Hôtel Welcome.

[maniak']

Juste le début d'un truc... Je sais pas trop ce que ça vaut mais bon...

...

Ça faisait trois fois qu’ils passaient devant l’hôtel Welcome. Vincent avait quatorze ans, Raoul treize et demi. Alors, forcément, ils avaient le trac. L’hôtel Welcome, c’était presque devenu une annexe du collège Anatole France depuis que Fred, un type de troisième avait osé, le premier, en franchir le seuil. Ce n’était peut-être même pas vrai, mais en tous cas tout le monde en parlait à la récré. Fred il était plus puceau. Et il avait fait des émules à en croire la rumeur.

Raoul ne serait jamais venu si ça n’avait tenu qu’à lui. Lui, il jouait encore au cow-boy et aux indiens il n’y avait pas si longtemps. C’était le genre premier de la classe, toujours un mouchoir propre plié en quatre dans la poche et la raie tracée au cordeau sur le coté. Sa mère ne plaisantait pas avec ça. On n’était pas riche chez les Gimenez, mais on était propre sur soi et bien éduqué. Il eut une crampe d’estomac à cette pensée. Qu’auraient dit ses parents s’ils avaient su où il était et ce qu’il s’apprêtait à faire ?

Le problème c’était que Vincent, son meilleur copain, avait un grand frère, Gérard, qui était plus ou moins leur coach en matière de sexualité. Un genre d’obsédé qui considérait la chose comme un sport et se prenait, lui, pour un athlète de haut niveau. Le Rocco Siffredi du Belvédère en quelque sorte.

Vincent, fortement influencé en ce domaine par son idole de frère, avait expliqué à Raoul qu’ils avaient tout à gagner à cette expédition à l’autre bout de Casablanca. Déjà, plus personne ne pourrait les traiter de puceaux et c’était important ça non ? Ensuite, vis-à-vis des filles de leur classe, qui sortaient le plus souvent avec des garçons de troisième, voir de seconde, ils bénéficieraient d’une toute autre image. Quelle image ? Mais celle de vrais mecs ! C’était évident non ? Quand le collège entier saurait qu’ils étaient devenus des hommes, nul doute qu’on les regarderait d’un autre œil.

Raoul n’avait pas été convaincu par le raisonnement de Vincent mais celui-ci avait prononcé cette phrase :

- Merde Raoul ! T’es pédé ou quoi ?

Alors ça, pour un gamin du Belvédère du début des années 80, c’était l’argument massue. Il n’y avait pas de pire insulte. Se faire traiter de pédé c’était se voir obligé de démontrer que non, on ne l’était pas. Et preuves à l’appui s’il vous plait. Au Belvédère, on était macho de père en fils. Fallait pas rigoler avec ça.

Et donc Raoul se retrouvait là, à passer pour la troisième fois devant cet hôtel borgne qu’était le Welcome, les jambes en coton et l’estomac noué, à imaginer ce qu’il pouvait bien y avoir derrière cette porte vitrée.

Sa main droite, enfoncée dans la poche de sa parka, se crispait sur le petit emballage plastique de la capote. La sacro-sainte capote. Déjà, en acheter une boite, il n’avait pas pu. Il avait bien essayé pourtant. D’abord, il avait choisi une pharmacie assez loin du quartier et, comme pour l’hôtel, il était passé devant une fois, puis deux, puis trois… En se répétant son texte :

- Bonjour Madame, je voudrais une boite de préservatifs s’il vous plait...
Putain ! Jamais il n’aurait le courage d’affronter le regard de la pharmacienne. De lire dans ses yeux la répulsion pour le petit vicieux qu’elle ne manquerait pas de voir en lui.

Il avait fini par se résoudre à rentrer, la tête basse, traînant les pieds sur le trottoir du boulevard Mohamed V.

- Heu… Vincent, tu pourrais pas m’en prendre une boite ? … S’te plait…

Et puis il y avait eu les tests. Les… essayages, enfermé à double tour dans les toilettes. C’est qu’il ne fallait pas plaisanter avec ça hein ! On pouvait chopper une chaude-pisse, et même la syphilis. Mais, plus que la maladie, c’était le fait de devoir avouer à ses parents qu’il avait été au bordel qui le glaçait. Il imaginait déjà la tête de sa mère… Non… Valait mieux pas.

…

[Invité]

Intéressant, rythmé... J'attends la suite.

