L'Arrêt de car et autres véhicules ?

[M-arjolaine]

Mon oncle était vraiment très drôle. On n'allait pas le voir souvent, mais je revenais chaque fois de mes visites les yeux brillants, et le sourire aux lèvres. C'était un homme extraordinaire: sa philosophie de la vie m'émerveillait toujours. Depuis deux ans, il n'avait pas parlé, ou en tout cas, jamais devant moi ! Je lui tirais mon chapeau: j'avais déjà essayé de ne rien dire pendant une heure, et j'avais échoué. Il faut avoir une sacrée volonté pour tenir aussi longtemps! Et il avait fait plus fort! Il avait séparé son corps en deux ! Ca impressionnait toujours les gens, ça, qu'il n'ait plus qu'une seule moitié de corps. En fait, il n'était pas coupé en deux physiquement, mais il n'y avait qu'une partie de lui qui avait des réactions, et qui pouvait bouger. Il avait imprimé à l'autre une inertie stupéfiante, à tel point que j'entendais des fois mes parents se demander s'il réussirait à la réveiller un jour. Moi, je n'avais pas envie qu'il la réveille. Il était trop marrant comme ça, avec ses demis sourires, ses clins d'oeil, et son silence permanent. Il était différent des autres, et je ne voulais pas qu'il leur ressemble: la banalité m'exaspérait.

J'étais toujours heureuse de voir mon oncle: je tentais en vain de faire partager ma joie au reste de mon entourage, ils ne me regardaient même pas. Ils parlaient entre eux, avec leurs abréviations que je mélangeais toutes: la CIA, LE FBI ( mais ceux là, ils ne les disaient presque jamais ), et puis l'ACV. L'ACV, ça revenait souvent dans leurs conversations, surtout quand on allait voir mon oncle. L'ACV, ça devait être magnifique, et je ne voulais surtout pas connaître la véritable signification, parce que je serais forcément déçue. L'Affrontement des Crétins contre les Vieillards, l'Association des Chanteurs sans Voix, ou que savais je encore ? Je disais fièrement que mon oncle avait un ACV: l'on me regardait avec respect lorsqu'on ne savait pas vraiment ce que c'était, ou bien l'on me tapait sur l'épaule avec compassion: dans ces moments là, je soupçonnais mes suppositions d'être erronnées.

A force de parler à tout le monde de l'ACV de mon oncle, les bruits finirent par arriver aux oreilles du personnel de l'école, et je fus convoquée moi même, personnellement, moi seule, chez le directeur. J'étais fière de moi: je ne connaissais personne qui avait déjà été convoqué parce qu'il avait raconté quelque chose sans savoir ce que c'était vraiment.

C'était la première fois que je rencontrais le directeur: je le détestai aussitôt. Je n'eus pas le temps de dire un mot qu'il me parla de l'ACV de mon oncle, et hop entre deux phrases il me disait « je comprends que tu sois inquiète qu'il puisse mourir à tout moment » ou bien « un Arrêt Cardio-Vasculaire à soixante ans, c'est sûr, ça fait pas du bien » ( car là était la véritable signification des trois lettres qui avaient nourries mes rêveries pendant des mois ), m'apprenant ainsi que mon oncle n'était vraiment pas un rigolo, comme je m'étais plue à le croire, et que je n'avais pas à raconter ces choses là à une bande de mômes qui n'y connaissaient rien.

Du reste, je n'aimai plus mon oncle. Quelle raison avais-je de l'aimer encore ? Il m'avait fait rigoler pendant deux ans, et tout d'un coup, il n'était plus drôle: les gens qui changent leur façon d'être comme ça, en quelques mots, ça m'exaspère.

[Kilis]

Ah, c'est drôle, ça !
C'est bien raconté et j'aime cet humour décalé.

[Invité]

On ne devrait jamais dire la vérité aux enfants. Simple mais très significatif, M-arjolaine.

Note :
la véritable signification des trois lettres qui avaient nourri mes rêveries

comme je m'étais plu à le croire,

[Invité]

Bien vu ! J'ai apprécié la cruauté désinvolte du texte.

