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LOISEAU : Le petit Loiseau va sortir

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LOISEAU : Le petit Loiseau va sortir Empty LOISEAU : Le petit Loiseau va sortir

Message  Loupbleu Ven 19 Mai 2006 - 9:41

Le petit Loiseau va sortir.




La volonté singulière d'un individu n'a qu'une existence
illusoire, elle est de toutes parts immergée dans le jeu infini
et absurde d'une réalité qui la dépasse et finit par la détruire.
Arthur Schopenhauer





1. Matou du matin : chagrin


D'abord, la radio à tout berzingue. Fred Loiseau, la veille au soir, a réglé le volume de son réveil au maximum, en pensant "saloperie de Wanda", mais ça n'a pas suffit. Lardieu est en train de le tirer de son sommeil, il tambourine à la porte en hurlant, comme un malade, comme un voisin :
- C'est pas un peu fini ce bordel ?!
- Et toi et ta perceuse, connard ! Veut lui répondre Fred. Soit, son voisin ne bricole jamais, mais sa mauvaise foi est légitime. Sa rogne pourtant lui reste dans la gorge, comme à l'aube d'un lendemain de cuite...

La radio, toujours à fond, fait taper dans son crâne la rumeur d'un monde chaotique. Mais qu'est-ce qu'ils ont, les gens, à aimer se faire réveiller par les mauvaises nouvelles ? Savoir que tout va mal et que rien ne change, ça doit les aider à se croire encore en vie…

La matin, le monde est toujours flou ; et après, ça ne s'arrange pas forcément. Mais là, en ouvrant l’œil, le temps de focaliser, un peu plus que la moyenne à cause de son léger strabisme, Fred se prend vue plein champ sur une chaussette sale dont le bout trempe dans une tasse de café à moitié pleine. Le liquide noir, par capillarité a grimpé le long du coton blanc. Son cerveau sature de bruit ; il réalise qu'il faut éteindre cette radio d'urgence avant de devenir fou, il pivote pour atteindre le bouton.

- C'est pas un peu fini ce bordel ?!

A ce moment précis le chat Perfide s'élance, toutes griffes dehors, Loiseau s'esquive sur la gauche, le matou le manque - de peu - et atterrit sur l'oreiller. La tasse de jus de chaussette se renverse et le liquide souille les draps, lentement et inexorablement. Con de chat. Saloperie de Wanda.

Il faut s'habiller en quatrième vitesse. La veille, Wanda, sur répondeur, lui a fixé un rendez-vous, proposé une enquête, et ça ne se refuse pas en période de plus-un-sou. Pourquoi personne n'a pensé à buter le journaliste jovial qui vient d'annoncer la hausse du CAC40 ? Le meurtre n'est plus ce qu'il était. Les affaires se font rares.

Le chat Perfide, moqueur, le scrute, jouant du bout de sa patte avec la chaussette à moitié trempée.

- Dis-moi Loiseau, c’est sacrément le bazar ici ! T’as vu cette grosse tâche sur le lit ? Crasseux !
- La faute à qui… Qui a renversé la tasse ? Balourd !
- Et qui l’a laissée traîner ? Dilettante !
- Et qui va faire le ménage ? Feignant !
- Pschhhhttt !… Personne, comme d’habitude !

Et Perfide se marre. Loiseau a bien élaboré plus d'une dizaine de façon de se débarrasser définitivement de l'animal : la défenestration, la machine à laver, le four à micro-onde, et particulièrement le saccage à coups de tatanes, méthode qu'il aime imaginer et dont la seule perspective l'apaise. Mais on ne touche pas à Perfide, c'est cadeau de Wanda. Saloperie de Wanda ! Alors avant de claquer la porte, il met du lait dans une coupelle, hausse les épaules et le laisse dans le capharnaüm.

Fred est déjà en retard, presque huit heures, il dévale l'escalier en trombe en maudissant encore une fois son amie qui lui fixe des rendez-vous si matinaux. A côté de ses pompes. Et pire, sans chaussettes.

Au passage, il manque de renverser madame Dubreuil. C'est l'heure où la vieille dame part remplir son cabas de poireaux afin de mijoter la soupe fabuleuse dont elle donne souvent une portion à son voisin ; « C’est qu’à mon âge, on n’a plus autant d’appétit… » ; et Loiseau lui pardonne volontiers de ne jamais se souvenir exactement des noms. Elle l’interpelle au passage :

- Bonjour monsieur Loisieux ! Vous êtes déjà debout ? Dites-moi vous avez entendu ce raffut, vous savez qui met sa radio si fort ? Ca n'est pas supportable, non vraiment, on a pas idée...

Loiseau n'a pas le temps d'engager la conversation, mais du bas de l'escalier, il lui lance :

- Ca, madame Dubreuil, c'est encore monsieur Lardieu !
- Oh, encore ce monsieur Lodieux ...

Un sourire arraché au matin. C'est toujours ça. Ca ne dure pas. A peine le nez dehors, Loiseau se gèle les orteils : il pleut, il fait froid, et ce printemps n'arrive pas.




2. Mohammed a lu


- T'en fais une tête Loiseau, t'as le bec dans le cirage ?

Fred n'entend même pas Raoult qui chambre entre deux lapées de petit blanc, parce que ce n’est pas encore l’heure du pastis ; il attend son café, la tête en vrac, accoudé au comptoir du "trompe l’œil". La compagnie d'un chat qui veut vous tuer doit quand même être une chose assez désagréable pour préférer celle des soûlards du matin.

- Ben Loiseau, tu dis rien, qu'est-ce t'as ? Tu t'es trouvé une petite qui t'a épuisé pendant la nuit ou quoi ?
- La pute !

C'est Hassan qui de son coin, s'est exclamé, Loiseau ne l'écoute pas, il se décille à la caféine en reluquant un croissant. Mais Raoult ne s'en est pas aperçu, il pense que c'est Fred qui a répondu, et il en est sur le point d'en recracher son ballon de blanc.

- Une pute ? T'as de quoi te taper une pute toute une nuit, Fred ? Eh ben, monsieur a les moyens ! Tu l'as trouvée où ? T'as touché le tiercé Loiseau ou quoi ?

Fred vide son café, se brûle la gorge, renonce au croissant ; il ne daigne pas répondre, il sait bien que quand Raoult est dans cet état, ce n'est pas la peine de discuter. D'ailleurs, on ne se souvient plus de l'avoir vu à jeun, depuis que sa femme l'a quitté. Parce qu'il buvait trop. Raoult le regarde, se rend compte qu'à l'évidence, c'est pas lui qui a répondu, que c'est Hassan. Il se tourne :

- Eh, Hassan, comment tu sais qu'il s'est tapé une pute cette nuit ?
- La pute ! Là, dans le journal, regarde.

Raoult se rapproche, comprend sa méprise, et se penche lui aussi sur le Parisien qui titre, racoleur : "Manifestation des prostituées dans la capitale", et en plus petit, "Elles descendent du trottoir !", le tout avec photo pleine page.

- Pourquoi qu'ils leur ont mis un bandeau sur les yeux ?
- Eh, c'est pas la tête qu'est intéressant, non ? répond Hassan en gloussant.
- J'parie que tu t'en es tapé au moins la moitié, toi, mon cochon ! Hé, tire pas la gueule, j'te connais, paraît que tu passes rue Blondel toutes les aprems ! Mon cochon...
- J'vais pas aux putes d'abord si tu veux savoir et... J'te... J'te permets pas de m'appeler "mon cochon". Raciste, sale raciste !
- Eh, dis-moi, le Mohammed, tu baises dans le halal au moins ?

Hassan, serre le poing, il devient rouge, semble chaud pour remettre en jeu sa ceinture de champion du monde de boxe de comptoir. A gauche, Hassan, un mètre quatre-vingt six de muscle, à droite, Raoult, un mètre soixante-cinq d'ivrognerie...

Loiseau a laissé derrière lui l'époque où il se cognait dans les bars ; il y a vu trop de détresses, trop de connards aussi, maintenant il goûte, impassible, l'amertume de ces chaussettes qui lui atterrissent dans le café.

C'est le moment opportun que choisit Wanda pour entrer dans le bar, se caler entre les deux opposants comme un arbitre sanctionnant pour coup bas, ce qui suspend pour un moment l'atmosphère électrique. Fred en oublie de lui passer le savon qu'il s'était promis pour ce rendez-vous trop matinal.

- Bonjour mon mignon. Dis, t'aurais pu te raser, pour une fois que je te vais te présenter une dame !
- Une dame ? Quelle dame ? demande Raoult, qui se mêle de tout ce matin, et se recommande un blanc.
- Elle arrive ! Dans cinq minutes !




