Un repas de famille

[monsieur_chauve]

Salut tout le monde,

J'aurais souhaité avoir vos avis sur un passage du roman que je suis en train d'écrire. Merci d'avance !

Et surtout ne mâchez pas vos mots



Daniel faisait face à son beau-père Hari lors du repas de Noël. Linda, sa femme, était assise à sa gauche, et sa belle-mère Christine à sa droite. Le fait d’être en face de son beau-père le mettait très mal à l’aise. Il sentit d’emblée ses tics nerveux refaire surface, alors même qu’ils prenaient place autour de la table.

Hari semblait être de bonne humeur ce jour là, et durant tout l’apéritif, pris au salon, il n’avait pas arrêté de faire des plaisanteries grasses et de donner des tapes amicales dans le dos de Daniel. Hari aimait beaucoup Daniel, cela ne faisait aucun doute, et pourtant, Daniel n’était pas en mesure de lui rendre cet amour de façon naturelle.

A chaque fois qu’Hari s’adressait à Daniel, il le fixait intensément de ses yeux bleu très clairs, avec un regard pétillant de malice. Et à chaque fois, c’était le même scenario. Daniel plongeait ses yeux dans ceux d’Hari en feignant ce même air pétillant pendant quelques secondes, puis il sentait son regard se durcir involontairement, comme s’il essayait de pénétrer les pensées secrètes de son beau-père. Il ne pouvait s’empêcher de se ronger les ongles tout en lui parlant, geste qui trahissait son embarras.

Mais pourquoi es-tu si nerveux, bordel ? Pourquoi tu ne peux pas lui sourire franchement, et essayer d’écouter ce qu’il te dit plutôt que de faire une fixette sur ta façon de le regarder ? Le vieux t’aime bien, putain, alors profites-en !

Comme à chaque repas avec les beaux parents, Linda pétillait de joie, trop heureuse de raconter les dernières petites anecdotes de sa vie commune avec Daniel. Sa mère l’écoutait attentivement, hochant la tête à chacune de ses phrases, laissant échapper un petit gloussement lorsque Linda tentait de faire un brin d’humour. Je vous avais déjà dit que Daniel avait essayé de fixer un clou au mur l’autre jour, mais qu’il n’a réussi qu’à faire un gros trou ? Les rires fusèrent, et Daniel rit aussi, car c’était ce qu’il devait faire dans telle situation, il en avait l’impression.

Oh mais attendez ! Je ne vous ai pas encore montré la vidéo où Daniel est au karaoké avec ses collègues ! Ils l’ont filmé alors qu’il chantait un morceau des Beatles ! Elle s’était déjà levée de la table, folle de joie à l’idée de montrer ça à ses parents, et tellement ravie d’être le centre de toutes les attentions de cette petite réunion familiale.

Linda, non s’il te plaît ! murmura Daniel sur un ton presque implorant, mais continuant à afficher son sourire de circonstance, pour ne pas froisser sa belle-famille.

Mais Linda était déjà en train de sortir le dvd de son sac à main et de le mettre dans le lecteur. Elle était aux anges, et sa mère la regardait, béate, se disant sans doute que sa fille était heureuse.

Daniel sentit de fines gouttes de transpiration perler le long de ses tempes, signe évident de son mal être. Pendant quelques secondes, ses pensées négatives se firent plus fortes que le reste, et il en oublia tout son entourage. Son sourire de Noël s’effaça brutalement, et il fixa l’écran télé avec appréhension.

La vidéo démarra, et on voyait Daniel, entouré de ses collègues, tous assis autour d’une table dans une discothèque, et ils buvaient tous et riaient. Les dialogues étaient indistincts, à cause du brouhaha ambiant qui régnait dans la boîte, mais Daniel se souvenait parfaitement de ce qu’ils s’étaient dit à ce moment là. Ils parlaient de putes, chacun y allant de sa dernière petite aventure coquine, et expliquant aux autres comment il avait endormi la vigilance de sa femme en rentrant chez lui. Et Linda riait déjà aux éclats, accompagnée de sa belle-mère. Et les collègues de Daniel lui administrèrent de grandes claques dans le dos en riant de plus belle, et Daniel se leva pour se diriger vers la petite estrade dans le fond de la salle, et le DJ passa alors sur l’écran un vieux clip des Beatles, et les paroles s’affichèrent et Daniel se mit à chanter. Il avait déjà beaucoup bu et sa performance fut pathétique. Suffisamment pathétique pour que ses collègues se roulent par terre en se tenant les côtés.

