Chassés de la tribu
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Chassés de la tribu
Je m'appelle Ayla. Je marche depuis longtemps, avec mon chien, par cette chaude journée de fin d'été. Nous sommes fatigués, écrasés de soleil et nous avons soif.
Nous avons été chassés du camp magdalénien à l'aube et nous avons traversé des bois, une plaine et rejoint une rivière dans laquelle j'espérais trouver de l'eau pour que nous puissions nous y abreuver, mais elle est à sec. Il n'a pas plu depuis longtemps. Nous sommes au moins à l'ombre. De grands arbres : chênes et frênes, bordent le cours d'eau et, sous leur frondaison, je décide de faire une halte. Une herbe épaisse et fraîche fournit un excellent matelas au chien qui s'y étend de tout son long, le souffle court.
Je pose le sac dans lequel j'ai mis en vrac tout ce que j'ai récolté dans la nature depuis notre départ : pommes de pin qui me faciliteront la tâche pour allumer un feu, noix, noisettes, pommes et châtaignes.
Pendant que mon compagnon de voyage récupère, j'inspecte les alentours et je découvre des mûres qui sont encore belles, ayant poussé à l'ombre. J'en cueille de pleines poignées et lui en donne pour le désaltérer. J'en mange aussi, ainsi que des cenelles, baies d'aubépine, dont j'affectionne la consistance farineuse mais je ne lui en offre pas, il en avalerait la graine centrale qui est toxique. Je récolte également des cynorrhodons et des prunelles au goût âcre. Un peu plus loin, je trouve de la saponaire en fleurs dont j'arrache quelques pieds, ne prélevant que les feuilles sur les autres. Je joins le tout à mes récoltes du jour.
Puis je m'assois. Je regarde mon chien. Je sens qu'il est fatigué, il se fait vieux. C'est alors que je lui parle. "Tim, la tribu nous a chassés ce matin et nous devons maintenant nous débrouiller seuls, tout au moins avant de rencontrer un autre clan qui veuille bien nous accueillir. J'espérais qu'il y aurait encore de l'eau ici et je suis déçue mais nous en trouverons sans doute plus loin si nous continuons à suivre cette rivière. Et puis, le ciel si bleu ce matin se charge de nuages au fur et à mesure que le soleil descend. Peut-être aurons-nous la chance d'avoir une averse. Il nous faut aussi chercher un abri pour la nuit mais les coteaux crayeux que j'aperçois au loin doivent comporter quelque grotte. Je pense qu'il est sage que nous nous dirigions vers eux".
Nous reprenons notre marche. Un peu plus loin, dans les herbes hautes, j'aperçois des chevreuils. Ils broutent. Le chien les a vus aussi. Il s'approche d'eux rapidement, toute fatigue oubliée et il s'arrête net quand l'un d'eux regarde dans notre direction. Je l'observe. Il est tout prêt maintenant mais, au dernier moment, les chevreuils détalent à telle vitesse qu'il abandonne même toute idée de les courser. Je me souviens du temps où il les poursuivait sur de longues distances, mais toujours en pure perte, et du jour où il m'a apporté un faisan qui, à sa vue, s'était bêtement réfugié dans un roncier d'où il ne pouvait plus s'envoler.
Nous sommes maintenant au pied du coteau et nous le gravissons à travers bois. La pente est raide. La courte halte que je nous ai octroyée ne nous a pas permis de retrouver nos forces. Nous sommes maintenant épuisés et de plus en plus assoiffés. Quand nous débouchons sur la crête, nous voyons une habitation. Nous nous dirigeons vers elle.
Tiens, mais c'est la mienne ! Eh bien oui... quoi ! Ça ne vous arrive jamais de vous faire des petits cinémas pendant vos promenades ?
Moi, mon scénario préféré c'est celui de "la femme préhistorique et son chien chassés de la tribu". J'essaie alors de me mettre dans la peau du personnage et de voir si je pourrais trouver de quoi manger si j'étais seule et abandonnée. Ce n'est pas évident et je peux vous dire que notre joie est grande à Tim et à moi, quand nous apercevons la maison, surtout après deux heures de marche à travers la campagne.
