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LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit !

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LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit ! Empty LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit !

Message  kazar Mer 27 Aoû 2008 - 17:29

Dur comme un rock



Enfin.
Ça commence.
La salle est pleine, grouillante. Oh, bien sûr, elle est toute petite –seule une centaine de pelés y tient, compressée par les murs– mais, lumières éteintes et scène allumée, on se croirait à Bercy.
Enfin presque.

J’ai chaud –trop chaud– et mes voisins puent la sueur. Limités par les conventions, les standards auto-entretenus et les fantasmes que la machinerie FM crée pour eux, ils se battent à coup de cheveux hérissés, de t-shirts difformes (noirs, de préférence, floqués d’un beau slogan criard, au mieux), de bagues et de bracelets à pics, de jeans slims et de Converse. Et cette masse, battante, vibrante comme une bestiole ahurie, ne compte plus aucun individu.
Je déteste les tribus. Le communautarisme, c’est des conneries. Un moyen, pour ceux qui veulent se démarquer sans être tout à fait différents, de se rassurer ; d’avoir un truc auquel se raccrocher. D’être comme ceux-qui-ne-sont-pas-comme-les-autres. Ça me fait marrer, leurs codes. Moi, je suis juste venu prendre ma dose de live. Si Wanda avait été là, brûlante et moite, on aurait rigolé comme des cons. Parce que des fois, ça fait du bien aussi.

Les spots bleus transforment le Gibus en un aquarium sans eau. Dans la fosse, les visages anonymes découpés par la lumière sont comme autant de galets au fond du bocal ; les poissons-slammeurs ne sauraient tarder. Les musiciens, eux, entrent en scène avec des attitudes de gladiateurs ; il leur faut bien ça pour nous affronter tous.

On hurle, on acclame, on trépigne.
Allez, balance !
Et, comme si le chanteur m’avait entendu, après le baragouiné « Bonsoir Paris ! » qui s’impose, le premier accord gronde.
La batterie rugit ; les cymbales, libérées, feulent. La basse claque et les guitares, rondes et agressives, me saisissent les tripes. La musique est lâchée. Ce soir, elle est sauvage comme j’aime et hurle sa rage pour se sentir encore vivante. Le rock. Il est là. Indompté, fier et assumé. Il est sueur, cris, sauts et regards possédés ; il est libéré de toute mièvrerie, de cette hypocrisie qui colle à la pop ou à la variété.
Il est là, putain ! devant moi, et je l’écoute me chanter sa raison d’être ; il ne ment pas. Face à lui je mène ma propre guerre. Lui, moi, et ma colère contre ce Monde qui ne me mérite pas.

Le temps m’échappe. Je me perds dans une mélasse de distorsion, de mouvements de foule et de flashs épileptiques. Loin de tout ce qui m’attend dehors, demain.



Un beau coup tôt




J’ai les oreilles qui en sifflent encore et les jambes fébriles quand je rentre enfin chez moi. La nuit rend mon nouvel appartement presque habitable mais l’interrupteur la contredit toujours. Voilà presque deux mois que j’ai emménagé à Paris, et les cartons régurgitent encore leurs saloperies, pire que Perfide lorsqu’il a bouffé ma fougère.
Tiens, quand on parle du fauve…
Il miaule, bien sûr, mais sa voix est bizarre. Différente. S’il savait parler (ce dont je suis sûr, en fait) il me dirait probablement qu’il est soulagé de me voir.

- Impossible. Arrête ton char, tu veux ?
- Si, j’te jure, Fred. (Et ses yeux…ses yeux d’habitude si fourbes…si vicieux…si perfides…ne cachent soudainement plus rien. Il a peur.)
- Bon, quoi ? Qu’est-ce que t’as encore cassé ?
- Rien, je…pas cette fois.

Je pose un genou à terre, parce qu’il m’inquiète un peu, et il se blottit contre moi ; il se jette carrément dans mes bras. Pire, il tremble. Ça faisait bien longtemps, tiens, que je n’avais plus tenu mon bestiau. Doit remonter à son enfance –qu’est-ce qui me prend ? À quand il était chaton !! CHA-TON !!– et à sa rencontre, riche en queue gonflée et en dos rond, avec l’aspirateur.

- Qu’est-ce qui t’arrive, pépère ? (Je le caresse doucement)
- C’est ta chambre, Fred…

Voilà, en substance, ce qu’il aurait pu me dire avant de me conduire dans ce qui me sert de piaule. Là, sur le pas de ma porte, je ne crois pas vraiment ce que je vois. La pénombre est gênée car elle ne parvient pas à tout effacer ; faut dire que la lumière du salon n’est pas très coopérative.

- C’est pas moi, Fred, c’est pas moi…
- Évidemment que c’est pas toi, nunuche.

Je veux bien être de mauvaise foi, mais là, faut pas pousser. Six kilos de poils n’ont jamais tué personne. Ça me rappelle une histoire débile, qu’on se racontait avec mon frère à l’époque où il nous manquait encore des dents ; un truc avec une petite planète sur laquelle se trouve un petit pays, grouille une petite ville, bat une petite maison, et une petite chambre avec un petit tiroir où repose une petite lettre sur laquelle est écrit en petit –il y est écrit quoi, déjà ? Bref. Dans l’histoire que je vis, ici et maintenant, il y serait marqué : dans votre lit, il y a un mort ; et dans la tête de ce mort, un couteau de cuisine.


Le pasteur est commissaire



- Et que faites-vous dans la vie, Monsieur Loiseau ?

Le commissaire Pasteur (ça ne s’invente pas !) m’interroge depuis quelques secondes seulement, mais il me gonfle déjà. Il a les grands airs de celui à qui on ne la fait pas –et pourtant. Assis dans mon canapé défoncé, attendant que son café refroidisse, il gribouille dans son carnet sans m’accorder le moindre intérêt. Je ne suis qu’une source de réponses pour lui, un jeu vidéo où les mots pixellisent en indications énigmatiques. Et comme je tarde à remplir mes fonctions, il lève un œil impatient. Il pince un peu sa bouche pour se donner l’air autoritaire du papa qui veut vraiment, vraiment entendre les explications de son fiston.

- Je suis écrivain.

Et Paf. Au moins l’aurai-je été une fois.

- Tiens donc ! (Je hoche la tête, fier de mon nouveau titre.) Et qu’écrivez-vous donc ?

Pasteur est plein de manières énervantes. Dont sa façon de parler : un peu vieillotte, un peu surjouée. Il s’écoute, se regarde, se plaît. Je me demande s’il baise. À en croire sa respiration un peu courte, j’en doute fort. Ce mec doit encore vivre chez ses parents – père ! mère !– en enfant roi qui n’a jamais pris une seule torgnole. Ou peut-être trop, finalement, ce qui lui vaut aujourd’hui cet air de lombric et de broc.
Il lève le menton, sourit, et me regarde de haut. J’ai envie de rire tellement il est pathétique. Même une enfant perdue n’aurait pas peur de lui.

- Un peu de tout, commissaire. Mais je doute que vous soyiez là pour discuter littérature.

Il tique. Ça t’apprendra. Il se penche sur le côté et, pour rassurer son autorité meurtrie, demande aux quatre agents qui l’accompagnent de ne rien toucher –ni rater.
Qu’il est maigre, ce commissaire ! Ses cheveux noirs comme mon beau-père sont laqués en arrière et font écho à un bouc taillé avec précision, tandis que son nez, plus droit qu’un i et long comme la longueur même, accentue le pointu de son menton. Et au milieu de tout ça, un peu perdue, un peu timide, se glisse une bouche banale. Fignolez avec une manucure bon marché, un imper sans âme qui couvre une chemise sans vie et un pantalon trop court, et vendez le tableau aux scénaristes de Derrick. Vous voilà riche.

- Bien, revenons à nos moutons. Vous me racontez ce qui s’est passé ?

Ce que je fais. Le concert, le retour, le chat, le macchabée. Derrière moi, ça s’agite. Les légistes et leur auréole morbide sont arrivés. Ils sont trois et enfilent leurs gants dans des bruits de plastique suceur, se faisant bouffer les doigts par ces mollusques gluants. Prennent des photos, font des blagues et rient fort. Je ne les comprends pas bien : j’ai déjà vu plusieurs cadavres (en comptant ceux à la télé) mais je ne me suis jamais habitué. C’est moche, un mort. C’est froid, ça pue, et ça vous renvoie à tout ce que vous n’avez pas envie d’affronter : l’éphémère de votre chair et sa pourriture inévitable.