[Lucy]

Pas mal du tout. La suite, Maniak' !

[kazar]

C'est sympa, l'écriture est fluide mises à part quelques coquilles (dont de temps...l'antériorité du passage à la pahramacie, par exemple, n'est pas évidente, à part dans la logique) et ça me donne envie de lire LA SUITE !

;-)

[maniak']

kasar, je ne vois pas de coquille, en tous cas rien qui me gêne. Pourrais tu être plus précis ?

Merci pour les coms en tous cas. J'en posterai une petite suite bientôt.

[maniak']

Zut ! Pas kasar,... kazar.

[claude]

J’aime tes histoires d’hommes (plus ou moins jeunes) qui assument leurs faiblesses sans se voiler la face, ni tenter absolument de faire de leurs travers ridicules des forces. Ces hommes s’adaptent tant bien que mal aux codes sociaux et pour moins avoir à subir ce qu’ils ne peuvent pas empêcher ils font semblant de le vouloir. Cette lucidité me plaît toujours autant dans ce que tu écris. En tout cas, ça me cause. Je l’avais déjà remarqué dans ton histoire de bidasses dont j’avais lu les premiers chapitres. Un peu plus tard, j’irai fouiller dans les archives du forum pour en lire la suite, si suite il y a...

[maniak']

Non, il n'y pas de suite à Marek parce que je me suis aperçu que j'étais en train de plagier une nouvelle que j'avais lu il y a très longtemps, la fin en tous cas. J'ai réfléchi à une autre chute que celle que j'avais en tête et, comme je n'ai rien trouvé qui me plaise, j'ai abandonné ce texte.

Mais il y a d'autres textes dans les archives qui pourraient te plaire. Si le coeur t'en dit...

Merci pour le commentaire en tous cas.

[kazar]

Cher maniak' (ah j'ai oublié de te dire que j'ai lu ton texte à cause de ton psuedo :-)

A la première lecture j'ai été gêné par le

"Et donc Raoul se retrouvait là, à passer pour la troisième fois devant cet hôtel borgne qu’était le Welcome, les jambes en coton et l’estomac noué, à imaginer ce qu’il pouvait bien y avoir derrière cette porte vitrée."

Parce que j'aurais voulu lire un passé composé (s'était retrouvé là).

A deuxième lecture, je dois te dire deux choses :

1) c'est très bien écrit, y'a pas de faute, c'est maîtrisé.
2) je suis désolé, ma remarque n'avait pas lieu d'être.

Pas de suite, alors ?

[maniak']

Si si, pour celui-là il y a une suite. Je la posterai peut-être ce week-end.

Merci pour l'explication.

[maniak']

Heueu... pourquoi mon pseudo ?

[kazar]

Parce que la manie, ça me fait rire. Ca nous fait tous un peu rire, dans le milieu. ;-)

[maniak']

Pas compris... Quel milieu ?

Mon surnom me vient de la maniaquerie dont je fais preuve pour la finition de mes planches de waveski. Dans ce "milieu" je suis connu sous ce pseudo. Pour plus d'info :

http://maniakwaveski.blogspot.com/

[kazar]

Je suis dans le monde en blouse blanche !
La manie, c'est pas une obsession, même si elle est utilisée comme ça dans le langage courant.
Toi, t'es obsessionnel avec tes planches ;-)

La manie, la vraie, c'est l'inverse de la dépression.
Très, TRES marrant à voir. Pas facile à vivre pour le patient et son entourage, mais marrant. Enfin bon. C'est pas l'endroit pour en parler ;-)

C'est assez bien expliqué ICI

Voilou !

[Invité]

Sûr qu'il vaut meiux être ours polaire que bipolaire... De quoi je me mêle, hein Kazar ?
Le texte, oui bon texte, qui rend bien la "peer pressure" (pression des pairs ?) qui sévit chez les gamins, ou tout simplement au coeur de tout groupe. Et même si on a déjà lu, avant, des choses qui s'y apparentent, on a bien envie de connaître la suite.

[Evanescent]

Ça faisait trois fois qu’ils passaient devant l’hôtel Welcome. Vincent avait quatorze ans, Raoul treize et demi. Alors, forcément, ils avaient le trac. L’hôtel Welcome, c’était presque devenu une annexe du collège Anatole France depuis que Fred, un type de troisième avait osé, le premier, en franchir le seuil. Ce n’était peut-être même pas vrai, mais en tous cas tout le monde en parlait à la récré. Fred il était plus puceau. Et il avait fait des émules à en croire la rumeur.

