Exo Langue Verte : à l'envers

[Iryane]

_ Arrêtes ton char j’te dis. Ca suffit, essais pas de m’embrouiller, j’en ai vu d’autre.

Lucien détestait qu’on tente de le carotter. Il la reconnaîtrai entre mille. La poudreuse parfaite, celle qui le ferait décoller plus haut qu’ le septième ciel.
Et là, ce type, ce faux-jeton pas encore pubère, osait lui proposer sa daube de première …
Non, on ne la lui faisait pas à lui, Lucien le crac, Lucien the Deal.

_ Allez dégage. T’as d' la baraka que je sois de bonne humeur.

Le gosse fronce les sourcils, hésite et préfère la fermer.
Il passe à un autre pigeon potentiel, un gringalet complètement en manque.

Lucien a d’autres chats à fouetter que de botter le cul à des refourgeurs malhonnêtes.
Il a du pain sur la planche.
Le coup du siècle comme dit son pote Marco.
Enfin, pote, c’est vite dit, mais ça fera l’affaire. Et puis, sa poule est une belle monnaie d’échange. Conciliante, pas chiante et discrète. Tant que Marco ne se doute de rien, tout marchera comme sur des roulettes.
Vaness’, en plus d’être bien roulée, elle est maligne. Une enquilleuse terrible, qui sait comment ne pas se faire cueillir et éviter la gomme à effacer le sourire …
Lucien réfléchi trois secondes et bifurque dans une ruelle sombre. Derrière la benne à ordure, il se fait un rapide rail, histoire d’être frais et dispo pour la demoiselle.
Il faut qu’il fasse bonne impression, pour la convaincre. Il est doué pour la tchatche Lucien, mais là, va falloir mettre le paquet.
Accroupi dans l’ombre, les yeux révulsés, cramponné à un sac poubelle, il se sent un peu paumé. Juste quelques secondes, il se demande comment il en est arrivé là. Ses vieux avaient pourtant mis un fric pas possible pour qu’il use son falzar sur les banc de la fac. Il y était resté suffisamment pour réussir le concours d’entrée. Réussi haut la main. Si son paternel le voyait à cet instant …
Et le patron aussi. Ce gros lard impotent qui parce qu’il a quelques grades de plus, se permet de rouler des épaules à la Aldo Macione …
En immersion qu’il disait. Là pour le coup, il est à fond. En amphibie même. Lucien se demande combien de temps il va tenir son double jeu. Parce que la Vaness’, il l’a dans la peau mine de rien. Il en ferait plus que son quatre heure …
Bref, pas question de renfiler l’uniforme de sitôt.
Il se relève doucement, légèrement étourdi.
Quelques rues, quelques clodo enjambé, et le voila devant la porte vermoulue qui branle lorsqu’il tambourine dessus.
_ Van, putain, c’est moi, allez ouvre !
Elle est là, tout simplement parce qu’à cette heure ci, elle ne peut pas être ailleurs.
11h00 du mat’, elle doit à peine se réveiller.
_ Quoi ? pourquoi tu te pointe si tôt, ça pouvait pas attendre demain ?
Son petit nez mutin retroussé le fait craquer.
_ Non ma caille, c’est tout de suite ou rien, dit-il en la poussant à l’intérieur. La contact de sa main sur l’épaule chaude de Vaness’ lui donne la chair de poule.
Coiffée avec un pétard, les yeux noircis du maquillage de la veille, la mine défraîchie, elle est quand même vachement belle.
La discussion attendra un peu, là, y’a nettement mieux à faire !

Spoiler:

[Invité]

Un peu lège, ma poule, mais on va pas en faire un fromage ! Force un peu la dose et c'est bonnard.