Pasteur, avant de m’annoncer qu’il trouve la situation très étrange, pose les questions d’usage –ai-je quoi que ce soit à déclarer, un conflit, une maîtresse, des ennemis. Non à tout. L’amante, on la tait ; Wanda aime l’anonymat. Et puis, mes affaires d’adultères ou de fugues d’ados n’ont rien à voir avec tout ça. Les Wang ? Peu probable. Doivent avoir d’autres chats (ou de Liu Xiang ?) à fouetter.

Bah, je vais bien finir par trouver : contrairement à Pasteur, je n’ai aucun chef susceptible de me ralentir à coups d’ordres stupides et de rapports chiants comme la pluie. Et puis j’ai une assistante personnelle, en plus ! Ça te la coupe, hein ?


Allô Wanda ? Bobo !



Dans la voiture nous sommes quatre : le chat, moi, et la radio qui combat le vide. Perfide est sur le cul (comme son maître), sur le siège avant, et attend ; on dirait qu’il cherche quelque chose dans la ville qui défile. Il a perdu de son arrogance et retrouvé, dans le même temps, un air animal qui lui va plutôt bien.
Au fond, je l’aime beaucoup. On se ressemble plus qu’il n’y paraît (et je ne dis pas ça d’un point de vue strictement pileux) : indépendants revendiqués mais non assumés, parfois ingrats, sachant obtenir ce qu’on veut et, à y regarder de plus près, terriblement seuls. Je me dis que je suis passé à côté de plein de choses avec ma boule de poils, comme tous ces petits détails qu’on se remémore après un rendez-vous raté avec une femme. Mais bon. Nous sommes arrivés ; plus le temps de chouiner. Et puis des rendez-vous, de toute façon, j’en ai jamais vraiment eu.

La caravane de Wanda me paraît presque belle. Posée là comme un gros caillou perdu, à l’orée d’un terrain vague de Créteil (ça fait rêver), elle se fait oublier du reste de l’humanité. Partout on construit des bâtiments plus gros, plus solides, plus tout, des routes nouvelles cicatrisent jusqu’en Amazonie, les usines produisent toujours plus sans trop savoir pourquoi, les Japonais somnambules s’entassent dans leur métro et Wanda, elle, roupille loin de tout ça.

Il y a quelques mois, quand je lui ai annoncé mon départ de Liège –ses cafés, ses agglomérés– elle m’a répondu :

- Et où on va, alors ?

Voilà notre histoire. Inséparables mais jamais vraiment unis.

- À Paris.
- Parfait. J’ai de la famille à Créteil.

Apparemment pas tant que ça. Toujours est-il qu’elle m’a suivi ; la vie de bohême ne s’emmerde pas de considérations matérielles.

Il est très tard –ou très tôt – mais les bras de ma cartomancienne préférée sont tout ce dont j’ai besoin à cet instant. Je toque à sa porte, qui me paraît chaque fois plus branlante, et des grognements accueillants brisent la pénombre :

- Qui c’est ?

Bruits de draps.

- C’est moi, Wanda.
- Fred ??

Bruits de clés.

- Je peux entrer ?

Bruits de serrure.

- Mais qu’est-ce que tu fous l-

Ses yeux me disent que je fais peur à voir.

- Ça va ?

Elle est si belle, dans sa petite nuisette, les mirettes engluées de sommeil et l’inquiétude tirant ses jolis traits. Je pose la tête sur son buste et elle m’étreint, maternelle. Elle sent bon, ma Wanda. Je l’aime, ma Wanda.
L’air de rien, la caravane nous avale pour mieux écouter ce que nous avons à nous dire.


Un pro vise à Sion



- Ils ont scellé ton appart’ ?
- Ouais, j’ai juste eu le temps d’attraper le matou. Ils m’ont demandé où j’allais (j’ai répondu chez ma mère, à une fausse adresse) et m’ont convoqué pour audition à 10h. Et me voilà.

Elle boit son thé avec incrédulité. On en a vécu des trucs ensemble, elle et moi, mais ça !

- Tu connais l’identité du gars ?

Non, bien sûr. C’était un mec brun, blanc, grand. Il n’avait rien d’un voyou ; il était même plutôt distingué. Sur son visage, entre ses yeux éteints, j’ai pu lire de la déception. Pas celle du suicidé, non, mais du pro surpris. Déçu de s’être fait buter. Il avait l’air de se dire un truc du genre « Oh, merde, je l’ai pas vue venir celle-là. », à la façon d’un joueur d’échecs qui vient de perdre sa dame.

- Un pro, hein ?

Wanda se passe la main dans les cheveux comme pour empêcher ses idées de s’enfuir.

- T’as rien d’autre ? demande-t-elle en connaissant la réponse.
- Tu me prends pour qui, dis ? Fred Loiseau, commencé-je en plongeant la main dans ma poche intérieure. Détective Privé, achevé-je en lui jetant, insolent, un zippo en argent.

Faut pas me prendre que pour un con, quand même. Le cliché du privé aigri, fauché, sans attaches, égoïste et incapable, ça va un temps. Ici c’est pas Hollywood. T’as pas une caméra collée à la gueule, ni de public pour s’émouvoir de tes malheurs ou rire de tes vannes. Ici c’est la vie, la vraie. Moi, je suis Fred Loiseau ; un gars sympa (ma mère me l’a toujours dit) et malin (par contre, là, je suis le seul à l’avancer). Un mec qui sait fouiller un refroidi en loucedé, avant de passer le coup de bigot à la flicaille. Et oui, l’argot, j’aime bien aussi.

Wanda prend le briquet et l’inspecte. Il est gravé d’un sigle étrange, pareil à un soleil sous ecstasy –ou pire, à un soleil schizophrène sous ecstasy. L’inscription 1337-MKHL parachève le tout à l’intérieur du capuchon. Le feu allumé à la tête d’une clope sur laquelle elle tire avec envie, Wanda me dit que ça ne sent pas bon.

- Du tout. Faut que je tire mes cartes.
- Allez, miss, déconne pas. On n’a pas le temps.
- Dix minutes, Fred, et arrête de me faire chier avec mes tarots. OK, j’arrange parfois ce que j’y lis pour satisfaire mes clientes. Mais j’y lis, Fred, j’y lis vraiment des trucs.

Je soupire mais juste pour la forme, au fond. Après tout, elle m’a déjà étonné plusieurs fois avec sa marabouterie à deux sous. Avoir un avis sur tout, arrêté qui plus est, est l’apanage des imbéciles les plus profonds ; de ces ahuris qui, de tous temps, ont brûlé les hérétiques, ostracisé les savants, bâillonné les esprits libres et fustigé tout mode de pensée différente. Peut-être que ça marche, son truc, et peut-être pas. Alors j’attends, je regarde.
Elle croit en son art ; je l’entends à sa respiration. Elle a disposé ses cartes sur la petite table et sa main les retourne l’une après l’autre. Il y a de la poésie –beaucoup de poésie– dans cette femme, un romantisme tout doux que j’adorerais savoir décrire. Mais il ne faut pas se leurrer : pour l’écriture, je n’ai comme talent que celui de ne pas m’en mêler. Alors je vis avec des « Ah ! Si j’étais capable de ! » et noie ma résignation dans une vie agitée.

Wanda s’arrête brutalement. Elle bafouille deux-trois trucs inaudibles et, d’un revers du bras, balaye ses tarots.

- C’est dangereux. Fais attention.

Puis elle se lève, troque sans pudeur sa nuisette contre un débardeur et un vieux jean et m’attrape par la manche :

- Il faut faire vite. Allons-y.

Elle a encore réussi à me piquer les clés de la voiture.
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LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit ! Empty Re: LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit !

Message  kazar Mer 27 Aoû 2008 - 17:39

Nigloland



En une demi-heure à peine, nous arrivons à Porte de Clignancourt. Sur la route, pendant qu’elle conduisait, Wanda a eu le temps de m’expliquer le programme de la nuit : une visite gratuite dans le monde merveilleux des Manouches.

- Des coupeurs de nez et des bouffeurs de hérissons, m’a-t-elle prévenu, mais on fait pas mieux dans l’info underground.