A peine arrivés je lui donne d'abord une grande écuelle d'eau fraîche et je me prends un coca-cola light dans le frigo. Et puis je range mes pommes de pin dans la corbeille devant la cheminée parce que c'est joli et bien utile, parfois, quand mon feu de ne veut pas prendre. Et je congèle les fruits d'églantier pour m'en servir de décoration à Noël. Selon les saisons, il est rare que je ne rapporte pas quelque trouvaille de mes balades, ne serait-ce qu'une plume d'oiseau, pour ma collection. Puis je vais me laver les mains avec les feuilles de saponaire dont j'ai un mal fou à tirer un peu de mousse verte en guise de savon. Et je pense avec tendresse à cette aïeule magdalénienne dont le courage et l'opiniâtreté ont permis que je sois là aujourd'hui et à toutes ces femmes qui ont pris le relais.
En m'asseyant devant mon ordinateur pour y écrire des bêtises, je me dis que j'ai eu drôlement de la chance de naître au 20ème siècle. Quant à Tim, il dort.
saponaire officinale
Nous avons été chassés du camp magdalénien à l'aube et nous avons traversé des bois, une plaine et rejoint une rivière dans laquelle j'espérais trouver de l'eau pour que nous puissions nous y abreuver, mais elle est à sec. Il n'a pas plu depuis longtemps. Nous sommes au moins à l'ombre. De grands arbres : chênes et frênes, bordent le cours d'eau et, sous leur frondaison, je décide de faire une halte. Une herbe épaisse et fraîche fournit un excellent matelas au chien qui s'y étend de tout son long, le souffle court.
Je pose le sac dans lequel j'ai mis en vrac tout ce que j'ai récolté dans la nature depuis notre départ : pommes de pin qui me faciliteront la tâche pour allumer un feu, noix, noisettes, pommes et châtaignes.
Pendant que mon compagnon de voyage récupère, j'inspecte les alentours et je découvre des mûres qui sont encore belles, ayant poussé à l'ombre. J'en cueille de pleines poignées et lui en donne pour le désaltérer. J'en mange aussi, ainsi que des cenelles, baies d'aubépine, dont j'affectionne la consistance farineuse mais je ne lui en offre pas, il en avalerait la graine centrale qui est toxique. Je récolte également des cynorrhodons et des prunelles au goût âcre. Un peu plus loin, je trouve de la saponaire en fleurs dont j'arrache quelques pieds, ne prélevant que les feuilles sur les autres. Je joins le tout à mes récoltes du jour.
Puis je m'assois. Je regarde mon chien. Je sens qu'il est fatigué, il se fait vieux. C'est alors que je lui parle. "Tim, la tribu nous a chassés ce matin et nous devons maintenant nous débrouiller seuls, tout au moins avant de rencontrer un autre clan qui veuille bien nous accueillir. J'espérais qu'il y aurait encore de l'eau ici et je suis déçue mais nous en trouverons sans doute plus loin si nous continuons à suivre cette rivière. Et puis, le ciel si bleu ce matin se charge de nuages au fur et à mesure que le soleil descend. Peut-être aurons-nous la chance d'avoir une averse. Il nous faut aussi chercher un abri pour la nuit mais les coteaux crayeux que j'aperçois au loin doivent comporter quelque grotte. Je pense qu'il est sage que nous nous dirigions vers eux".
Nous reprenons notre marche. Un peu plus loin, dans les herbes hautes, j'aperçois des chevreuils. Ils broutent. Le chien les a vus aussi. Il s'approche d'eux rapidement, toute fatigue oubliée et il s'arrête net quand l'un d'eux regarde dans notre direction. Je l'observe. Il est tout prêt maintenant mais, au dernier moment, les chevreuils détalent à telle vitesse qu'il abandonne même toute idée de les courser. Je me souviens du temps où il les poursuivait sur de longues distances, mais toujours en pure perte, et du jour où il m'a apporté un faisan qui, à sa vue, s'était bêtement réfugié dans un roncier d'où il ne pouvait plus s'envoler.
Nous sommes maintenant au pied du coteau et nous le gravissons à travers bois. La pente est raide. La courte halte que je nous ai octroyée ne nous a pas permis de retrouver nos forces. Nous sommes maintenant épuisés et de plus en plus assoiffés. Quand nous débouchons sur la crête, nous voyons une habitation. Nous nous dirigeons vers elle.
Tiens, mais c'est la mienne ! Eh bien oui... quoi ! Ça ne vous arrive jamais de vous faire des petits cinémas pendant vos promenades ?