[Iryane]

Lucien a du mal à redescendre.
La came et la chevauchée fantastique, y’a pas à dire, ça va bien ensemble …
Un coup d’œil au réveil lui suffit pour se secouer les puces.
Pas question de crécher ici trop longtemps, il manquerai plus que Marco débarque !
Et lui voler dans les plumes, ça fait pas parti de ses plans.
Pas tout de suite en tout cas.
Il remet ses fringues en vitesse, et rejoint Van dans la pièce qui fait office de salon cuisine entrée et débarras. Tout ça dans neuf mètre carré. Y’a à peine de quoi entasser sa garde-robe …
Vaness’ est déjà attablée devant un bol de céréale.
Lucien jette un œil à sa montre _ une rolex bien sur _ déjà 13h30.
Il s’assoie en face d’elle et attend qu’elle ait enfourné la dernière cueillère pour lui parler de ce qui le préoccupe.
Rien de pire que d’être dérangé pendant son petit déj’.
_ J’ai une proposition à te faire.
Van, sur le point de se lever, se rassoit lourdement et lève un sourcil interrogateur, du genre : qu’est ce qu’il me veut ce gros lourd…
_ t’inquiètes pas, je vais pas te demander en mariage
_ manquerait plus qu’ca, souffle-t-elle, agacée.
_ nan, je te parle boulot là. Avec Marco, vous voyez trop petit.
De la fauche, un peu de deal, ça suffit plus. Nan mais regardes où tu pionce, ça pue ici …
_ vise plus haut que ton cul, et c’est les flics qui vont se faire un plaisir de te le pincer !
_ faut être plus malin qu’eux. Toi et moi, on l’est. On pourrait faire un malheur. Le coup du siècle ma poulette.
Elle se tait pendant quelques longues secondes. Mon omission ne lui a pas échappé.
_ Et Marco dans tout ça ?
_ Marco … tu sais comment il est … trop branleur, trop froussard. Et il a déjà un casier chargé.
_ Moi aussi.
_ Non, toi à chaque fois tu t’en tires. Lui, il a fait de la garde à vue. Et pas qu’une fois.
_ Bon, et alors quoi.
_ bhen alors on peut pas prendre le risque de le mettre dans la combine. Juste toi et moi.
_ Ça fait deux ans qu’on …enfin qu’on se connaît avec Marco. Peut pas lui faire ça.
_ Tu serais pas mieux avec moi ? Allez, c’est un looser ce type, il est même pas là quand t’as besoin. Là, il doit cuver son tonneau au bar du coin !
_ C’est lui qui m’a sortie de la rue, oublie pas. Avant, je dormais avec les morpions et les clodo dans le caniveau.
_ Et moi, je te ferai dormir dans une vraie maison
_ Nan mais c’est quoi ces idées de bourges que tu me sors là ? T’es tombé sur la tête ou quoi ?
Lucien sent qu’il en a trop dit et qu’il ferait mieux de tourner tout ça en dérision.
_ Excuse ma poule, j’ suis pas encore descendu de mon trip de cette nuit. Une bonne blanche, ça, je t’ jure… ajoute-t-il avec un sourire en coin, en tapotant la poche bombée de son blouson.
Les yeux de Van s’agrandissent de convoitise. Elle reluque la poudre comme si sa vie en dépendait.
_ Si tu promet de tenir ta langue avec Marco, promis je t’en amène pendant un semaine. Gratos.
Silence.
Vaness’ se masse les tempes, visiblement à cran.
_ Ouais ok, je dirais rien. Pendant une semaine, c’est ça ?
Lucien hoche la tête, profitant que la belle ait les yeux fermés pour l’observer à son aise. Elle réfléchi à son offre. Elle se demande si elle peut s’affranchir de son mec et se fier à ce type qu’elle ne connaît que depuis six mois. Coucher ensemble c’est une chose, mais faire confiance …
Lorsqu’elle reprend la parole, sa voix est presque enrouée. Basse et sourde comme un orage qui gronde.
_ Ok. Ton coup du siècle. Raconte.
_ Pas compliqué. Fini les vols de supermarché. Fini le traffic de came coupée...

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