3. Camille claudique.


- Fred, faudra penser à ranger chez toi pour recevoir les clientes. Ca fait pas classe ici. Ton copain qui pue le vin...
- C'est pas mon copain.

Alors que Loiseau et Wanda isolés à une table discutent, une femme entre d'un pas hésitant. Perchée sur ses talons comme un serin maladroit, elle pousse difficilement la porte battante. Raoult s'est précipité pour lui ouvrir, jouer son joli cœur, il la dévisage, et retourne à son comptoir, déçu.

Camille a un corps décharné, un visage marqué et osseux, les yeux cernés, le visage pâle couvert d'un sombre maquillage maladroit. Elle est habillée en gris muraille et pose son sac sur ses genoux en s'asseyant, comme un fantôme.

- Je te présente Camille. C'est une de mes clientes. Elle a des problèmes de couple. N'est-ce pas Camille ?
- C'est à dire que... Oui.
- Elle a besoin de toi. Faut que tu photographies son mari avec sa poule. Tu comprends, le divorce ... Je lui ai tiré les cartes, c'est positif Fred, mais il faut qu'elle règle cette affaire d'abord.
- Les cartes, c'est ça... grogne Loiseau à mi-voix, sardonique.

Camille qui ne l'entend pas marmonner fouille dans son sac, timide, nerveuse, elle en sort une enveloppe froissée, la garde à la main, la pose sur la table, sort une cigarette, va pour gratter une allumette qu'elle foire, et marmonne un faible merci à Loiseau qui lui tend son briquet.

- Donne-lui l'enveloppe Camille. C'est la photo de son mari, avec les indications. Et là, l'adresse du café où se rendent les tourtereaux. Fred n'a pas l'air, mais c'est un bon détective, ne t'inquiète pas Camille, il a l'habitude.
- J'ai pas l'air, c'est ça...

Et Wanda qui a parfaitement entendu fait l'air de rien. Certes, ce n'est pas elle qui le branchera sur le mystère de la chambre jaune, l'affaire du train postal ou les frégates de Taïwan... Mais Loiseau ne s'habitue pas à la détresse du quotidien, à la médiocrité ordinaire de déboires conjugaux.

- Regarde, Fred.

Loiseau réticent jette un oeil à la photo, tâte l'enveloppe tandis que Wanda raccompagne Camille à la porte du café en lui tenant le bras. Démarche chancelante, Camille boîte légèrement. Les femmes échangent encore quelques mots, puis Fred voit disparaître la cliente, qui n'a presque pas dit un mot mais qui l'a accablé.

Loiseau fait la tête des mauvais jours. Il a déchiré l'enveloppe sur la table. Wanda lui fait ses yeux caressants :

- Alors t'es content ? Tu me dis pas merci ?
- Le fric ? Y'a pas d'avance ?
- Fred, tu peux avoir confiance. C'est une cliente. Une bonne cliente à moi.

Fred grogne, n'ose pas trop lui avouer qu'il n'a plus un rond et qu'une avance aurait été la bienvenue. Wanda l'ignore, se commande un chocolat.

- Wanda, c'est quoi encore cette histoire ?
- Ecoute, tu as juste à prendre une photo des deux qui se bisouillent. Ca devrait être à ta portée ?
- Parce que tu sais moi, les adultères, ça commence à me gonfler sec. Surtout pas payé ! Une cliente à toi ... Elle a pas l'air au top la nana ! T'as pas honte d'exploiter la misère des gens ?
- Et toi gros malin, tu crois que tu fais quoi ? Hein ?
- Moi c'est pas pareil !
- Tu fouilles la merde Loiseau, c'est tout ! Pis j'en ai assez des leçons de morale d'un détective minable comme toi ! Regarde-toi, t'as même pas de chaussettes !

La vache, c'est qu'elle a l’œil, Wanda.

- C'est pas pareil j'te dis ! Moi j'écris ! Moi, je suis un écrivain, je suis un artiste ! Faudra que tu comprennes ça un jour ! Un artiste ...
- Ah oui, et je le vois quand ton manuscrit ? Gros malin !

Elle a visé juste, il ne répond pas, et finit par se rendre compte que son silence signifie qu'il accepte le boulot.

- Et pour les photos ?
- Ben quoi ?
- J'ai plus d'appareil. Je fais comment pour les photos ? Tu me prêtes le tien ?
- Ah, j'te jure... Bon, d'accord, on passe chez moi, je te prête le mien. Et tire pas cette trombine ! Je pense à toi ! Elle t'a pas dit ce qu'il faisait son mari ?
- Un mec important ? Un PDG ? Un ministre ? Eh, ça se trouve, je faire sauter la cinquième république à moi tout seul, ironise Fred.
- Il est éditeur !


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Message  Loupbleu Ven 19 Mai 2006 - 9:43

4. Premiers boutons.


- Fais-moi une photo ! Attends, je me prépare.
Wanda s'éloigne vers le coin de sa caravane qui fait office de salle de bains. Loiseau force la voix :
- Ca marche comment ce truc ? J'y connais rien aux numériques !
- Attends un peu je me prépare !
- C'est quoi ces boutons partout ?
- Bouge pas, je te montre !

Loiseau s'assoit sur un vieux pouf récupéré aux puces recouvert d'un tissu bariolé. Il y a du bibelot et de la camelote dans tous les coins, pas d'un goût exquis, mais il y a pas à dire : c'est rangé, tout a sa place. Des années que la caravane de Nanterre est décorée à l'identique. Il a déjà essayé de déplacer la Sainte Vierge phosphorescente (souvenir de Lourdes) du dessus de la télé, dès le lendemain, elle avait retrouvé sa place, comme par miracle.

- C'est quoi, c'est carnaval ?

Wanda y est allée fort sur le maquillage, et ses cheveux sont retenus par un foulard de bohémienne.

- Ben quoi ? Monsieur est devenu critique de mode ? Allez, au lieu de discuter, t'appuies sur le bouton. Et après on regarde sur l'ordinateur.
- Faut un ordinateur ?
- Ben oui, gros bêta.
- Et comment je fais, j'ai pas d'ordinateur !

Quelle vacherie cet appareil, d'abord, il faudrait commencer à miniaturiser les doigts avant de faire des boutons aussi minuscules, et puis passer un diplôme pour réussir à comprendre le mode d'emploi. Il y a un petit écran pour voir les photos qu'on a prises, mais pour les tirages, il faudra repasser chez Wanda. Le tirage chez Wanda, l'idée de faire un bon mot le fait sourire, mais il n'ose pas la vanne graveleuse, de peur de se prendre une baffe.

- J'y vais, lance Loiseau
- Tu passes ce soir ?
- Je sais pas.
- Sois prudent !
- T'inquiète, je ferai gaffe à pas me coincer le doigt dans l'objectif.

Une bouffée de l'air pollué de Nanterre, puis un coup d’œil sur les deux tours aux fenêtres en forme de larme, comme à chaque fois qu'il sort de la caravane. Ce sont peut-être pour ces larmes-là qu'il revient toujours et qu'il ne reste jamais.

Dehors ça caille. Ca n'a même pas commencé à bourgeonner. Encore que c'est plus une intuition qu'une constatation : Ici, les pissenlits ne poussent pas entre les pavés. Même les parcmètres qu'on y avait plantés ont fini par se faire déraciner, remplacés par une machine à tickets, preuve définitive que le microclimat n'est pas favorable.

Un fois dans le métro, Loiseau ressort la photo de sa poche. Plutôt bel homme l'éditeur, grisonnant, costard col Mao, mèche permanentée, mâchoire à la Bernard Tapie, assez de raisons objectives pour en faire une tête à claques. Il devrait se trouver vers seize heures au café Bonaparte, refuge des intellos rive gauche depuis que le Flore est devenu trop connu des touristes. Il n'est que midi...

Le temps de se poser dans un café, d'écrire, enfin écrire. C'est pas tous les jours qu'on a rendez-vous avec un éditeur ! Quatre heures pour rédiger l’œuvre d'une vie. Le prix des cafés dans le quartier latin sont prohibitifs et s'installer sans consommer est impensable. Reste les vendeurs de kebab et leur petites salles avec leurs tables recouvertes de graisse. Tant pis, ça sera un roman bon marché. Et quatre heures devant soi : une vie.




5 Photos autres


A seize heures moins cinq, Loiseau, qui n'a pas écrit une ligne, a passé son temps à regarder le cône d'agneau se faire tailler avec dextérité, et puis quelques jolies clientes qui passaient, touristes, parisienne, étudiantes, pour conclure que d'où qu'elles viennent, les filles sont belles, et qu'une telle banalité, ça ne méritait pas d'être écrit. Chanté, au mieux.

