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Provinciale

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Arielle
silene82
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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 10:04

La belle trouvaille de maître Ventadour

-Le bonjour, mestre Ventadour
-Bonjour ma belle, comment vas-tu ?
-Comme toujours, mestre, comme toujours : je ne me plains pas, pécaïre. Je suis mieux chez madame que non pas à ramasser la lavande depuis point d’heure comme les filles de la distillerie.
-Tu as bien raison pitchoune, le parfum, c’est toi qui te le mets ; allez, beauté, adessias, je passerai ce soir peut-être
-Peut-être à ce soir alors, mestre.
L’homme traversait la petite ville d’un pas énergique et décidé, saluant l’un et l’autre, échangeant quelques mots lorsqu’il était en bonne amitié avec celui qu’il croisait. Le gros bourg déployait déjà une activité considérable, malgré l’heure matinale : c’était jour de marché, événement qui se reproduisait deux fois par semaine et déplaçait de fort loin les marchands qui venaient y déballer leurs marchandises, les petits métiers fort nombreux en ce temps, et les vendeurs de denrées comestibles, qui dans cette région bénie des dieux, disposaient des étals étourdissants, pyramides de melons, pastèques opulentes dont la chair rouge sang était cloutée de noirs pépins, blettes et cardons, disposés en bouquets, artichauts violets, échafaudages de fruits aux fragrances subtiles et puissantes à la fois, abricots mordorés, énormes, une variété locale, à la chair fondante comme du miel.
-Goûte-moi ça ma belle, que tu vas m’en dire des nouvelles : mon abricot, quand tu le manges, tu es obligée d’aller te confesser !
-Me confesser ? Et quoi encore ? Pour manger un abricot ?
-Pardi, bien sûr : tu le manges, il est si bon qu’il t’attrapes. Tu es obligée d’en manger un autre, péché de gourmandise, voilà ce que j’en dis.
-Eh bé alors, je sais pas si je vais t’en prendre ; si c’est pour aller à confesse, je vais peut-être m’en chercher des moins bons…
L’art de vivre provençal se manifestait dans tous les échanges innombrables qui avaient lieu sur la grand place de la petite cité de Vensagoule, forte de 7000 âmes, en cette belle matinée de mai 1903 ; les maraîchers, dont certains venaient d’aussi loin que Madagnosc, ce qui, en charrette tirée par un mulet, représentait aisément 3 heures de trajet, se tenaient principalement sur la grand-place ombragée de platanes et de mûriers , tout stridulants de cigales.
Les places étaient attribuées selon une étiquette subtile par un placier soupçonneux, vêtu impeccablement d’un complet trop chaud pour la saison, et de bottines à revers : ayant raté son certificat d’études, cancre indécrottable, chargé de faire observer les règlements municipaux et de collecter le prix des places, il se servait du pouvoir qui lui était conféré dans le cadre de ses attributions pour se montrer arrogant avec les gens de peu, à qui il demandait d’un ton coupant et sans réplique
- Montrez-moi vos papiers !
quand bien même c’était un petit maraîcher qu’il connaissait parfaitement, mais à qui il tenait à manifester sa puissance, et s’aplatissait, obséquieux et servile devant les gros marchands qui occupaient parfois jusqu’à des 5 ou 6 places, tel le Bazar Provençal, dont l’outil de travail, une diligence reconditionnée pour les besoins de son commerce, par la dépose des sièges in térieurs, l’installation d’étagères sur tout le pourtour, où régnait, ainsi que sur l’impériale, un capharnaüm prodigieux de tout ce que l’inventive industrie proposait en ces temps, depuis le piège à rats de divers modèles, l’un permettant notamment de piéger les femelles gravides et de séparer les petits, grâce à une trappe, ce qui autorisait ensuite à les utiliser comme appâts pour des prises ultérieures, jusqu’au pistolet de cycliste, arme de poing à un coup pour abattre, sans état d’âme, et avec une netteté parfaite, les molosses de ferme qui convoitaient les mollets des jolis messieurs vélocipédés, et de leurs compagnes, en tenait déjà deux. Et une fois les trésors déballés, la surface d’un magasin, ce qui correspondait exactement à l’ambition du propriétaire qui répétait inlassablement que son magasin à lui était supérieur aux autres, puisqu’il se déplaçait. Attitude hélas fort fréquente que celle du placier, puisqu’elle se manifesta d’une façon particulièrement cruelle sous le gouvernement de monsieur Hitler, petit aquarelliste de l’école de Vienne et pianiste de second ordre, qui, cherchant des contrées où employer le talent qu’il était convaincu de posséder, en mit l’Europe à feu et à sang, par la délégation duquel des individus tout à fait médiocres, investis d’une autorité que leur conférait leur élégant costume, pouvaient impunément humilier, rouer de coups, ou abattre, de prestigieux artistes, des professeurs d’université illustres internationalement, au prétexte qu’ils étaient communistes, homosexuels, ou juifs.
L’observateur superficiel aurait pu s’inquiéter de la concurrence que ne pouvait manquer de représenter ce débarquement, en plein bourg, de denrées nouvelles, qui potentiellement représentaient un manque à gagner vraisemblable pour les occupants habituels des lieux, les commerçants sédentaires qui bon an mal an ouvraient leur devanture chaque jour. Par une dynamique fréquemment observée, il n’en était rien : le marché, riche et abondant, attirait de nombreux clients des alentours, qui en profitaient pour explorer les commerces locaux ; souvent , d’ailleurs, les marchands installés du cru étaient les commanditaires des ambulants, qui s’avéraient avoir un lien de parenté avec eux, neveu, gendre, ou frère.
Hors de la grand place, les rues adjacentes qui irriguaient le vieux bourg étaient toutes remplies d’étals plus modestes, l’étroitesse des rues ne favorisant pas les déballages de grande envergure, et de petits métiers, rempailleurs de chaises, agrafeurs de faïence et porcelaine, fabricants de balais de genêt et bruyère, qui mettaient à profit leur temps pour confectionner inlassablement de nouveaux exemplaires.
Les trois cafés sur la place, tous trois pourvus de terrasses ombragées, de tables tripodes en fonte, équipées, pour certaines, de parasols et de chaises et parfois fauteuils de fer peints de blanc, ne désemplissaient pas : certes, la clientèle ordinaire se recrutait plutôt parmi les gens d’un certain standing ; mais on y voyait aussi les marchands d’envergure, qui s’accordaient un répit, laissant à la petite apprentie le soin de faire tourner la boutique ambulante, qu’ils contrôlaient de loin, du coin de l’œil. Les vendeurs de condition plus modeste se contentaient des quelques débits de vin, qui faisaient aussi bois et charbon, des rues adjacentes, où l’on consommait au comptoir une piquette locale, à bas prix, ou un breuvage en provenance des vignes ensoleillés du Languedoc, qui n’avaient pas encore été visitées par la peste viticole, le phylloxera.
Temps de plein emploi, où la discrétion de la main de l’état favorisait toutes les initiatives : on ne comptait plus les femmes qui, pourvues d’une notoriété flatteuse quant aux qualités gustatives de leur daube, ou leur osso bucco, installaient quelques tables dans leur cuisine, ou devant chez elles, et tenaient table d’hôte. Les bonnes adresses étaient fort courtisées, la veuve Aymal, qui préparait un lapin à la barigoule à faire se damner un saint, ayant des réservations d’un mois sur l’autre, ce qui lui procurait un complément à la pension que lui versait la Poste, Télégraphe, Téléphone, depuis le décès de son mari, facteur de son état, décédé d’un arrêt cardiaque dont la cause n’avait jamais été vraiment éclaircie, dans la cuisine de Magali Teyssier, réputée pour la chaleur expansive de son accueil.

Je continue ou je me pends?
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Message  Arielle Lun 22 Juin 2009 - 10:46

Beaucoup apprécié l'ambiance de ces marchés de provence qu'on fréquente toujours avec le même bonheur au XXIe qu' au début de XXe.

Quelques phrases cependant mériteraient d'être scindées en bouchées plus digestes. Un détail, sans doute, mais qui transformerait en gourmandise la goinfrerie de cette mise en bouche alléchante.

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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 11:24

Le sujet ne m'intéresse absolument pas, en principe, mais votre écriture fait que si ! Alors je demande la suite. Cela dit, la parenthèse sur Hitler, je ne vois pas pourquoi... que vient faire là cet anachronisme ?

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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 11:26

Bien d'accord sur la longueur de certaines phrases ; même si l'écriture en est parfaitement maîtrisée, elles gagneraient à être allégées, écourtées.

J'ai été étonnée de voir se côtoyer, en mai, abricots, pastèques (pour moi un fruit de plein été) mais aussi et surtout artichauts et cardons dont je croyais qu'ils étaient des légumes d'hiver... J'aimerais bien un petit éclairage.

Vrai qu'on se sent bien à l'ombre des terrasses ombragées. Que nous réserve donc cette bourgade provençale ?

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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 12:46

Easter(Island) a écrit:Bien d'accord sur la longueur de certaines phrases ; même si l'écriture en est parfaitement maîtrisée, elles gagneraient à être allégées, écourtées.
J'ai été étonnée de voir se côtoyer, en mai, abricots, pastèques (pour moi un fruit de plein été) mais aussi et surtout artichauts et cardons dont je croyais qu'ils étaient des légumes d'hiver... J'aimerais bien un petit éclairage.
Vrai qu'on se sent bien à l'ombre des terrasses ombragées. Que nous réserve donc cette bourgade provençale ?