Raoul ne serait jamais venu si ça n’avait tenu qu’à lui. Lui, il jouait encore au cow-boy et aux indiens il n’y avait pas si longtemps. C’était le genre premier de la classe, toujours un mouchoir propre plié en quatre dans la poche et la raie tracée au cordeau sur le coté. Sa mère ne plaisantait pas avec ça. On n’était pas riche chez les Gimenez, mais on était propre sur soi et bien éduqué. Il eut une crampe d’estomac à cette pensée. Qu’auraient dit ses parents s’ils avaient su où il était et ce qu’il s’apprêtait à faire ?

Le problème c’était que Vincent, son meilleur copain, avait un grand frère, Gérard, qui était plus ou moins leur coach en matière de sexualité. Un genre d’obsédé qui considérait la chose comme un sport et se prenait, lui, pour un athlète de haut niveau. Le Rocco Siffredi du Belvédère en quelque sorte.

Vincent, fortement influencé en ce domaine par son idole de frère, avait expliqué à Raoul qu’ils avaient tout à gagner à cette expédition à l’autre bout de Casablanca. Déjà, plus personne ne pourrait les traiter de puceaux et c’était important ça non ? Ensuite, vis-à-vis des filles de leur classe, qui sortaient le plus souvent avec des garçons de troisième, voir de seconde, ils bénéficieraient d’une toute autre image. Quelle image ? Mais celle de vrais mecs ! C’était évident non ? Quand le collège entier saurait qu’ils étaient devenus des hommes, nul doute qu’on les regarderait d’un autre œil.

Raoul n’avait pas été convaincu par le raisonnement de Vincent mais celui-ci avait prononcé cette phrase :

- Merde Raoul ! T’es pédé ou quoi ?

Alors ça, pour un gamin du Belvédère du début des années 80, c’était l’argument massue. Il n’y avait pas de pire insulte. Se faire traiter de pédé c’était se voir obligé de démontrer que non, on ne l’était pas. Et preuves à l’appui s’il vous plait. Au Belvédère, on était macho de père en fils. Fallait pas rigoler avec ça.

Et donc Raoul se retrouvait là, à passer pour la troisième fois devant cet hôtel borgne qu’était le Welcome, les jambes en coton et l’estomac noué, à imaginer ce qu’il pouvait bien y avoir derrière cette porte vitrée.

Sa main droite, enfoncée dans la poche de sa parka, se crispait sur le petit emballage plastique de la capote. La sacro-sainte capote. Déjà, en acheter une boite, il n’avait pas pu. Il avait bien essayé pourtant. D’abord, il avait choisi une pharmacie assez loin du quartier et, comme pour l’hôtel, il était passé devant une fois, puis deux, puis trois… En se répétant son texte :

- Bonjour Madame, je voudrais une boite de préservatifs s’il vous plait...
Putain ! Jamais il n’aurait le courage d’affronter le regard de la pharmacienne. De lire dans ses yeux la répulsion pour le petit vicieux qu’elle ne manquerait pas de voir en lui.

Il avait fini par se résoudre à rentrer, la tête basse, traînant les pieds sur le trottoir du boulevard Mohamed V.

- Heu… Vincent, tu pourrais pas m’en prendre une boite ? … S’te plait…

Et puis il y avait eu les tests. Les… essayages, enfermé à double tour dans les toilettes. C’est qu’il ne fallait pas plaisanter avec ça hein ! On pouvait chopper une chaude-pisse, et même la syphilis. Mais, plus que la maladie, c’était le fait de devoir avouer à ses parents qu’il avait été au bordel qui le glaçait. Il imaginait déjà la tête de sa mère… Non… Valait mieux pas.

…

4 'vincent' ; 6 'raoul'. Un peu lourd avec tous ces prénoms.

[kazar]

Sûr qu'il vaut meiux être ours polaire que bipolaire... De quoi je me mêle, hein Kazar ?

Y'en a qui fouillent, hein !! ^^

[maniak']

Evanescent, pour moi c'est pas le nombre de fois où tu cites un mot qui rend un texte lourd ou pas. Moi, à la lecture ça ne me gêne pas trop. Mais bon, puisque tu me le fais remarquer, je regarderai voir si je peux en virer un ou deux.

