Je m'en fous
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Je m'en fous
Je m'en fous
Je me fous de ce qu’ils pensent. C’est peut-être dédaigneux ou lâche, c’est sans doute ridicule, mais c’est ainsi : cela me plonge dans une indifférence profondément ennuyante. J’ai envie de m’écouter me guider, de laisser gambader mes pensées, mes sourires et mes regards. Les leurs sont si lassants… Gris de routine, poussiéreux de futilité, figés de mécanisme. Ne comprennent-ils donc pas que ces nuances de lumière que leurs yeux perçoivent à chaque instant forment à elles seules tout ce qu’ils sont : la vie ?
Tant pis ; pour eux. Moi, je perçois et savoure, je décortique et redessine, je m’épanouis, seule et fière. Parfois je marque un arrêt, je m’assieds et je pars en voyage dans leurs têtes : quelle apparence peut bien avoir ce mur ferreux devant lequel ils se convainquent d’avoir atteint l’inatteignable ? Quel engrenage peut bien avoir suffisamment de rigidité pour supplanter l’amour du savoir qui anime l’Homme ? Quelle forme de barricade peut susciter la crainte jusqu’à faire oublier qu’elle cache l’infini dont nous avons tant soif ? Et comment ai-je fait, moi… Suis-je la seule ?
Je sais bien que non. Mais où sont-ils ? Avez-vous déjà donné un rendez-vous à quelqu’un dans l’infini ? Peu importe. Je marche, je parcours, j’écarte des branchages et je traverse des cours d’eau. Et je repense à eux, tous. Et je me fous de ce qu’ils pensent.
Nous ne sommes pas dans le même métro. Le mien se dirige vers la découverte d’une nouvelle journée, le leur les mène à la rigoureuse reconstruction du « déjà vécu des milliers de fois », à revivre des milliers de fois. Je les regarde. Un petit monsieur avec un chapeau, pour être sûr que ses pensées ne s’évadent pas. Plus mon sourire s’adoucit, plus son chapeau le crispe. Ses yeux se mettent à bouillonner, son cœur s’emballe et le cogne de l’intérieur, son visage se vide de panique jusqu’à la transparence, sa posture devient bancale, se rigidifie, il bascule en va-et-vient comme un vase oublié. Puis le métro accélère, il tombe et se brise en morceaux. Les gens lisent leur journal, guettent leur station, écoutent leur musique. L’Homme n’est-il doté de ses cinq sens que pour feindre d’en être dépourvu ?
Des petits messieurs avec des chapeaux, j’en tue tous les jours. Et je m’en fous éperdument. Ils se brisent à mes pieds, éclatent en morceaux qui se répandent dans le métro ; librement. Enfin ! Quel soulagement ! Qu’ils m’angoissent, ces chapeaux… Et ceux qui les portent, comme pour revendiquer explicitement l’enfermement d’esprit, l’étouffement moral, la séquestration intellectuelle. J’en deviendrais claustrophobe ! Et paranoïaque ! Chaque moment de distraction est l’occasion pour leurs petits yeux de se faufiler et de m’agresser lâchement, de me parcourir le corps et d’incruster leur crasse dans la pureté de mes envols. Et sitôt que j’use de mon sourire pour écarter l’un d’entre eux, une horde d’autres yeux avides s’abat sur ma silhouette affaiblie, devenue la proie de ces véritables prédateurs de la liberté. Alors hors de question de me soumettre, et inutile de me débattre, non. Juste un doux sourire : la plus violente des réponses que je puisse leur lancer, à eux qui n’attendent de moi qu’une fuite paniquée ou une ignorance crispée. Mais plutôt mourir que de les rejoindre derrière leur mur d’inhumanité… Plutôt mourir ! Qu’ils y restent et s’y complaisent, qu’ils y éteignent leurs cœurs ; et surtout qu’ils pensent ce qu’ils veulent, je m’en fous. Je hais ce mur, je vomis son charisme menteur, chaque chapeau que je tue en est une brique. Je rêve de l’émietter, qu’il me suffise de fermer le poing pour l’écraser en une substance nauséeuse et lamentablement pâteuse. Et je la leur ferais manger, tiens. Bouchée par bouchée, jusqu’à ce que le dégoût et l’écoeurement les torturent autant que leur enfermement d’esprit a torturé l’humanité. Mais… Mais je m’en fous.
Re: Je m'en fous
C'est bien écrit, mais le mépris universel des autres qu'exprime la narratrice me dérange vraiment... Un texte efficace de ce point de vue.
Invité- Invité
Re: Je m'en fous
Il y a de l'idée mais j'ai trouvé que le texte manquait de chaleur, d'humain, d'humanité... Le tout reste théorique, général, distant, ce qui est je suppose, le but du texte. J'aurais aimé que la narratrice se rapproche de ceux qu'elle toise. Il me manque quelque chose.
Invité- Invité
Re: Je m'en fous
Si l'intention me parle beaucoup, je la trouve toutefois par moments très insistante, presque lourde. On la comprend d'entrée de jeu mais elle semble être disséquée à l'infini, sans véritable but (il n'y en a d'ailleurs peut-être pas).
Cela ne m'empêche pas de trouver ton texte poétique à souhait avec quelques belles images mais il me paraît perfectible dans son déroulement de pensée, dans son exploration des âmes qui pourrait être allégée.
Cela ne m'empêche pas de trouver ton texte poétique à souhait avec quelques belles images mais il me paraît perfectible dans son déroulement de pensée, dans son exploration des âmes qui pourrait être allégée.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Je m'en fous
Poétique ?
"Des petits messieurs avec des chapeaux, j’en tue tous les jours." Ca c'est bon parce que c'est une porte sur quelquechose de différents.
Malheureusement le reste n'est qu'une enfilade de clichés tricotés dans un style bien trop plat.
"Des petits messieurs avec des chapeaux, j’en tue tous les jours." Ca c'est bon parce que c'est une porte sur quelquechose de différents.
Malheureusement le reste n'est qu'une enfilade de clichés tricotés dans un style bien trop plat.
Re: Je m'en fous
eh bien personnellement j'ai lu ce texte en m'imaginant être dans "la peau" d'un être non humain qui observe les humains dans ce qu'ils ont de plus lamentable
comme si la narratrice n'était pas réelle mais venue d'ailleurs, envoyée là par l'être suprême et créateur pour lui rapporter ce que deviennent ses créatures
et donc j'ai bien aimé
;-)
heureux de ton "retour", Kash
comme si la narratrice n'était pas réelle mais venue d'ailleurs, envoyée là par l'être suprême et créateur pour lui rapporter ce que deviennent ses créatures
et donc j'ai bien aimé
;-)
heureux de ton "retour", Kash
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