Linda pointait du doigt des collègues de Daniel, en expliquant qu’un tel était déjà venu dîner a la maison, et qu’un tel elle ne l’aimait pas trop, et qu’enfin celui là Daniel ne l’aimait pas trop. Elle était passionnée par son propre récit et on avait l’impression qu’elle connaissait tout dans les moindres détails. A la fin de la chanson, Daniel rejoint ses collègues à la table, et ils le serrèrent dans leurs bras, hilares, et là Daniel se souvint, un de ses collègues lui murmura à l’oreille Allez viens, on a deux pétasses qui nous attendent dans la chambre du haut. Et Linda continuait à pouffer avec sa belle-mère, assises toutes les deux sur le canapé.

Hari était resté assis à la table avec Daniel, et lui ne riait pas, car tout le long de la vidéo, il s’était contenté d’observer les différentes expressions qui parcouraient le visage de Daniel : angoisse, remords, culpabilité, scrupules. Il avait bien compris que ce prétendu karaoké, qui faisait rire sa fille aux éclats, était allé beaucoup plus loin. Hari ne riait plus du tout quand Linda et sa mère reprirent place autour de la table, et une fois les derniers éclats de rire passés, un silence gênant se fit autour de la table.

Heureusement, Linda n’avait aucunement senti l’ambiance se dégrader. Elle ne sentait jamais rien. La mère se leva pour aller à la cuisine, et revint avec un gigot. Et Linda continuait à débiter leurs histoires de couple avec la même légèreté, guettant sans arrêt l’approbation de son père, qui avait retrouvé son sourire et son regard amusé de circonstance, pour faire plaisir à sa fille. Daniel aurait voulu disparaître de la scène, se retrouver chez lui et fumer une cigarette, seul.

Le reste du repas se passa sans accrocs, Daniel discuta de manière mécanique avec ses beaux-parents. Comment va le boulot, Daniel ? Très bien, merci. Je travaille beaucoup ces temps-ci, alors que j’aimerais rentrer à la maison plus tôt pour retrouver Linda. Et vous allez repartir en voyage d’affaire la semaine prochaine, nous a dit Linda ? Oui, je vais passer une semaine à Miami, nous devons rencontrer un important client potentiel. Cette affaire pourrait me servir de tremplin pour une éventuelle promotion. Maman, tu sais nous sommes allés acheter les rideaux prune que je t’avais montré dans le catalogue la semaine dernière. Ah oui ! Alors comment tu les trouves ma chérie ? Ils sont merveilleux, et vont très bien avec la housse de couette, n’est-ce-pas Daniel ? Oui ma chérie, ils sont merveilleux.

Au moment de partir, Linda dit à son père Papa, tu sais, Daniel ne dort pas très bien en ce moment, il a des… Et Daniel lui saisit le poignet, et le serra avec force, avec tant de force à vrai dire que Linda laissa échapper un cri de douleur, et il continua à serrer jusqu'à ce qu’il se rende compte que Linda l’implorait de le lâcher, les yeux pleins de larmes. Alors Daniel lâcha prise, atterré par sa réaction, voyant son beau-père bouche bée et sa belle mère pâle comme un linge.

Fou de honte, il fonça vers la porte d’entrée, et se dirigea vers sa voiture. Il s’assit à la place du conducteur, ferma la porte et se saisit la tête à deux mains. De grosses larmes perlèrent sur ses joues. La belle-famille continuait à l’observer, sur le pas de la porte. Stupeur générale. Hari dit quelque chose à sa fille en la serrant dans ses bras, mais elle se dégagea violemment en criant, et courut rejoindre Daniel dans la voiture.

Daniel démarra sans même adresser un signe à ses beaux-parents, dans un état de nervosité extrême, Linda pleurant comme une hystérique à ses côtés.

[Loupbleu]

Sur le fond, j'ai trouvé ça très intéressant. L'ensemble est bien construit, crédible, la tension monte...
Dans la manière, j'ai trouvé que c'était un peu maladroit, notamment la répétition des prénoms. Aussi le "et" qu'on retrouve plus d'une trentaine de fois dans le texte.
Ca vaut peut-être le coup, au passage, de décrire l'intérieur, ce qui permet d "poser" la scène et de situer la famille (sa situation socio-culturelle), probablement tu le fais ailleurs, mais un petit "rappel" ne serait pas de trop probablement.
Enfin, sur la méthode, je pense que ça ne fonctionne tout à fait bien parce que tu "dis" trop directement les choses au lieu de "montrer".

Bon courage pour la suite, je pense que tu tiens quelque chose avec ce texte !

[Crevette]

C'est très bien amené et ça donne envie d'avoir la suite et aussi ce qu'il y a avant....