Je veux bien la croire. Très vite, nous pénétrons des petites rues biscornues où le calme n’est que façade. Derrière les portes défoncées et les murs tagués, ronfle un univers magouilleur. J’imagine des tripots clandestins, des réunions où les dents en or scintillent sous les néons, et des armoires à glace qui frappent fort pour faire parler. Encore une illustration de mon piètre talent inventif, incapable de se défaire de Snatch.
On se gare dans une cour minuscule où l’herbe pousse par touffes. Les fenêtres sont condamnées avec de grosses planches vermoulues, clouées de travers ; et les murs, fissurés, s’émiettent comme s’ils pleuraient leur décrépitude. On dirait même que la nuit, repoussée par d’absurdes lois physiques, a peur de cet endroit. Nous descendons de la voiture tandis que le gravier, blanchi par la lune, crisse sous nos pas. Wanda marche devant moi ; elle semble connaître parfaitement ce trou glacial. Elle sort de sa poche un bandana qu’elle s’enroule sur le crâne et me lance, l’air grave :

- Laisse-moi faire, d’accord ? Tu ne dis rien. Tu ne réponds pas.

Je n’ai même pas les couilles d’acquiescer. Merde, je suis un détective de quartier ! Je m’occupe de divorces, de fugues, d’histoires de fantômes, de trafic de BM et d’illuminés théâtreux, mais pas d’histoires de meurtre sur fond de mafia manouche ! Ici, ça pue. J’ai peur pour Wanda, pour moi, pour le chat même. J’ai pas envie d’aller plus loin.
On descend pourtant quelques marches déglinguées et Wanda cogne sur une lourde porte rouillée. Ça bouge derrière –et ça grogne. Un minuscule clapet s’ouvre comme l’évent d’un monstre en fonte et un œil suspicieux y apparaît. Un court échange plus tard entre ma guide et la créature de métal, dans une langue inconnue (du Russe ?), nous sommes en Enfer.

Il règne dans la cave une ambiance lourde, et le géant qui nous a ouvert y est pour quelque chose. C’est une montagne, au sommet rasé et balafré, avec des mains grandes comme des pieds et des pieds grands comme des péniches. Igor (ça lui va bien, je trouve) est sale, couvert de tatouages et froid comme l’air du soir. Il aboie plus qu’il ne parle en nous précédant dans les entrailles du bâtiment. Les ampoules nues qui éclairent les lieux cèdent beaucoup de territoire aux ombres, dans les coins et les recoins, où l’on devine parfois des silhouettes angoissantes. Une mer de sons clapote entre les murs épais : l’eau qui goutte au loin répond aux canalisations sifflantes, les rats couinent et s’étripent, nos pas résonnent à l’infini et des portes claquent, moqueuses. Il me faut rester vigilant à tout prix. Dépasser la terreur qui me noue le bide.
Au bout d’un énième couloir nous débouchons dans une pièce où quatre mecs jouent aux cartes ; ils fument tellement qu’il est difficile de les distinguer.
Igor-le-molosse grommelle.
Un des joueurs lève la tête et nous fait signe d’avancer. Sous sa moustache jaunie par le tabac tremble un cigarillo puant. Une énorme montre en or pend à son poignet, morte et refroidie, et je me demande comment diable peut-il bien bouger le bras avec un truc pareil. Avec un accent à couper au couteau (de cuisine ?) il commence :

- Wanda, ma petite Wanda ! Qu’est-ce qui t’amène ? Je te croyais morte, depuis le temps !

Les trois autres fumeurs ricanent.

- Tu n’as plus honte de ta famille, alors ?

Un des ricaneurs pose une énorme lame de rasoir sur la table, comme pour dissuader la petite Wanda en question de hausser le ton. Ce qu’elle ne fait pas, d’ailleurs, craintive (intelligente ?). Elle leur balance le zippo et ils répondent qu’il ne vaut rien, que c’est une mise d’amateur. Elle insiste :

- J’ai juste besoin de savoir d’où il vient, Vali. Après, je disparais.

Les rires cessent. Le silence est alors si dense que j’entendrais presque les cigares se consumer. Vali se saisit du briquet, l’examine et jure dans le dialecte local.

- Tu es dans la merde, Wanda.

Je ne respire plus, tellement je flippe.

- Ça, je le sais, merci. Dis-moi juste quelle branche.
- C’est ton ami qui a des problèmes ? Tu as toujours été si gentille avec les autres !

D’un coup, je deviens acteur de cette piécette étouffante, prenant conscience que je vis réellement ce que je vois.

- T’occupe. J’ai un mort sur les bras, et je veux savoir qui il est. Quelle branche, Vali ? Et vous, arrêtez de faire les marioles ou je vous coupe les couilles !

Les trois fumeurs perdent leur sourire narquois et l’échangent contre une haine affichée. A priori, ils n’ont pas l’habitude qu’on leur parle de la sorte –et certainement pas une femme. Vali coupe court :

- Allons, allons. Restons tous bien calmes. Il est tard, nous sommes fatigués, il serait regrettable que tout cela dégénère. Wanda, ma petite Wanda, je t’ai toujours appris à être polie, n’est-ce pas ?

Elle et lui se fixent et parlent sans dire un mot. Puis :

- La Molvanie, ma puce. Voilà. Tu voulais savoir quelle branche ? La pire.
- Putain ! (Elle encaisse)
- Ils traînent dans le 18ème. Prends soin de toi, ma petite Wanda. Le monde a des griffes. Et ton ami…Monsieur Loiseau, c’est ça ? devrait savoir rester à sa place de temps en temps.

Pour la première fois où je le croise, le regard de Vali me transperce de toute sa dureté. Comment connaît-il mon nom ? Je m’en fous, je voudrais être loin d’ici.

Wanda récupère le briquet et, comme nous sommes venus, nous fuyons ce cloaque.


Je m’en fiche !



Le moteur à peine démarré, je vais au combat :

- Tu me dois des explications, « Ma petite Wanda » !

Elle ne détourne pas les yeux de la route, réfléchissant à la façon de me répondre :

- Je suis d’origine roumaine. J’ai vécu là-bas jusqu’à mes six ans, avant de fuir la dictature.

Je l’écoute attentivement car elle a besoin de me dire tout cela ; de se livrer entière, nue :

- On était des clandés, on n’avait rien. Ma mère, que mon alcoolique de père a quittée dès qu’il l’a sue enceinte, m’a élevée toute seule. Elle s’est privée de tout pour moi dans ce beau pays « libre » où la langue était le moindre de ses soucis. Elle est morte de la tuberculose, je crois. Pire qu’un chien, dans un taudis sans électricité. Mon oncle Vali m’a recueillie ; tu l’as vu : c’est un gangster. Un vrai. Il tue, torture, escroque et ne se fait jamais choper. Increvable. Il n’a jamais levé la main sur moi m’ai j’en ai toujours eu une peur bleue ; ses accès de colère ne sont pas bruyants mais se terminent souvent mal. Bref, passons.
J’ai grandi avec lui, survivant de petits larcins. C’était l’école de la rue, avec des ateliers bastons, bagnoles, sacs à mains et j’en passe. Ma classe était la meilleure du quartier ; on ramenait de ces bulletins !
Au début, c’est marrant. T’es petit, immortel, et tu trouves ça chouette de courir avec les copains, les flics au cul. Mais un jour, t’as seize piges et tu comprends que vivre comme ça, c’est mourir. Parce qu’il y a les lois officielles, celles qui sont destinées aux gens normaux, et les leurs. Parce qu’il y a les maladies, les ongles sales, la solitude. La faim, l’envie, la jalousie et la colère pour tous ces types à cravate et ces pétasses maquillées qui te passent devant, dans la rue, sans te regarder –sans même te voir.
Alors je me suis barrée. La honte, la vraie, tu ne sais pas ce que c’est, toi.

Si, Wanda, je sais. C’est ce que je ressens là, assis à côté de toi, si proche et pourtant si lointain de celle que j’aime. Je te découvre et j’ai honte. Honte de ne l’apprendre qu’aujourd’hui. Honte de ne jamais t’avoir demandé qui tu es vraiment. Honte de ne pas avoir été ton confident, d’avoir tant parlé pour ne rien dire –et ne rien écouter.

- Je les ai insultés et j’ai disparu. Cette nuit, c’est la première fois que j’y retourne depuis. Pas folichon les retrouvailles, hein ?

Je ne dis rien : elle a souffert et j’en ai mal pour elle. Elle se ressaisit :

- Fred, ce signe sur le zippo. C’est celui d’une mafia terriblement puissante.