Moi, mon scénario préféré c'est celui de "la femme préhistorique et son chien chassés de la tribu". J'essaie alors de me mettre dans la peau du personnage et de voir si je pourrais trouver de quoi manger si j'étais seule et abandonnée. Ce n'est pas évident et je peux vous dire que notre joie est grande à Tim et à moi, quand nous apercevons la maison, surtout après deux heures de marche à travers la campagne.
A peine arrivés je lui donne d'abord une grande écuelle d'eau fraîche et je me prends un coca-cola light dans le frigo. Et puis je range mes pommes de pin dans la corbeille devant la cheminée parce que c'est joli et bien utile, parfois, quand mon feu de ne veut pas prendre. Et je congèle les fruits d'églantier pour m'en servir de décoration à Noël. Selon les saisons, il est rare que je ne rapporte pas quelque trouvaille de mes balades, ne serait-ce qu'une plume d'oiseau, pour ma collection. Puis je vais me laver les mains avec les feuilles de saponaire dont j'ai un mal fou à tirer un peu de mousse verte en guise de savon. Et je pense avec tendresse à cette aïeule magdalénienne dont le courage et l'opiniâtreté ont permis que je sois là aujourd'hui et à toutes ces femmes qui ont pris le relais.
En m'asseyant devant mon ordinateur pour y écrire des bêtises, je me dis que j'ai eu drôlement de la chance de naître au 20ème siècle. Quant à Tim, il dort.
saponaire officinale
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009
Re: Chassés de la tribu
J'ai bien aimé ce texte, le renversement de situation... La conclusion est un peu moralisatrice, sentencieuse, à mon goût.
Deux remarques, dans l'adresse au chien.
« Peut-être aurons-nous la chance d'avoir une averse. » : une formulation maladroite, à mon avis
« les coteaux crayeux que j'aperçois au loin doivent comporter quelque grotte » : ici, je trouve le ton artificiel pour parler à un chien
Deux remarques, dans l'adresse au chien.
« Peut-être aurons-nous la chance d'avoir une averse. » : une formulation maladroite, à mon avis
« les coteaux crayeux que j'aperçois au loin doivent comporter quelque grotte » : ici, je trouve le ton artificiel pour parler à un chien
Invité- Invité
Re: Chassés de la tribu
Ma foi, la lecture se faisait cahin-caha... Vaillamment j'essayais de m'intéresser aux détails bucoliques... Et puis paf, la griffe de Plotine qui se pointe au détour d'une phrase : Eh bien oui... quoi ! Ça ne vous arrive jamais de vous faire des petits cinémas pendant vos promenades ?
Là, ça m'a fait sourire, là j'ai commencé à bien aimer, là je me suis dit que si Plotine n'existait pas, VE devrait l'inventer.
Là, ça m'a fait sourire, là j'ai commencé à bien aimer, là je me suis dit que si Plotine n'existait pas, VE devrait l'inventer.
Invité- Invité
Re: Chassés de la tribu
J'ai d'abord cru à un remake de les enfants de la terre de Jane Auel... puis, j'ai été surprise par Eh bien oui... quoi !
J'aime être surprise de cette façon ! Mais à mon avis, toutes les explications de la fin sont superflues. Je me serais arrêtée après cette phrase qui ramène au présent... L'effet de surprise aurait été plus fort.
J'aime être surprise de cette façon ! Mais à mon avis, toutes les explications de la fin sont superflues. Je me serais arrêtée après cette phrase qui ramène au présent... L'effet de surprise aurait été plus fort.
Invité- Invité
Re: Chassés de la tribu
Je me demandais où le texte allait aboutir.
La surprise est présente, c'est le principal.
Que penses-tu de ce qui suit ?
...chênes et frênes, bordent le cours d'eau... pas de virgule devant le verbe (je commence à m'y faire) ;
cynorrhodons et cynorhodons aussi, drôle comme un air de gratte-cul ;
...doivent comporter quelque grotte...doivent comporter quelques grottes non ?
...A peine arrivés... À peine arrivés, ;
...il est rare que je ne rapporte pas quelque trouvaille de mes balades...il n'est rare pas que je rapporte quelques trouvailles de mes balades, à mon avis le sens de la phrase est plus juste, non ?
...j'ai eu drôlement de la chance de naître au 20e siècle.
