Voyage pour Slignia
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pierre-henri
le pilou
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Voyage pour Slignia
DE L’UN A L’AUTRE
Je n’étais pas issu de la génération agréablement libertaire qui s’ébroua rue de la Sorbonne. Je n'ai pas connu, sauf en images, la joyeuse mousson de pavés rouges. Non j’ai appris à marcher résigné sous le fardeau de la nécessité, de l’innocence perdue à jamais. J’ai appris à voter et à me contenter, à économiser et débourser. J’étais le champion des courses de caddies, un idéologue du consensus.
Et puis il y eu ce jour, cette date, ce rayon de conscience que les rideaux crasseux laissèrent filtrer. Et puis, à la lueur de ce rayon de conscience, il y eu ce visage de patine qui mentait, se forçait à ne pas vomir. Entre deux tasses de café froid il poireautait à moitié humide, à moitié moisi. Debout, je l’observai croupissant dans la moiteur d’un quotidien gris, gris, uniformément gris. Il était occidental, de type caucasien, cheveux propres et tristes, chemise de marque mais sinistre. Ses soucis étaient si lourds, si pesant, c'était cet homme de tous les jours que je quittais dans le miroir. Sans plus attendre, et ce ne fut pas si difficile dans le fond, je lui claquai en pleine figure la porte du renouveau. C’est vrai, j’aurai pu le planter, le taillader, le pousser dans un dernier retranchement. J’aurai pu le crever… Mais non, je lui ai piqué les clés de sa bagnole, j’ai chargé le coffre avec trois fois rien d’essentiel, j’ai mis le magnétoscope sur pause, j’ai tourné au bout de la rue et jeté ma montre par la vitre. La vieille fourgonnette crachotait, les passants passaient, les mémères promenaient Toutou, l’épicier rangeait et classait une cargaison de courgettes brillantes, une garnison de légumes inconsistants. De tout cela, il ne me resterait qu’une photographie, un adieu en cinq lettres.
UN DERNIER ECLAIR BRULANT
C’est vrai, on pourrait considérer que j’ai commis un petit dérapage par la suite. Mais je crois avoir plutôt habilement négocié mon virage. C’est vrai, que je suis allé dire un dernier coucou à Mr Binre, juste un coucou. Pour ça j’avais fais suivre un léger amuse gueule, un truc que je comptai vraiment lui offrir. Au départ, il a trouvé étrange que je lui adresse un sourire enjoué. Après tout, c’est bien lui qui m’en a tant fait baver, suer, trimer.
C’est bien Mr Binre qui m’a le plus aidé, je lui devais bien ça à ce petit directeur qui m’a toujours refusé le moindre avancement. C’est à lui, mon petit directeur, que je souhaitai faire un petit présent. Ce fut assez bref comme entrevue. Et dans le fond ce fut très facile, pas forcément agréable ou drôle mais un peu jouissif quand même. Lorsqu’il tomba la tête première dans ses dossiers personne ne l’entendit, les bureaux étaient déserts. Seul un esclavagiste peut surveiller ses terres de papier en des heures aussi tardives.
Son costume était resté très propre, j’ai tiré en pleine tronche. Alors bien sûr, il fit quelques bulles rosées, bava légèrement, mais histoire de me marrer j’ai tenté de le repeigner. Il n’y avait plus grand-chose à repeigner, mais un homme de cette trempe mérite toujours un petit plus, un léger privilège, une attention délicate. Alors j’ai mis le feu au bureau. Une belle flambée, un bûcher païen du meilleur goût. L’odeur piquetait mon nez, je replaçai soigneusement et nouai fermement mon écharpe. Dehors il faisait un climat très continental hivernal.
En sortant par la porte de derrière, car il faut toujours sortir par la porte de derrière, une petite pensée me vint à l’esprit : « Finalement la mesure du temps repose sur un étalon très relatif qui se contorsionne sous la grêle. » Et d’ailleurs cela n’a peut être aucun sens. A vrai dire je m’en balance. Si vous souhaitez connaître la suite, c’est tout simple : j’ai sauté dans un taxi.
- Si j’ai des remords ?
- Heu non pourquoi ? Je suis juste venu informer une connaissance de longue date.
- De quoi ?
- A vous voulez savoir vous aussi ? Vous êtes tenté par une petite expérience ? Non sans façon ? Bon puisque vous voulez savoir je peux vous le dire : POUR TOUTE CONTRAINTE JE SUIS DESORMAIS PORTE DISPARU.
BYE BYE AIRLINES
Il était 20h15 à Orly, les avions, les pressés, les perdus, les étrangers, les « partout chez eux », les débutants et les experts. Il était 12h15 et tout roulait, je suis allé me laver les dents, les mains et m’acheter une paire de lunettes de soleil.
Il est 08h15 à …… Non mais vous ne croyez quand même pas que je vais vous refiler le tuyau. Vous seriez capable de tenter de me pervertir en me demandant de revenir. Cela est impossible alors n’insistez pas. Il est 08h15 et la métamorphose a opéré, plus jamais je ne m'excuserai, je serai un éternel innocent pour qui le crime paye.
