Rendez-moi mes jupes de vent

[Ba]

"Crénom ! cria la mégère aux pies voleuses
Rendez moi mes jupes de vent."
"Peuh répondirent les filles en smoking, on les a on les garde. C'est pour Rossini !
Je le savais, je le savais. Il rêve d'enfiler mes dentelles et mes organdis. Jaloux de musicien, vieille peste ! Depuis deux ans qu'il regarde dans mon champ pousser ces jupons qui me parachutent, croyez pas qu'il m'envie d'être légère, il veut juste toucher de la note les " objets enchantés " que je pousse en l'air."

-Docteur, il est temps d'endormir la patiente, je crois qu'elle délire après un certain Rossignol.
-Qui est ce monsieur Rossignol ?
- Un ami sans doute.
- Je dirais un voisin mademoiselle No
- Proche ?
- Sous-marin sûrement, un de ces gens d'une autre époque qui pique dans les porte-monnaie des vieilles folles.
- Madame Tournedos n'est pas folle docteur No, tout juste dérangée.
- C'est ce que je voulais dire avant que vous ne tourniez votre langue dans mes mots, " dérangée ". Enfin en désordre intense et besogneux.
- " Besogneux " quelle étrange expression pour qualifier les errances d'une ex danseuse de cancan...
- C'est le premier mot qui m'est venu quand j'ai vu ses jambes arquées, j'aurais pu dire " cow boy " aussi.
- Le rapport avec le dérangement eût été éloigné docteur Mabuse
- Quelle importance jeune homme ! Pourquoi voulez-vous absolument que les mots remplissent nos vides ?
- Ah, moi je ne veux rien docteur Folamourette ! Je disais ça pour meubler la conversation qui est bien dépouillée dans cette salle.
- Piquez-donc la vieille au lieu de saloper la syntaxe !
- Je pique, docteur, je pique...Mais vous ne m'ôterez pas de l'idée que cette dame est une ex à monsieur Rouflaquettes
- Rossignol
- Si vous voulez on n'est pas à un oiseau près, encore que je préfère Ara
- Si on me demandait mon avis j'opterais pour Colibri
- Comme la plume au vent
- Colibri est volage

Ils chantent pendant que la vieille s'endort en ronflant.
On peut entendre, si l'on prête l'oreille à l'activité cérébrale, des voix aiguës s'interpeller dans un champ de betteraves ( je vous les envoie ) :

" Crénom ! "
" Jamais ! "
" Rendez "
" Tu peux te brosser l'araignée ! "
" Attendez que le bonhomme rentre avec le fusil "
" Cause toujours, on porte tes nippes à Rossini c'est pour son opéra soupe !"

Plus rien.
C'est curieux, je n'entends plus rien. J'ai dû somnoler quelques minutes. Et vous ?

[Invité]

Comme d'habitude, je n'accroche pas (sauf à Rossini et Tournedos,; je trouve l'allusion marrante, il y en a sûrement d'autres que je n'ai pas comprises), mais reconnais la maîtrise et le sens de la progression dans le délire.
La fin me paraît en revanche un peu faible...

[mentor]

sans doute pas mal de références là dedans, mais de moi inconnues
ce qui m'empêche d'apprécier
une autre fois ?
je ferai encore l'effort
;-)

[Chako Noir]

C'est curieux, je n'entends plus rien. J'ai dû somnoler quelques minutes. Et vous ?

Difficile à dire. J'ai un air d'Andersen dans la tête, un rossignol d'empereur qui lui rase la barbiche à la mode de Séville.
Je n'ai pas fait attention à ses culottes, je ne sais même pas s'il en porte.
En tout cas, cowboy ou pas, il dansait en chantant, ça j'en suis sûr, et même que la barbe de l'empereur a pris une touche groovy qui ne sied pas du tout à son époque, mais ce n'est pas grave, comme il est empereur, il peut se permettre de lancer une nouvelle mode.
Ce qui m'embête, c'est qu'a priori n'est pas sensé y avoir de groove dans Rossini.
Alors je me suis peut-être un peu embrouillé, dans une divagation de marchand de sable.

[bertrand-môgendre]

Toi aussi tu laisses ton linge à portée de tous ?
Un délire à la mode débridée, comme une espèce de courant d'air qu'aurait ouvert la fenêtre de tes pensées.

[Ba]

Ce qui est positif dans cette affaire de linge en famille c'est que quelques uns soient venus au chevet de la vieille cancan tout de même. Dans cette époque dopée au ratio il ne faut pas négliger cette part d'humanité que certains couvent encore sous eux...
Pas important d'avoir saisi le sens ou non d'une ouverture cérébrale, le diable emportera le reste avec Faust.
:-)

[Invité]

Ca m'arrive rarement, et sûrement uniquement à la lecture de tes textes, de penser : qu'importe le sens profond, tant pis pour les références, la musique des mots de Ba m'emporte, me transporte, légère, mutine, et me colle un sourire matutinal.

[Arielle]

Pourquoi voulez-vous absolument que les mots remplissent nos vides ?

Qu'ils les survolent avec la légèreté, la liberté que tu sais leur donner, Ba, suffit déjà à mon bonheur. Mais je ne peux pas m'empêcher de rêver au mystère de ces jupes sous lesquelles je me glisserais volontiers avec un peu plus de références culturelles.

[Sahkti]

"Peuh répondirent les filles en smoking
Alors là... j'ai adoré cette phrase et tout ce qu'elle représente, visuellement.
Idem pour:
Cause toujours, on porte tes nippes à Rossini c'est pour son opéra soupe

Ba qui rejoue avec l'absurde, avec succès une fois de plus; tu maîtrises bien le genre, y a pas à dire.
J'aime vraiment te lire dans ce registre, c'est à quaque fois vivifiant. Drôle aussi.
Plein de belles trouvailles ici, d'idées que tu tortures (avec le sourire)... suis fan ! :-)

[Invité]

Le titre quel délice !
Mais Rossini en soap-opéra ? Gueunon pas !
Ba , je ne veux pas me prétendre plus intelli ou o que je ne suis, mais j'adore même (et surtout ?), quand je ne comprends pas !

[Rebecca]

Non ba je n'ai pas somnolé à la lecture de ce texte.Au contraire, les sens affutés, l'oreille alertée , les yeux aux aguets dans ton pays onirique. Etonnée et charmée par la perplexité même qui m'a saisie...comme un tournedos.

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