Je n'ai pas aimé le tout premier paragraphe de la façon dont est décrit la table. Je trouve que c'est trop "carré". J'ai le même soucis avec ce genre de description, ça me rassure un peu

[Lucy]

J'ai juste une question, pour commencer, dans quel pays se déroule ta fiction ? Je ne suis pas sûre.
Tu maîtrises bien ton sujet mais je n'ai pas adhéré. La faute ne t'en revient pas. Suite à un repas de famille, je me replace parfaitement dans le contexte. L'un des invités y évoquait l'impossible amitié entre homme et femme et y allait de descriptions pour le moins lourdes, contré par un autre invité qui disait cela possible et, très vite, l'ambiance est devenue... comment dire ? Désagréable.
Je fais partie de ceux qui détestent ce genre de repas et tu as bien su restituer ce " petit monde " fait de faux semblants et de sourires de façades. Après, j'ai l'impression, et cela n'engage que moi, de clichés dans les comportements des uns et des autres : le mari volage, la femme ( excuse-moi de ce terme ) un peu cucul, le beau-père sympa et les autres qui se fondent dans le décor.
Je ne peux ( ni ne veux ) juger de ton travail, ne connaissant pas l'ensemble de ton texte et ce qu'il va advenir des uns et des autres, et mon avis n'est pas celui que tu devras écouter en priorité.

Au niveau de la mise en forme, les dialogues pourraient être indiqués par des tirets ou guillemets afin de mieux se démarquer du reste de ton texte.

ses collègues se roulent par terre en se tenant les côtés.

Ne dit-on pas les côtes ?

A la fin de la chanson, Daniel rejoint ses collègues à la table, et ils le serrèrent dans leurs bras, hilares

Daniel rejoignit.
J'ai eu un peu de mal avec " putes ", également. Leurs conquêtes seraient des prostituées ou pas ? Je penche pour la seconde hypothèse et " putes " me semble un peu fort, bien que cela cadre avec le langage de ces hommes.

J'espère que ceci pourra t'aider.

[bertrand-môgendre]

Excellent ! L'ambiance est là.
Supprime TOUTES les déclinaisons du verbe faire.Tu trouveras de bons remplaçants.
Je dis comme Lucy pour les dialogues.

[mentor]

un bon texte au niveau contenu et aussi une très bonne manière de rendre chaque personnage très "visible" rapidement pour le lecteur
pas mal de lourdeurs dans les descriptions, de choses inutiles, il y a moyen de bien alléger
et aussi d'aérer au niveau des phrases prononcées par l'un ou par l'autre et que toi tu noies dans l'ensemble
oui, il y a quelque chose qui accroche bien et ça donne effectivement envie de savoir la suite de cette soirée ratée

[monsieur_chauve]

Merci pour vos commentaires !

Quand je dis que j’écris mon roman, je m’avance un peu Pour l'instant, je n'ai écrit que quelques scènes dans le désordre.

Je pense réduire certains aspects au strict minimum, à savoir : pas ou peu d’indications sur l’endroit ou se déroule le roman, très peu de descriptions de lieux… Je veux faire la part belle a l’évolution de la santé mentale de Daniel et de son attitude vis à vis des autres.

Je pense que ce sera quelque chose d’assez noir, avec des dialogues plutôt crus vers la fin. J’aimerais faire en sorte que le lecteur s’identifie à Daniel au début du roman, qu’il ait de l’affection pour lui, puis qu’il se mette à le détester au fur et à mesure que l’histoire touche à sa fin…

Mais il me manque encore des bonnes idées pour rendre le tout réellement intéressant.

En tout cas, merci pour vos conseils et corrections, que je prendrai en compte pour la suite !

A bientôt

[Invité]

Je suggérerais juste d'aérer le texte et de veiller à ne pas forcer les clichés pour chaque personnage.

[carrie23]

c'est très bon ce que tu écris

[carrie23]

Moi j'aime assez bien Le seul truc qui me gêne un peu c'est quelques mots grossier (deux, je crois...) Autrement dans l'ensemble j'accroche.

[Sahkti]

Avis perso, je trouve que les phrases courtes et saccadées empêchent de prendre la mesure de l'ambiance de ce repas. Un repas en apparence pesant et compliqué, quelque chose de lourd même, mais difficile de s'en rendre réellement compte de la sorte.

Je trouve également tout cela très figé, englué dans un rythme qui n'évolue guère. Au moment où la tension devrait se faire sentir, il n'en est rien. Ce film qui défile, ben voilà et alors? Il me manque quelque chose.

Sans compter que j'ai le sentiment que tu tiens absolument à tout raconter, ne laisant aucun détail de côté, abusant de l'usage des prénoms ou des précisions. Cela ne laisse guère de place à l'imagination et au mystère, or ça serait pas mal de taquiner le lecteur en l'invitant dans la danse.

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