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Message  Kilis Lun 5 Avr 2010 - 14:17

Je me suis réveillé de bon matin et passablement frais eut égard à mes excès de la veille. Fait exceptionnel je me suis douché, rasé, habillé avant de prendre le premier café, avant d’allumer la première cigarette. Longtemps que ça ne m'était plus arrivé. Ensuite j'ai déjeuné en pensant à ce que j'allais faire de ma journée. J’ai ouvert mon calepin et me suis mis à lister des propositions et ce faisant je me suis bêtement félicité de n’avoir eu encore aucune pensée pour Mardi. Alors j’ai rageusement noté: « Ne pas penser à Mardi ! » et je l’ai souligné une fois, deux fois, trois fois et mon bic a traversé la page.
Bon. En tête de liste venaient les courses. J’avais l’intention de me rendre à l’aire commerciale de B qui compte divers commerces et notamment un Mister Brico où je pourrais me procurer de la toile goudronnée pour renforcer l’étanchéité de la caravane. Mais quand j'ai voulu sortir la caisse, mes bonnes résolutions ont déjà pris un coup dans l'aile. Les orages répétés de ces derniers jours avaient créé de profondes ornières à l'entrée de la parcelle et mes roues patinaient. J’ai vaguement envisagé de couper des branchages pour les glisser dessous mais subitement tout courage m’a abandonné et je suis parti à pied vers le village, résigné à ne faire que les courses urgentes. J'avais le temps de flâner car la supérette n'ouvrait qu'à 10h alors je me suis baladé le long des berges.
Mon portable a sonné : Nicolas.
— Joanna s'inquiète pour toi, Fred.
— Je sais. Elle arrête pas de me laisser des messages.
— Elle dit que tu ne lui réponds pas.
— Exact, je ne les ouvre même pas figure-toi.

« Elle s'inquiète pour toi », a-t-il répété.
Je me suis arrêté pour observer un cormoran. Je me suis accroupi puis assis sur la berge, dans l’herbe humide. C’était fou de voir cet oiseau plonger et comment il restait un laps de temps incroyable sous l’eau avant de refaire surface.
— Fred ? Tu es là ?
— Oui, je suis là. Je regarde un cormoran
— Un quoi ?
— Rien, un oiseau. Que veux-tu que je te dise ? Elle s'inquiète, bon. Elle s'en fait peut-être juste pour le divorce. Elle s'inquiète parce que je n'ai encore rien signé, voilà. Mais elle a pas à s'en faire, puisqu'il y a déjà six mois que nous sommes séparés de corps. Le divorce, elle aura aucun mal à l'obtenir, ma signature ou pas. Sinon, elle peut toujours me faire interner puisqu'il paraît que je suis fou. C'est ce que tu penses aussi, dis-moi. Je suis fou, n'est-ce pas ?
— Arrête Fred, arrête avec ça !
— Oh, je ne t'en voudrais pas de le penser, va. J’ai moi-même de sérieux doutes quant à ma santé mentale, si tu veux savoir.
— Peut-être devrais-tu revenir en ville. J'ai de quoi te loger. Tu es le bienvenu.
— Je n'ai pas l'intention de bouger d'ici.

Là, la conversation a brusquement pris fin parce que ma batterie était à plat.

Un deuxième cormoran s’est joint au premier. Peut-être s’agissait-il d’un couple. J’étais fasciné. Je suis rester un bon moment à les regarder. J'ai pensé que j'avais envie de ça, comme eux, de disparaître sous l'eau. Puis m'est revenue l'idée d'acheter un chien.