Il descend la rue Saint-André-des-Arts, étroite et bondée, elle donnerait presque l'impression que cette après-midi n'est pas si froide. Fred marche sans se presser, s'arrête un moment dans une boutique pour y suivre une jolie fille qui a déjà osé la jupe courte, et l'abandonne à regrets alors qu'elle regarde des affiches de film.

A seize heures et quart, lorsqu'il arrive devant le café Bonaparte, il y a un invraisemblable rassemblement d'une centaine de jeunes. Il n'y fait pas attention. Drôle d'endroit pour manifester !

Il ne fait pas assez chaud pour que les clients du Bonapartre se soient installés en terrasse. Ignorant l'attroupement, Fred sort son appareil et scrute la devanture du café. Ca y est, il les a repérés, juste derrière la vitre, l'homme est accompagné d'une femme brune, chignon et tailleur. Il n'arrive pas bien à distinguer, cherche un angle de vue. Il entrerait bien dans le café, mais vu les tarifs pratiqués, il se fera virer dans la minute et repérer illico.

Loiseau se perche sur une borne pour prendre de la hauteur, sort l'appareil, colle bêtement l’œil au viseur, se rappelle comment ça marche, et part pour une photo acrobatique. Noir. Il a oublié le capuchon. Il le retire, jure. Et maintenant, une banderole vient lui cacher la vue ! Merde.

- Vous êtes des RG ?

Un jeune homme en costume sombre, le cou serré par une cravate, le visage adipeux rougi par l’excitation se présente devant lui.

- Je voulais vous demander monsieur... Vous allez nous mettre en fiches ?
- Hein ? Vous êtes qui ?
- Je me présente : Edouard de Courcelles. Vous, vous êtes bien le gars des RG, n'est-ce pas ? Vous n'allez pas nous ficher quand même ? Vous savez, on est de votre côté !
- De quel côté ?

Le jeune reste muet, la sueur coule un peu sur son col de chemise. Loiseau regarde aux alentours, les manifestants regroupés lui bouchent maintenant complètement la vue, et il peut lire incrédule leur slogan : « Halte aux manifestations ».

- Vous voyez, on est de votre côté. Y en a assez des manifs de tout, des étudiants, des chômeurs, des syndicats, même des prostituées vous avez vu ?
- Excusez-moi mais moi je travaille.
- Je sais, je sais. Mais nous c'est pas pareil.
- Ah...
- On en a assez des feignants qui manifestent parce qu'ils veulent pas travailler. Je suis sûr que vous êtes d'accord.
- ...
- Aux RG, je suis sûr aussi que vous préférez faire du travail utile plutôt que perdre du temps dans les manifs, n'est-ce pas ?…
- Utile ?
- Pour la France !
- Ah !…

Les mains du jeunes se tortillent, et une fille portant un serre-tête en velours bleu pâle lui tire la manche pour lui signaler que la manifestation va se mettre en marche, et comme il ne réagit pas, elle lui prend la main.

- Vous venez Edouard, nous retournons à Assas. A qui parlez-vous ?
- Ce monsieur travaille pour les renseignements généraux et je lui disais que ça n'était pas la peine de nous ficher...
- Une fiche ? Mon dieu, quelle horreur !
- ... ni de prendre des photos.
- Vous êtes ensemble ? questionne Loiseau. Souriez !

Fred ne résiste pas à la tentation, il appuie sur le bouton.

- Donnez-le moi, donnez-le moi ! Mais enfin, vous ne savez pas qui je suis ? Vous savez, mon père est influent, et ... Donnez-le moi, vous... vous avez pas le droit !

Le gamin s'excite, saute en l'air, piaille de façon lamentable, essayant d'atteindre l'appareil que Loiseau, du haut de sa borne tient hors de portée. Sa façon grotesque foutrait presque la trouille. La fille finit par le convaincre :

- Venez, vous devenez ridicule !
- Allez, c'est pas grave qu'on vous voit ensemble, lance Loiseau, c'est de votre âge de vous tripoter un peu non ?

Pas de réponse, ils ont tourné le dos, s'en vont. C'est bon d'être con, parfois. Mais étrangement, la situation ne réussit pas à le faire complètement rire.

Le temps de reprendre ses esprits : panique ! L'éditeur et la femme sont déjà en train de quitter le café, Loiseau a juste eu le temps de prendre deux ou trois clichés à travers la vitre. Il va pour les suivre, mais en sortant, ils hèlent un taxi qui les attend. Raté.

Sur le petit écran de l'appareil photo, on ne voit quasiment rien. L'homme est à moitié de dos. Rien, sauf le visage de la femme, ses yeux et les éclairs qu’ils lancent. Wanda a le même regard, quand elle est en colère après lui, et quand ils font l'amour.




6 Soupe à la grimace


- Wanda, tu te fous de ma gueule ?
- Pardon ?

Loiseau tient dans la main gauche le tract froissé qu'il a trouvé dans sa boîte à lettres en rentrant chez lui : "Wanda, voyante-cartomancienne", et illustré de la photo qu'il a prise le matin même. La tonalité met fin à une de ces habituelles disputes, Wanda sait abréger les conversations avant qu'elles ne dégénèrent complètement. Mais pour la rejoindre ce soir, c'est raté.

Depuis une semaine, Fred lui propose un boulot, un vrai : serveuse, et dans un bar très correct en plus. Mais madame préfère garder son job d'arnaqueuse à gogos, comme elle s'obstine à rester dans la caravane de Nanterre. Son obstination le met hors de lui, et surtout les prétextes qu'elle prend, jusqu'à lui prétendre qu'elle y croit à ces fumisteries divinatoires. Si l'avenir était dans les cartes, ils devraient déjà être tous les deux riches et célèbres. Et mariés. Au lieu de ça, Wanda se fait imprimer des tracts...

Le chat parti prudemment se planquer quelque part pendant la conversation pointe son nez comme toujours opportunément à l'heure de la pâtée. Fred se dirige vers le placard, en sort une boîte et se met en quête de l'ouvre-boîtes ?

- Loiseau, tu retrouves l'ouvre-boîtes, ou je te bouffe !
- Tu pourrais pas me lâcher et t'attaquer plutôt à un pigeon ?
- Qu'est-ce que tu crois que j'fais !
- Comment ça, tu me traites de pigeon ?
- Pardon, c'est vrai que môssieur es un GRAND détective !

Et Perfide se marre. Après dix bonnes minutes de recherche parmi le fatras, suivi par un matou affamé et griffu qui s'accroche à ses mollets, il finit par mettre la main dessus : l'ouvre-boîtes était rangé dans le tiroir.

- Ah, ben tu vois qu'il était à sa place !
- Bravo le détective, ça te fait au moins une affaire de résolue.
- Encore une comme ça le chat, et je te préviens tu passes au micro-onde !

C'est vrai que lui aussi, il sent que son ventre gargouille. Mais il n'a trouvé qu'un bout de pain rassis. Le "trompe l’œil" est fermé, et les commerçants de la rue ne lui font plus crédit. Il y aurait bien une solution : Son regard se bloque sur la boîte de pâté trois étoiles. Ca a presque l'air appétissant. Ca doit pouvoir se tartiner... Mais la simple idée de manger la même chose que ce con de chat, ça le dégoûte vraiment trop.

Puis lui vient une idée géniale : madame Dubreuil ! Elle faisait ses courses ce matin, elle a dû préparer une soupe. C'est pas dans son genre de quémander, mais peut-être qu'une visite de courtoisie serait opportune... Loiseau l'aime bien, la vieille dame. Mais qu'est-ce qu'il sait d'elle ? Est-ce qu'il va la voir comme ça, à l'improviste, pour prendre des nouvelles, sans raison, sans envie de soupe ? Il se sent nul. Le ventre commande et le besoin avilit.

Il descend un étage, frappe chez sa voisine, son estomac gargouille par anticipation, il lui semble respirer les effluves derrière la porte. Rien. Il frappe encore une fois. Pas de réponse. Silence, même en tendant l'oreille, pas la télé. Peut-être qu'elle dort déjà ? Il hésite, va pour renoncer, revient sur ses pas et cette fois frappe une troisième fois plus fort. Il n'y a personne. La vieille dame dort peut-être déjà. Ou elle est sortie ?

De retour chez lui, grignotant du pain sec, et ayant renoncé à faire rôtir Perfide, Loiseau se lance dans l'écriture. Mais son esprit dérive, et il repense à l'éditeur. Etrange qu'il se soit marié avec une femme aussi terne que Camille. Peut-être qu'elle avait du fric ? Et puis où ça va se nicher, parfois, le désir... Il jette un coup d’œil à ses photos du jour, ratées, et même devant celle du jeune couple de bourgeois, son sourire est grimaçant.