Island, la pression des pairs n'est pas vraiment le sujet du texte dans son ensemble. Mais c'est vrai que sur ce passage on pourrait le croire. D'ailleurs, maintenant que tu le dis,... oui c'est peut-être le sujet finalement.

Merci pour les coms.

…

Au quatrième passage, Vincent poussa la porte et ils plongèrent dans la semi obscurité du hall de l’hôtel. Un tapis élimé en recouvrait le sol et un comptoir occupait le fond de la pièce. A droite un escalier montait vers une galerie à la rambarde de bois.

Il faisait sombre là-dedans ! C’était d’un lugubre. Ça foutait la trouille dis donc !

S’ils en avaient eu le temps, ils auraient fait demi-tour. Raoul en était certain. Mais, probablement alerté par le tintement de la clochette fixée à la porte, un homme dévalait les marches et ils s’immobilisèrent. Pétrifiés.

C’était un type de petite taille, vêtu d’un costume sombre et coiffé d’une taguïa bleue. Il n’avait rien de particulier mais arrivait pourtant à être inquiétant. Quelque chose dans son allure, sa démarche… ou peut-être simplement l’angoisse qui serrait la gorge des deux gamins…

Sans un mot, ils le suivirent au premier et ce n’est qu’une fois sur le palier qu’il leur adressa la parole :

- Qu’est-ce qu’vous voulez ?

L’homme se tenait appuyé contre le mur, les deux mains enfoncées dans les poches de sa veste, l’air mauvais. Raoul ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n’en sortit. De toutes façons, le type poursuivait sans attendre :

- Vous voulez les filles ?

Les deux gamins hochèrent la tête, soulagés de ne pas avoir eu à expliquer le pourquoi de leur présence.

- Vingt-deux dirhams… (environ deux €)

La fesse n’était pas très cotée à Casablanca au début des années quatre-vingt. Il faut dire que les hôtels du genre étaient légion et que la concurrence était rude. Sans parler du pouvoir d’achat…

Ils tendirent la somme qui correspondait à peu près à la moitié de leur argent de poche hebdomadaire. En gros la valeur de six plaquettes de Kit-Kat.

Raoul repoussa un vertige pendant que le barbeau s’en allait chercher sa marchandise. Il étouffait. Merde ! Quelle idée aussi de mettre une parka !

Et puis, le gars qui était entré dans une pièce au fond du couloir réapparut presque aussitôt suivi de deux femmes,… des vraies. Des adultes d’au moins vingt-cinq ans.

Les deux garçons, intimidés restèrent immobiles, la bouche sèche. Raoul se sentait petit,… mais petit ! Pourtant, avec une lucidité qui le surprit lui-même, il détailla les deux filles et fit son choix dans la seconde : ce serait celle de droite.

Plus grande de taille, un peu plus forte peut-être que sa collègue, mais surtout plus douce, moins vulgaire aussi, elle avait des cheveux châtains coupés au carré. Son visage aux traits réguliers, sans être spécialement remarquable, était tout de même agréable. Elle portait une espèce de nuisette transparente qui lui couvrait à peine le haut des cuisses et des mules à talons hauts. Un vrai cliché.

Prenant son courage à deux mains et affichant un air décidé, Raoul s’avança vers la jeune femme et, la prenant par le coude, s’engouffra dans la pièce que lui désignait le proxénète. Que Vincent se démerde avec l’autre, il lui faisait confiance pour ça.

La chambre était triste. Plus que ça même, si c’était possible. Les volets fermés ne laissaient passer que quelques raies de lumière. Juste assez pour que le garçon puisse noter la couleur de la peinture, d’un vert pisseux, qui en couvrait les murs. Il y avait un cadre représentant un quelconque paysage accroché dans un coin, une corbeille de fruits en plastique sur l’une des tables de chevet, et un calendrier publicitaire de l’année précédente posé sur une étagère. Sur la gauche, face à la porte, un bidet que la fille avait enfourché et un lavabo qu’elle lui désigna d’un vague geste du bras.

Ça, c’était le protocole que Gérard, le frère de Vincent, leur avait expliqué à maintes reprises et qui était censé être la garantie de l’hygiène des lieux et donc celle de ne courir aucun risque d’attraper la moindre infection.

Putain ! C’était tout sauf excitant ! Il suait à grosses gouttes et avait la gorge nouée.