SIMPLEMENT SLIGNIA
Slignia se balade vêtue d’un simple boxer en lycra bleu pâle. Slignia ôte son boxer en un bond léger. Slignia grimpe sur le toit de paille, le soleil grignote son dos. Slignia a des pieds délicatement féminins et la peau noire brillante. Ses cils sont longs et ses lèvres confortables, Slignia enduit l’horizon de toute sa beauté.
- Slignia ?
- Elle est la digne descendante d'un palétuvier très généreux qui aurait poussé sur une terre sans larmes.
-Slignia, vraiment ?
- Oui Slignia ! Ce n’est pas seulement un nom, c’est un cri murmuré dans la semi-pénombre caribéenne. C’est une silhouette qui se balance entre deux galets. Cette gamine a l'odeur de l'océan et l'allure d'un ailleurs qui réjoui mes yeux d’ancien insomniaque anonyme.
Ma cargaison de "Wallu Papa" locale est bien fournie. C’est les poches pleines que je mesure la fragilité de l'instant. J’enlace Slignia et, posant mon front contre le sien, j’inscris la fin dans la chair. J’égrène mes derniers mots dans son cou. J’appui mon amour sur son sein. Et je vous pris de vous en aller, en laissant la lumière allumée derrière vous.
le pilou- Nombre de messages : 82
Age : 47
Date d'inscription : 08/02/2008
Re: Voyage pour Slignia
Et ben dites donc, je vous pris de mexcuser mais il y en a un paké de fotes d'ortrogafes.
le pilou- Nombre de messages : 82
Age : 47
Date d'inscription : 08/02/2008
Re: Voyage pour Slignia
Voui, pis de grand-mère, aussi.le pilou a écrit:Et ben dites donc, je vous pris de mexcuser mais il y en a un paké de fotes d'ortrogafes.
Ceci posé, j'ai vraiment bien aimé.
Même si j'ai trouvé (pas l'ortho-g, non...) de ci de là, quelques facilités, ou un peu d'épate.
Et je n'ai pas aimé (je balance mon impression sans façon:) non Slignia elle-même, mais cette chute, d'une part pour l'absence de lien, d'autre part pour le manque de surprise.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 65
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Voyage pour Slignia
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pas grave, les fôtes, on les voit pas trop quand un texte est fun. Je mets dans ma collec perso "Elle est la digne descendante d'un palétuvier très généreux qui aurait poussé sur une terre sans larmes." Et t'inquiète pas, j'ai fait bien attention pour la luz en sortant.
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pas grave, les fôtes, on les voit pas trop quand un texte est fun. Je mets dans ma collec perso "Elle est la digne descendante d'un palétuvier très généreux qui aurait poussé sur une terre sans larmes." Et t'inquiète pas, j'ai fait bien attention pour la luz en sortant.
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Re: Voyage pour Slignia
j'adore ce texte
difficile de dire pourquoi, l'originalité de la manière, cette façon de parler au lecteur, ce découpage du temps, et puis le style, et puis le propos lui-même, ce type qui prend une décision, et va au bout
même si c'est pas bien tout ça, on le sait, ben on se prend à espérer qu'il finira par être heureux d'avoir décidé de refuser toute contrainte
excellent, Pilou
difficile de dire pourquoi, l'originalité de la manière, cette façon de parler au lecteur, ce découpage du temps, et puis le style, et puis le propos lui-même, ce type qui prend une décision, et va au bout
même si c'est pas bien tout ça, on le sait, ben on se prend à espérer qu'il finira par être heureux d'avoir décidé de refuser toute contrainte
excellent, Pilou
Re: Voyage pour Slignia
Un p'tit peu trop dense à mon goût mais ça se lit... ça se comprend aussi et ce malgré les fautes de ci et de ça ou d'autre chose.
Invité- Invité
Re: Voyage pour Slignia
Merci à tous pour vos conseils. Cependant pour avancer j'ai besoin de précisions et en paticulier avec la "grand mère" : Où y a t il donc des fautes de grand mère car je crains de na pas les appercevoir.
Merci pour votre aide
Nb: ce message s'adresse tout particulièrement à pierre-henri.
Merci pour votre aide
Nb: ce message s'adresse tout particulièrement à pierre-henri.
le pilou- Nombre de messages : 82
Age : 47
Date d'inscription : 08/02/2008
Re: Voyage pour Slignia
J'aime bien ce texte, mais je lui reproche tout de même un brin de confusion par moments. Ceci dit, ça ajoute certainement quelque chose à l'atmosphère particulière. Structure et découpage sont intéressants parce qu'ils ouvrent de nombreuses portes, parce que le lecteur peut se permettre d'imaginer des choses de son côté sans qu'on lui en raconte trop. Toutefois, la densité du propos englue de ci de là le texte dans quelque chose de trop figé. Tu as essayé de désouder l'ensemble tout en lui gardant une cohérence, mais la ligne conductrice reste trop linéaire, tout se suit et se tient, avec un langage que je trouve de temps en temps trop statique. Appréciation personnelle bien sûr, et ça ne m'empêche pas d'avoir apprécié te lire!
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Voyage pour Slignia
Mince, j'étais passée à côté de celui-là. Pas mal, cette entrée en matière. Pas mal du tout !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
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