J’ai fait mes achats à la supérette tel un zombie avec cette envie de chien qui me trottait dans la tête. Au gré des allées, j’entassais boîtes et paquets dans mon sac à dos ce qui n’a pas manqué d’attirer le regard du gérant qui m’a vivement recommandé de transvaser illico le contenu de mon sac dans l’un des paniers de plastiques prévus pour cet usage. J’ai obtempéré sans broncher allant jusqu’à retenir mon chien potentiel de lui sauter à la gorge. Aux pieds, Jackson ! J’avais encore aucune idée de sa race ni de sa taille mais il avait déjà un nom : Jackson. Je suis passé à la caisse tenue par l’accorte Giselle toute fraîche dans son tablier rose. « Ah ! vous avez un chien maintenant ? », s’est-elle étonnée en enregistrant les quelques boîtes de Royal Canin. Et comme je m’apprêtais à lui répondre une connerie, histoire d’entendre son rire qu’elle a très joli, le patron est venu se poster derrière elle posant ses mains sur ses épaules et je me suis souvenu de ce que Mardi m’avait raconté à propos de ce vicelard. J’ai payé et je suis sorti.
J’ai repris le même chemin au bord de l’eau et j’avais toujours Mardi à l’esprit et les mains moites du gérant plaquées sur ses épaules. Puis Jackson m’a rattrapé. J’ai tenté de me le représenter d’une façon plus concrète. Je le souhaitais de taille moyenne, plutôt bâtard que racé, un chien commun avec un bon regard de chien. Je me suis assis dans l’herbe au même endroit qu’à l’aller mais les cormorans avaient disparu. L’herbe était sèche à présent et un rayon de soleil perçait par intermittence la couche nuageuse. Un petit vent soufflait, tiède et caressant. Soudain je nous ai vus pique-niquer là, tous les trois, Mardi, Jackson et moi. Je les ai regardé s’ébattre dans la rivière, elle riant, lui jappant, elle lui lançant un bout de bois, lui le ramenant dans sa gueule, puis tous deux sortant de l’eau dans des éclaboussures dorées et Mardi était nue.
Mardi.
Sa peau.
Alors toutes ces images gentiment poétiques se sont muées en bouffées lubriques et ma queue a commencé de s’asphyxier sous mon jean. Je suis rentré.

L’ennui quand j’ai la trique, c’est que je m’interdis également de me masturber en pensant à elle. La quadrature du cercle. Je me suis donc résigné à reprendre une douche. Suite à quoi, rangeant mes courses, je me suis aperçu que j’avais omis d’acheter du tabac. Qu’à cela ne tienne, me dis-je, je passerai dans l’après-midi faire un tour à la Barraque.

***


J’ai commandé une bière à l’intérieur, ai déniché le journal local et suis allé m’installer dehors, prenant place sur l’unique chaise de l’unique table au beau milieu du ponton d’accostage des pédalos — pédalos au nombre de trois et qui dormaient sous leur bâche en attendant les beaux jours. Puis je me suis avisé qu’il régnait un tel tintamarre de coassements que je n’arrivais pas à me concentrer sur ma lecture. J’ai laissé là ma bière et mon journal et entrepris de faire le tour de l’étang en m’engageant sur la passerelle de planches. Il y avait des grenouilles par milliers. Je n’en avais jamais vu autant et elles baignaient dans un sorte de jus mousseux immonde. Je me suis accroupi pour regarder de plus près et j’ai finalement compris qu’elles étaient occupées à pondre.
— Belle leçon d’Histoire Naturelle, hein ?

Je ne l’avais pas entendu s’approcher et, surpris, j’ai vacillé manquant, en me redressant, de basculer dans la flotte.
Je reconnaissais le bonhomme pour l’avoir quelquefois croisé sur ma route, la plupart du temps flanqué de ses deux chiens, un blanc et un noir. Je savais qu’il s’appelait Gringoire, qu’il vivait de petits boulots ici et là. J’avais entendu dire que sa vieille mère habitait le village et qu’il venait parfois lui déposer les chiens quand il ne pouvait les emmener là où il avait affaire.

« Toi, c’est Fred, n’est ce pas ? » a-t-il poursuivi me tendant une main couverte de bagues. Et comme j’acquiesçais : « Gringoire, dit-il, mais je suis sûr que tu le sais déjà. » et il est parti dans un rire que je ne pourrais mieux qualifier que de sardonique et ce faisant il retroussait les lèvres sur des dents jaunes et déchaussées. Nous avons continué le circuit sans rien nous dire mais je sentais qu’il m’observait, me détaillait. De temps à autre il se raclait bruyamment le fond de la gorge puis se penchait pour cracher dans l’étang. À la fin du parcours j’ai regagné ma place sur le ponton et lui, sans un mot, il s’est dirigé vers la Baraque où il est entré. J’ai repris mon journal, quelque peu déconcerté par cette rencontre, mais à peine avais-je lu deux phrases, que Gringoire réapparaissait muni d’une chaise qu’il posa à mes côtés avant de s’y asseoir à califourchon mains posées sur le dossier, tête posées sur les mains et qu’il se mit ainsi sans vergogne à me dévisager.
« Paraît que tu travailles aux grottes », finit-il par dire.