J'écris long, c'est vrai; mais pour l'instant, étant encore bien jeune, ça m'amuse: avec la maturité viendra peut-être un peu plus de concision.
En Provence, madame, tout est plus beau: les femmes, le soleil, tout; et par conséquent les fruits y viennent à maturité beaucoup plus tôt que n'importe où ailleurs, et sont évidemment d'un goût incomparable. Quand aux légumes d'hiver, certes, mais là-bas, il n'y a pas d'hiver: ce qui fait qu'ils abondent en tous temps. Vous ne me croyez pas, et soupçonnez le chauvin? Peut-être.
@socque
Cela dit, la parenthèse sur Hitler, je ne vois pas pourquoi... que vient faire là cet anachronisme ?
Ma foi, je ne suis que celui qui relate une histoire, et j'y trouve des ressemblances avec d'autres situations, tout à fait actuelles: je n'ai pas encore cité une certaine socque, auteur(e)-personnellement, ce e me tire l'oeil et me fait toujours l'effet d'une coquille- de SF, genre qui m'indiffère profondément, et que je ne lis que parce qu'elle en écrit à merveille, parce que cela ne m'est pas encore passé par la tête, et que je n'ai pas encore lu ses Oeuvres Complètes; dans la Pléiade, car je ne lis que la Pléiade. Mais le jour où cela arrive, qu'on ne s'en étonne pas.

suite/Provinciale

Maître Ventadour, ayant traversé la rue principale, qui suivait à peu près le tracé des remparts antiques de la cité, qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures, qui occupaient systématiquement les collines constituant de bons postes d’observation sur la façade littorale, car, peuples de maraîchers , petits pêcheurs, et artisans, ils tenaient à voir venir de loin les rezzou furtives qui tombaient périodiquement comme grêle en mai, sans prévenir évidemment, et qui repartaient comme elles étaient venues, mais en emportant les espèces négociables, les bibelots de quelque prix, parfois quelques jolies donzelles, quoiqu’il ne semblât pas que ces sages tinssent tant que cela à s’encombrer de piaillante compagnie, et, surtout, incendiaient généralement les maisons avant de partir, continua sa pérégrination en passant devant le lieu où il envisageait peut-être, s’il se sentait d’humeur badine, de revenir le soir, en évoquant pensivement le souvenir de ces ancêtres lointains, qui, gens peu belliqueux, et ayant eu amplement le temps d’éprouver que les pillards étaient rudes et expéditifs, peu enclins à d’amicales négociations comme cela pouvait advenir en d’autres points de la Mediterranée, où un marchand ne pouvait subir offense pire que celle d’un acquéreur trop pressé, et ne respectant pas les règles immémoriales de la politesse acheteuse, incluant les claquements de langue laudatifs lors de la dégustation des boissons rituelles, préféraient se cacher le temps de l’incursion, laissant en leurre quelques poules faméliques, les légumes qu’ils cultivaient dans leurs petits potagers, et que dédaignaient les pirates, et parfois le prêtre de la communauté qui, s’il passait cet épreuve, et adoucissait les conséquences de l’incursion, voire les détournait sur le village voisin, gagnait un prestige durable, quoique fragile, puisque remis en question lors de chaque débarquement.
Il arriva devant la massive porte de bois qui gardait le lieu de son activité, sis dans le spacieux rez-de-chaussée d’une maison fort ancienne, puisque les documents que la mairie conservait dans une chasublière en noyer qu’il avait, d’ailleurs, admirablement restaurée, attestaient qu’elle était contemporaine des tous premiers édifices bâtis à Vensagoule, autour de 1143, construite comme une redoute, ce qu’elle avait dû constituer dans ces temps lointains, plan austère, carré, deux grandes ogives en façade, portant vitrages, vestiges des ouvertures qui l’éclairaient du temps qu’elle était, comme c’était probable, une boutique ouvrant sur la rue, avec ses marchandises disposées sur des panneaux de bois basculés de jour, et remontés à la nuit pour occulter les ouvertures.
Un grand espace ouvert, haut de plafond, des corbeaux de pierre soutenant les solives du plancher de l’étage, de la clarté par les deux grandes ouvertures, deux établis en platane le long du mur du nord, un moteur d’un volume impressionnant au pied du mur pignon, , un gros arbre métallique pris entre les deux murs, qui portait une série de roues , certaines en bois cerclé de fer, travail de charron, d’autres métalliques, qui par de longues courroies alimentaient quelques machines, dégauchisseuse et raboteuse, une scie à ruban dont il avait fabriqué lui-même les volants –pour, disait-il, savoir s’il aurait pu être charron- et le col de cygne, coulé à demeure en béton armé, et une toupie. Outre ces machines, dont l’usage s’était répandu lentement en France, le coût du travail manuel étant longtemps si faible que les patrons répugnaient à investir dans des machines coûteuses et gourmandes en énergie, l’outillage complet propre au menuisier-ébéniste, le néologisme commençant à être utilisé à cette époque. Il l’expliquait longuement à ses apprentis, qu’il prenait et formait pendant 4 à 5 ans, avant de leur conseiller d’aller sur le tour de France, pour parfaire leur savoir :
-nos métiers étaient compartimentés comme tu n’en as pas idée : on faisait tout à la main, petit. Chacun avait sa spécialité, et n’en bougeait pas, en tous cas en ville : pense, il y avait tellement de travail ! Un restaurant à équiper, c’était 60 tables, 240 chaises, plus les dessertes, les trumeaux, la caisse, les rangements à couverts. Au temps anciens, avant les machines –je te rappelle qu’on a commencé à en avoir, venant d’Angleterre, vers 1840- le gars qui faisait des mortaises, eh ben il en faisait des centaines par jour : tu peux imaginer qu’il n’avait plus besoin de regarder.
-Et le décor, patron ?
- Justement. L’ébéniste, dans ces temps, ne faisait que de l’ébénisterie : il assemblait sur les bâtis les décors qu’il avait conçus, et qu’il faisait souvent sous-traiter.
- La sculpture aussi ?
- Evidemment. On apprenait tous à sculpter, marqueter ; mais on était moins bon que celui dont c’était la spécialité : ces gars avaient un rendement….Tiens, quand j’étais jeune …
- Pourquoi ? Vous ne l’êtes plus ? intervint Julien, son apprenti, avec un sourire malicieux.
- Arrête de te moquer ! Le temps passera pour toi aussi, jeune homme. Jeune donc, dans mon tour de France, je suis passé par Paris : il y avait à l’époque, près du faubourg St Antoine, des marqueteurs en chambre ; ils découpaient les décors en laiton et écaille qui étaient montés ensuite sur les caves à liqueur, les coffrets à cigares, les petits meubles de salon qu’on produisait à l’époque. Rends toi compte que c’était exporté partout, en Amérique, dans toutes nos colonies, en Russie, partout. Ces gars…
- Il n’y avait pas de femmes ?
- Si, mais pas beaucoup
- Pourquoi ?
- Parce que les patrons n’avaient pas envie d’en former ; le peu qu’il y avait étaient toujours des filles d’artisan
- Où en étais-je ? Ah oui, ces gars avaient une main…infernale. A force de découper les motifs, ils arrivaient à une vitesse et une précision incroyables : ils s’amusaient à faire des concours entre eux. J’en ai vu qui étaient capables de travailler à l’aveugle : on leur mettait un bandeau et ils refaisaient le motif presque aussi bien que s’ils avaient vu la pièce…
- C’est pas possible ! Comment ils faisaient ?
- Je pense que leur mains avaient mémorisé les déplacements sur le plateau de la scie. Tu sais, ils travaillaient avec l’âne, le même qu’on a là, à pédale, comme la Singer ; il fallait guider le bois avec la main : à force, tu sais, après plusieurs milliers….rends toi compte qu’ils en faisaient entre 200 et 250 par jour.
- Les journées étaient comme maintenant ?
- Maintenant c’est de la rigolade, 10 heures, tu rigoles…Quand j’étais apprenti, c’était douze ; et on n’avait que le dimanche…
- Fabien, eh bé il dit que peut-être dans 100 ans, on travaillera la moitié de maintenant, vous croyez, vous ?
- Pourquoi pas ? Tu vois bien qu’avec les machines, rien n’est plus pareil
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Message  Gobu Lun 22 Juin 2009 - 13:20

Cher 82,

je ne vous attendais pas dans ce registre pagnolisant - ou gionesque si l'on veut, les deux possédant un lien certain de parenté - et je dois reconnaître que vous vous tirez de l'exercice avec élégance, et non sans une pointe de truculence, plus sensible dans les dialogues que dans les descriptions. En ce qui me concerne, je ne suis pas gêné outre mesure par la longueur de certaines phrases, étant moi-même plus que costumier du fait ; après tout, peut importe que la route soit longue, dès lors que le chemin est bien balisé, on ne risque pas de se perdre et l'on arrive au bout sans encombre.