Puis il se reconcentre sur la page blanche. C'est un peu l'occasion... Comment commencer ? Oui, Perfide, ce matin qui a renversé du café sur son lit... Ca ferait un bon début ? Mais l'inspiration est difficile quand la faim tenaille. Il s'allonge, juste pour une minute sur le sofa avant de s'y mettre sérieusement, ferme les yeux en recherche d'inspiration, et il s'endort.


Dernière édition par le Ven 19 Mai 2006 - 9:49, édité 1 fois
Loupbleu
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Message  Loupbleu Ven 19 Mai 2006 - 9:44

7 Mafia-vous des contrefaçons


Loiseau vient de faire un rêve fascinant. L'histoire ressemble diablement à un scénario que Besson et Spielberg vont se disputer. Tout juste réveillé, il garde les yeux fermés, se recroqueville pour éviter le chat qui va encore lui sauter dessus, mais rien. Il se redresse avec précaution, s'assoit sur la banquette, remarque Perfide ronflant dans un coin. Le rêve a disparu. Con de chat !

En se concentrant, le rêve lui revient comme une vague : il démantelait tout un réseau de prostitution mafieux. Il va pour écrire "réseau de prostitution mafieux", et finalement, rien d'autre ne lui vient. Un rêve banal, à vous dégoûter de dormir.

En descendant l'escalier, se rappelant la veille, Loiseau s'arrête en passant frapper à la porte de madame Dubreuil. Toujours pas de réponse. Où peut-elle bien être ? Ca ne veut rien dire, elle est sans doute allée faire des courses, ou s'est arrêtée pour discuter avec une amie. Partie voir de la famille ? Elle n'en n'a pas à sa connaissance, et les vieilles dames sont généralement disertes à ce sujet quand elles ne parlent pas de rhumatisme. Madame Dubreuil ne doit pas non plus avoir de rhumatisme... Un mystère ! Promis, il faudra qu'il prenne le temps de discuter avec elle, pour de vrai. Même sans soupe.

Quand Loiseau arrive au café, la tête ailleurs, encore enfariné, mais cette fois avec de grosses chaussettes d'hiver qui cachent les griffures que Perfide lui a fait la veille au soir, il se fait saluer par un tonitruant :

- Tiens v'la le Héros !

Rapidement, un attroupement se fait autour de lui, ils sont cinq ou six, Rodolphe qu'il embrasse au passage, Hassan et Raoult réconciliés pour l'occasion.

- Alors raconte !
- Cachottier !
- Ben si on avait su ! Patron, vous lui offrez le coup !

Fred encore dans le brouillard ne comprend rien, mais il meurt de faim, il part pour un double-café et trois croissants, pendant que les autres s'agitent, l'interrogent, et il ne prononce pas un mot. Il faut dire que tous leurs babillages restent assez insondables...

Enfin, Hassan brandit le journal :

- Ecoutez ça ! "C'est un détective privé qui, damant le pion à la police judiciaire, est à l'origine du démantèlement avant-hier d'un réseau de prostitution mafieux qui sévissait depuis peu dans le douzième arrondissement."
- Alors là, chapeau, nous on te prenait pour un petit détective minable, on peut dire que tu caches bien ton jeu !

Loiseau ne sent plus ses jambes. Depuis quand les potes de comptoir sont-ils au courant de ce qu'il a rêvé ? Wanda lui avait expliqué un jour sa théorie farfelue des intuitions prémonitoire... Non, il trouve l'explication : il a simplement entendu la nouvelle à la radio et que ça a déclenché son rêve.

Pourtant, il choisit de ne rien dire, il écoute, prend des airs mystérieux. Un peu d'opportunisme, si ça tient jusqu'à midi, il aura peut-être aussi le casse-croûte gratis... Et surtout, il goûte cet enthousiasme débridé et enfantin de soûlards qui reviennent à leurs dix ans, et voit dans leurs yeux passer le souvenir de leurs espoirs de gamins, lorsqu'ils se prenaient pour Goldorak et qu'ils pensaient encore que la vie, peut-être, serait chouette avec eux.

- Eh, et alors la fille qu'on a vue passer au bar, là ? Camille qu'elle s'appelait c'est ça ? C'est qui ? Une souteneuse ? Une chef de réseau ? demande Raoult très intéressé. Elle avait l'air louche !

Loiseau s'en tire en mettant son index devant la bouche, tout en se dégoûtant un peu de se la jouer de cette façon. Il faut qu'il s'en aille.

- Encore bravo l'artiste, mais tu nous dois tous les détails !
- C'est le secret de l'instruction ! déclare Raoult
- Secret de l'instruction, n'importe quoi, lui ! répond Hassan. De l'instruction, si t'en avais ça se saurait !
- Salut le héros ! Tu pars faire coffrer Al Capone ?

Non. Juste un couple illégitime qu'il arrive même pas à photographier. Al Capone...Tiens, et son ami Al, son indic. préféré, injoignable ! Parti je ne-sais-où faire un reportage sur je-ne-sais-quoi... A vrai dire, il pourrait lui demander quoi ?

Si ! Peut-être, une adresse. Mais Fred a de quoi se réjouir : Al est absent, mais dans l'annuaire, il a déchiré l'adresse de la maison d'édition, et il compte y arriver un peu avant seize heures.




8 L'enfer, c'est les notes.


Cinq minutes après que l'éditeur soit sorti de sa boutique, Loiseau va pour y rentrer, dans sa veste noire et sa cravate sombre, passés pour l'occasion. Il a choisi ce qu'il y avait de plus discret, en fait il n'a pas tellement choisi, il a pris son costume sombre, le seul qu’il possède, un peu élimé, mais suffisamment passe-partout. Et sa seule cravate noire. Mais aujourd'hui, il a des chaussettes. Des chaussettes, et pas de slip, mais ça, au moins, ça ne se voit pas.

Il tient précautionneusement sous son bras un classeur contenant son manuscrit. Il fait de son mieux pour ressembler à un écrivain, un port de menton plus relevé, des petites manières, n'importe quoi pour donner le change quand on transporte une centaine de pages blanches dans un classeur rouge défraîchi.

Sa vue tombe sur l'inscription gravée sur la porte en verre : Editions Maillard, ouvrages érotiques. Il reste là, figé, mais le regard clair de la fille assise au bureau à l'intérieur du magasin le sort de ses pensées et le force à entrer. Il ne peut plus reculer.

La fille, jeune et mince, longs cheveux blonds bouclés porte de petites lunettes à monture de fer, et elle a devant elle un livre ouvert. Tout autour d'elle, la bibliothèque est pleine de bouquins dont il voit la tranche, ornée d'angelots dorés, de nymphes dénudées, de personnages en diverses positions du kamasutra, baisant jusqu'à l’écœurement. Et en grand juste au dessus de la fille, une collection reliée en rouge titre "L'enfer".

La lecture de la fille ne fait pas naître sur ses joues pâles le moindre soupçon de roseur, elle a même un sourire désarmant, Loiseau, qui pourtant en a vu, s'en trouve impressionné.

- Je suis ... Je suis écrivain et je cherche monsieur Maillard. C'est pour mon manuscrit...
- Je suis désolée, il vient juste de partir.
- C'est extrêmement urgent. Je dois le lui remettre absolument ce soir.

La fille le détaille de bas en haut, elle hausse les épaules et remet le nez dans son bouquin, toujours aussi impassible, prenant même des notes dans la marge. Elle écrit quoi, un truc genre "position à tester ce soir" ?

- On se croirait dans un rêve érotique de curé, relance Loiseau.
La fille rit, c'est positif...
- En tous cas, s'il y a des jolies filles comme vous en enfer, je signe tout de suite !
- L'enfer, c'est le nom de la partie de la bibliothèque nationale réservée aux livres censurés. Vous savez, sans les censeurs, la plupart de ces livres seraient perdus. Vous ne trouvez pas ça curieux ?
- Curieux ?
- Que ce soient les censeurs qui aient conservés ces livres ? Votre roman va être censuré vous croyez ?
- ...
- Faîtes pas cette tête, j'ai l'habitude d'en voir des écrivains dans votre genre. Vous êtes même plutôt normal. A part la cravate peut-être.

Fred se penche, et voit le titre du livre : "le monde comme volonté et comme représentation", de Schopenhauer. Le kamasutra de la pensée germanique, probablement. La fille doit être une étudiante en philo qui s'est trouvé un emploi à mi-temps...

- Je suis monsieur Loiseau.
- C'est votre nom de plume ?
Elle a de la répartie. Et elle ajoute :
- Enchanté, je suis Justine.