Mais merde ! Maintenant qu’il était là…

…

[Invité]

Une très bonne description des lieux et des événements je trouve : sobre, efficace, on avance dans l'action, et ça glisse au pays des Merveilles. (Pardon, j'ai pas pu résister.)
Touchant, le choix que fait le gamin : il prend la femme qui a l'air le plus doux. L'ensemble du texte sonne vraiment juste pour moi.

Bref, j'attends la suite avec trépidation !

[Yali]

Ça fonctionnne bien tout ça !

[Tristan]

Je sais pas trop ce que ça vaut mais bon...

ça vaut bien la peine que tu continues

[Invité]

Ils tendirent la somme qui correspondait à peu près à la moitié de leur argent de poche hebdomadaire. En gros la valeur de six plaquettes de Kit-Kat.

Cette phrase résume à elle seule l'état d'esprit des gamins, qui décrit si bien cette transition entre l'enfance et l'adolescence.
Je ne sais pas pourquoi tu as voulu convertir la somme en dirhams en euros, c'est superflu.
Dernière chose : des rais (sans "e) de lumière
Comme les copains, j'attends fébrilement la suite.

[maniak']

Ben, merci pour les commentaires tous. Et pour la correction Island.

[Lucy]

J'embarque définitivement pour la suite.

[maniak']

Merci.

La suite...

…

Les mains tremblantes, il ôta sa parka qu’il déposa sur l’unique chaise, puis retira ses baskets, ses jeans et son caleçon. Il avait conscience d’être ridicule comme ça, simplement vêtu de ses chaussettes et de son polo. Mais bon, en cas d’embrouille il n’aurait que son futal et ses grolles à enfiler.

La fille lui tournait le dos, toujours à califourchon sur le bidet, elle appliquait à la lettre le protocole. Elle avait de jolies fesses et ça aurait dû lui faire de l’effet, mais un regard vers le bas lui indiqua que non, pour l’instant il n’y avait pas l’ombre d’une réaction. Et il sentait confusément que ça n’allait pas s’arranger.

Il ouvrit le robinet du lavabo et se rinça sommairement, notant au passage la faible progression de son anatomie depuis son dernier constat. Si ça continuait comme ça, la capote n’allait pas servir à grand-chose.

- Première fois ? Oui ?

Elle était debout à ses côtés, à moins d’un mètre, et il eu honte de son manque d’entrain. Il n’était pourtant pas trop mal tombé. Gérard leur avait expliqué que dans des endroits comme celui-ci on ne choisissait pas sa partenaire. Le maquereau amenait autant de filles qu’il y avait de candidats et tant pis pour vous si vous tombiez sur un thon.

Lui, il ne pouvait pas se plaindre. C’était quand même une belle femme qui se tenait devant lui. La nuisette transparente ne cachait rien de ses formes et, s’il l’avait croisée dans la rue, jamais il n’aurait cru possible de se retrouver enfermé seul avec elle dans une chambre d’hôtel.

Elle se saisit du préservatif qu’il avait posé sur le bord du lavabo et il nota ses ongles parfaitement vernis.

- Je t’aide ?

Il hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot.

C’était la première fois qu’une fille le touchait de cette façon et il fut, dès le premier contact, submergé par un flots d’émotions diverses qui lui nouèrent la gorge et firent battre ses tempes. Il en oublia un instant la chambre, la couleur des murs,… tout ce qui n’était pas cette main fraîche sur son corps brûlant.

Malgré tout, il savait qu’il n’arriverait pas à...

Du plaisir pourtant, il en éprouvait au simple contact de cette femme, juste à sentir son odeur, sa chaleur… Oui, en d’autres circonstances, avec plus de temps et moins de contraintes… Mais là, comme ça, avec le mac qu’il imaginait juste de l’autre côté de la porte, et Vincent, quelque part sur le même palier, tout près, …

Et puis cette fille, trop belle pour lui, trop vieille aussi, et probablement obligée de faire ça pour vivre… Contrainte, par la force des choses, à se farcir un petit con de moins de quatorze ans… Merde ! Elle avait à peu près l’âge de Corinne, sa sœur aînée !

Elle s’était allongée sur le lit, l’avait guidé en elle d’une main experte, et il essaya de ne plus songer qu’à cette douceur.

…

[Invité]

Oui, toujours touchant et très juste, très convaincant me semble-t-il.

[muzzo]

Bravo!Il n'y a rien à redire ni sur le fond, ni sur la forme. Cette histoire sonne très juste, c'est "du vécu" 'en tous cas, cela coincide parfois avec de très lointains souvenirs.