Son nom, continue-t-elle, est la Leet. Une organisation internationale, violente, aux ramifications infinies ; elle a la mainmise sur tous les secteurs ou presque : armes, drogues, esclavagisme, trafic d’organes, politique. La cour des grands, en somme. Wanda le sait car Vali a été, il y a longtemps, chef de l’antenne parisienne.

- Ils ont un signe de ralliement (le soleil biscornu) et un langage codé. Le Leet-speak. Une façon de transcrire les lettres en chiffres ; 1337, dans le capuchon, n’est rien d’autre que le cryptage de LEET. MKHL, le nom de l’agent –ton planté. Probablement Mikhaïl.

Chaque branche, correspondant grosso modo à un pays différent, a une version unique de l’écusson. Celui de Mikhaïl, c’est la Molvanie.

- Un état peu connu, pauvre et moche, perdu au beau milieu de l’Europe de l’Est. Une province de Russie autoproclamée indépendante, non reconnue par l’ONU. Aucune ressource naturelle, aucune économie. Rien. Que du caillou sec et du vieillard édenté. La branche la plus dure de Leet ; on raconte même que le Big Boss est de là-bas.

Bon, je récapitule : un agent de la pire branche de la pire mafia du monde est venu se faire percer la carafe dans mon lit, Vali-l’arracheur-de-dents me connaît et ma Wanda chérie est sa nièce, il est trois heures du matin, et nous filons vers le 18ème à la rencontre des Molvaniens enragés.
Y’a pas un bouton pause, au bouzin, là ??

- Faut que tu saches une chose. Le Mikhaïl, là, il fuit dans ton lit pour quelque chose. Avec eux, y’a pas de hasard. Ils t’envoient un message. S’ils veulent te tuer, ils le font en deux-deux.
- Donc la bonne nouvelle, c’est qu’ils ne veulent pas me refroidir ?
- Ou pas encore. (Son clin d’œil me laisse de marbre. Tombal ?)
- Et la mauvaise, c’est que pour une raison ou une autre, je les ai froissés.
- Voilà.

Là, vraiment, je ne comprends pas.
Une caméra cachée.
C’est une caméra cachée.

- Fred, t’as pas une idée de ce qui se passe ?
- Mais non !
- Pourquoi ils en auraient après toi ?
- J’en sais rien, moi !
- Tu me caches rien, dis, Loiseau ?

Elle ne rigole plus. Je suis sur le point de tout lui avouer –Interpol et compagnie ; l’heure est à la vérité, et il n’y a pas de raison pour que Wanda soit la seule à se mettre à table. J’hésite. Mon siège se fait plus dur et l’air sèche dans ma gorge.
Non, ça ne peut pas être lié…

- Avant notre rencontre j’étais commissaire de police. Une année, j’ai été invité à la Garden Party du 14 juillet. Tu me connais : les petits fours, les froufrous, les culs-serrés de pingouins et leurs suceuses, ça me botte encore moins qu’un dîner en tête-à-tête avec Vali. (Elle rit. J’aime ça.) Mais bon, on était sur une grosse affaire et le chef m’a, comment dire…un peu forcé la main. Donc, me voilà à l’Elysée ; beau soleil, ambiance champagne-pompette, cravates dénouées et rires mondains. Je m’emmerde comme un rat mort, serre des mains pour oublier le temps qui dort, et je profite des jolies robes de ces dames.

Mon histoire détend l’atmosphère alors je continue :

- Et puis, je ne sais plus comment ni pourquoi, mais je me retrouve à papoter avec Madame Machin, Première Dame de France et accessoirement très jolie. Elle aussi, elle s’ennuie, tu vois, et on s’entend bien ; alors on passe le reste de l’après-midi à se raconter nos vies.
- Tu t’es tapé la femme du Président ? (Les yeux ronds comme des oranges, elle me regarde comme si elle avait surpris Clark Kent en train de se changer.)
- Mais non ! Cela dit, ça m’aurait pas déplu !
- Bon ça va, continue ! (Serais-tu jalouse, cocotte ?)
- Donc, on tchatche beaucoup. Entre autres, de l’Ecosse que j’adore, et de la pêche à la truite que j’aime encore plus.
- Mon José Bové à moi !
- Hé, tu veux la suite ?
- C’est bon, je déconne !
- La journée passe et chacun rentre chez soi. C’était un mardi. J’avais besoin de repos, et avoir parlé de l’Ecosse, comme ça…Bah, j’ai pris mon week-end nature. Et dans l’avion…Putain j’y crois toujours pas…Madame Machin en personne ! Avec son garde du corps, tranquille. Que faites-vous là, quelle coïncidence, et patati et patata. Elle me répond que mes récits sur la poiscaille lui ont donné envie de s’y mettre. Et puisque je suis là aussi, qu’elle prendrait bien quelques leçons.
« Mon week-end en solitaire était foutu, tu te rends compte ? J’étais vert ! Elle est sympa, Madame Machin, mais un peu lourdingue ! Trois jours sur le dos, j’en pouvais plus.
« Elle est restée avec son gorille encore une semaine. A mon retour, j’ai été cueilli par la douane écossaise. Un mandat d’arrêt avait été émis contre Môsieur Fred Loiseau ! T’y crois ça ? Et par Interpol, en plus !
- T’es sérieux ?
- J’en ai pas l’air ?
- Si, mais j’ai du mal à t’imaginer en Al Capone, quoi ! (Elle pouffe.)
- Me voilà menotté, interrogé par les agents Smith&Smith en personne.
- Mais qu’est-ce que t’avais fait ?
- Attends ! Ils me disent que c’est le Ministère de l’Intérieur fraaaaaaaançais qui est à l’origine du mandat !
- Ennemi public ! Terroriste !
- Tu veux le fin mot de l’histoire ?
- Assassin ! Faussaire !
- Le Président, qui soupçonnait sa chère compagne de batifolage extraconjugal, a chargé les RG (rien que ça !) de mettre le grappin sur le mâle fautif. Et donc, à cause de cette foutue Garden Party où nous avons été pris en photo et de notre escapade insulo-poissonnière, j’ai été désigné coupable idéal et pourchassé. Tu sais avec quelle hargne un roquet défend son os. (J’aime quand elle a cet air-là. Vous devriez voir.) Trente-six heures plus tard, la vérité était faite. Et puis elle était moche : c’était le bodyguard qui avait pris son rôle de protection rapprochée un peu trop au sérieux.

J’ai l’amère impression que même le chat se fout de moi ; non, il dort. Ferait-il semblant ? Qu’il essaye, tiens, de faire le malin !

- J’ai eu droit à des excuses officieuses (dans son bureau même !), mais j’ai voulu rester fiché à Interpol malgré tout ; ça me donnait une bonne raison de me tirer de mon boulot. J’avais besoin de sommeil !
- T’es pas possible, Fred !
- Personne, ou presque, n’est au courant de cette histoire. Elle n’a aucun rapport avec la Molvanie de mes deux mais au moins, là, tu sais tout.

Heureusement que je l’avais sous le coude, cet épisode : il nous a fait oublier, l’espace d’un instant, que nous roulions dans le 18ème.
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Message  kazar Mer 27 Aoû 2008 - 17:39

Un Café Rouge et l’addition, merci



Les putes se divisent en deux catégories : celles qui ne parlent pas le français et celles qui ont peur (de nous, du briquet, de leur mac). Même Wanda et son Roumain sont incapables d’en rassurer une seule.
Les rues sont oranges, blafardes ; c’est l’heure où le froid se réveille et saupoudre l’air d’un brouillard angoissant, surtout dans le coin. Les camés sont comme les zombies d’un monde apocalyptique, traînant la patte sur des trottoirs dégueulasses ; et les quelques clébards qui vagabondent semblent à l’affût du moindre morceau de chair fraîche. Vous pouvez toujours vous accrocher les mecs ! Pas d’oiseau au menu cette nuit.
Dans la voiture, le chauffage voudrait réveiller nos orteils ankylosés. Je sors et approche une fille. J’aimerais pas être cul nu à cette heure, putain. À la vue du zippo, elle s’agite et bégaie. Je ne comprends pas bien ce qu’elle baragouine à part un nom : Café Rouge. J’en touche deux mots au capitaine Wanda et, moins d’un quart d’heure plus tard, nous nous garons devant l’enseigne : un bistrot miteux, aux grilles baissées comme une paupière gigantesque. Juste à côté, une vieille porte est entrouverte. La boîte aux lettres dégorge, en soûlarde qui s’accroche comme elle peut aux murs poisseux.
Nous entrons dans l’immeuble et grimpons un escalier en bois, usé par les ans. J’ai le sentiment que tout va prendre fin ici. Encore une cave, un repère miteux, des Molvaniens, rideau. Mon .P38 pèse de toutes ses forces sur ma poitrine pour me rassurer. Il est celui qui sait me remonter le moral en deux mouvements lestes, dans des situations où même mes jambes voudraient me trahir.
Sur le palier, nous savons que nous sommes arrivés : Appartement 1337, soleil épileptique gravé dans le bois du chambranle. J’ôte le cran de sécurité de mon flingue et tape deux fois à la porte. On nous ouvre sans poser de question et le type qui apparaît sourit :

- Monsieur Loiseau ! Mademoiselle Wanda ! Ça alors, nous vous attendions plus tard…Entrez donc !