Ca, c'est prédestiné. Ou alors c'est e vieux cochon d'éditeur qui a trouvé la référence sadienne amusante et qui l'a embauchée, probablement dans l'espoir de la débaucher...

- Je suis vraiment ennuyé. Vous ne pourriez pas me donnez son adresse personnelle ?
- Je ne peux pas, désolée.
- S'il vous plait ...
- En échange de quoi ?
- Je vous donne la mienne !
La fille se met encore à rire et répond un franc :
- Ah ça non merci !, très décevant.
Son regard se dirige vers un papier à en tête qui traîne sur le bureau.
- Ecoutez, c'est marqué ici ... Mais je ne vous ai rien dit, on est d'accord ?

Fred note rapidement l'adresse. Il a du mal à se résoudre à l'échec cuisant qu'il vient de subir avec cette fille :

- Vous aimez pas ma cravate ?
La fille se met à rire, encore une fois.
- La cravate ... Non ça va ! Mais l'auteur le plus pervers que j'ai vu passer, vous savez quoi, il est arrivé en nœud papillon !
- C'est toujours des histoires de nœuds !
- Je vous dirai quand j'aurai lu votre roman...

Fred sort sans lui répondre, c'est qu'elle n'a pas l'air de se laisser faire et aussi, à ce stade, ça serait fâcheux qu'on remarque son absence de slip.




9 Sévices secrets


Ne pas prendre le métro, c'est de l'économie à la petite semaine : on perd en godasses ce qu'on gagne en tickets, et traverser la moitié de Paris à pied ça creuse, surtout quand on est passé devant une bonne dizaine de marchands de crêpes... Loiseau finit la sienne en arrivant devant chez Maillard, et jette le papier gras sur le trottoir reluisant du huitième arrondissement, vengeance sociale certes mesquine mais jouissive ; pourtant personne ne le voit, même pas le flic en faction devant l'immeuble d'à côté qui regarde ailleurs.

Au bout de quelques minutes à peine, un taxi s'arrête, Maillard et la femme en descendent et rentrent au numéro 36. Comme ça. Sans que Fred ait eu le temps de prendre l'attitude du détective en planque, ni qu'il se remette d'avoir été frappé d'intuition. Ce n'est pas le moment d'allumer un cierge à Saint-Augustin, pour remercier le seigneur qu'un couple illégitime se rende au domicile conjugal...

On n'entre pas comme ça dans un immeuble parisien : généralement il y a un code avant d'arriver à l'interphone, un autre code pour accéder à la cour intérieure, et au bout peut-être une porte blindée. Et alors ?

Ce n'est pas un jour de gloire, mais ça a l'air d'être un jour de chance : Fred le reconnaît au premier coup d’œil et se dirige vers lui : le jeune Edouard de Courcelle.

- Alors, on est pas en manif aujourd'hui ?
- Je vous reconnais ! Vous ...
- Ecoute petit, j'ai pas le temps. J'ai une mission importante. Tu es prêt à faire quelque chose pour la France ?
- Pour la .. Mais ... Faire quoi ?
- J'ai besoin de rentrer dans cet immeuble.
- Mais ... Mais pourquoi ? C'est chez moi...
- Dans ton immeuble, pas chez toi.
- C'est ... important ?
- Secret défense.
Edouard lève les sourcils, fait un "Ah", sans réussir à faire sortir aucun son et puis s'éponge le front avec sa paume en se grattant les cheveux. Fred se penche vers lui :
- Je suis sur la piste de quelqu'un de recherché. Terrorisme international. Très recherché. Tu vois qui je veux dire ? Faut agir tout de suite, pas le temps d'appeler les collègue en renfort. Je sais pas si tu vas être à la hauteur.
- Si, si
- Laisses tomber, tu trembles de partout !
- C'est que .. J'ai pas l'habitude, moi... Je .. Je veux bien essayer.
- OK, je te laisse ta chance, je te préviens, si tu déconnes je te laisse dans la merde.
- Je .. Je suis d'accord monsieur...

Le jeune doit s'y reprendre à deux fois pour composer le code, il sue. Il passe le premier hall en glaces et marbre blanc, ouvre le verrou trois points de la porte de la cour. Fred a eu le temps de jeter un coup d’œil au boîtes à lettres. C'est presque trop facile.

- Tu vas sonner à la porte. Tu attends qu'on t'ouvre, tu dis que tu t'es planté, et tu te casses. Capito ? Tu vas savoir faire ça ?
Et Fred lui glisse aussi :
- Reste calme surtout. Si tu réussis, je fais noter ça sur ta fiche Interpol.

Loiseau n'a pas pu s'en empêcher. Petite vengeance du destin. C'est que lui aussi, il en a une de fiche ... Ridicule... Quand il y repense ... Mais c'est une autre histoire.

- Bonjour ...
Loiseau se mord la lèvre, juste à regarder la tête du petit jeune qui devait s'attendre à voir un terroriste barbu et se retrouve devant un éditeur -probablement déjà - en slip...
- Ah ! Euh... Désolé je me suis trompé.
Edouard a été impeccable. Fred a eu le temps de glisser discrètement une carte plastifiée pour bloquer le mécanisme de fermeture. Le jeune l'interroge du regard, Loiseau le congédie du menton et reste face à la porte, à moitié incrédule.


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Message  Loupbleu Ven 19 Mai 2006 - 9:45

10 Vol à la tire


Depuis le pallier, l'appartement semble silencieux. Après avoir attendu quelques minutes, pas trop, de peur qu'on le surprenne à épier, Loiseau pousse tout doucement la porte. Après tout, ils ne doivent pas jouer au scrabble. Il tremble un peu, et se sent bien, comme si l'adrénaline augmentait sa densité de vie, comme si l'imminence de l'action lui faisait oublier ses doutes. Le cambriolage fait sans doute autant partie des beaux-arts que des psychothérapies.

Il pénètre dans le salon, désert. Il l'aurait crû baroque, ornementé de bronze et de velours rouges, façon boudoir de Sade : le mobilier est design, le catalogue doit préciser que les formes sont épurées et les lignes saillantes mais l'ensemble fait juste l' impression d'un gris-bleu tristounet. Il aurait aussi bien imaginé des nus accroché aux murs, de Fragonard ou de Klimt, une esthétique de porno -chic, le mauvais goût assumé d’un chandelier en forme de verge. Au mur c'est un monochrome qui est accroché.

Il s'approche délicatement d'un guéridon en verre. Quelque chose a attiré son attention. Il trouve un porte monnaie, quelques billets, les saisit, va pour les reposer, et se décide à en prendre la moitié, une cinquantaine d'euros. C'est pas à son âge qu'il va commencer une carrière de voleur... Il y a aussi une enveloppe, intrigante, il l'empoche avec les billets, à tout hasard.

Au bout d'un couloir, il y a la porte d'une chambre, d'où il entend venir de faibles halètements. Il sort son appareil photo sans un bruit ; s'approche ; retient sa respiration, son cœur bat trop fort. Il s'aperçoit que la situation l'excite, et de façon inopportune, il bande. Calme-toi Fred, calme-toi ! Pense à quelque chose de moche.

Le bruit de plaisir s'amplifie. Il faut agir avant la jouissance. D'une main il pousse la porte, tenant l'appareil de l'autre. La pièce est obscure, éclairée par une petite lampe de chevet, et venant de l'extérieur, aveuglé, Fred ne voit presque rien. Alors il flashe au hasard, comme il peut, une fois, deux fois, trois fois ...

L'éditeur se redresse en jurant. En panique, Fred fait marche arrière, manque de tomber, se rattrape au mur du couloir. Vite, la porte. Il sent qu'on le suit, l'homme râle, la femme pousse de petits cris effrayés.

Pas possible d'attendre l'ascenseur ; il essaie d'ouvrir deux portes avant de trouver celle de l'escalier et s'y engouffre.. En dévalant les marches, il entend des bruits derrière lui. Il se cogne à la porte d'entrée, met un temps pas possible à trouver le bouton de la de la sortie, et enfin, au bout d'une centaine de mètres sur le trottoir, essoufflé, il se rassure : aucun mec à poil n'est en train de le poursuivre dans le quartier le plus chic de Paris.

L'adrénaline retombe doucement dans le métro. Il laisse passer deux stations pour reprendre son calme. Puis impatient, il sort son appareil et va pour jeter un oeil sur les photos. Mais il y a du monde autour de lui, une fille jolie qui ne le regarde pas et une mère de famille qui l'observe. N'y tenant plus, il descend de la rame, laisse passer les gens, trouve un endroit tranquille pour mater les photos, le premier ne l'est pas suffisamment, il en cherche un autre... Et finalement, il ne trouve pour se réfugier tranquille qu'une petite cabine de photos d'identité au rideau d'entrée orange.