[mentor]

taguïa ?

Pas mal du tout, ça fait un peu la Guerre des Boutons en un peu plus mûr, le stade suivant, quoi
Il y a une suite ?

Tu écris toujours aussi bien, Maniak, c'est un plaisir, et sans faute comme disait je ne sais plus qui sauf... sauf... j'ai cru voir un voir au lieu d'un voire ;-)

A bientôt la suite alors ?

[maniak']

Merci de me suivre Socque.

Muzzo, du vécu..., du vécu.... Merci pour le com'.

Mentor, 'ffectivement, je l'ai cherché et je l'ai trouvé : voire et pas voir.

Sinon, une taguïa c'est une espèce de bonnet (on dit ça aussi pour les préservatifs).

Heuuu... t'as pris un coup de vieux depuis la dernière fois non ?

[mentor]

Heuuu... t'as pris un coup de vieux depuis la dernière fois non ?

ouaip, y a des trucs dans la vie qui accélèrent les choses ;-)

[maniak']

:0)

[Invité]

Me trompé-je ? Voilà un épisode bien bref, paradoxalement, tu fais durer le plaisir Maniak ;-)

[maniak']

Bon. OK. La suite. Il restera un dernier passage qui n'est pas encore écrit. Peut-être demain, si j'ai un moment entre midi et deux... Merci en tous cas pour les coms.

…

Mais non. Ça ne fonctionnait pas comme ça et il le savait. C’était même plutôt le contraire en fait. Réfléchir, c’était la dernière chose à faire.

La fille s’agitait sous lui en poussant de discrets soupirs. Et il pensa… Non ! Arrête de penser merde !

Bon Dieu de bon Dieu ! Il ne ressentait rien ! Il s’activait mécaniquement, appliqué, reproduisant au mieux la gestuelle des acteurs des films X visionnés chez Vincent. Mais c’était… sans saveur… Oui, c’était le terme exact.

Il suait à grosses gouttes, les coudes enfoncés dans le matelas de part et d’autre du visage de sa partenaire qui continuait à gémir faiblement, les yeux mi-clos parodiant, au mieux de ses capacités d’actrice, le plaisir immense qu’il était censé lui dispenser.

Déprimant…

On cogna à la porte et, ça aussi, Gérard le leur avait expliqué. Pour vingt-deux dirhams, il ne fallait pas rêver, on n’avait droit qu’à vingt minutes. Le mac venait de lancer le compte à rebours. Plus que cinq.

Il n’y arriverait pas. Cette fois c’était certain.

- Toi fini ?

La fille avait interrompu son cinéma, juste le temps de lui poser la question. Il secoua la tête et elle reprit le fil de ses couinements.

C’était à mourir de rire !... ou à pleurer.

De toutes façons, il ne servait à rien d’insister. Au contraire. Mieux valait en finir.

Raoul se cabra en gémissant, histoire de donner le change, et se retira précipitamment, tournant vivement le dos à la jeune femme pour ne pas qu’elle remarque le préservatif quasiment intact, presque réutilisable.

Il le balança dans la corbeille en plastique, sous le lavabo, après l’avoir roulé dans un kleenex et ouvrit le robinet.

C’est là que la fille fit une entorse à la procédure. Elle s’approcha dans son dos et, tout doucement, l’embrassa derrière l’oreille. Oh, pas un truc sauvage et baveux comme dans les films ! Non. Plutôt un baiser affectueux. Un bisou de grande sœur quoi. Quelque chose qui voulait peut-être dire qu’il lui était sympathique, que ça n’avait pas été trop désagréable,… ou quelque chose de ce genre.

- Les putes, elles embrassent jamais. C’est comme ça. Tu peux toujours essayer mon pote. ELLES EMBRASSENT JAMAIS.

C’est à ce moment que Raoul commença à se dire que Gérard était peut-être un con. Déjà, depuis quelques temps, il avait de sérieux doutes à ce sujet… Mais si, comme il le disait, les putes n’embrassaient jamais, lui, Raoul, pouvait se considérer comme un privilégié non ?

Par ce simple et léger contact, la fille venait de donner quelque chose d’inoubliable à cette sordide première fois, quelque chose qui ferait que, toute sa vie, quand il y repenserait, il se souviendrait de ça avec une certaine tendresse. Et il lui en fut reconnaissant.