Il n’y a aucune hostilité dans ses attitudes et l’appartement est, contre toute attente, propre, rangé, avec une légère tendance à la déco hype. Quelques bougies éparses rehaussent la lumière tamisée de deux lampes en tissu et je jurerais que de l’encens brûle ici. On s’est plantés. C’est le QG de nos amis couleur arc-en-ciel, pas de gros durs mafieux. C’est l’heure du thé et des petits gâteaux sucrés.

- Je vous en prie, asseyez-vous, fait le propriétaire en nous indiquant son canapé. Voulez-vous boire quelque chose ?

Dans son costard bien taillé, il ferait presque représentant de commerce. Propret, bien coiffé et parfumé à cette heure si matinale, des bonnes manières jusqu’au bout des sourcils, Vladovan –comme il vient de se présenter- fait tache. Il parle un français parfait ou presque ; seul un discret petit roulement accompagne, de très loin, certains de ses r. Comme il nous sent un peu tendus, il s’assoit et entre dans le vif du sujet :

- Vous vous demandez sûrement ce qui vous arrive, n’est-ce pas ?

Je hoche la tête. Nous sommes dans la gueule du loup, vulnérables petits agneaux attendant que leur sort se décide. Si nous étions dans un des mauvais livres que je lis, tout cela ne serait qu’un rêve, et nous nous réveillerions dans une maison de bois sur les bords d’un lac. Aux aurores. Avec des oiseaux au loin. J’apporterais à Wanda, nue et épanouie sous nos draps froissés, des croissants chauds, et du café, chaud lui aussi ; ensuite nous (re) ferions l’amour. Je lui raconterais mon cauchemar et elle me dirait un truc du genre « pfff n’importe quoi ! faut te reposer, hein ! » et voilà. Ce serait tout. Pas d’autre idée pour l’instant.

- Monsieur Loiseau, vous n’êtes pas sans savoir, puisque vous êtes devant moi, dans quel…secteur d’activités, disons, nous sévissons. Inutile, donc, de vous ennuyer plus avant avec une introduction fastidieuse sur la Leet. Cependant, je me dois de vous rappeler certains aspects de notre philosophie. Nous sommes partout et, pour faire pompeux, nous savons tout. Dans les affaires l’honneur est primordial, vous savez. Chacun reste chez soi et les prés n’en sont que mieux gardés, vous me suivez ? (Oui.) Alors vous comprendrez bien, Monsieur Loiseau, que lorsqu’un détective, aussi sympathique soit-il –et vous nous êtes très sympathique, Monsieur, croyez-moi- marche sur notre pré, nous sortons les griffes.
- Je ne vois pas ce q-
- Laissez-moi finir : c’est ainsi que font les gens civilisés, nous sommes d’accord. (Ce n’était pas une question). Il y a quelque temps de cela, vous avez fait escale dans cette si lumineuse cité qu’est Paris.

Il hausse les sourcils, qu’il a épilés et soignés, et attend mon accord. Puis :

- J’adore cette ville. Elle me chante des mots doux, m’embrasse quand je suis faible et me borde si le sommeil m’est difficile. Elle est comme une femme, pleine de charme, de douceurs et de secrets inavouables. Et nous dansons aux étoiles, pour qu’elles témoignent de notre amour éternel. (Il croit ce qu’il raconte. Le barje. Il s’arrête, broute, embraye Un de nos collaborateurs s’est plaint. Une histoire de théâtre, de pissotières, et de gifle.

Ça y est. Le gros lourd que j’ai tarté est un ensoleillé. Pffft, j’ai le don de me mettre dans de ces merdes, moi… J’aurais pas pu m’en prendre à un membre des défenseurs de ficus ? Ou tiens, à mon con de voisin ? Il aurait pas moufté, lui !
Un éclair a dû serpenter dans mes yeux car Vladovan enchaîne :

- Bien, je vois que vous saisissez. Si un membre de votre famille se fait agresser, il est de votre devoir de remettre les choses d’équerre, non ? Bien sûr que si, conclut-il en exagérant son mouvement d’épaules.

Il allume une cigarette avec le même briquet que celui dans ma poche, inspire longuement et, après avoir croisé les jambes (je le savais !) :

- Tout cela aurait dû être très court. Si je n’avais pas eu l’idée de me renseigner un peu sur vous, Fred, vous seriez déjà en train de bouffer les pissenlits par la racine. Mauvais pour le teint.

J’ignore si je dois en être soulagé ou terrifié.

- Mais ironie du sort, coup du destin ou vice-versa, vos exploits d’Interpol sont venus à ma connaissance. J’en ai tellement ri, mon ami ! Vous seriez le vrai Malaussène, celui de Pennac, que je n’en serais pas surpris ! (Putain, il lit Pennac !) Alors, j’ai décidé de vous laisser sauf. Pas parce que j’ai eu pitié de vous, ou que vous m’avez semblé utile, non. Juste parce que j’ai ri. Et dans mon métier, il est si rare de s’amuser !

Cet homme est complètement fêlé. Son apparence de gendre idéal recouvre une folie furieuse, bouillante ; et derrière ses yeux ronds comme des billes noires tourbillonne l’absence de raison. Il vit dans une dimension parallèle, un univers où les gens qu’il croise meurent par grappes, où les seules traces visibles d’humanité gisent dans les crânes éclatés et les doigts coupés. Le sourire de Vladovan s’étire, aiguisé, aussi effilé que celui du requin, découvrant des dents plus menaçantes qu’un piège à loups ; ses mains arachnides se meuvent avec lenteur, tissant une toile où mon calme panique. Il me faut de l’air. Vite.

- Mais la blague était incomplète, vous comprenez ?
- Non.

Si je ne l’avais pas sentie vibrer dans ma poitrine, je n’aurais jamais reconnu ma propre voix.

- En fouillant chez vous avec Mikhaïl, à la recherche d’une bonne idée, j’ai découvert vos petits carnets d’écriture. Vous savez, ceux où grouillent des mots nuls, des phrases sans queue ni tête et plus de ratures encore ? Eh bien, voyez-vous, tout ça est bien médiocre ! J’ai compris combien vous êtes pathétique. Vous ne me semblez pas idiot, dois-je en croire le simili de réflexion qui vous anime ; vos affaires sont branlantes, vous aimez la littérature mais, garce qu’elle est, elle ne vous le rend pas. Et pour couronner le tout, avec tout le respect que je dois à une dame, Mademoiselle Wanda vous mène par le bout du nez –pour être poli.

Il rit, satisfait de son humour. Wanda, elle, est éteinte. La peur, la peine et la compassion incongrue pour le paumé que je suis ont raison d’elle.
Oui, Wanda, tu as des défauts ; qui n’en a pas ? Mais tu es, dans ce monde impatient, trop rapide et désabusé, ce que j’ai de mieux. Mon amie, mon amante, mon associée, ma muse. Sous tes airs fiers et détachés sourdent des blessures profondes. Tu n’es pas lisse, ça me plaît. Quand tout sera fini, je te prendrai dans mes bras et te dirai combien je t’aime. Et que tout le reste, au final, on s’en fout.

- Il m’est alors venu une idée brillante. Que dis-je, brillante ? Géniale, oui ! s’exclame-t-il comme s’il avait découvert une formule mystérieuse. J’ai demandé à Mikhaïl d’aller fouiner dans votre chambre (soit dit en passant assez bordélique), j’ai pris votre plus beau couteau et, avec grâce je vous l’assure, l’ai enfoncé dans la pastèque de ce dégénéré.