Les considérations socio-politiques sur les abus de l'autorité et le rôle déterminant de la coupe vestimentaire de ceux qui le pratiquent ne sont point dénuées de pertinence, même si la référence à la version nationale-socialiste du phénomène - emblématique, il faut le dire - peut en effet apparaître comme un anachronisme. Vous conviendrez toutefois qu'il n'y a pas commune mesure entre l'arrogance - sans doute déplacée - d'un petit employé municipal préposé à la répartition des points de vente sur un marché provençal et la morgue infinie d'un Sturmbannführer SS en charge de la résolution de la question juive dans un district du Gouvernement Général de Pologne. Y a pas photo, si vous me permettez cette expression un peu galvaudée.

Il me semble cependant que dans la dernière partie du texte - in cauda venenum, comme toujours - votre proverbial sens de la précision historique ait été pris en défaut, et ce dans un domaine qui me tient particulièrement à coeur puisqu'il s'agit d'oenologie. En effet, je crains fort qu'en 1903, même le vignoble du Languedoc avait hélas subi de plein fouet l'agression du phylloxéra, ce redoutable insecte homoptère ayant débarqué des Etats-Unis en Europe en 1863 et s'étant répandu jusqu'en Champagne dès 1896.

Ceci étant, on n'ira pas se pendre pour si peu, et quant à moi, je ne demande qu'à poursuivre la lecture de ce divertissant tableau de genre.

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Message  Gobu Lun 22 Juin 2009 - 13:22

PS : Mon commentaire ayant été envoyé en même temps que la suite de vote texte, il va de soi qu'il ne concerne que le premier post envoyé.
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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 14:17

J'en redemande, mais je crains que la phrase suivante ne pose un problème :
"Maître Ventadour, ayant traversé la rue principale, qui suivait à peu près le tracé des remparts antiques de la cité, qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures, qui occupaient systématiquement les collines constituant de bons postes d’observation sur la façade littorale, car, peuples de maraîchers , petits pêcheurs, et artisans, ils tenaient à voir venir de loin les rezzou furtives qui tombaient périodiquement comme grêle en mai, sans prévenir évidemment, et qui repartaient comme elles étaient venues, mais en emportant les espèces négociables, les bibelots de quelque prix, parfois quelques jolies donzelles, quoiqu’il ne semblât pas que ces sages tinssent tant que cela à s’encombrer de piaillante compagnie, et, surtout, incendiaient généralement les maisons avant de partir, continua sa pérégrination (...)"
Bon, maître Ventadour continue sa pérégrination, la rue principale suit à peu près le tracé des remparts antiques, les celto-ligures occupaient systématiquement les collines, mais où est le verbe de la relative "qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures" ?

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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 14:40

Noté aussi les circonvolutions du kikiki qui s'égare.

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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 15:38

Gobu a écrit:Cher 82,

. Vous conviendrez toutefois qu'il n'y a pas commune mesure entre l'arrogance - sans doute déplacée - d'un petit employé municipal préposé à la répartition des points de vente sur un marché provençal et la morgue infinie d'un Sturmbannführer SS en charge de la résolution de la question juive dans un district du Gouvernement Général de Pologne. Y a pas photo, si vous me permettez cette expression un peu galvaudée.

Il me semble cependant que dans la dernière partie du texte - in cauda venenum, comme toujours - votre proverbial sens de la précision historique ait été pris en défaut, et ce dans un domaine qui me tient particulièrement à coeur puisqu'il s'agit d'oenologie. En effet, je crains fort qu'en 1903, même le vignoble du Languedoc avait hélas subi de plein fouet l'agression du phylloxéra, ce redoutable insecte homoptère ayant débarqué des Etats-Unis en Europe en 1863 et s'étant répandu jusqu'en Champagne dès 1896.

Ceci étant, on n'ira pas se pendre pour si peu, et quant à moi, je ne demande qu'à poursuivre la lecture de ce divertissant tableau de genre.

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Cher Gobu,
je suis bien aise de constater que vous êtes bien vivant, et tout à fait apte à effectuer des commentaires fort pointus, à tel point que je vais finir par vérifier avant d'écrire n'importe quoi ou de me fier à ma mémoire dont vous pouvez constater sur pièces que si elle a des restes, il ne sont plus si beaux qu'ils furent. Sic transit memoria sileni.
Pour ce qui est de l'audacieux raccourci sautant allègrement du sud encigalé à la Bavière cervoisante, je vous accorde que la comparaison est quelque peu outrée, mais que le mécanisme d'appropriation des symboles de l'autorité, et la nécessité de la médiocrité de se doter d'une existence à travers l'abus de pouvoir m'intéresse assez.
Pour le phylloxera, vous avez très vraisemblablement raison, et, comme dit plus haut, vous allez me contraindre à une rigueur fort préjudiciable à mon état, qui pourrait générer tremblements, écume, épilepsie, et, en bout de chaîne, catatonie dite imbécile. Ce que je ne trouve guère réjouissant.
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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 18:26

Maître Ventadour, menuisier-ébéniste compagnon du Devoir, dit Provençal-Bon-Enfant, pour sa gentillesse amène et non-forcée, qui faisait qu’on ne lui connaissait que des amis, était capable de réaliser à peu près tout ce qu’on lui demandait. Formé au trait –un de ses maîtres, menuisier hors pair, avant qu’il n’allât siéger, insigne honneur pour un ouvrier, sur les bancs de l’Assemblée Nationale, par ailleurs ami estimé de Georges Sand, Agricol Perdiguier-, lui avait enseigné des subtilités rares sur certains développements d’arrière-voussures, qui le rendait capable, si besoin était, de refaire à l’identique les lambris Louis XV que l’on trouvait dans certains petits manoirs de la campagne avoisinante, ce qui le rendait fort précieux et recherché par une clientèle fortunée et exigeante. Capable tant de menuiserie complexe que d’ébénisterie tant de bois de rapport, ce qui désigne la marqueterie, que de sculpture, l’éventail considérable de ses capacités lui permettait de choisir les chantiers et les réalisations qu’il avait envie de faire, ou plutôt qui l’amusaient, puisque sa notoriété était telle parmi les décorateurs qu’il faisait florès.
Excellent compagnon, bon vivant, il menait une existence qui lui convenait parfaitement, vivant en célibataire, dînant dans l’une ou l’autre des auberges dont la bourgade était abondamment pourvue, et où il était reçu princièrement, les aubergistes ayant à cœur de s’assurer les bonnes grâces de celui que les connaisseurs tenaient pour un véritable artiste. Ainsi madame, qui officiait avec une souple fermeté au Doux Zéphir, établissement de bonne tenue, où une douzaine de dames, de morphologies diverses, et offrant de ce fait un choix ouvert à la clientèle, l’accueillait-elle avec déférence et empressement, se trouvant particulièrement satisfaite d’un petit boudoir lambrissé qu’il avait conçu, réalisé et posé et qui enchantait les visiteurs à un point tel que la renommée s’en était répandue sur un grand périmètre. D’autant que des visiteurs particulièrement triés composaient la clientèle, et, outre les sommes conséquentes dont ils irriguaient la maison, contribuaient à lui donner un lustre dont madame Chryséis s’énorgueillissait.
Le boudoir était un prodige de virtuosité et de goût : qu’on se figure une pièce de 6 mètres par 7, entièrement lambrissée dans un Louis XV exubérant, mais exquis, avec des feuillages, des rinceaux et des fleurs en ronde-bosse, d’une facture parfaite, enjouée, pleine d’esprit, qui avaient été dorés. Des écoinçons ornés de scènes peintes à chaque angle de raccord avec le plafond, scènes érotiques, d’un goût parfait : ici Zeus, paternel, accueillait sur ses genoux une nymphe, qui marquait par son air de surprise reconnaissante, qu’elle avait été accueillie d’une manière inattendue, et peu génésique, le triomphant appendice du dieu témoignant en sa faveur de capacités remarquables. Socrate, sur un autre cartouche, enseignait les rudiments de la philosophie pédicante à un éphèbe qui semblait par sa mine pensive, en savourer toutes les subtilités.
Un lit central pouvait adopter toutes les postures, grâce à des manivelles qui, agissant sur des crémaillères, permettaient de régler toutes les parties du lit à l’angle souhaité, invention extrêmement appréciée des messieurs que l’excellence de la chère locale, jointe à l’abus des bons vins, avaient progressivement rendus inaptes à des évolutions de qualité chorégraphique, et même de tenir la position quelque temps, trahis qu’ils étaient par l’effondrement de leurs chairs. Miroirs tout autour de la pièce, sans tain pour certains, trou du voyeur à divers emplacements, ustensiles de bonnes mœurs tels que bidets rendus invisibles, par des pans de lambris qui révélaient leur utilité une fois tirés, et recomposaient la paroi après usage. Rechampis dans des verts d’eau, la bonbonnière enchantait tous ses utilisateurs, et tous ceux qui l’avaient utilisé en faisait grand cas.
Ces dames se tenaient généralement au salon, grande pièce confortablement meublée dans le goût du siècle naissant d’un fort joli mobilier en noyer clair, plein de motifs floraux, léger et aérien, couvert d’une soie jonquille qui illuminait la pièce. Travail, une fois encore, de maître Ventadour.
Les soirées se passaient très agréablement : un piano permettait, quand un des visiteurs savait en jouer, ce qui était fréquent, car c’était un des attributs habituels de la bourgeoisie, d’écouter une pièce récente de Debussy ou de Satie ; madame veillait avec beaucoup de soin à l’approvisionnement en boissons, et la pétillante piquette de la Somme, qui avait réussi le tour de force de se faire passer pour un nectar des dieux, y coulait en abondance, bien que ces dames lui préfèrassent souvent un sirop à l’eau, moins agressif à leurs estomacs. On venait somme toute autant pour la convivialité du lieu et la gentillesse des filles que pour la bagatelle, pour laquelle les occasions ne manquaient pas, les rapports de classe favorisant, pour les castes privilégiées, notables et rentiers, un accès aisé aux jupons des filles de maison qui, provenant généralement de familles modestes et bien pourvues quand à la descendance, n’avaient guère d’arguments pertinents à opposer à l’exploration attentive et minutieuse par la main de leur employeur de leurs dessous de coton blanc.
Maître Ventadour y passait souvent le soir, goûtant la détente des rires des filles. Son cerveau fertile en inventions, et à la recherche de facéties, était toujours en ébullition : il aimait surprendre, il aimait amuser, s’amuser, et, par-dessus tout, mystifier.
C’est ainsi qu’il lui vint l’étrange idée qu’il mit en œuvre quasiment sans tarder, et qui faillit avoir de si funestes conséquences.
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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 18:39