On toqua une nouvelle fois au battant alors qu’il finissait de lacer ses baskets. Les vingt minutes étaient écoulées.

…

[mentor]

"C’est à ce moment que Raoul commença à se dire que Gérard était peut-être un con"
:-))))

pas mal du tout cette suite, délicate et sensuelle

[Invité]

Oui... Mignon, quoi, vraiment touchant. Chapeau !

[Evanescent]

Bien le baiser à la fin.
C'était... nécessaire. mais je ne l'aurais pas trouvé. Chapeau.

[Lucy]

Plus qu'une partie... seulement. ^^

[Invité]

Et... et ... ?

[maniak']

Bon ben,... la suite et la fin...

…

- Putain ! Ça y est ! On est des hommes !

Vincent exultait. Les deux garçons descendaient le boulevard Rahal El Meskini en direction de Derb Ahomar et de la place de la Victoire.

Raoul souriait distraitement en écoutant son compagnon.

- Il ne suffit pas d’avoir une moustache et une paire de couilles pour être un homme.

Cette phrase en arabe qu’il avait entendu à l’atelier, chez son oncle, au cours d’une discussion entre deux ouvriers, lui revenait en mémoire. Il la trouvait pleine de sagesse. Etre un homme c’était beaucoup plus que ça. Chez les Gimenez en tous cas, et selon l’opinion de son père pour qui ce qualificatif se méritait tous les jours et à chaque minute.

D’ailleurs, lui ne se sentait pas tellement différent maintenant qu’il n’était plus puceau. Il se demandait même si on pouvait considérer la comédie à laquelle il s’était livré dans la chambre du Welcome comme un véritable dépucelage. Bien sûr, il avait sauvé les apparences, mais au fond de lui…

- T’as pris ton temps enfoiré ! Moi, j’ai fini en cinq minutes bordel ! Un vrai lapin !

Raoul partit d’un grand éclat de rire. Vincent lui faisait toujours cet effet. C’était pour ça qu’il l’aimait bien. Un type simple, qui appelait les choses par leur nom et qui n’avait pas honte de ce qu’il était. Pas le genre à se poser des questions dans une chambre d’hôtel et face à une femme à poil lui. Sûr.

- Ben pourquoi tu rigoles ? Moi, j’peux te dire, il a pas eu à venir taper à la porte le maquereau… Putain ! Je t’attendais sur le palier et je me disais : L’enfoiré, y doit se régaler… En plus, t’as pas choisi la plus moche dis donc !

Raoul bomba le torse et sourit d’un air avantageux. Finalement, ce ne sont pas tellement les faits qui sont importants, c’est l’idée qu’on s’en fait.

Dès le lendemain, tout le Belvédère saurait comment il avait assuré. Pour ça, on pouvait faire confiance à Vincent. Il raconterait à tous les vauriens du quartier la façon dont lui, Raoul, avait embarqué la plus belle des deux filles, utilisé ses vingt minutes jusqu’à la dernière seconde… Ça tient à rien une réputation.

Ce soir là, il eu un peu de mal à s’endormir. Il repensait à ce qui s’était passé dans l’après-midi et, contrairement à ce qu’il aurait pu croire, les images qu’il se repassait en boucle n’avaient rien de particulièrement excitant. Il aurait cru le contraire pourtant.

Finalement, la seule chose dont il se souvenait avec précision, ce n’étaient ni des fesses, ni des seins de la jeune femme. Ça, ça commençait déjà à s’effacer. A devenir flou.

Non. Ce qu’il revoyait avec une netteté quasiment photographique c’était son visage. Il sentait que c’était important. Cette fille là, qui l’aurait oublié dans une semaine et dont il ne saurait jamais le nom, il fallait qu’il en garde précieusement le souvenir quelque part, dans un coin de son cerveau. Longtemps. Toute sa vie. Parce que, même s’il avait payé pour coucher avec, c’était sa première.

Quelques années plus tard, il en aurait une seconde, de première fois. Avec une fille qui l’aurait choisi et avec qui il partagerait des sentiments. Une fille de son age.

Mais, cette nuit-là, c’est avec le léger contact de ces lèvres derrière son oreille qu’il finit par sombrer dans le sommeil. Et c’était une sensation agréable…

En définitive.


FIN.

[Invité]

La fin est à la hauteur de tout le reste... Un texte délicat, touchant, juste de bout en bout. Chapeau.

[Contenu sponsorisé]