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le port

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Message  desaparecer Lun 4 Aoû 2008 - 0:35

Une ampoule nue pendait du plafond et jetait une ambiance blafarde sur la pièce. Quelqu’un avait baissé les stores et Patrick devinait les allures mornes du petit matin, de ces lumières qui le laissaient hésiter sur le bien-fondé de quel avenir que ce soit. Au dehors criaient les mouettes. Ce son exaspérait dans sa poitrine le chagrin qui l’habitait depuis des mois
Plusieurs bureaux étaient disposés anarchiquement, lequel de biais, lequel au milieu de la pièce. Il y avait eu des affiches collées sur le mur, mais elles avaient été arrachées. Il ne subsistait que des bouts de scotch, auxquels pendaient des morceaux de papiers colorés.


- « Pourquoi être revenu ? demanda l’officier
- Je n’en sais foutrement rien, je vous l’ai déjà dit
- Vous avez fait au bas mot 22 heures de train en deux jours alors que rien n’indique selon nos rapports que vous aviez besoin de retourner dans cette ville. Je dois vous le demander à nouveau, et j’espère obtenir cette fois une réponse précise, que veniez vous faire dans cette ville ?
- Ecoutez je ne sais vraiment pas ce qui m’a poussé à revenir ici… Il le fallait. Est-ce qu’un rapport de police peut intégrer des cauchemars remplis de poids lourds lancés à pleine vitesse, des nuits sans sommeil passées à faire en rêve le tour de la ville, du port métallique jusqu’au parc, du parc jusqu’aux bars… Je ne crois pas… Je voudrais vous dire que j’étais venu régler une affaire d’importance avec untel ou untel, mais ce ne serait pas vrai. Je suis juste revenu revoir la ville, seul. »

L’officier but lentement une gorgée de café froid. Il regarda avec une immense lassitude l’homme qui lui faisait face. Mais rien ne se produisit. Il tapotait machinalement les petites gouttes brunes tombées sur le bureau.
Brun et élancé, habillé avec goût, il pouvait avoir un peu plus de 35 ans. Il avait été souriant au début et plein de petites manies. Mais sa désinvolture s’était rapidement éteinte.
Devenu le principal suspect dans la disparition de Clara, il avait fallu le sortir à une heure tardive d’une minuscule discothèque de centre ville à l’est du pays. Après quelques heures en fourgon, le jeune homme sentait toujours le tabac, et une tenace odeur de gin s’échappait de ses vêtements. L’officier reprit

- « Vu les circonstances, vous comprenez qu’il m’est difficile de perdre du temps… Qu’avez-vous fait lorsque vous êtes revenus ?
- Comment vous parlez de ce qui n’existe pas ? Ces derniers jours ont été comme des parenthèses vides… Vous savez ces petits points égarés dans une parenthèse qui signalent une ellipse ? Mon départ précipité de ma ville natale, ces interminables heures de train et finalement le port. Même si je peux rappeler à moi ces souvenirs, leur consistance m’échappe. Je regrette de ne pouvoir vous aider là-dessus. Si Clara a disparu, je ferai quand même de mon mieux pour vous aider
- Alors parlons de Clara et de ce différend qui vous opposait.
- Oui, ceci par contre appartient à une époque dont je peux encore tracer les contours… J’ai connu Clara par le biais de mon travail au laboratoire. Elle était missionnée par une agence de ressources humaines pour mettre en œuvre un plan social, comme vous devez le savoir.
- Et vous avez été licencié…
- Vous savez sûrement aussi que ce licenciement a été mon choix concerté avec la direction bien avant l’intervention de Mlle Dumas.

- C’est exact, du moins c’est ce que votre supérieur a dit… Quel genre de relations entreteniez vous avec Clara ?
- Difficile à dire… On ne peut pas dire que je l’ai appréciée au premier regard. Je n’aimais pas beaucoup ses méthodes de travail ni l’agitation qu’elle amenait au labo.
- C'est-à-dire ?
- C’est une étrange femme, dit rapidement Patrick avec une pointe d’irritation. On pourrait dire qu’elle était glaciale et fébrile sans contradiction. A peine gratifiait elle son interlocuteur d’un vague sourire qu’un de ses étranges tics traversait son visage et transformait le sourire en rictus et tordait ses traits. L’instant d’après c’était encore un autre genre de grimace qui bouleversait sa face. Cela lui donnait des airs de mime fragile, qui émouvaient pas mal de mes collègues… Au risque d’être trivial, se faire la consultante ne leur aurait pas déplu non plus, une sorte de revanche… Vieux réflexe mâle…
- Et vous ?
- Oh moi, de ce coté là elle me laissait aussi indifférent que n’importe quelle femme. »

Patrick ne put s’empêcher de sourire en constatant l’exaspération croissante de l’officier, qui s’épanouissait dans la révélation de son homosexualité.