Je me demande si l'on ne doit pas mettre une virgule devant les nombreux mais dont tu fais usage régulièrement.
La surprise est présente, c'est le principal.
Que penses-tu de ce qui suit ?
...chênes et frênes, bordent le cours d'eau... pas de virgule devant le verbe (je commence à m'y faire) ;
cynorrhodons et cynorhodons aussi, drôle comme un air de gratte-cul ;
...doivent comporter quelque grotte...doivent comporter quelques grottes non ?
...A peine arrivés... À peine arrivés, ;
...il est rare que je ne rapporte pas quelque trouvaille de mes balades...il n'est rare pas que je rapporte quelques trouvailles de mes balades, à mon avis le sens de la phrase est plus juste, non ?
...j'ai eu drôlement de la chance de naître au 20e siècle.
Je me demande si l'on ne doit pas mettre une virgule devant les nombreux mais dont tu fais usage régulièrement.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Chassés de la tribu
J'adore!
Titia_____- Nombre de messages : 140
Age : 44
Date d'inscription : 08/10/2009
Re: Chassés de la tribu
J'aime beaucoup "ce petit cinéma" que tu nous fait partager.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Chassés de la tribu
Il est préférable d'utiliser les sommités fleuries pour se savonner.Plotine a écrit:. Puis je vais me laver les mains avec les feuilles de saponaire dont j'ai un mal fou à tirer un peu de mousse verte en guise de savon. http://3.bp.blogspot.com/_kpH08OEvutU/SrZWL9HvmcI/AAAAAAAAAKM/6vNWnljQAeA/s1600/saponaire%2Bofficinale.jpg[/img]
saponaire officinale[/center]
Re: Chassés de la tribu
Je salue tes connaissances en botanique et la jolie pirouette qui nous cueille juste au moment où on allait s'ennuyer, ça m' bien amusée.
Ton chien doit avoir un pedigree long comme ça pour que tu lui parles aussi cérémonieusement, non, Plotine ?!!!
Ton chien doit avoir un pedigree long comme ça pour que tu lui parles aussi cérémonieusement, non, Plotine ?!!!
Invité- Invité
Re: Chassés de la tribu
Intrigué au début que la narratrice se définisse comme magdalénienne, j'attendais la chute.
C'est joliment écrit, évocateur, et agréablement dépaysant.
Je trouve que ton écriture gagne en densité, même sur un sujet anodin.
C'est joliment écrit, évocateur, et agréablement dépaysant.
Je trouve que ton écriture gagne en densité, même sur un sujet anodin.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Chassés de la tribu
Très mignonne la petite balade onirico/feministo/préhistorique...
Tu es heureuse de vivre à notre époque, mais rappelle toi qu'avant que les hommes ne comprennent que la fécondité de la femme avait un rapport avec la sexualité, tes sœurs lointaines étaient considérées comme autant de Déesses disposant du mystérieux don de vie.
Tu es heureuse de vivre à notre époque, mais rappelle toi qu'avant que les hommes ne comprennent que la fécondité de la femme avait un rapport avec la sexualité, tes sœurs lointaines étaient considérées comme autant de Déesses disposant du mystérieux don de vie.
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Chassés de la tribu
Je trouve que narrer des " bêtises " est un régal des fantaisistes survivants à la glaire ambiante, donc je ne peux qu'adhérer à leurs projets de voyages !
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Chassés de la tribu
Je suis partagée. J'aime bien cette histoire, cette mise en abîme et puis cette conclusion très terre-à-terre. Il y a une proximité et uen familiarité dans tout ceci et ça me plaît.
Je suis par contre plus réservée en qui concerne la manière de dire les choses, tantôt sommaire, tantôt laborieuse, avec des détails pas toujours utiles, d'autres qui font défaut. Je crois que ce texte mériterait d'être développé, d'y gagner en ampleur.
Je suis par contre plus réservée en qui concerne la manière de dire les choses, tantôt sommaire, tantôt laborieuse, avec des détails pas toujours utiles, d'autres qui font défaut. Je crois que ce texte mériterait d'être développé, d'y gagner en ampleur.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Chassés de la tribu
à part la liste de toutes les denrées disponibles en self-cueillette au magdalénien, j'ai trouvé le texte très agréable et la fin bien amenée et originale.
une belle écriture, encore
une belle écriture, encore
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