- Bordel !

La première photo n'est pas cadrée, la seconde est floue. Et sur la troisième, on ne voit que l'homme de dos, on aperçoit un bout du visage de la femme recouvert par ses cheveux et son bras qui dépasse. Il est impossible d'identifier quiconque sur ces clichés. Qu'un éditeur de roman érotique manque autant d'imagination pour baiser, ça le fout en rogne. Après tout, il n'y a peut-être que les pornographes pour vous faire croire qu'on en voit davantage, c'est toujours ainsi, le désir se dérobe au spectateur.




11 L'engeance des urgences


- Wanda , faut qu'on parle
- T'es plus fâché Fred ?
- Faut qu'on parle.
- De quoi ? Tu veux que je te tire les cartes ?
- Déconne pas Wanda. Faut que tu me parles de Camille.
- De Camille ?
- Je t'invite au resto si tu veux.
- Passe à la maison Fred !

Et voilà, c’est aussi facile de se fâcher avec Wanda que se réconcilier. Avec l'argent volé à Maillard, il pourra amener une bonne bouteille. Fred se rend bien compte que quelque chose ne va pas dans cette histoire, que probablement encore une fois, Wanda lui raconte des bobards. Mais il sent aussi le besoin de se réconcilier avec elle, de rêver la tête posée sur sa poitrine douce, dans une aspiration plus enfantine que lubrique.

En descendant les escalier, il remarque son voisin Lardieu devant la porte de la vieille dame qui lui lance :

- Tu as vu madame Dubreuil ?
- Elle n'est pas chez elle ?
- Personne ne l'a vu depuis hier.

C'est vraiment étrange. Les deux hommes s'inquiètent, évaluent les possibilités diverses, et pour conclure, Loiseau propose de défoncer la porte de l’appartement. Lardieu l'arrête dans sa course :

- Attend, j'ai les clés !
- Tu les as ?
- Oui !
- Comment ça se fait que tu as les clés ?
- Oui elle me les avait données au cas où...

Loiseau en a la répartie coupée. Ça se trouve, elle lui donne aussi de la soupe, à lui ? Il croyait qu'elle ne l'aimait pas Lardieu, elle en disait toujours du mal, il pensait que c'était lui le petit chouchou de l'immeuble...

Un tour rapide du petit appartement suffit à les convaincre qu'il est vide, et visiblement tout et en ordre : des tapisseries de scène de chasse brodées à la main sur les murs, de vieilles casseroles pendues aux murs de la cuisine, une intégrale de TIno Rossi sur le buffet, et aussi un écran seize neuvième et un ordinateur dernier modèle. Les vieillesse n'est plus ce qu'elle était.

Lardieu et Loiseau se regardent, étonnés pour une fois de ne pas s'engueuler, partageant la même boule au ventre.

- Les urgences ? propose Lardieu
- On y va ! conclut Loiseau.

Une fois dans la salle d'attente, ce n'est pas facile d'avoir le renseignement : un clochard bourré fait un raffut pas possible. Il s'est enfoncé des tessons de bouteilles dans le cul. Il se fait insulter par une femme dont le gosse a plus de quarante de fièvre, et qui utilise des mots orduriers à faire pâlir, des mots que plus personne ne connaît.

Pas de madame Dubreuil dans les registres. Lardieu rentre chez lui, on verra demain. Loiseau le trouve lâche d'abandonner aussi vite les investigations, il reste encore un peu, et puis comme il n'y a rien d'autre à faire, retourne aussi à la maison, très préoccupé.

Wanda a visiblement peu apprécié le lapin, elle a laissé un message sur répondeur. Question vocabulaire, elle rivalise pas mal avec la mégère des urgences. Loiseau s'endort difficilement, sur le dos, la peur au ventre que pendant la nuit Perfide lui plante ses griffes dans les fesses.




12. Elle est confidentielle


Hassan tire la tête des mauvais matins, celle où il regarde les mégots entassés au bas du comptoir depuis que les cendriers y sont interdits. Rodolphe n'arrête pas de répéter "Couillon, c'est pas toi alors ?" et s'obstine sur ce mot, couillon, comme si aucun autre ne pouvait convenir.

- C'est la troisième fois que je vous le répète, j'ai rien dit hier. Vous vous êtes montés la tête, c'est tout. C'est un droit des gens que d'extravaguer.

Fred ne convainc personne. Quand il passe à côté, Raoult lui murmure un "connard", de ceux qui blessent parce que les amis l'approuve par leur silence .Au trompe l’œil, tout passe vite. Les gens raffolent d'événement, mais au fond, ils préfèrent qu'il ne se passe rien, d'ici deux ou trois jours, on en parlera plus.

- Ma voisine a disparu ! lâche Loiseau
- Remets-moi un blanc, vaut mieux ça que d'entendre ...
- Bon ça suffit Raoult, on a compris là je crois !

Rodolphe est un vrai pote, et Hassan se met de son côté : il doit retrouver son ennemi intime, il en a besoin, pour donner sa représentation quotidienne.

- Ma voisine a disparu, relance Fred.
- Quelle voisine ?
- Madame Dubreuil...
- La vioque ?
- Ouais, la vioque.
- Comment ça disparu ?

Loiseau raconte son histoire devant l'auditoire d'abord un peu incrédule, puis intéressé, partageant son inquiétude.

- Si vous entendez quelque chose ..
- T'inquiète Fred, on va la retrouver !
- Eh, dans la mafia russe, ça se trouve y font du trafic de bas à varices ?

La vanne de Hassan tombe encore une fois à plat, sauf pour Raoult que ça fait marrer.

Loiseau, compose le numéro de Wanda. Pas de réponse ce matin, elle est doit être encore fâchée... Il attend cinq minutes, retente sa chance, toujours personne. Tant mieux dans un sens, il ne se sent pas de lui expliquer les événement de la veille.

Retour à sa tasse de café tiède et morose. Cette histoire d'éditeur, de photo ratée, commence à lui peser. L'excitation de la veille est passée, ce matin, il considère juste les événements de la veille avec une sorte d'horreur, ferme les yeux, espère les avoir rêvés.

Il fouille dans sa poche pour régler l'addition. Ses doigts rencontrent l'enveloppe qu'il a pris hier chez Maillard et qu'il avait oublié. Une enveloppe marron en papier kraft, qui porte une étiquette rouge marquée "confidentiel".

Il la considère, retient son souffle : il y a peut-être une explication dans cette enveloppe. Ou un élément qui va tout relancer ? Un trafic d'images pornos avec le Vatican ? Le numéro de téléphone de la mafia russe ? C'est peut-être la dernière occasion de relancer l'affaire minable dans laquelle il s'embourbe....

Il se décide à l'ouvrir, délicatement. A l'intérieur il trouve une feuille comportant deux dizaines d'étiquettes rouges marquées "confidentiel", identiques à celle collée sur l'enveloppe.


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Message  Loupbleu Ven 19 Mai 2006 - 9:46

13 Femmes et infâme


A la maison d'édition, Justine n'est plus là. Mais ils ont quoi les gens à disparaître tous comme ça ? C'est Maillard qui est installé au bureau et qui s'exclame en voyant Fred entrer :

- Ah, monsieur Loiseau, va falloir qu'on s'explique !
- Comment vous connaissez mon nom ?
- Vous êtes Fred Loiseau, vous êtes un pseudo détective minable.
- Eh ! Minable, va falloir se calmer ! Vous croyez que je vais me laisser insulter par un éditeur de porno qui baise à la pépère !
- C'est de la littérature érotique, je vous prie. Et c'est pas interdit que je sache... Bon... Monsieur l'honorable détective Loiseau, je dois vous dire que je commence à en avoir ras le cul de me faire filer ! Sans parler d'hier ... Moi aussi j'ai engagé un détective, qu'est-ce que vous croyez, un bon, lui, et vous êtes pas bien difficile à pister !
- ...
- La veste noire de branquignole, vous portez toujours celle-là ?
- D'accord, on se calme ...

Quitte à discuter chiffon, Fred s'apprêtait à lui faire voir ses pompes en très gros plan : l’idée de s'être fait suivre est vexante, celle de se faire insulter passablement déplaisante, mais
Maillard vient de sortir un revolver du tiroir qui l'incite à plus de diplomatie.

- Va falloir qu'on s'explique ... Qui vous envoie ?
- Votre femme.
- Quelle femme ?
- Camille.
- Camille n'est pas ma femme. Qu'importe ! Elle veut quoi Camille ?
- Une photo de vous et votre maîtresse.