Il raconte cela comme un match de football, en commentateur passionné, ravi de la qualité du jeu fourni.

- Je savais que vous remonteriez jusqu’à nous ; votre amie est plus proche de la Leet qu’elle ne veut bien se l’avouer. Ainsi, vous avez quelque chose de solide à vous mettre sous le stylo : un meurtre, une mafia, un langage codé, des caves humides…Un véritable roman potentiel, en somme !

Ça, c’est sûr. Tout ce que j’espérais d’une enquête est résumé dans celle-ci. Il faudrait rajouter une course-poursuite avec des fusillades, des accidents de voiture, des combats à mains nues, un tatouage à mon personnage, un ou deux bonnets à mon assistante, des liasses de fric et du cul. Et pour le chat…bah, le chat, on verra plus tard. À la cocotte !

- Mais vous n’écrirez rien.

Ce qui pourrait n’être qu’un défi puéril est en fait un ordre latent, froid, énoncé par un dieu de la mort drapé de toute sa superbe ; un dément grandiose, régnant sur l’univers d’un souffle gras où même la lumière s’incline, courbe l’échine, voudrait se faire invisible. Moi, j’aimerais faire quelque chose –n’importe quoi- pour paraître vivant ; tousser, rire, me lever et lui péter la mâchoire. Mais mon corps est aux abonnés absents ; paralysé par le vide et le froid, coulé dans du béton, véritable sarcophage d’où rien ne peut plus s’échapper –pas même mon esprit.

- Vous n’écrirez rien, Monsieur Loiseau, car vous n’en êtes pas capable.

Sûr de sa victoire –de son triomphe écrasant- il poursuit. Sa voix s’élève dans la pièce et, condensée en un tapis de nuages noircis de violence, gronde au-dessus de nos têtes. Je l’imagine en train de nous dévorer sous la pleine lune :

- Vous êtes un peureux, Loiseau. Vous craignez pour votre petite vie. Vous avez peur de vous assumer, de vous impliquer –que ce soit avec une femme, un chat, un livre ; vous avez peur de l’échec, de la réussite et de la médiocrité. Au final, vous avez peur de vous-même. Vous n’écrirez jamais rien.

Cette séance de psychanalyse m’épuise. Cet enculé me fatigue. Je lui accorde ce qu’il veut. Je dis oui à tout, pourvu que ça se solde par le mot FIN.

J’écris pour moi ; pas pour qu’un autre, quel qu’il soit, se sente investi d’un droit au jugement, à l’interprétation. Ce que je gribouille fait partie de moi ; c’est un miroir où mon âme se regarde, se jauge, gamberge. Les boucles d’encre sont les nœuds de ma vie, et je t’emmerde, Vladovan. Tu ne vaux pas une demi-syllabe dans le pire de mes carnets. Tu me regardes et je ne peux m’empêcher d’être triste, un peu, pour les mecs comme toi. Si tu avais poursuivi le rêve qui m’habite, celui d’approcher l’intimité d’une page écrite à la main, tu ne détruirais pas les autres pour te trouver toi-même.
Alors oui, ris fort, répète-moi que tu es impatient de lire mon best-seller, humilie Wanda qui n’a pas besoin de toi pour se sentir si mal, ouvre-nous la porte et laisse-nous disparaître, évaporés, dans le petit matin dépressif. Je ne t’oublierai jamais, évidemment, mais je ferai comme si tu n’avais jamais existé. D’ailleurs, tu n’existes pas. Tu dois bien le savoir, au fond.


La faim



Tout a repris son cours. Les flics ont compris qu’ils ne découvriraient jamais le coupable (qu’ils ne veulent pas le chercher, en fait) et le chat retrouve ses habitudes territoriales. Je suis sur une nouvelle affaire ; inintéressante au possible, mais nourrissante. C’est tout ce que je demande. Elle me laisse du temps pour scribouiller, et me balader avec Wanda.

Tiens, la miss a essayé de s’expliquer la dernière fois. À propos de ce que l’autre a dit. Mais je ne l’ai pas laissée finir : je l’aime comme elle est. Je ne veux pas qu’elle se sente redevable de quoi que ce soit, ni même coupable.
Nous sommes imparfaits.
Tous.
Et c’est ce qui rend la vie intéressante.
On continue, ma belle ?





/////////////////////////////////////////////////////////////


Merci à Lucy et Mentor !
Je crois qu'il va y avoir un peu de discussions autour de cet épisode, à ce que j'en ai compris, et j'en suis désolé ! Mais j'ai écrit ce que je ressentais, ce que j'interprétais de Loiseau et toute sa clique.
Merci de votre lecture !
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Message  Yaäne Mer 27 Aoû 2008 - 17:51

Ab=vant de lire la suite...ça j'ai adoré !
Dans la voiture nous sommes quatre : le chat, moi, et la radio qui combat le vide. Perfide est sur le cul (comme son maître), sur le siège avant, et attend ; on dirait qu’il cherche quelque chose dans la ville qui défile. Il a perdu de son arrogance et retrouvé, dans le même temps, un air animal qui lui va plutôt bien.
Au fond, je l’aime beaucoup. On se ressemble plus qu’il n’y paraît (et je ne dis pas ça d’un point de vue strictement pileux) : indépendants revendiqués mais non assumés, parfois ingrats, sachant obtenir ce qu’on veut et, à y regarder de plus près, terriblement seuls.

Je n'ai pas lu tous les Loiseau ( en tout cas ça donne envie ) mais on se sent vraiment bien dans cette histoire. Malgré le mort, malgré l'histoire. Peut-être que c'est une question de style mais la lecture est vraiment agréable parce qu'on sent bien où tu veux aller ( enfin je crois :-))) ).
J'y retourne !
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Message  grieg Mer 27 Aoû 2008 - 21:02

lu et apprécié.
La forme est bonne, riche, plaisante. Tu nous trimballes et on y prend du plaisir.
Le fond... Ben... Loiseau en ancien flic... loiseau amant de wanda... Mince, Loiseau en ancien flic... Mince, loiseau et wanda... et puis il porte un flingue... Je ne sais pas. Non, je sais pas.

beau boulot en tout cas, et merci pour le plaisir.

nota: j'ai peut-être raté des épisodes, sinon, je pense vraiment qu'il va falloir créer une "charte loiseau" afin de conserver un minimum la cohérence du personnage et de son environnement.

nota ' : Je ne suis pas sûr que la première dame de france voyagerait sur des lignes régulières, même pour échapper à son mari.

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Message  kazar Mer 27 Aoû 2008 - 21:31

Kill, tous les éléments suivants ont été piochés dans différents épisodes de Loiseau déjà écrits :

- Lui et elle
- Lui et le flingue
- Lui et Interpol

Pour le reste, oui...j'avais dit que ça ferait parler, j'en suis vraiment désolé ! J'ai pas envie de m'attirer les gros yeux des puristes !
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Message  grieg Mer 27 Aoû 2008 - 21:48

kazar a écrit:Kill, tous les éléments suivants ont été piochés dans différents épisodes de Loiseau déjà écrits :

- Lui et elle
- Lui et le flingue
- Lui et Interpol

Pour le reste, oui...j'avais dit que ça ferait parler, j'en suis vraiment désolé ! J'ai pas envie de m'attirer les gros yeux des puristes !

:-) pas de soucis kazar.
je suis plus pur fumiste que puriste.

Mais j'ai raté l'épisode, wanda et lui... je m'en veux.

Et j'ai noté avec le sourire les nombreuses références, clin d'oeil...

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Message  grieg Mer 27 Aoû 2008 - 21:50

et puis, la substantifique moelle de mon message, c'était: "bravo"

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Message  Yali Jeu 28 Aoû 2008 - 7:09

Pas de doute, c'est un bon cru ce Loiseau-là.
Pour Loiseau et Wanda, oui ils se collent de temps en temps - Kill perd la mémoire. Ancien flic et armé, là j'avoue que ça fait un drôle d'effet, mais bon.
Épreuve Loiseau passée avec succès Kazar :-)

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Message  Lucy Jeu 28 Aoû 2008 - 7:27

Juste pour réécrire : bravo, Kazar !
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Message  apoutsiak Jeu 28 Aoû 2008 - 8:34

.