- « Vous n’êtes pas restés indifférent très longtemps
- Oui et non… Au fil du temps c’est vrai qu’on est devenu assez proches… Elle a vite compris qu’il n’y avait chez moi ni concupiscence ni peur de perdre mon emploi… Alors elle se détendait quelque peu avec moi. En ce qui me concerne, je lui trouvais le mérite de la nouveauté. Et si j’avais démissionné c’était justement par besoin de nouveauté.
- Et ce différend ? »

Patrick baissa la tête l’air mal assuré…

- « Eh bien… Ce « différend » comme vous dites avait pour nom Sondre, étudiant norvégien de son état. Je l’hébergeais momentanément… Entre autre… Du jour où, au sortir d’une soirée ils se sont retrouvés « heureux comme des petits chats dans le même panier », tout a commencé à merder par ici… D’abord je suis parti, une première fois dans ma ville natale à l’est… Mais il me fallait revenir, terminer le préavis, déménager…
- Je vois. Croyez vous que ce Sondre puisse avoir quelquechose à voir avec sa disparition ?
- Indirectement peut-être. En tout cas Sondre est revenu à Oslo il y a quatre mois de ça… Donc je ne vois pas comment il aurait pu l’enlever ou la séquestrer ou quoique ce soit d’autre… »

Cette pensée fit sourire Patrick. Il revoyait en pensée le mince et fin visage de Sondre, sa douceur perpétuelle, ses airs de chat triste… Difficile de l’imaginer faire acte de violence… ou même avoir une seule pensée « inconvenante »…

- « Alors ce premier retour ? J’espère que vous pourrez me parler de celui là…
- Oui… Je vous ai déjà dit, il y avait le préavis de mon travail, le déménagement… Je ne suis partie que deux jours finalement. Au retour, j’ai trouvé Sondre et Clara chez moi, puisque Sondre vivait chez moi. C’était assez difficile à soutenir… »


La douceur de la peau de Sondre, qui lui avait été ravie continuait de le hanter insidieusement. Il se sentait fragilisé à chaque fois qu’il y repensait… Il avait voulu protéger Sondre et ses 19 ans, s’aménager un petit espace de bonheur clos avec lui…
A 37 ans, il avait presque le double de l’âge de l’étudiant. Ce n’était certes pas la première fois qu’il sortait avec un garçon plus jeune que lui. Cette fois ci, à sa surprise, il s’était senti envahir par un sentiment quasi paternel, extrêmement doux et jusqu’alors jamais éprouvé. Le jeune homme rappelait en lui l’adolescent qu’il avait été et l’initiateur bienveillant qu’il serait peut être. Sondre parvenait sans s’en douter à adoucir l’idée du vieillissement et à être en même temps une incroyable source de jouvence. Sous l’effet du pouvoir anesthésiant du jeune norvégien il s’était senti devenir ange au contact d’un autre ange. Il était bêtement tombé amoureux, en somme, d’une sorte d’amour quasiment mystique, n’en revenant pas chaque matin de retrouver la même pureté, qui tenait plus de l’adolescence que de la virilité. Il se surprenait à sourire de lui-même à cette époque en songeant qu’il avait trouvé son « éphèbe ».

Patrick fut interrompu dans le fil de ses pensées par l’officier de police qui le considérait d’un œil peu amical

« Et alors ?
« Eh bien… »

Patrick s’efforça de surmonter son immense dégoût et poursuivit le récit de l’histoire.

« Clara s’était accaparée Sondre, qui a dit oui, comme il disait oui, à tout ce qu’on lui proposait en somme… Elle lui avait pourri la tête, lui disait qu’il n’était qu’un jouet sexuel pour moi… Que je me moquais bien de sa personnalité propre, tant que j’y trouvais mon plaisir… Je crois que Sondre se fichait un peu de tous ces discours, il allait simplement vers celui qui lui faisait le plus plaisir… »

L’officier eut une petite mimique de dégoût. L’histoire semblait s’orienter vers un récit de jeux sexuels bizarres qu’il aurait préféré ne pas entendre.