Fred a levé naturellement les mains sans qu'on le lui ai demandé, évalue ses faibles chances de désarmer l'éditeur resté derrière le bureau, et préfère pour le moment considérer qu'il ne bluffe pas.

- Je vais vous dire une chose monsieur Loiseau, Camille est une folle ! Elle passe son temps à me harceler. Vous êtes pas le premier... Il faut la faire enfermer !
- Qu'est-ce qui m'oblige à vous croire ?

Maillard lui tend une enveloppe estampillée "confidentiel", dont Fred, amer, ne peut s'empêcher de reconnaître l'étiquette.

- Voilà, c'est une photo de moi et de la légitime madame Maillard que vous avez vue. Vous pourrez vérifier. Il y a de l'argent dans l'enveloppe. Vous, je ne vous revois plus, et vous faites en sorte que je n'entende plus parler de Camille.

Pourquoi certaines personnes croient-elles que c'est nécessaire de braquer les gens pour leur donner du fric ? Mais l'histoire de Camille ne l'étonne pas vraiment. Wanda a toujours de ces amies, tordues comme la vie...

- Je peux y aller ?
- Dehors !

Fred va pour partir, puis revient sur ses pas :

- Et Camille vous achetait des livres ?
- Pas exactement monsieur Loiseau. Pas exactement. Elle m'a écrit des lettres érotiques tous les jours. Elle a commencé à dérailler quand j'ai refuser de les lui faire publier. N'importe qui ne peut pas devenir écrivain, vous comprenez monsieur Loiseau ?
- Je comprends...




14 net et nénettes


Saloperie de Wanda ! Il faut que je l'appelle ! Fred ne s'en remet pas. Il fixe la photo des époux légitimes, incrédule. Ca doit être plus compliqué que ça cette histoire. Les mecs qui argumentent à coup de flingue sont efficaces mais toujours crédibles. Encore que Maillard devait être à bout, pour lui donner une belle somme, et ça le tire d'un mauvais pas, au moins pour quelque temps.

De retour au bar, Fred a envie de n’importe quoi de fort, d’une liqueur hors d’âge pour se mettre la tête hors du monde. Raoult, encore au bar, discute avec une vieille qu’il reconnaît de suite :

- Madame Dubreuil !
- Monsieux Loisieux, comment allez-vous ?
- Mais vous étiez où madame Dubreuil, il vous est arrivé quoi ?
- C'est moi qui vous l'ai retrouvé ! interrompt Raoult. Eh, l'détective, moi j'prends ta place quand tu veux !
- Oui, oui, c'est ce monsieur... confirme madame Dubreuil. Mais je ne comprends pas pourquoi vous vous inquiétez autant que ça...

La vieille dame a l'air calme, elle sourit légèrement, puis se met à parler à vois plus basse.

- C'est que .. Enfin ça me gêne de vous le dire. Mais j'ai rencontré un monsieur très gentil...
- Un monsieur ?
- Oui un monsieur, vous savez maintenant avec l'internet ...
- L'internet ?
- Il faut être un peu moderne, même à mon âge monsieur Loisieux. Oui, c'est sur l'internet. Et vous savez, je crois que nous allons nous installer ensemble !

Fred garde un silence gêné. Peut-être qu’on a peur de connaître les gens, alors on les voile derrière des clichés.

- Excusez-nous, nous étions inquiets...
- Oh, c'est gentil, mais il ne fallait pas.
- Vous allez quitter l'immeuble alors ?
- Oui, je crois ...
- Je regretterai votre soupe.
- Je vous en apporterai quelque fois si vous voulez !
- Je vous regretterai vous aussi…

Raoult se rapproche, ne se lasse pas de son succès, même s'il est tombé par hasard sur madame Dubreuil au coin de la rue. C'est à ce moment que Wanda entre dans le bar, affolée.

- Fred ! Il y a eu un problème..
- Toi, va falloir que tu m'expliques!
- S'il te plaît Fred...
- Camille... tu m'expliques ?
- Camille .. elle vient de faire une tentative de suicide ! Elle s'est coupé les veines. Je l'ai appelée, et comme ça répondait pas, je suis allé voir chez elle et ...
- Elle est où ?
- Aux urgences !
- On y va.




15 Le matou mateur


- Ils vont la garder à l'hôpital, ils m'ont dit, les docteurs.
- Elle va bien ?
- Oui. Mais ils vont la garder en psychiatrie. Je leur ai expliqué ...

En sortant, Wanda met sa main moite dans celle de Fred. Ils savent qu'ils ont pas mal de choses à s'expliquer, et l’envie de rejouer l’éternelle scène du pardon. C’est le soir et il fait doux.

- On va chez moi ? propose Wanda
- Perfide à rien bouffé, il va faire la gueule.
- Alors on va chez toi.

Sur le chemin, Fred s’arrête dans une épicerie libanaise, choisit une bonne bouteille. Et pendant qu’il commande du Hoummos , du Kibbé, Wanda lui explique que Camille est une amie, qu'elle savait bien qu'elle n'était pas nette, qu'elle croyait aussi que l'éditeur était son ex-mari...

- J'essayais de l'aider tu comprends Fred, je ne sais pas si j'ai bien fait...
- Tu as bien fait Wanda...

Perfide se donne des airs de bon gros matou quand les deux sont ensemble, il brouille les cartes. Il vient passer sous la table, se frotte aux jambes, se fait caresser et fait le difficile quand Wanda lui offre des petits bouts à manger.

- Je sais pas ce que tu lui reproches à ce chat ! dit Wanda.
- Ce chat est un pervers polymorphe !
- Minou, minou … Ben tu vois il est tout mimi le minou !
- Arrête ça !
- Au lieu de dire des bêtises, fais moi ronronner Fred…

Doucement, ils se dirigent vers la chambre, s’enlacent, palpitent, se suspendent du monde, mais …

- Je veux pas qu'on fasse ça devant lui !
- C'est qu'un chat, Fred.
- Ferme la porte, je ne veux pas qu'il nous voit ! Ca me bloque !

Et Perfide, médusé, voit la porte se refermer sur ses moustaches.

FIN
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Message  Kilis Ven 19 Mai 2006 - 21:25

D’abord dire : j’ai aimé. Beaucoup aimé.
Maintenant dire pourquoi :
L’histoire : elle est simple mais avec des rebondissements vraiment intéressants et toujours à dimension humaine. Je veux dire que les événements se déroulent avec la cohérence , je dirais presque la couleur de la vie réelle. C’est-à-dire que c’est le foutoir comme dans la vraie vie et ça j’aime beaucoup et je crois que c’est un don réel que de pouvoir capter ça, l’engranger puis de le rendre visible aux lecteurs.
La manière : l’écriture est agréable. Il y a des trouvailles et elles sont bien amenées, ça glisse. Et donc pas de ruptures pour placer un bon mot, c’est appréciable.
Entre autres, j’ai adoré ceci : « Mais il y a du monde autour de lui, une fille jolie qui ne le regarde pas et une mère de famille qui l'observe »
Et ceci :
« Doucement, ils se dirigent vers la chambre, s’enlacent, palpitent, se suspendent du monde, mais …
- Je veux pas qu'on fasse ça devant lui !
- C'est qu'un chat, Fred.
- Ferme la porte, je ne veux pas qu'il nous voit ! Ca me bloque ! »

J’ai aussi relevé quelques passages un peu moins clairs : « D'une main il pousse la porte, tenant l'appareil de l'autre. ». Ici par exemple « l’appareil de l’autre » prête à confusion on ne sait pas si « l’autre » désigne la main de Loiseau ou s’il désigne Wanda puisque c’est elle qui a prêté son appareil.
Et j’ai trouvé certaines tournures de phrases un peu moins bonnes, comme :« Loiseau s'endort difficilement, sur le dos, la peur au ventre que pendant la nuit Perfide lui plante ses griffes dans les fesses. ». « La peur au ventre que… » : pas top.
L’atmosphère : les différentes ambiances sont bien rendues et sonnent vrai. Par exemple celle de la manif des jeunes bourges devant le « Bonaparte », celle de Nanterre ou de l’appartement de l’éditeur. Les situations aussi sont visuelles, on y est à côté de Loiseau, on croit voir ce qu’il voit et ressent.
Les références de caratère à la série des Loiseau : Le comportement de Loiseau , ses attitudes récurentes sont présentes et amenées de manière légère, elles contribuent subtilement à installer la série. Wanda , le chat Perfide , l’ambiance du « Trompe l’œil », tout ça prend corps maintenant. Beaucoup aimé comment tu ramènes la fiche Interpol sur le tapis.