Plaisant, souvent savoureux et drôle, ton Loiseau, cher Quasar. Je me trompe où c'est la première fois où Loiseau parle le langage des amoureux transis ? affirme autant de convictions, sur la musique, sur les affaires humaines ? Sa voix intérieure (sur le rock ou l'amour, par exemple) m'a paru un peu bizarre, mais je n'ai pas en tête tous les Loiseaux, alors... Et puis ça n'empêche pas ton texte d'être chouette.

.
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Message  Invité Jeu 28 Aoû 2008 - 12:51

Je suis mal placée pour commenter vu que je ne connais pas Loiseau tant que ça ; cependant, ce que j'en ai lu jusqu'à présent me donne à penser qu'il manque ici une certaine légèreté, à la fois dans le personnage, dans le ton qu'il emploie et dans le fond de l'histoire... Ce qui n'empêche pas ce texte d'être réussi, vivant, une bonne lecture.

Juste une chose côté orthographe :
Il n’a jamais levé la main sur moi m’ai j’en ai toujours eu une peur bleue

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Message  Charles Jeu 28 Aoû 2008 - 20:58

tout d'abord les petites "réserves" ou les trucs qui m'ont paru un peu moins bien que l'ensemble :

le mini bio de Wanda m'a semblé un peu caricaturale, peut être préférais je ne rien savoir. en même temps, ça ajoute une épaisseur à un personnage que l'on avait un peu laissé en marge dans les autres épisodes alors pourquoi pas ...

le secret interpol, je l'aurais bien gardé secret mais finallement, pourquoi pas ... celui que tu inventes est pas mal du tout. Effectivement, je voyais pas trop Loiseau en ancien flic, surtout commissaire, éventuellement petit inspecteur un peu ripoux ... Un truc qui cadre pas trop, c'est sa volonté de rester fiché à interpol. me semble que dans certains épisodes, il aurait préféré se débarasser de ce fichage. enfin, c'est du détail.

dernier truc, quand le Vlodovan (sais plus son nom :-) lui débite tout son discours, j'aurais plutôt vu Loiseau s'énerver au bout d'un moment et lui rentrer dedans sans trop réfléchir au conséquence. bref, je l'aurais vu un peu plus sanguin et un peu moins passif, surtout devant Wanda.

Voilà pour les détails et le chipotage parce que dans l'ensemble, j'aime beaucoup ton Loiseau. Beaucoup d'humour, des jeux de mots réussis, l'ambiance, les détails, les lieux, tout est parfaitement dans le ton et dans le personnage. A coup sûr, un très bon Loiseau ! Ca fait plaisir de voir que la série continue d'aussi belle manière. Bravo
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Message  kazar Ven 29 Aoû 2008 - 16:40

Charles a écrit: ça ajoute une épaisseur à un personnage que l'on avait un peu laissé en marge dans les autres épisodes
Oui, pareil que ci-dessus. Je voulais rentrer dans l'histoire et ses persos. La caricature est peut-être dûe au format "express" d'une telle nouvelle : il faut équilibrer le récit et éviter les longueurs...Hop, une tuberculose, orpheline, oncle, mafia. ^^

Charles a écrit:Effectivement, je voyais pas trop Loiseau en ancien flic, surtout commissaire, éventuellement petit inspecteur un peu ripoux ...
Voilà le point. Dans les contraintes des débuts, il était écrit qu'il fallait mélanger le spoints de vue, les interprétations...Un peu comme un medley de peintures sur, disons, les tournesols, par différents peintres.
J'ai lu tous les épisodes et je me suis dit que Fred était trop pareil. Désabusé, ripou, pas sympa, coronarien, habitué des bistrots...En fait, un peu "too much" dans le polar. Je voulais le décrire humain, gentil, filou et bonne poire. Un peu dépassé en fait. Pas un surhomme (ce qui rejoint ta remarque sur la fin et son absence de réaction : il a peur.)

Charles a écrit:Ca fait plaisir de voir que la série continue
C'est une bonne série, y'a pas de bile à se faire !

Merci de vos lectures et avis. Tous :-)
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Message  kazar Ven 29 Aoû 2008 - 16:42

Desolé, erreur de manip. Ceci est le premier de mes deux messages (auquel se réfère le "ci-dessus" du message...ci-dessus. (sic)


apoutsiak a écrit:Je me trompe où c'est la première fois où Loiseau [...] affirme autant de convictions, sur la musique, sur les affaires humaines ? .
Oui, quand j'ai lu les autres Loiseau (tous), j'ai trouvé que ce personnage, qui nous fait tant parler (écrire), était en fait un inconnu. C'était peut-être le but premier de Charles et de cette série, mais je suis vraiment tombé "amoureux" de Fred et ai voulu lu idonner un peu plus de réalité, de caractère. Lui donner un côté vécu, en somme.

Island a écrit:[...] il manque ici une certaine légèreté, à la fois dans le personnage, dans le ton qu'il emploie et dans le fond de l'histoire...
Oui Island, je ne voulais pas écrire quelque chose de trop léger (ni même d'un peu) parce que j'ai trouvé que ce serait un manque de respect pour Loiseau (d'où, entre autres, sa tirade sur "le privé paumé, ringard, gaffeur", etc.)
J'ai voulu donner une autre couleur :-)
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Message  Kilis Ven 29 Aoû 2008 - 21:01

Moi je dis : chapeau !
Un tout bon épisode Loiseau.
Le récit est bien structuré. Ton écriture est très agréable. Ton propos est clair, intelligent, imaginatif. Tu détournes habilement les clichés, les transformant à ta sauce perso. J’ai aussi apprécié l’humour et les jeux de mots comme ici « cet air de lombric et de broc »
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Message  Chako Noir Ven 29 Aoû 2008 - 22:23

Bon bon bon il a l'air très croustillant celui-là!
Malheureusement je ne le commenterai que la semaine prochaine, j'ai pas mal de boulot pour la rentrée (lecture en retard: est-ce un pêché d'avoir préféré Loiseau à l'Abbé Prévôt?)
En attendant, je vais le copier dans mes docs. Un de ces 4, je pense que ce serait pas mal (ok je m'y colle) de placer un lien quelque part vers l'intégrale des Loiseau en pdf, plus simple d'accès comme ça et plus agréable aussi =)
Chako Noir
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LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit ! Empty Re: LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit !

Message  Sahkti Lun 1 Sep 2008 - 12:55

Hé bien, il y a pas mal de boulot derrière tout cela, bravo et merci, Kazar!

Un épisode de la série Loiseau quelque peu en rupture de ton et de style d'avec les précédents numéros, mais ce n'est plus mal, ça secoue un cocotier qui en a sans doute besoin, tout en ne dénaturant pas la série.

Voici quelques remarques personnelles, positives ou non, sur divers passages:

- Le concert d'entrée: je trouve que la description presque méprisante de la faune du concert colle moyennement avec la présence de Loiseau audit concert et l'enthousiasme qui ressort du passage (trop descriptif, ceci dit, des phrases pleines de détails superflus) sur les musiciens qui se déchaînent et la rock qui se lâche.

- Le ton du début me paraît un brin cassant, presque sec, pas vraiment en harmonie avec l'image que je me fais de Loiseau mais là encore, tout est permis, donc pourquoi pas!

- Quand Loiseau se rend compte de la présence du corps (le dialogue avec le chat n'est pas très réussi), je le trouve un brin distant et sûr de lui, presque inhumain. Dommage (avis perso, bien sûr).

- Dans la voiture nous sommes quatre: la chat, moi et la radio (...). La 4e est Wanda, je suppose, mais la phrase est bancale, non?

- Tu approfondis la relation Loiseau-Wanda, tu l'exploites différemment de ce qui s'est fait précédemment, c'est moins ambigu et donc, pas plus mal!

- Je dénote, surtout dans les quatre premières pages un effet de style dans l'écriture, proche de l'effort, qui finit par devenir très/trop voyant, et pourrait lasser, dans un plus grand format. L'impression, par moments, que tu en fais trop, mais en même temps, il y a un style, une forme particulière, le tout plutôt plaisant. Sans doute pas encore assez fluide, mais le potentiel est là, plus que bon.

