de commenter la poésie car il faut aussi garder sa manière d'écrire et s'exprimer comme on le ressent.

J'aime bien ta manière de commenter. Elle me permet de constater que j'ai réussi (au moins pour toi) à faire passer dans mon texte ce que j'avais envie de dire et ce n'est pas évident sans tomber dans la lourdeur et la démonstration. J'ai toujours peur d'en dire trop, de trop insister dès que je dépasse les quatre lignes ;-)

[annallissée]

Je pense qu'il faut que tu conserves ce côté extraverti de ta poésie, c'est ce qui fait son charme, pour le peu que j'en ai lue.

Dans le regard extérieur, on peut pignocher ça et là de bonnes idées pour s'améliorer, notamment sur la forme pour laquelle on n'a pas toujours le recul nécessaire, mais il est important de conserver l'essence de son écriture qui est celle de sa personnalité.

:-))

[Invité]

Reserve sur celui-ci, le ton leger croise le fer avec le dramatique.
Je suis un peu instable dans ma lecture, entre plusieurs chaises.
J'aime le format..

[bertrand-môgendre]

je n'ai pas lu le texte. Seul le titre me convient.

[Invité]

C'est peut-être un brin trop travaillé mais c'est quand même étonnant d'inventivité. Et ça donne envie en effet de chausser le vent et de se laisser porter loin au pays de l'imagination poétique.
J'aime en particulier les deux derniers vers, qui évoquent à la fois et en quelques mots bien choisis les sens du toucher, de l'ouïe et de la vue.

Et sentir entre ses orteils
Crisser la soie d'un arc-en-ciel.

[Arielle]

Je suis un peu surprise de lire qu'Annalissée et toi, Island, avez cette impression de texte travaillé C'est quelque chose que j'ai écrit très vite en évitant de revenir sur des images que je trouvais un peu approximatives...J'avais juste envie de me laisser porter par les mots sans les décortiquer, pour une fois, et je l'ai posté tout de suite pour ne pas être tentée d'y retoucher!
Je comprends que Panda ait pu se sentir mal à l'aise entre deux chaises, moi-même, j'avoue...mais dramatique, quand même, il ne faut pas exagérer!
Bertrand, tu as bien raison : tout est dans le titre le reste n'est que redondances ;-)

[Invité]

Je suis un peu surprise de lire qu'Annalissée et toi, Island, avez cette impression de texte travaillé C'est quelque chose que j'ai écrit très vite en évitant de revenir sur des images que je trouvais un peu approximatives...J'avais juste envie de me laisser porter par les mots sans les décortiquer, pour une fois, et je l'ai posté tout de suite pour ne pas être tentée d'y retoucher!

Eh bien, cela signifie sans doute que tu es encore plus douée que tu ne le penses ;-)
Mais je veux bien te croire sur une écriture spontanée, à la relecture cela paraît tout à fait possible, une espèce de "brainstorming" personnel...

[Sahkti]

Quelques belles images, beaucoup même, presque trop; ça donne une richesse au texte proche de la saturation par moment. C'est élégant, il y a une recherche de sens mais tout se bouscule sans véritable fluidité. A alléger, peut-être, mais c'est question de goût, c'est sûr.

[Manon Lunalice]

Voilà, je suis une folle qui fait remonter un texte vieux de 2008. Mais je l'aime, ce texte.
"Confier la veuve à l'orphelin". Voilà quoi.

[Yoni Wolf]

Moi aussi je l'aime, ce texte, plus dense que tes derniers. Merci à lunalice de l'avoir remonté.

[Béatrice44]

Un ptit bonheur à lire...c'est grisant.

[Polixène]

Comment avais-je pu le louper celui-là?!
Ta façon malicieuse de jouer avec les clichés, de les détourner nous entraîne dans une sarabande lumineuse.
Superbe.

[Invité]

''Aimer jusqu'à la déchirure... ''
Nul doute que vous aviez dans votre inconscient cet air de Brel lorsque vous avez écrit ce texte.
On y retrouve le même rythme, la même musicalité, la même émotion;

Mais les mots sont les vôtres et la spontanéité du texte est celle d'un premier jet.

[Contenu sponsorisé]