socque a écrit:J'en redemande, mais je crains que la phrase suivante ne pose un problème :
"Maître Ventadour, ayant traversé la rue principale, qui suivait à peu près le tracé des remparts antiques de la cité, qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures, qui occupaient systématiquement les collines constituant de bons postes d’observation sur la façade littorale, car, peuples de maraîchers , petits pêcheurs, et artisans, ils tenaient à voir venir de loin les rezzou furtives qui tombaient périodiquement comme grêle en mai, sans prévenir évidemment, et qui repartaient comme elles étaient venues, mais en emportant les espèces négociables, les bibelots de quelque prix, parfois quelques jolies donzelles, quoiqu’il ne semblât pas que ces sages tinssent tant que cela à s’encombrer de piaillante compagnie, et, surtout, incendiaient généralement les maisons avant de partir, continua sa pérégrination (...)"
Bon, maître Ventadour continue sa pérégrination, la rue principale suit à peu près le tracé des remparts antiques, les celto-ligures occupaient systématiquement les collines, mais où est le verbe de la relative "qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures" ?


Qui postant vitement sourit d'un air malin
Risque de regretter jusqu'à la saint glinglin

Eh oui! certes, la phrase est corrigée, ainsi que d'autres petites choses; mais il me faudra supporter ces imperfections sur le forum. Décidément, quand serai-je adulte? L'éjaculation précoce dure donc si longtemps?
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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 18:42

Un homme à qui on ne connaît que des amis ?!!
Toujours est-il que, par "l'étrange idée" alléchée, j'attends la suite. Qu'elle soit à la hauteur des espérances !

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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 18:51

Oui, j'irai jusqu'à dire qu'elle se fait un poil de cul attendre, l'idée... Nous nous impatientons, cher maître !

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Message  silene82 Lun 22 Juin 2009 - 20:50

Dans son atelier, tout ou à peu près pouvait se trouver : compte tenu de sa palette exceptionnelle, et du fait que sa nature de fantaisiste, jointe à ses compétences hors pair, le poussait constamment à expérimenter, innover, tenter de nouvelles techniques, on lui demandait des travaux inhabituels, on lui soumettait des restaurations complexes que nul ne se hasardait à tenter.
En ces temps, restaurer ne voulait pas dire grand chose : il faudrait attendre la décrue des objets circulants, et la cote nouvelle des objets anciens, pour que le besoin d’une certaine déontologie se fasse jour chez les gens mécaniques, selon le terme de l’ancien régime. La grande abondance des objets disponibles, leur coût généralement modique, dès que l’objet n’était pas à la mode, faisait qu’on ne se préoccupait guère de la manière dont les restaurations étaient effectuées ; pas plus que pour la peinture, ou la sculpture, où il était tout à fait banal de casser au burin les derniers fragments du nez d’un éphèbe, pour obtenir un socle bien lisse permettant de regreffer « quelque chose de propre ».
Les précieuses marqueteries du siècle des Lumières, pour en prendre exemple, se déplaquaient habituellement avec un chalumeau de zingueur alimenté en gaz de ville, qui permettait, par une chauffe experte, de ramollir suffisamment la colle d’os et de nerfs pour déposer le puzzle par petits fragments. Plus couramment, des parties étaient roussies, voire brûlées au cours de l’opération, et l’ébéniste n’avait d’autre ressource que de refaire les pièces à l’identique.
Maître Ventadour entretenait, pour sa part, une relation étrange et quasi mystique avec les objets, notamment ceux qui avaient un passé, et une histoire. Il pouvait tomber dans une espèce de transe, lorsqu’il réfléchissait au moyen de résoudre une difficulté , et la solution qu’il élaborait, et qui parfois lui était révélée au cours d’un rêve, était toujours remarquable, élégante, précise, et d’une cohérence parfaite avec l’objet.
Il était ainsi capable de réaliser des greffes extraordinaires, qui enrobaient et prenaient ancrage sur d’infimes parties saines, et qu’il réalisait dans des bois si judicieusement choisis, qu’avant même qu’ils soient mis en teinte, son apprenti lui disait
-Maître, où avez vous greffé ? Je n’arrive plus à voir.
Mais comme il se plaisait à le répéter à son arpète,
- petit, lui disait-il, tu t’émerveilles de bien peu de chose. Tu me fais penser au proverbe qu’on me répétait à ton âge , que bien couper son bois est peu de choses pour le maître, et un haut sommet pour l’élève
-Vous avez raison, maître, quand je vois comme vous savez toujours comment va être la veine du bois dans la partie que vous coupez de biais : c’est de la magie
-mais non, pitchoun, de l’expérience et du savoir accumulés, pas plus.
Un beau jour, un amateur de curiosités lui avait amené un sarcophage en cyprès, peint des figures rituelles, en ordre savant, incrusté de lapis-lazuli, de grenats et de turquoises, avec une dorure qui partait par lambeaux, comme une pelade, pour s’enquérir de sa capacité à le restaurer : la tâche était ardue, car à l’endroit des pieds, un stockage inapproprié avait amené le pourrissement du bois, qui s’était détaché de l’ensemble. Maître Ventadour avait réussi un prodige, une greffe sans aucune coupe du bois de support, épousant parfaitement toutes les brisures, dans un très vieux résineux identique en texture et en couleur ; il avait ensuite retrouvé les couleurs qu’il avait réussi à vieillir à l’identique, et redoré à la feuille les parties le nécessitant. Le travail était si remarquable que ce fut un défilé, des jours durant , de tout ce que la région comptait de notables venus s’émerveiller de la réussite.
C’est à cette occasion, d’ailleurs, qu’un de ces amis lui avait lancé
-tu devrais te mettre à en fabriquer, des cercueils comme ça, au lieu d’en restaurer !
Quand une idée est dans l’air, elle fait du chemin. A quelque temps de là mourut un parent d’un notable qui, désirant inhumer le défunt avec pompe et de manière ostentatoire, vint lui demander s’il pouvait réaliser , rapidement, bien sûr, quelque chose qui soit à la hauteur de l’hoirie que le mort laissait. Charmé du défi, maître Ventadour ne pouvait qu’acquiescer. Et durant 72 heures entrecoupées d’innombrables cafés et de fort nombreuses libations, aidé de son apprenti, il réalisa une sorte de chef d’œuvre que l’on pourrait décrire succinctement ainsi:
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Message  bertrand-môgendre Mar 23 Juin 2009 - 5:56

Un univers plaisant où le souci du détail transpire ton besoin d'écrire juste. Ne trouve t'on pas de volailles pas sur ce marché ? Où sont les lapins de la mère Teyssier ? (Mamie si tu m'entends...bisous doux...)
En début de phrase tu commences vrai, puis les idées arrivent s'entassent ou au contraire s'évadent en empruntant des ruelles escarpées au risque de donner le vertige au lecteur attentif.
Maître Ventadour, ayant traversé la rue principale, qui suivait à peu près le tracé des remparts antiques de la cité, qui, déjà utilisée du temps des celto-ligures, qui occupaient systématiquement les collines constituant de bons postes d’observation sur la façade littorale, car, peuples de maraîchers , petits pêcheurs, et artisans, ils tenaient à voir venir de loin les rezzou furtives qui tombaient périodiquement comme grêle en mai, sans prévenir évidemment, et qui repartaient comme elles étaient venues, mais en emportant les espèces négociables, les bibelots de quelque prix, parfois quelques jolies donzelles, quoiqu’il ne semblât pas que ces sages tinssent tant que cela à s’encombrer de piaillante compagnie, et, surtout, incendiaient généralement les maisons avant de partir, continua sa pérégrination en passant devant le lieu où il envisageait peut-être, s’il se sentait d’humeur badine, de revenir le soir, en évoquant pensivement le souvenir de ces ancêtres lointains, qui, gens peu belliqueux, et ayant eu amplement le temps d’éprouver que les pillards étaient rudes et expéditifs, peu enclins à d’amicales négociations comme cela pouvait advenir en d’autres points de la Mediterranée, où un marchand ne pouvait subir offense pire que celle d’un acquéreur trop pressé, et ne respectant pas les règles immémoriales de la politesse acheteuse, incluant les claquements de langue laudatifs lors de la dégustation des boissons rituelles, préféraient se cacher le temps de l’incursion, laissant en leurre quelques poules faméliques, les légumes qu’ils cultivaient dans leurs petits potagers, et que dédaignaient les pirates, et parfois le prêtre de la communauté qui, s’il passait cet épreuve, et adoucissait les conséquences de l’incursion, voire les détournait sur le village voisin, gagnait un prestige durable, quoique fragile, puisque remis en question lors de chaque débarquement.
Je sens un certain plaisir à construire de tel monument. La longue phrase a besoin de lien ou de palier. Ce qui revient trop souvent (à mon goût). J'enfonce le clou pointé par socque sous le marteau d'Easter.
... Où en étais-je ?...
Oui ! La question est la bien venue.