- Détail perso, je suis surprise que les flics ne suivent pas Loiseau, en douce ou non, lorsqu'il accompagne Wanda dans sa famille. Après tout, on est sur une affaire de meurtre, mais je dois trop regarder les séries à la télé :-)

- La scène entre Wanda et sa famille ne me paraît pas très claire. Ceci dit, Loiseau ne pige pas tout non plus au premier coup d'oeil, donc j'imagine que c'est volontaire, mais tout de même, il y a quelque chose qui ne tient pas, ça me paraît un peu faux, tout en étant emprunté. Difficile à vraiment expliquer.

- Etonnant mais là encore, pourquoi pas, que Loiseau ignore tout ou presque du passé de Wanda. Ceci dit, ça donne le prétexte à une belle scène de confession et de partage. Donc cette ignorance vaut la peine :-)

- Je trouve que l'histoire qu'elle lui sert, proche d'un roman de la CIA, est en rupture avec le reste, plus bon enfant. Ici, c'est du roman d'espionnage et ça n'est pas non plus dans l'idée que je me fais de Loiseau et de sa vie, ni celle de Wanda, mais tout est permis, c'est sûr et ça change.

- Les dialogues autour de la première dame de France (t'avais Carlita dans la tête, hmmm?) rafraîchissent tout cela et c'est bienvenu après l'épisode "Eastern Promises", ça sonne plus léger, drôle aussi et cela correspond davantage à ce que j'aime dans ton récit.

- La transition est un peu rude quand on entre dans le chapitre "Un café rouge". Hop, on change de monde, on saute une étape... brutal, peut-être trop.

- La fin me laisse dubitative, comme tout ce qui suit après la découverte des carnets, etc. Ramener ça à une histoire d'écriture, de narcissisme, d'écrivain raté ou pas encore...; bref, ça gâche un peu ce qui précède, mais ça, c'est très perso comme remarque. C'est juste que je trouve dommage de terminer ainsi la boucle, surtout avec un passage un peu lourd comme celui "J'écris pour moi et compagnie".


Voilà, en gros, mes impressions, bonnes et moins bonnes. De manière générale, je trouve que tu as effectué un fameux travail d'écriture et que tu as peaufiné le sujet.
C'est un épisode agréable à lire, avec sans doute quelques passages à revoir, mais dans l'ensemble, ça me paraît de bonne qualité. Je trouve aussi que tu as réussi à donner du coffre au personnage de F.L., moins invisible, même si pas vraiment super actif. Un bon tournant dans la série.
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LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit ! Empty Re: LOISEAU : Elle m'emmène (kshh!) au bout de la nuit !

Message  Invité Lun 1 Sep 2008 - 13:14

Déjà
1) saluer le boulot.bravo.
2) tu devrais utiliser les tirets longs, même moi c'est dire...
3) Je lirai et commenterai quand la température de mon corps voudra bien revenir autour de 37°C.

à+

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Message  kazar Lun 1 Sep 2008 - 13:45

Sahkti a écrit:Hé bien, il y a pas mal de boulot derrière tout cela
Ca, oui !

Sahkti a écrit: Un épisode de la série Loiseau quelque peu en rupture de ton et de style d'avec les précédents numéros, mais ce n'est plus mal, ça secoue un cocotier qui en a sans doute besoin, tout en ne dénaturant pas la série.
Oui, c'était le but premier. Pas secouer quoi que ce soit, hein, je n'aurais pas cette prétention, mais changer de point de vue.

Sahkti a écrit:- Le concert d'entrée: je trouve que la description presque méprisante de la faune du concert colle moyennement avec la présence de Loiseau audit concert et l'enthousiasme qui ressort du passage (trop descriptif, ceci dit, des phrases pleines de détails superflus) sur les musiciens qui se déchaînent et la rock qui se lâche.
C'est marrant, parce que ce passage est autobiographique. Comme quoi, le bizarre existe ! :-) Pour ce qui est des détails, j'ai essayé d'être vif, concis, rapide comme l'ambiance peut s'y prêter.

Sahkti a écrit:- Dans la voiture nous sommes quatre: la chat, moi et la radio (...). La 4e est Wanda, je suppose, mais la phrase est bancale, non?
Cette remarque m'a été faite plusieurs fois. Si on compte, la radio ET le silence sont personnifiés. Donc, Loiseau, le chat, la radio et le vide. Doit pas être très clair !!! ^^

Sahkti a écrit:- Je dénote, surtout dans les quatre premières pages un effet de style dans l'écriture, proche de l'effort, qui finit par devenir très/trop voyant, et pourrait lasser, dans un plus grand format. L'impression, par moments, que tu en fais trop, mais en même temps, il y a un style, une forme particulière, le tout plutôt plaisant. Sans doute pas encore assez fluide, mais le potentiel est là, plus que bon.
Ouah. S'il y a des efforts (et il y en a !) c'est justement dans un but "fluidifiant". J'écris avec cette obsession du lecteur. Normal, puisque ces écrits sont voués à être lus ! Tu pourrais m'éclairer, un peu, sur ce qui se voit, ce qui deviendrait lassant ?

Sahkti a écrit:- Détail perso, je suis surprise que les flics ne suivent pas Loiseau, en douce ou non, lorsqu'il accompagne Wanda dans sa famille. Après tout, on est sur une affaire de meurtre, mais je dois trop regarder les séries à la télé :-)
Oui, je me suis renseigné auprès d'un vrai flic et, normalement, Loiseau aurait dû filer au poste immédiatement. Pas le lendemain. Mais, encore une fois, le format de cette nouvelle requérait de la concision !

Sahkti a écrit:- La transition est un peu rude quand on entre dans le chapitre "Un café rouge". Hop, on change de monde, on saute une étape... brutal, peut-être trop.
Oui, c'est vrai, c'est voulu comme ça.

Sahkti a écrit:- La fin me laisse dubitative, comme tout ce qui suit après la découverte des carnets, etc. Ramener ça à une histoire d'écriture, de narcissisme, d'écrivain raté ou pas encore...; bref, ça gâche un peu ce qui précède, mais ça, c'est très perso comme remarque. C'est juste que je trouve dommage de terminer ainsi la boucle, surtout avec un passage un peu lourd comme celui "J'écris pour moi et compagnie".
En fait, je m'étais embarqué dans une histoire de mafia, dangereuse, et j'étais en déséquilibre. Penchais vers les clichés, la facilité du "n'écrivez rien, nous vous surveillons, nous vous crevons si jamais il vous prenait l'idée de..."

Alors, je suis parti sur l'absurde, qui repose en grande partie sur la folie de Vladovan.

Un grand, reconnaissant, et humble merci à toi pour cette lecture et critique détaillée.
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Message  Invité Ven 12 Sep 2008 - 20:18

Hop. pour demain.

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Message  Invité Lun 19 Jan 2009 - 14:47

Bon, chose promise, choses due, j'ai lu ton Zoisiau.
Du bon boulot pour nous réinventer un Fred, qui pour le coup, me parrait osciller entre hypercativitée cérébrale un peu égocentrée et jaillissement soudain d'énèrvement: Il me fatigue cet enculé.
Je crois que ton Loiseau se fatigue lui-même, définitivement, à sauter de réflexions en réflexions, sur les chats, les femmes, les caravanes, le rock, la jeunesse difficile et tout et tout et tout.
L'écriture est pas mal, je suis venu à bout du truc.

plusieurs petites choses seraient à relever, comme quelques bizarreries:

Je me demande s’il baise. À en croire sa respiration un peu courte, j’en doute fort.
. Donc tous les gens qui respirent vite ne baisent pas ? étrange reflexion.

Et qu’écrivez-vous donc ?
Vous me racontez ce qui s’est passé
?
Ton inspecteur, vieillot ou pas, change de forme interrogative.
Il est manièré oui ou non ?

pour rassurer son autorité meurtrie
Exagéré, il en faut bien plus à un flic.

Passer ton texte au peigne fin est sans doute un gros travail aussi. Il m'a laissé l'impression d'avoir été écrit avec trop de passion, du moins incontrôlée, symptome qui a frappé mon Loiseau également. Dire dire dire dire, oui mais, il faut prendre soin du scénar, il quelquefois disparait dans les considérations. tu t'es un peu trop impliqué , sur ce texte, dans ta narration.

Quoi qu'il en soit, ces Loiseau sont pour nous des éxos purs et durs. Et même un Bel entrainement en ce qui concerne ton texte. Ve à quand même une belle gueule, avec ses néophytes qui se lancent dans des nouvelles de ce format.

En attendant un autre et un autre: Bravo!

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