Ben voilà. Bravo Loup ! Je crois que j’en ai assez dit, non ?
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Message  mentor Ven 19 Mai 2006 - 21:41

C'est......... mignon. L'ambiance que tu installes, la personnalité de Loiseau, qui se fait plus précise, son environnement, auquel on commence à s'habituer, et surtout les trucs vraiment minables dont il doit s'occuper... LA-MEN-TA-BLE ! ;-)
Ton texte se lit facilement et c'est un plaisir.
Mon iota est que je retrouve pas ton style que j'aimais bien dans la plupart de tes textes précédents, exos et autres. Comme si tu t'étais retenu à ce niveau. C'est moins... débridé ? Très structuré, bien équilibré entre narration et dialogues. Sage quoi ! Moi j'aime bien quand tu t'éclates !
Sur la forme je trouve que tu abuses un peu de la forme "aller pour". Exemple ? "Fred va pour partir". Je trouve ça assez moche et surtout inutile, alors qu'il est bien plus élégant de dire simplement "il va partir", ou "il est sur le point de partir". Non ? ;-)
Le meilleur morceau, pour moi ? C'est ça :
« - Enchanté, je suis Justine.
Ca, c'est prédestiné. Ou alors c'est ce vieux cochon d'éditeur qui a trouvé la référence sadienne amusante et qui l'a embauchée, probablement dans l'espoir de la débaucher... »

C'est tout bon Loup. Un chouette moment. Nul doute que ce texte fera partie de la future anthologie des Loiseau. ;-)

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Message  Sahkti Sam 20 Mai 2006 - 12:05

Toujours difficile de commenter quand on a lu une première version, mais d'un autre côté, ça me permet d'apprécier les corrections apportées.
J'aime bien cette histoire, d'abord parce qu'elle est plausible et en même temps, parce qu'elle ressemble à du cinéma. A savoir qu'il y a un petit côté too much qui me plaît bien, je visualise toutes les scènes, c'est efficace.
Mon seul reproche: j'ai l'impression que tu t'es contenu. Un peu trop. C'est long mais ça aurait pu l'être davantage, il y a des moments où tu aurais pu te laisser aller (et j'ai le sentiment que tu aurais bien aimé, mais le temps a frappé, impitoyable) et nous faire un vrai roman. Parce que ton écriture coule bien, c'est du sérieux tout en étant léger. C'est quelque chose que j'apprécie particulièrement dans ton écriture, cette facilité à mêler ces deux aspects.
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Message  Zou Lun 22 Mai 2006 - 15:35

Bon Loup !
C'est bizarre car tout en lisant, j'avais l'impression que ce n'était pas du Loup que je lisais. Je ne retrouvais pas ton style bien caractéristique et que j'aime beaucoup (humour naïf, décalé, ...) et donc me voilà déçue.
Peut -être as tu voulu écrire de façon plus "anonyme" pour que ton Loiseau ne diffère pas trop des précédents mais n'est ce pas la richesse de ces Loiseau que de ne pas se ressembler et de garder chacun l'empreinte de son auteur ?
J'ai trouvé ton style moins fluide, moins léger, j'ai buté aussi sur quelques tournures un peu lourdes
En ce qui concerne l'intrigue, je l'ai trouvé à la fois banale et confuse.
Bref, ce Loiseau ne m'a pas convaincue....mais pas grave car nous connaissons tous ton talent et ici j'ai l'impression que tu as joué en deça de ce que tu sais faire et si bien.
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Message  Charles Lun 29 Mai 2006 - 13:35

Bien aimé également. J'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, le début m'a semblé un peu "patiné", un peu moins subtil et inspiré.

puis le rythme s'est installé et à partir de la visite chez l'éditeur, j'ai trouvé ça parfait ...

Bien aimé la 2ème intrigue avec Mme Dubreuil, bien aimé le ton de la relation de Loiseau avec Wanda ... Moins aimé Raoult, Hassan et Rodolphe...

A chaque épisode, je prends des petites notes lors de la lecture, et comme pour l'épisode de kill, je me suis rendu compte à la fin de la lecture que j'avais oublié de prendre ces notes ... bref, je me suis laissé emporter par l'intrigue.
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Message  grieg Lun 5 Juin 2006 - 7:31

Tout comme pour krys, je suis fan du loup. Alors, après m'être fait une lecture plaisir, je me suis dit qu'il fallait quand même creuser pour trouver les failles.
OK, quelques phrases manquent de fluidité (assez peu somme toute), mais rien qui ne résiste à une lecture attentive.
Pour le reste, je n'ai trouvé, en guise de faille, que des canyons au fond desquelles glissent des rivières émeraudes charriant de savoureuses pépites.
(envolée pseudo… pour lectrice cruelle)
Fan.
J'aime ce monde, les faux clients, vrai faux couple, fausses enquêtes, fausse secrétaire, vrai faux écrivain, sans manuscrits, les livres qui n'existent que parce qu'on a essayé de les cacher, fausses gloires, ce monde où quand il y a mensonge, c'est par omission.
J'aime le jeu avec les clichés, avec l'absurde : les manifs anti-manifs, les héros anti-héros…
C'est ubuesque, kafkaïen, ou plutôt, simplement, loupien… tellement humain.
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Message  Krystelle Ven 9 Juin 2006 - 13:37

Loup, j’ai vraiment apprécié la manière dont tu as construit ce texte. C’est fait avec beaucoup de rigueur, ça le rend agréable à lire. L’enquête progresse en douceur, tu nous ballades dans la capitale et jamais on ne se perd. L’intrigue en elle-même (l’histoire du faux adultère) n’a rien de captivant mais la manière dont tu l’abordes fait qu’on la suit avec plaisir. Et puis tu enrichies sans cesse la trame du récit par de petits épisodes annexes ou des dialogues cocasses (la conversation avec la fille chez l’éditeur par exemple me semble très réussie).
D'une manière générale j’apprécie toutes les petites touches d’humour qui se faufilent sans cesse entre tes lignes, c’est fin, et souvent bien vu.
Et puis ton chat Perfide, quand il cause et qu'il se marre, j'adore!

Par contre, il me semble que du point de vue stylistique le texte pêche un peu. Certaines phrases sont bancales ou maladroites. Tu as tendance, notamment, à multiplier les propositions relatives (« puis Fred voit disparaître la cliente, qui n'a presque pas dit un mot mais qui l'a accablé. », « qui cachent les griffures que Perfide lui a fait la veille au soir » etc..) ça alourdit considérablement le texte; Il y a quelques répétions également. Et puis, j’ai aussi eu du mal avec le temps du récit. Tu as choisi le présent et en général je trouve que ça donne du poids à l’action mais ici et principalement dans la première moitié du texte il y a vraiment un aspect : « il voit », « il fait », « il dit » un peu comme si tu avais basculé les temps au fur et à mesure de l’écriture. D’ailleurs, il reste des phrases où les temps se mêlent d’une manière malhabile ( « Raoult s'est précipité pour lui ouvrir, jouer son joli cœur, il la dévisage, et retourne à son comptoir…. »
Pour résumer, il me semble que tu nous as habitué à un style plus travaillé. On retrouve à certains moments le coté percutant de ta plume mais c’est distillé, parfois noyé au milieu d'une écriture plus rapide, moins soignée.

Je crois que tu as réussi le plus dur: construire, s’y tenir, finir et tu as vraiment fait ça bien. Il faudrait peut-être juste que tu prennes le temps de relire, d’alléger quelques phrases, corriger quelques maladresses, retrouver la plume qui t’a parfois fait défaut et je crois qu’alors ton Loiseau deviendra quelque chose de vraiment beau.

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Message  à tchaoum Dim 20 Avr 2008 - 17:12

J'avais emporté le tirage imprimante de ce texte (plus ceux de Krystelle et Mentor) pour lire dans ma retraite d'Auvergne, et je commente quatre ou cinq jours après lecture, du coup...
J'aime bien l'idée du retournement, de la donne qui n'est pas celle sur laquelle Loiseau fonctionne ; cette Camille qui n'est pas la femme de...
Mais encore une fois, si chaque enquête nous le rend plus faillible donc plus humain, ça n'en fait pas un détective très crédible... Heureusement pour lui que les gens sont gentils et lui donne des BMW ou de grosses enveloppes de pognon pour avoir la paix :-)
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Message  Lucy Jeu 24 Avr 2008 - 0:30

LE détective privé par excellence... enfin, si on veut.
On peut dire qu'il y a une grande part de chance dans les résolutions de ses enquêtes. Il s'en tire toujours par une pirouette et me rappelle certains privés de séries télévisées ou animées que j'aimais bien voir à l'oeuvre. J'ai pu, davantage, faire connaissance avec Perfide et Wanda.
Je continue la série, ce soir. Félicitations, Loup-bleu !
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