... et, outre ...
je bute là.
...Les soirées se passaient très agréablement : un piano permettait, quand un des visiteurs savait en jouer, ce qui était fréquent, car c’était un des attributs habituels de la bourgeoisie, d’écouter une pièce récente de Debussy ou de Satie
Si c'est agréable, autant alléger la construction de la phrase.
Ce type est tellement passionné par son métier qu'il devient lourd.
(À présent je me rends compte que mon premier commentaire n'est décidément plus d'actualité. Tant pis. Je suis peu sur le qui-vive).

... il faudrait attendre la décrue des objets circulants, et la cote nouvelle des objets anciens, pour que le besoin d’une certaine déontologie se fasse jour chez les gens mécaniques, selon le terme de l’ancien régime. La grande abondance des objets disponibles, leur coût généralement modique, dès que l’objet n’était pas à la mode...
et il reviendra deux fois de plus un peu plus loin.

À un moment donné je pensais trouver une scène plus légère (pourquoi pas celle de l'éjaculateur précoce...). Dommage.

Mon sentiment sur l'ensemble. J'ai l'impression d'assister à l'élaboration d'une performance, tant dans la richesse des détails ( par exemple sur le métier de Vantadour) que sur ton soucis de transposer une époque où le savoir-faire, la renommée du compagnon s'ébruitait justement. Construirais-tu un chef d'oeuvre aussi ?
En résumé. J'aime bien te lire.
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Message  silene82 Mar 23 Juin 2009 - 7:04

bertrand-môgendre a écrit:Mon sentiment sur l'ensemble. J'ai l'impression d'assister à l'élaboration d'une performance, tant dans la richesse des détails ( par exemple sur le métier de Vantadour) que sur ton soucis de transposer une époque où le savoir-faire, la renommée du compagnon s'ébruitait justement. Construirais-tu un chef d'oeuvre aussi ?
En résumé. J'aime bien te lire.

J'apprécie beaucoup la pertinence de tes commentaires, qui me fait toucher du doigt les lacunes et les écueils de mon écrit. J'ai tellement envie de communiquer à travers des textes que j'en deviens négligent, et que je poste trop vite, ce qui se voit, inévitablement: l'histoire s'écrit au fur et à mesure, et est postée sans le travail de décantation et de relecture que la construction des phrases demanderait. Je n'entrerais pas dans les raisons psychanalytiques de cela, qui me sont partiellement cachées à moi-même, et je déplore de livrer un texte aussi imparfait, mais pour l'instant, c'est ainsi. Je remercie tous les lecteurs qui prennent la peine de relever les considérables fautes, j'en tiens immédiatement compte et corrige mon texte-maître.
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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 7:57

J'adore ce dernier morceau, érudit et intense à la fois !

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Message  Arielle Mar 23 Juin 2009 - 9:21

silene82 a écrit:
J'ai tellement envie de communiquer à travers des textes que j'en deviens négligent, et que je poste trop vite, ce qui se voit, inévitablement: l'histoire s'écrit au fur et à mesure, et est postée sans le travail de décantation et de relecture que la construction des phrases demanderait.

L'enthousiasme de l'auteur est tellement communicatif qu'on lui pardonne volontiers de nous livrer avec toute sa fougue juvénile l'ébauche d'une oeuvre qui, nous n'en doutons pas, ne demande qu'un peu de patience pour mûrir et donner toute sa mesure. Ne pas fléchir, ne pas se lasser, le talent est là, jubilatoire, pour l'auteur et pour le lecteur ... reste le travail !
Je te suis avec beaucoup de plaisir.

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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 10:02

Moi aussi j'aime beaucoup ce texte depuis le début, son ambiance, ses personnages, et puis surtout surtout, je suis admirative de ces descriptions, moins ciselées que le travail de Maître Ventadour certes, mais suffisamment visuelles et qui rendent grâce au talent des "artisans" comme on dit maintenant, des compagnons.

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Message  silene82 Mar 23 Juin 2009 - 15:21

Là, j'ai besoin d'avis: j'explique des choses évidentes pour moi, mais j'ai besoin de retours pour savoir si c'est compréhensible par des néophytes

il réalisa une sorte de chef d’œuvre que l’on pourrait décrire succinctement ainsi , d’après le mémoire qu’il en dressa :
Un ouvrage en acajou de Pernambouc, l’embase portant mouluration à grand cadre, motif Renaissance, les panneaux de côté à plate-bandes, une ceinture richement ornée et sculptée de feuilles d’acanthe courant sur le pourtour, le dessus galbé et réuni , panneaux en arrière-voussure.
Il est sans doute utile de revenir sur quelques termes de métier qui, s’ils ne sont pas explicités, risquent de rendre les descriptions fort rébarbatives. Il était dit plus haut que maître Ventadour avait été initié à l’art du trait. Ce terme, qui n’évoque rien de particulier pour le néophite, est tellement chargé de sens pour le compagnon qu’un des compléments les plus élogieux qu’on accole au prénom ou au lieu d’origine de tout compagnon, qui énonce son identité compagnonnique, celle qui racontera sa geste, plus tard, quand ses œuvres parleront de lui à sa place, est « l’ami du trait ». Provençal l’Ami-du-Trait, ou Breton, ou le prénom : maître Ventadour aurait pu s ‘appeler Amédée l’Ami-du-Trait.
Aussi sommes nous conduits à comprendre ce qu’est le trait, et pourquoi on en fait si grand cas. Le compagnonnage se réclame d’une origine fort ancienne, puisqu’il prendrait sa source, pour certaines obédiences, à Jérusalem avec la construction du temple de Salomon, en Egypte pour d’autres. Par parenthèse, on voit une parenté évidente avec la loge maçonnique : beaucoup de symboles sont communs, et manifestement issus de la même souche. Pour faire court, le compagnonnage n’est autre chose que la remarquable vision d’ouvriers accomplis, au sommet de leur art, qui ont réalisé très tôt, au temps des cathédrales, que leur savoir-faire était indispensable, et qu’à ce titre on avait plus besoin d’eux qu’ils n’avaient besoin des autres : aussi étaient-ils en mesure de faire respecter leurs conditions, et personne ne pouvait faire autrement que leur donner satisfaction. Quand un chantier de cathédrale s’arrête, c’est toujours pour la même raison : l’argent manque, ou les bourgeois commanditaires pinaillent sur le salaire des maçons, tailleurs de pierre, charpentiers : mauvaise décision, car en même temps il se bâtit d’autres cathédrales en Allemagne, et l’ouvrier de ces temps est embauché le jour même. Le trait est une des armes du compagnon : c’est une méthode intuitive et cependant extrêmement élaborée de géométrie descriptive dans l’espace, qui a donné naissance, entre autre, à la stéréotomie, c’est-à-dire l’art de tailler toutes les faces portantes d’une pierre de construction, évidemment dans un ouvrage complexe, escalier à vis, trompe, ou autre. Le trait s’utilise en taille de pierre, en maçonnerie, en charpente, en menuiserie, bref dans toutes les disciplines où il faut pouvoir déterminer tous les angles de coupe et de pénétration de solides entre eux, ce qui est encore autre chose. Un des côtés admirable du compagnonnage est cette volonté de transmettre gratuitement, ou presque, ce savoir phénoménal, aux jeunes aspirants : pour ce faire, et c’est une règle de vie, des cours du soir durant de 2 à 3 heures sont dispensés tous les soirs après les heures de travail de chacun par des compagnons dits finis, reconnus en interne pour l’excellence de leur travail et leur savoir théorique. Au niveau d’un compagnon fini, l’étude portant également sur les monuments et ouvrages anciens, il n’est pas de problème technique, si ardu soit-il , qui ne soit réalisable à la perfection, et, normalement, dans un temps record : fusion sublime du savoir et du professionnalisme.
C’est que maître Ventadour avait toujours gardé en tête un récit mythique du compagnonnage, où les deux obédiences compagnonniques s’étaient lancé un défi, selon la coutume, l’enjeu en étant l’abandon de la ville par tous les compagnons de la faction perdante, et par conséquent le monopole clairement établi des gagnants. Cette manière de procéder était tout à fait habituelle et courante, du moment que les enjeux le justifiaient ; en l’occurrence, au vu de l’importance de la ville, c’était le cas.
Comme les annales, et plus encore la tradition orale compagnonnique l’avait perpétué, en le schématisant quelque peu, le jour du jugement, où chacun devait dévoiler son chef d’œuvre, les premiers avaient dévoilé un travail admirable, une chaire à prêcher encore visible au Musée du Compagnonnage de Tours, d’une élégance et d’un savoir admirables, et de plus belle comme un sou neuf, assemblée, teintée et cirée.
L’autre concurrent était arrivé avec un sac sur le dos, et, en répandant à terre le contenu, en avait tiré des morceaux de bois simplement façonnés avec leurs assemblages, qu’il avait montés avec, selon la tradition, une rapidité magique, sous les yeux des deux jurys, répartis également entre les deux obédiences. Et nous touchons là à l’âme même de ce qu’est le compagnonnage : à un certain niveau, le savoir devient pure spiritualité. Le badaud s’esbaudit de voir de la belle ouvrage, il est espanté de la chaire mentionnée, mais pour de fort mauvaises raisons ; parce qu’elle brille, parce que la couleur lui plaît, parce qu’elle ferait bien sous le tableau de chien-loup en canevas. L’homme de l’art, lui, juge de la perfection du traçage, de la netteté des coupes, de la qualité des assemblages, jointant parfaitement, et, au final, du savoir-faire démontré, sans aucun artifice. C’est pourquoi la chaire démontée, non teintée, ni cirée ou vernis, eut l’unanimité des deux jurys, sans discussion : celui qui sait s’incline devant la démonstration d’une maîtrise supérieure. Mozart, malgré son insolence, disait que le seul dont il avait à apprendre, c’était Bach.
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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 15:46