Ne sachant trop quel comportement adopter face aux manières singulières du personnage, j’émis un vague grognement en opinant du chef et repris aussitôt ma lecture.
« Paraît aussi que tu t’intéresses aux frères Colas, je me trompes ? »

J’ai posé mon journal, me suis levé et j’ai fait deux pas jusqu’au bord du ponton, puis revenant vers lui j’ai dit :
— Où voulez-vous en venir à la fin ?
Il a sorti un paquet de tabac et a pris tout son temps pour s’en rouler une, l’allumer, en tirer une longue bouffée.
— Faut voir, j’aurais pt’êt bien un truc à te vendre…
— Quel genre de truc ?
— Oh rien de bien lourd ! Justes des mots… des mots qui font une histoire. Tu dois aimer ça, les histoires. Ils disent que tu écris.

Fallait avouer qu’il faisait preuve d’un certain talent pour appâter le chaland. Il commençait à me plaire et abandonnant toute méfiance je me suis mis à mon tour à le tutoyer.
— Et à combien l’estimes-tu ton histoire ? T’as l’air de savoir trop de choses sur moi pour ignorer ma piètre situation financière.
— T’inquiète, mon gars, je demande pas granch’, juste de quoi étancher ma soif le temps que je raconte. Et tu m’arrêtes quand tu veux. On tope-là ?
— Entendu.
— Bien. Ce sera un double rhum, pour moi.

Je suis revenu avec deux bières, lui en ai tendu une :« Voilà. Le rhum ne figurant pas dans les termes du contrat, ce sera ça ou rien »
— T’es dur en affaires, il a maugréé.


Plus tard, lorsque cahin-caha j’ai traversé le camping dans la lumière de miel du jour finissant, j’avais parfaitement conscience que tous pouvaient se rendre compte de mon état. J’étais bourré comme un coing. Mais je les emmerdais, tous autant qu’ils étaient : Moby Dick, Aline et son mouflet, la Mado, le Père Fouettard et Mardi. Surtout Mardi.
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Message  Kilis Lun 5 Avr 2010 - 14:19

Mais, revenons à l’étang, au ponton et à Gringoire.
« T’es dur en affaires » il avait dit et vrai que j’étais assez content de moi.
Et donc pendant qu’il entamait sa bière, je me suis assis devant la mienne et j’ai fait : « Alors cette histoire des frères Colas ? »
Il a déposé son verre vide et s’est essuyé la bouche du revers de sa veste.
« Ça vient, mon gars, ça vient, mais, sans te commander, je serais toi, que j’irais rechercher deux trois bières tout de suite parce que parler ça donne soif et que pour ton confort et le mien et pour pas que mon récit soit tout décousu… ben, tu vois… je veux bien te tenir en haleine mais la mienne faut me la rincer. »
J’ai hésité deux secondes, il s’en est rendu compte. Il a saisi son verre vide et me l’a tendu avec un petit sourire en coin.
C’est là que je me suis dit que je n’aurais pas le dernier mot.

Je suis revenu avec quatre bières sur un plateau. J’en ai posé trois devant lui.
Nous avons chacun roulé une cigarette.
Il a encore pris le temps de tirer trois long coups sur la sienne puis de changer la position de sa chaise et de s’installer confortablement.

« D’abord, il nous faut faire un petit voyage dans le temps, pas bien loin, mais attends, je calcule. Ah, quand même ! Bon, disons il y a de ça quarante-deux ans. Les golden sixties, peace and love et tout le saint truc, tu vois ? Je sais bien que t’étais pas né, tu dois être de 75, toi, ou dans ces eaux-là. Mais t’en as entendu parler. Donc imagine : 1967, huit ans avant ta naissance…. » Il m’a regardé puis il a fermé les yeux et : « Dis-moi, dis-moi ce que tu vois, ce que t’entends. »
— J’entends un air d’harmonica, j’entends Bob Dylan chanter et je vois des filles avec des foulards indiens
— Bien
— Et des gars barbus qui marchent pieds nus et tout le monde fume du hasch, enfin, plutôt de la mariejeanne.
— Bien, bien
Je me sentais comme un écolier tout heureux de trouver les bonnes réponses et avec un brin d’exaltation j’ai ajouté :
— J’ai lu Kérouac, On the road.
Déclaration qu’il a accueillie avec un léger sifflement d’admiration et je me suis demandé s’il ne se foutait pas un peu de ma gueule.
J’avais achevé ma deuxième bière et je lorgnais sur les verres non entamés qu’il avait encore devant lui. Il avait raison, les histoires ça donnaient soif.