Quelques remarques :
"ses clins d'œil" : la ligature "œ" fait partie intégrante de la graphie, elle n'est pas facultative
"la véritable signification des trois lettres qui avaient nourri (et non "nourries", le complément d'objet direct "mes rêveries" est placé après le participe passé, donc il ne s'accorde pas) mes rêveries"
"comme je m'étais plu (et non "plue" ; remplacez l'expression par "il m'avait plu de le croire" : on plaît à quelqu'un ; "m'" représente un complément d'objet indirect, non direct, et le participe passé ne s'accorde pas davantage) à le croire"

[Ba]

Jocker pour le sourire.

[Rebecca]

Adroite Confrontation de Versions

[isa]

Comment détruire tout l'imaginaire d'un enfant en quelques mots...

[isa]

Je viens de faire le lien avec le titre qui est pas mal trouvé du tout...

[Plotine]

Ce n'est pas plutôt un AVC : accident vasculaire cérébral ?

[Invité]

ACV : accident cardio-vasculaire, je ne sais pas si c'est différent de l'accident vasculaire cérébral. Kazar, si tu passes par là ??? !!!

[Rebecca]

Je pense qu'en effet c'est l'AVC qui occasionne des hémiplégies. J'ai une collègue qui a eu ça .

[silene82]

Bon petit texte, à part ça, que je n'ai pas trouvé très fin

car là était la véritable signification des trois lettres qui avaient nourries mes rêveries pendant des mois

sinon, toujours le ton M_arjolaine, que j'apprécie beaucoup.

[bertrand-môgendre]

Je pensais bêtement que l'accident vasculaire cérébral (A.V.C.) était la forme grave d'un accident cardio-vasculaire, lui rarement nommé A.C.V.
Les initiales données dans ton texte me semblent inversées, comme le font la plupart des personnes non concernées par ce drame.
Dommage que le directeur n'est pas pu traduire correctement le questionnement de l'enfant et le mien.
Du coup, j'aime moins bien le texte.

[Invité]

J'adore cette cruauté innocente ! Et cette écriture beaucoup moins innocente.

[Plotine]

Evidemment, mis à part cette histoire d'AVC ou d'ACV qui n'a aucune importance, j'aime beaucoup cette histoire.

[Chako Noir]

Evidemment, mis à part cette histoire d'AVC ou d'ACV qui n'a aucune importance, j'aime beaucoup cette histoire.

Pareil! (Enfin, aucune importance pour le texte, disons. Je connaissais ni l'un ni l'autre de toute façon.)
Très drôle, vraiment, d'une belle cruauté parce que totalement innocente, et décalé comme j'aime.

On ne devrait jamais dire la vérité aux enfants.

Hé hé.. j'ai passé bon nombres d'années à m'insurger contre cette affirmation, mais maintenant..

[Sahkti]

J'ai eu bêtement un blocage avec ACV parce que moi, je dis AVC et j'ai eu tout au long du texte le besoin de rectifier l'abréviation. Simple détail, chipoterie, mais ça m'a agacée :-)
Le début me paraît plus réussi, plus abouti que la fin. Tu n'insistes pas assez à mes yeux sur la rupture que la conversation avec le directeur a pu créer, sur ce monde qui s'effondre soudain et ce désamour qui naît. C'est esquissé, emballé c'est pesé et c'est dommage, il y avait certainement matière à et ton écriture s'y serait bien prêtée je crois.

[milo]

Il me semble que je radotte mais tans pis: j'aime énormément la diversité des thèmes que tu abordes.

[Lyra will]

Je ne vais pas faire de redite en reprenant les autres... en gros, beaucoup aimé!

[mentor]

pour moi aussi c'est AVC, mais bon
texte cruel si on reste dans la tête du narrateur jusqu'au bout
un autre enfant n'aurait pas forcément réagi comme ça et aurait plutôt éprouvé de la compassion. Peut-être. Peut-être pas. On ne nous dit pas l'âge de l'enfant.
oui, cruel

[Manu(manisa06)]

J'adore cet humour mais la fin est bâclée.
Pourquoi ce désamour soudain ?
Il faut amener la situation plus en finesse car c'est trop brutal à mon goût.
Mais bravo pour l'idée excellente.

[conselia]

Un AVC est un accident vasculaire cérébral, un ACV est un accident cardio-vasculaire. Donc dans le premier cas, c’est légume, dans le second c’est au choix, selon l’endroit où le caillot viendra mettre le souk.
Je suis formel ; docteur Formel, pour vous servir.

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