« C’est comme ça que… on s’est finalement retrouvé à trois, chez moi. On a vécu de longs mois comme ça. C’était une sorte de… bourbier »

Patrick ne pouvait en dire plus, le souvenir de cette époque le glaçait encore. Au long de sa relation avec Sondre, le sexe n’avait pas occupé toute la place, et leurs relations lui apparaissaient pleines de douceur et de compréhension… Lorsqu’il dut, à contrecoeur, pénétrer cet étrange enchevêtrement d’aversion, de jalousie et d’amour, il s’aperçut rapidement que cette sérénité était révolue. Il aurait volontiers envoyé un coup de poing dans cette bonne femme pour retrouver, le temps de son inconscience au moins, la sereine ambiance des mois précédents. Quant à elle, elle s’était mise, une fois amourachée de Sondre, à le détester. Au cours de ce curieux ménage à trois, il avait été surpris au début des capacités de son corps à l’égard de cette femme, son aversion morale s’amplifiait pourtant. Quant à elle, elle le haïssait avec toute la rage de femme jalouse. Pendant trois mois ils avaient joué à ce jeu sordide dont la récompense était Sondre. Chacun entraînait l’autre dans des abîmes de violence, de décadence, chacun observait l’autre en attendant le moment fatidique où il abandonnerait la partie.

« - Au fond on ne savait plus qui violait qui, qui maltraitait qui…
- Et ce Sondre, n’aurait pas pu simplement choisir entre vous deux ?
- En vérité cette idée ne nous est même pas venue à l’esprit. La situation ne semblait pas atteindre Sondre… Il gardait le même calme, le même sourire, témoignant son l’affection à l’un comme à l’autre.
- Qu’est ce qui s’est passé alors ?
- J’ai gagné en quelque sorte… Clara n’en pouvait plus… et un matin… »

La voix de Patrick se brisa… L’officier le contempla d’un œil surpris. C’était la première fois qu’il manifestait de l’émotion à la pensée de Clara… qu’il avait apparemment tellement détestée.

- Un matin elle est partie… Sans…, et Patrick baissa la tête, sans explications. Et Sondre est rentré chez lui à Oslo, peu après.

L’officier sentait qu’au moins une part de la clé de l’énigme allait lui être révélé sous peu. Respectueux de la procédure, il décida toutefois d’accorder à Patrick, visiblement très éprouvé, une demi heure de repos.

Au sortir de son bureau, ils trouvèrent un subalterne qui les attendant, les yeux fixés au sol.

- « Eh bien ?
- Chef… On a retrouvé Clara… C’est un pêcheur qui l’a trouvé… Dans l’eau…
- Morte ?
- Oui, chef.

Patrick défaillit soudain, se raccrochant au rebord de la fenêtre, il s’entendit dire dans l’un de ses cauchemars :

- « Mais qu’en est-il de l’enfant qu’elle portait ? »

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Message  Lucy Lun 4 Aoû 2008 - 11:38

Il faudrait que je relise ton texte. Quelque chose me chiffonne et je ne sais pas exactement quoi.
Des phrases résonnent un peu étrangement à mon oreille. Par exemple :
Il avait été souriant au début et plein de petites manies.
" Au début " de quoi ? Est-ce au début de leur entretien ou autre chose ?
Tu sais recréer l'ambiance sombre dont ce récit a besoin. Je viendrai te relire.
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Message  Sahkti Mer 13 Aoû 2008 - 17:03

Est-ce que c'est un morceau d'un texte plus long ou pas du tout?
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Message  mentor Mer 13 Aoû 2008 - 17:43

tiens ! un texte passé quasi inaperçu !
et pourtant il ne manque pas de qualités
mis à part le langage du prévenu qui ne colle pas vraiment avec ce qu'on peut attendre dans la réalité
par exemple je vois mal quelqu'un dire ceci dans la vraie vie à un flic qui l'interroge :
Ces derniers jours ont été comme des parenthèses vides… Vous savez ces petits points égarés dans une parenthèse qui signalent une ellipse ? Mon départ précipité de ma ville natale, ces interminables heures de train et finalement le port. Même si je peux rappeler à moi ces souvenirs, leur consistance m’échappe. Je regrette de ne pouvoir vous aider là-dessus.
mais bon, je pense que cela est assez facile à reprendre pour le rendre réaliste
ce fragment d'histoire est intéressant, l'ambiance y est, aussi bien le présent de l'interrogatoire que le passé du récit
il serait intéressant que tu poursuives

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Message  Krystelle Sam 16 Aoû 2008 - 7:43

L'écriture est soignée mais presque un peu précieuse parfois dans les dialogues, trop pour leur donner de la crédibilité.
Pour le reste, l'histoire est plutôt bien menée, plaisante à suivre, même si tu instaures une distance entre tes personnages et le lecteur qui m'a empêchée de vraiment rentrer dans ton texte.

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Message  desaparecer Dim 17 Aoû 2008 - 12:18

Bonjour et merci de m'avoir lue!
Pour l'instant c'est un bout de texte tout seul (dont la fin m'a donné pas mal de fil à retordre, l'idée finale ne m'emballant qu'à moitié)
Je pense aussi que les dialogues sont peu crédibles, et un peu trop précieux... Peut être je devrais essayer de moins le dialoguer...

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