« Donc, on est d’accord, tu situes bien l’époque. En même temps, ici à Ramier, on n’était pas tellement dans le coup. Ici il y avait cinq ou six fermes et des vaches et chacun pissait devant sa propre porte. On avait pas trop de distractions excepté le dimanche : le matin on allait à la messe, à midi on mangeait du poulet rôti et le soir quelques uns se réunissaient à la salle des fêtes pour regarder l’unique télé en noir et blanc du village. ». Là-dessus il a avalé une bière d’un trait, avant de roter de manière sonore et de reprendre :
« Tout ça pour te dire que quand elles sont arrivées les deux nanas de la ville… »
« Je croyais qu’il serait question des frères Colas, l’ai-je interrompu. Tu serais pas en train de me ballader des fois ? »

Piqué au vif, il s’est levé d’un bond, a nerveusement rangé son siège sous la table . « Dans ce cas, salut ! », a-t-il dit. « Pour la suite, je t’enverrai un télégramme, okay ? » et il est parti.
Je suis resté un moment éberlué, je ne m’étais pas attendu à une telle réaction. « Hé, attends ! » j’ai crié « J’ai été maladroit et si je t’ai vexé je te prie de m’excuser ». Il est revenu sur ses pas , il a terminé sa dernière bière : « J’ai soif », il a dit. Et je me suis exécuté. En même temps, je pensais « Merde, qu’est-ce que je suis en train de foutre, moi, à obéir au doigt et à l’œil ? C’est qu’il me tient la dragée haute, ce con ! »

« Donc, deux nanas du genre hippies sont arrivées à Ramier. Et des hippies, ici, on n’en avait jamais vus. D’ailleurs, comme j’ai dit à part des vaches…. Crois-moi, j’y suis né et à ce moment de l’histoire j’avais dans les treize ans. Donc, elles s’amènent, demandent au père Hurard la permission de camper dans son pré, ce qu’il accepte. On se dit, elles sont en vacances, elles vont faire quelques brasses dans la Zelle et repartir bientôt. Et effectivement, après avoir traîné leurs sabots un peu partout dans les environs, avoir cueilli quelques fleurs en bord de chemin pour se les piquer dans les cheveux, elles ont replié leur tente et ont repris l’autocar. Elles étaient à peine restées une semaine. »
Il a fait une pause, a envoyé un jet de salive sur les planches du ponton puis m’a considéré longuement, jaugeant mon impatience. Comme je ne bronchais pas, il a poursuivi :
« Bref, la vie du village a repris son cours normal, enfin presque normal parce que les gens ne parlaient plus que d’une chose : la ferme Colas qui était a l’abandon depuis des années venait d’être rachetée on ne savait par qui, on se suspectait les uns les autres. Donc, on avait presque oublié les deux nanas quand, deux mois plus tard, les voilà qui rappliquent. En camionnette cette fois, un combi VW tout peinturluré. Et tout le monde est sur le cul de les voir s’installer en chantant à la ferme Colas. Maintenant faut que je te jette un petit coup de projecteur sur les filles en question. Longs cheveux, longues jambes et maigres comme des flûtes. Pas jolies. Des visages en lame de couteau si tu vois. Elles se ressemblaient sauf que l’une, Lucy, était un peu moins laide que l’autre, Sonia. Moi qui caché dans un fourré, les ai reluqué en train de se baigner, je peux te dire que sur ces filles-là un loup aurait pas trouvé granch’ à becqueter. N’empêche que j’en prenais plein les mirettes. Elles étaient en bikini et se défoulaient dans l’eau comme des chiens fous. Puis, à ma grande stupeur, elles se sont enlacées et se sont embrassées longuement sur la bouche. J’ai failli m’étrangler quand elles ont ôté leur slip. Elles étaient toutes deux dotées d’une toison incroyablement fournie et qui plus est ornée de breloques qui leur pendouillaient entre les jambes. ».
Il m’a reluqué et devant mon air béat, est parti d’un grand rire :
— Ben, je vois que ça te fait de l’effet à toi aussi !
— Faut dire que tu racontes bien, j’ai dit, tentant de reprendre une contenance.
— T’as raison, mon gars. C’est là mon seul talent, mais à l’époque je ne le savais pas encore…