Oui, je crois que j'ai compris ce qu'était le trait, on va voir si j'ai (donc si vous avez) bon : c'est l'art de tailler chaque pièce, de manière intuitive, de manière à assurer un assemblage parfait du tout ? Comme un dessinateur industriel qui saurait dessiner à main levée, sans hésitation, une intersection sphère-cylindre, sphère-sphère, etc...?

J'ai trouvé cette partie un peu technique, et l'anecdote contenue, fort intéressantes ; j'aurai une seule remarque, que vous pouvez juger pur pinaillage :
"qui ont réalisé très tôt, au temps des cathédrales, que leur savoir-faire était indispensable."
Pour moi, le verbe "réaliser", dans cette acception, est un anglicisme assez malvenu, qu'on peut avantageusement remplacer. Mais, bien sûr, à vous de voir... Pour l'anecdote, Proust, dans À la recherche du temps perdu, place cette expression dans la bouche d'Odette Swann en précisant qu'il s'agit d'un anglicisme. Elle est donc utilisée en français depuis un bout de temps !

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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 16:15

C'est passionnant, franchement ! Moi aussi je m'esbaubis ... de cette érudition sur un sujet quasi mythique.
Toutefois, ne dérive-t-on pas un peu ?

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Message  silene82 Mar 23 Juin 2009 - 17:41

socque a écrit:Oui, je crois que j'ai compris ce qu'était le trait, on va voir si j'ai (donc si vous avez) bon : c'est l'art de tailler chaque pièce, de manière intuitive, de manière à assurer un assemblage parfait du tout ? Comme un dessinateur industriel qui saurait dessiner à main levée, sans hésitation, une intersection sphère-cylindre, sphère-sphère, etc...?

C'est pratiquement parfait, mais j'ai dû manquer encore un peu de précision: vous décrivez de la sculpture, et, hélas, dans un escalier, on ne sculpte pas, sous peine de ne pouvoir même assembler la première marche. Le trait est le corpus intériorisé, c'est à dire que quand on maîtrise le trait, on sait dessiner toutes les génératrices de toutes les courbes d'un noyau par exemple. Une fois qu'elles sont tracées sur le bois, on n'a plus qu'à couper. Mais on travaille en 3 dimensions, et c'est là qu'est tout le génie du trait: il permet de représenter la 3ème dimension sur la pièce à exécuter. Il faut imaginer que sur un escalier un peu évolué, par exemple, tout est courbe. Qu'une erreur ne serait-ce que d'un millimètre dans les aplombs des tracés aboutit à un escalier inassemblable, et sans repentir possible. Mais je crains de toucher au limite du langage, et ne suis pas sûr de parvenir à faire entrer dans ce que j'explique.
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Message  silene82 Mar 23 Juin 2009 - 17:50

Easter(Island) a écrit:C'est passionnant, franchement ! Moi aussi je m'esbaubis ... de cette érudition sur un sujet quasi mythique.
Toutefois, ne dérive-t-on pas un peu ?

Ce qui importe, c'est que ce soit ingurgitable: à la différence de mes autres évocations, où la fausse érudition et le télescopage m'amusent follement, là, l'exactitude m'importe, sans doute parce que j'ai un souvenir confinant au religieux de ce qui a été mon métier longtemps.
Pour la dérive, que non pas: les digressions amènent où je veux en venir: je n'aurais pas l'outrecuidance de l'invoquer à titre de comparaison, mais Proust nous bâtit un fort volume sur Un amour de Swann, somme toute assez mince affaire. Pourtant, rien n'y est inutile, ni anodin.
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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 20:22

J'ai toute confiance et suis toutes ouïes.

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Message  Invité Mar 23 Juin 2009 - 20:24

"Toute ouïe" d'ailleurs ! Cette manière de mettre des pluriels partout...

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Message  silene82 Mer 24 Juin 2009 - 8:46

Mes admirables lectrices ne vont pas me rater, et je vois déjà pointer le nez, fort soupçonneux, d'Easter, qui me fera observer, avec une urbanité exquise, que je n'ai pas tenu ma propre contrainte, que les funestes conséquences que je trompettais, on aimerait bien savoir ce qu'il en advint, et autres persiflages parfaitement justifiés, et par la-même tout à fait insupportables. Aussi est-il souhaitable de prendre les devants, et de confesser que par un tour fréquent chez les personnages, celui-ci m'a échappé, et vit une existence autonome, sans souci de son démiurge, qui pourtant aurait su mieux que lui. Mea culpa.

Il avait magnifiquement dégrossi son apprenti, cependant le cahier des charges, pour tout individu au fait de ce qu’est le traçage complexe, avant même que de commencer quelque coupe que ce soit, était totalement impossible à tenir ; sauf…Sauf dans ces états seconds que l’admirable Hugo, dans un de ces innombrables morceaux de bravoure, nous évoque quand il décrit, lorsque Jean Valjean doit entrer dans le couvent où le père Fauchelevent, ou Fauvent, c’est selon, le fera passer pour son frère, la transe qui saisit le détenu et le rend capable de s’évader –sinon que là, c’était l’inverse- quelles que soient les contraintes. Il a cette trouvaille admirable où il parle du podagre qui se change en oiseau…pour s’évader. Ainsi maître Ventadour trouva en lui-même des ressources insoupçonnées, un état de grâce céleste, où la main est le prolongement de la pensée, où chaque geste est pur, parfait, définitif, et irréprochable ; la plénitude même à laquelle tend la quête inlassable des maîtres japonais qui, une vie durant, travaillent sur le dessin d’un coq pour, à la fin d’une existence, en avoir pénétré la vérité avec une acuité telle qu’il peuvent le peindre en quelques traits acérés comme la trace du katana dans l’air qu’il déchire. Parvenus à l’essence, au symbole.
Qu’on juge du nombre des opérations, sans préjuger de leur complexité : il fallait tracer les bois tout d’abord, les couper de long, les scier à nouveau dans la masse, pour ébaucher les courbes qu’il voulait mettre dans son ouvrage ; corroyer, c’est à dire raboter et mettre d’épaisseur les quelques pièces droites, scier les panneaux plans au format, les corroyer, réaliser les plates-bandes, les pièces droites étant dressées, les moulurer, les rainurer pour recevoir les panneaux…et mettre d’épaisseur les pièces mouvementées, tracer leurs assemblages, établir tenons et mortaises et les réaliser….et réserver l’emplacement des feuilles d’acanthe de la ceinture, les dessiner à même le bois, les ébaucher, puis les finir…tracer, scier, faire les plate-bandes des très complexes panneaux du dessus, en arrière-voussure, prodige de trait…ménager une feuillure sur la partie médiane ….articuler le couvercle. Le plus beau étant que maître Ventadour, Provençal-Bon-Enfant de son nom de compagnon, s’était mis en tête de réaliser un autre chef d’œuvre de Montpellier, celui auquel il voulait faire allusion étant la chaire à prêcher laissée sans finition d’embellissement, mais remportant néanmoins tous les suffrages. Evidemment, dans ce cas, il paraissait délicat de présenter son œuvre sans la vernir, quoique le bienheureux, où il était, n’en aurait vraisemblablement pas pris ombrage. Mais les funérailles, en terre provençale, sont acte social, et démonstration de son rang, affirmation d’un statut dans la cité, proches en cela de la pompe extravagante des enterrements siciliens, avec leurs catafalques rehaussés d’or, les draperies pesantes, et les cortèges de pleureuses. Passe encore, par conséquent, que le chef-d’œuvre fut verni : il était difficile de contourner, même si le compagnon intraitable, d’une exigence inlassable, soupirait en lui de ne pouvoir faire la preuve, sur une pièce en blanc –les luthiers parlent , de la même façon, d’un quatuor en blanc, quand ils présentent, lors d’un concours, des instruments non vernis, seul moyen de permettre une appréciation non biaisée par l’argument esthétique- de sa maîtrise hors pair. Mais plus le temps passait, plus il voyait, malgré l’aide de Julien, à qui il pouvait confier toutes les opérations qui ne requéraient pas autre chose qu’une bonne maîtrise de la technique opératoire - Julien savait corroyer proprement son bois depuis longtemps, il affûtait fort bien les outils, et les bédanes passés par ses mains tranchaient net, et permettaient un équarrissage parfait des mortaises- qu’il n’allait pas sortir si aisément de cette auberge, qui allait peut-être, commençait-il à supputer, devenir prison. Julien, disions nous, affûtait magnifiquement, ce qui est un des prolégomènes déterminants à la virtuosité d'un maître: dans ces métiers, la perfection de coupe d'un outil fait la différence entre l'ouvrier et le maître, et l'on peut à nouveau établir le parallèle avec le maître forgeron japonais, qui obtient le fil du katana par martelage à chaud, fil parfait qui entre dans une part essentielle de l'appréciation d'une arme de prix. Maître Ventadour attachait une très grande importance à ces détails en apparence anodins, et n’hésitait pas à dire qu’il pouvait juger un ouvrier rien qu’à sa façon de tenir son bédane, ou sa varlope.
Plus le travail avançait, et plus maître Ventadour souffrait : il se rendait un peu plus compte, à chaque copeau enlevé, qu’il exécutait là une œuvre tellement parfaite dans ses moindres détails, somme d’une vie entière d’accumulation de savoir-faire et d’intelligence du métier, que tout compagnon normalement constitué, en la voyant, ne pourrait que tomber à genoux, se signer –le compagnonnage est fort enclin au mysticisme, la Sainte Beaume, en Provence, étant un lieu de pèlerinage quasi rituel-, et lui déclarer solennellement
- pays Provençal-Bon-Enfant, vous avez accompli là une œuvre qui glorifie le compagnonnage, et à travers vous, nous sommes tous honorés, et je vous remercie en notre nom à tous
puis s’en aller son chemin, propageant la renommée de maître Ventadour en toutes cayennes, ce qui n’aurait pas manqué de générer un flux constant de visiteurs extasiés. Et maître Ventadour en avait les yeux qui se mouillaient d’attendrissement, d’imaginer cette scène. A force de la tourner et la retourner, une idée lui vint, le Tentateur, -car nous ne pouvons raisonnablement douter de ce que ce fut bien lui qui inspira cette invention- lui chuchotant, à mi-voix, avec des inflexions câlines
-Quand même, c’est trop bête qu’une pareille merveille aille sous terre
-Dans un caveau peut-être humide de surcroît ; il va se plaire mon travail, avec les vers pour l’admirer ; ah, boun Diou, c’est trop bête
-Tu sais ce que tu pourrais faire ?
-Eh non pauvre, à part en recommencer un autre…
-Eh bien, réfléchis un peu…
-Je ne vois pas…
-Tu connais beaucoup de monde qui visite les caveaux, toi ?
-Aqueu d’ourrour ! Personne, pécaïre, personne….
-Eh bien alors, s’il n’y a personne….
-Quoi, s’il n’y a personne ?
-S’il n’y a personne, ça n’a guère d’importance l’emballage du défunt, tu ne crois pas ?
-Tu es bon toi : c’est une commande, malheureux
-Imaginons….
-Non, non, je ne veux rien imaginer du tout…
-Ecoute, tu as raison, n’imaginons rien…
-C’était quoi l’idée ?
-Non, non, je vois que tu es réticent…

Admirons au passage, afin d’en être édifiés, et de cheminer dans la vie attentifs aux innombrables ruses du Malin, ceinturés de chapelets d’ail, l’inventivité remarquable de l’assaillant

-Décide-toi, noun de Diou !

Au juron, le Séducteur ne pouvait manquer de connaître que sa proie était mûre, et allait bientôt tomber

-Eh bien, supposons…
-Mordidiou, tu vas parler, couilloun ?
-Tu déparles ; si tu continues, j’arrête…
-Pitié, parle….
-Tu es un grand compagnon, non ?
-Pardi, c’est bien pour ça que ça me porte peine que personne ne puisse plus voir ce bijou
-Il est aussi subtil que la chaire de Montpellier, non ? Entièrement démontable ?
-C’est bien ce qui est bête :qu’est-ce qui m’a pris de faire un chef d’œuvre pareil dont pas un compagnon ne verra la complexité et comment j’ai résolu les difficultés…

Aparté : les célèbres chefs d’œuvres de compagnon, bien connus du grand public, sont inversement proportionnels, quant à leur intérêt technique, à leur esthétique générale. En d’autres termes, ce sont des documents où le compagnon démontre sa science, en s’efforçant d’accumuler les difficultés les plus invraisemblables, évidemment dans un espace réduit : la plupart des chefs-d’œuvres ne dépassent pas le mètre en hauteur, sur 1 m2 à la base. S’une manière à peu près générale, plus un chef-d’œuvre est plaisant esthétiquement, tout au moins dans les métiers du bois, moins il est riche et intéressant pour l’homme du métier.

-Il ne manquerait pas grand-chose….
-Il ne manquerait pas grand chose pour quoi ?
-Pour pouvoir récupérer ta merveille
-Ah oui, milladiou, et comment ?
-Arrête de jurer je te prie, cela m’est fort désagréable

Toute cette conversation se tenait évidemment entre lui et lui-même , à cette nuance près, comme le dit l’évangile, que Satan était entré dans son âme.

-Tu fais un fond ouvrant à deux parties pivotantes, invisible, articulé et ouvrant à battants
-Et alors ?
-Et alors ? Tu te fais décidément plus bête que tu n’es ; si ça ouvre à battants, avec un anneau de tirage qui le commande , invisible bien sûr, qu’est-ce qui empêche de déposer le voyageur ? Ne sommes nous pas tous étrangers et voyageurs sur cette terre ?
-Ah oui, on va le laisser comme ça ; c’est un sacrilège…
-Eh bien, puisque tu es si préoccupé du confort d ‘une dépouille, personne ne t’empêche de faire une autre boîte toute simple, qui ira remplacer ton bijou
-Mais comment sortir ce mastodonte ?
-Je vois que l’idée fait son chemin : je croyais qu’il était entièrement démontable ?
-Bien sûr ; mais qui va le sortir ?
-Qui d’autre que celui qui l’aura mis ? Tu sais bien que Pascalou, le fossoyeur, te le sortira et te l’amènera démonté contre quelques lichettes ; il est fort comme un bœuf
-Je serai bien avancé de l’avoir dans l’atelier : imagine que celui qui l’a commandé le voie ?
-Et alors ? Tu n’as pas le droit de le reproduire ? Comment saurait-il que c’est le sien ? Enfin, celui de son pauvre mort…

Le provençal, comme le relève excellemment Pagnol, est un païen costumé de christianisme, -de ces costumes des dimanches, quelque peu engoncés-, chez qui l’ombre de Charon n’est jamais bien loin : jouisseur, amant de la vie, sous la plus belle lumière qui soit, près d’une mer aimable, il considère que le mort a tout perdu, qu’il ne goûtera plus le vin de sa vigne, ne caressera plus sa compagne, ne mangera plus avec ses amis : c’est le pauvre absolu. On le désigne ainsi. Quand on l’évoque, c’est en ces termes, tu te souviens du pauvre untel ?


Ainsi fut fait. L’enterrement fut un enchantement : les pleurs se mêlaient aux cris d’admiration devant la splendeur de l’ouvrage. Maître Ventadour se trouva même assez gêné car plusieurs cousins, fort heureusement éloignés, et dont les conseils n’étaient guère pris en considération, émirent à plusieurs reprises l’avis que c’était une pitié d’enfermer une telle œuvre où seuls les asticots, et peut-être, s’ils passaient par là, les anges gardiens, allaient profiter ; qu’il aurait été infiniment plus judicieux de la troquer contre une plus modeste « pour ce qu’il allait en profiter » avaient-ils le front d’ajouter. Fort heureusement, le maître d’enterrement et commanditaire eut l’esprit de n’en tenir aucun compte.
Pascalou se prêta à la substitution d’excellente grâce, moyennant une quantité conséquente de boissons titrant d’honnêtes degrés, et amena nuitamment les pièces détachées jusqu'à l’atelier. Ce fut pendant des années un régal sans cesse renouvelé pour maître Ventadour que de démontrer son chef-d’œuvre, selon l’expression compagnonnique, à tous les compagnons qui faisaient halte dans la petite cité, et le venaient visiter, selon l’usage établi. Ce qui donne à penser que, quand bien même nous serions applaudis d'une foule innombrable, le seul avis qui nous importe véritablement est celui de ceux qui savent, et qui, lorqu'ils se livrent à des appréciations laudatives, le font en toute connaissance de cause, avec le bagage adéquat. Stendhal répétait qu'il n'écrivait que pour dix personnes: il est vrai qu'avec un échantillonnage aussi resséré, mieux vaut être exigeant sur la qualité.
La splendide boîte demeura en son atelier jusqu’à sa mort, tantôt montée, pour que les visiteurs lui fassent la question , tantôt rangée en pièces dans un coin bien visible de l'atelier, pour susciter les demandes. Mais les visiteurs pertinents savaient de toutes façons pourquoi ils venaient, puisque la renommée du chef d'oeuvre s'était propagée dans tout le pays, devenant, peu à peu, ce qu'en jargon de compagnon, on appelle une remarque. Le compagnon a toujours l'oeil aux aguets, et, dans le cours de sa formation, apprend à lire les monuments comme un exposé démonstratif de savoir architectural; mais pour apprendre aux jeunes aspirants à regarder au-delà du visible évident, les maîtres du passé disposaient presque toujours un détail presque invisible, quelque part: dans le bénitier de l'église de St Gilles, s'il m'en souvient bien, merveille de taille et de sculpture, la remarque est une grenouille sculptée dans le fond, avec une perfection telle qu'on s'attend à la voir sauter hors du saint récipient. Pour ceux qui la voient, puisque la remarque est toujours un peu cachée.
Maître Ventadour vécut donc de longues années ainsi, dilatant son âme de bonheur chaque fois qu'un avis autorisé renforçait le trésor de louanges qu'il avit déjà amassé; puis,comme il arrive, tombé en bigoterie sur le tard, il ne put s’empêcher de mettre le curé dans la confidence, en le priant de bien vouloir rétablir les choses après qu’il serait passé, en restituant à l’obligeant, quoique non consulté, défunt ostentatoire, ou qui l’eût voulu, son emballage royal, lui-même bénéficiant de la plus modeste enveloppe qu’il lui avait substituée.
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Message  Arielle Mer 24 Juin 2009 - 9:05

Plutôt que Proust j'évoquerais Giono et son immense respect pour le travail des artisans (celui de son père en tout premier lieu) qu'il nous transmet avec passion sans jamais nous lasser.

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Message  Arielle Mer 24 Juin 2009 - 9:07

Je commentais le passage précédent. Tu écris plus vite que ton ombre et je n'ai pas encore lu celui-ci ;-)

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Message  silene82 Mer 24 Juin 2009 - 9:22

Arielle a écrit:Je commentais le passage précédent. Tu écris plus vite que ton ombre et je n'ai pas encore lu celui-ci ;-)

J'avais bien compris. Je connais mal Giono, et il m'est plus aisé de prendre Proust en exemple, non pour sa connaissance du monde artisanal, qui serait une révélation pour moi, mais pour ses digressions dignes d'un fleuve au long cours, toujours porteuses de sens et utiles dans la construction de ce qu'il élabore. C'était pour répondre à un commentaire qui s'inquiétait d'une apparente dérive.
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Message  Invité Mer 24 Juin 2009 - 9:31

Excellent ! J'adore le virage qu'a pris le texte...

"un échantillonnage aussi resserré"

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Message  Invité Mer 24 Juin 2009 - 13:39

Oh ! Un compagnon filou qui n'en devient que plus attachant. Je suis bien contente qu'il se soit laissé tenter maître Ventadour.

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Message  Invité Mer 24 Juin 2009 - 20:39

Le fond est excellent. Ce texte, didactique, arrive à intéresser, malgré les termes techniques, même les personnes très éloignées de ce métier, on le voit dans les commentaires. L'histoire est bien menée, la fin bien trouvée.
Pour la forme, il y a, à mon avis, beaucoup à dire.
Tu as un langage goûteux, truculent, sympathique, spirituel, comme beaucoup de méridionnaux (je les connais bien, je suis biterroise) mais vraiment trop bavard. La description des marchés est réussie, mais trop longue, et entre les marchés et le vrai début de l'histoire, (la commande du cercueil), tu pourrais élaguer, même faire des coupes franches.
Colette a écrit : "Une des certitudes qu'acquiert l'écrivain vieillissant c'est la connaissance de ce qu'il convenait de ne pas écrire... En somme, il ne m'aura fallu que quarante cinq ans de carrière pour m'assurer qu'on devient un grand écrivain (ainsi d'ailleurs qu'un grand poète) autant par ce qu'on refuse à sa plume que par ce qu'on lui accorde, et que l'honneur de l'écrivain, c'est le renoncement."
Tes phrases, dans les deux premières parties surtout, sont beaucoup trop longues. Tu ne te relis pas suffisamment, tu le dis toi-même, et je vais te dire un truc : relis-toi à haute voix. Tu verras l'essoufflement avant d'arriver à la fin de ta phrase. Et puis, dans des phrases si longues, il y a forcément des digressions, dues à ta nature bavarde. Il faut tenir le cap pour ne pas dérouter le lecteur.
On a tout intérêt à beaucoup, beaucoup, BEAUCOUP se relire, pour traquer les clichés, les répétitions, toujours en pensant au lecteur, à la bonne compréhension de ce qu'on veut faire passer. Ce n'est quà ce prix qu'on peut avoir de bons résultats. Les génies du "premier-jet" sont vraiment exceptionnels, crois-moi.
Si tu as la patience de remanier ton texte en fonction des observations (qui ont l'air de se recouper) des lecteurs de ce forum, je pense que tu vas obtenir une histoire riche et intéressante, car, malgré mes remarques, je lui ai trouvé beaucoup de qualités.

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Message  silene82 Mer 24 Juin 2009 - 20:54

embellie a écrit:Si tu as la patience de remanier ton texte en fonction des observations (qui ont l'air de se recouper) des lecteurs de ce forum, je pense que tu vas obtenir une histoire riche et intéressante, car, malgré mes remarques, je lui ai trouvé beaucoup de qualités.

Voilà les avis qui m'importent, et qui sont aidants: m'étant interdit d'écrire, pour de bien mauvaises raisons, fort longtemps, sinon de petites niaiseries, je suis un vieux jeune-écrivain, avec tous les tics caractéristiques que vous relevez avec une justesse infaillible. Il m'est encore un peu douloureux de mutiler mes bébés mais, ayant néanmoins présent à l'esprit que sans la taille, l'arbre gaspille sa sève en feuilles improductives, je vais élaguer, non sans souffrance, mais avec la conviction que c'est nécessaire.
Encore merci à toutes et tous.
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Message  Invité Mer 24 Juin 2009 - 21:43

J'aime beaucoup cette faconde qui file fluide, se divise, se ramifie, s'infiltre et se rejoint comme des ruisseaux.
La précision des termes, les descriptions de techniques me ravissent...sauf pour les fleurs du petit cabinet : en ronde bosse signifie que la sculpture est indépendante, détachée de tout fond... donc ces fleurs seraient des objets décoratifs et non des motifs !

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Message  silene82 Jeu 25 Juin 2009 - 6:48

coline Dé a écrit:..sauf pour les fleurs du petit cabinet : en ronde bosse signifie que la sculpture est indépendante, détachée de tout fond... donc ces fleurs seraient des objets décoratifs et non des motifs !

Bon sang, mais c'est bien sûr! Emporté par l'écriture, on en vient à ne plus voir le sens de ce qu'on écrit. C'est de haut relief qu'il fallait parler, bien sûr. Merci pour la remarque, que j'applique à l'instant même.
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Message  Lonely Sam 27 Juin 2009 - 15:43

Excellent ! Un vrai régal à lire, mis à part certaines phrases un peu trop longue où on se perd. Mais ça a déjà été rapporté.


Le vocabulaire est surprenant, érudit, on s'y abreuve volontiers tant le ton et le style nous invite facilement à poursuivre notre lecture. Chapeau !

Par contre, après avoir lu tous les chapitres, le premier me semble presque hors de propos. Qu'il existe ou pas, tous les autres se focalisent tellement sur le métier du Maître que l'auguste ville de Vensagoule, pourtant si agréablement décrite, n'est presque plus un lieu où nous nous attardons. Du coup, et outre le fait que cela ancre le propos dans une "provencitude" délectable, il m'apparait trop long pour réellement servir l'histoire. Voila.

A part ça, j'ai aussi remarqué une ou deux redondance :

Le "mur" ici :

deux établis en platane le long du mur du nord, un moteur d’un volume impressionnant au pied du mur pignon, , un gros arbre métallique pris entre les deux murs

et les cours du soir qui sont donnés... le soir :

pour ce faire, et c’est une règle de vie, des cours du soir durant de 2 à 3 heures sont dispensés tous les soirs après les heures de travail de chacun par des compagnons dits finis


Voila. Sinon, je trouve que toutes les explications sont claires, et vu la complexité des éléments à décrire, vous vous en tirez remarquablement bien. Et le tout est intéressant en diable en plus ! Un vrai régal, merci.



PS : je trouve le style de certains commentaires presque aussi jubilatoire que le texte proposé.
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Message  Lonely Sam 27 Juin 2009 - 16:08

Erratum : Pas "redondances", mais répétitions.
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Message  silene82 Sam 27 Juin 2009 - 19:16

Je tiens à remercier toutes les personnes qui me lisent, témoignent de leur intérêt, suggèrent des améliorations: c'est un privilège, et VE prend sa véritable dimension, selon moi, dans cet exercice.
Quand de plus lesdites personnes ont la gentillesse de me faire part de leur plaisir à m'avoir lu, elles me redonnent de l'énergie et de l'allant pour redémarrer de nouveaux textes.
Je considère comme un très grand privilège d'avoir ce type de rapports avec des lecteurs, d'autant plus riches et intéressants que les interlocuteurs sont eux aussi auteurs: les uns et les autres nous savons -plus ou moins- de quoi nous parlons.
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