« Alors j’ai gardé mon secret bien au chaud sous mon crâne. Au village, ils pensaient tous qu’il s’agissait de deux sœurs et je ne les ai pas détrompé. Encore que l’un n’empêche pas l’autre, elles auraient pu être sœurs et amantes… Enfin, quoi qu’il en soit, elles se sont mises à élever des chèvres et à produire du fromage. Toutes seules, je veux dire sans l’aide de personne. Au contraire, certains s’ingéniaient à leur mettre des bâtons dans les roues. Tant et si bien qu’elles ont fini par ne plus descendre au village mais quand elles le traversaient en camionnette, il n’était pas rare qu’on leur lance des pierres. Je n’ai jamais compris cette haine collective à leur endroit. Puis un jour on a retrouvé le corps du facteur non loin de leur ferme, la tête fracassée par une grosse pierre et fatalement les soupçons se sont focalisés sur elles. Bien que l’enquête n’eût rien révélé de probant, ce fut à partir de là qu’on les affubla du nom de « sorcières ». Elles travaillaient beaucoup, quittant rarement la ferme et jamais en même temps. Elles se relayaient pour aller vendre leur fromages sur les marchés et livrer les restaurants. A l’exception de cette fois où elles sont parties tout un week end en Angleterre pour assister à un concert de rock. Quand elles sont revenues, un homme les accompagnait. Il a vécu quelque temps à la ferme et puis un matin on l’a vu prendre l’autocar et on n’a plus entendu parler de lui. Voilà. Ceux que tu appelles comme tout le monde ici « Les frères Colas » sont nés quelques mois plus tard, à une semaine d’intervalle. En réalité, ils ne sont pas frères et ne s’appellent pas Colas. J’ignore leurs véritables patronymes, chacun devrait porter celui de sa mère. Je ne connais que leurs prénoms : Brian et Denis. »
Il s’est tu, s’est levé, a arpenté le ponton pour se dérouiller les jambes avant de se rasseoir.
— Maintenant si tu allais nous chercher à boire, je pourrais essayer de répondre aux questions qui ne vont pas manquer de te titiller.
— Okay, la der alors. Je n’ai plus un rond.


Ainsi donc les frères Colas étaient nés d’un couple de lesbiennes qui élevaient des chèvres. Mais à présent où se trouvaient leurs mères et qu’était-il advenu des chèvres ?
Quand je suis revenu avec les deux dernières bières, Gringoire ne se trouvait plus sur le ponton ni nulle part alentour. Evaporé. J’ai éclusé les deux verres l’un après l’autre et comme déjà dit, quand j’ai repris le chemin du camping, le jour commençait à décliner et moi plus encore.
Je me suis endormi tout habillé et j’ai rêvé que j’étais Gringoire dissimulé dans un fourré à observer les deux filles se dépouillant de leur slip dans la rivière. Et chacune d’elles était Mardi.
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Message  Invité Lun 5 Avr 2010 - 14:50

Mon humble avis : ça tient bien la route, on y croit, j'aime le mystère de Mardi et des frères Colas et tes deux personnages. Moi, ça me branche.

Tiens, j'ai relevé ceci :

Je me suis réveillé de bon matin et passablement frais eu égard à mes excès de la veille.
Mais quand j'ai voulu sortir la caisse, mes bonnes résolutions ont déjà pris un coup dans l'aile. (là, je dirais soit : "avaient déjà pris un coup ..." ou "ont pris un coup ...")
Je suis rester un bon moment à les regarder. (resté)
Au gré des allées, j’entassais ("j'entassai", plutôt au passé simple) boîtes et paquets dans mon sac à dos (virgule) ce qui n’a pas manqué d’attirer le regard du gérant
Je les ai regardés s’ébattre dans la rivière, elle riant, lui jappant,
Je n’en avais jamais vu autant et elles baignaient dans une sorte de jus mousseux immonde.
tête posée sur les mains et qu’il se mit ainsi sans vergogne à me dévisager.
« Paraît aussi que tu t’intéresses aux frères Colas, je me trompe ? »
— Oh rien de bien lourd ! Juste des mots… des mots qui font une histoire.
On tope-là ? (sans tiret)
— J’ai lu Kérouac, On the road. (italiques pour le titre)
et le soir quelques-uns (tiret) se réunissaient à la salle des fêtes
Tu serais pas en train de me balader des fois ? »
« Donc, deux nanas du genre hippie (je pense que "hippie" se rapporte au genre ici, donc singulier)
Moi qui caché dans un fourré, les ai reluquées en train de se baigner,
Au village, ils pensaient tous qu’il s’agissait de deux sœurs et je ne les ai pas détrompés.

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Message  mentor Lun 5 Avr 2010 - 15:05

tu fais preuve d'une belle imagination !
je ne parle pas de l'écriture, elle est parfaite, comme d'hab
et les dialogues équilibrent bien les paragraphes racontés
oui, ça donne envie de continuer la lecture, n'en doute pas

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Message  Rebecca Lun 5 Avr 2010 - 15:34

On veut la suite !!!!
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Message  Invité Lun 5 Avr 2010 - 16:07

Je trouve votre écriture très en-dessous de ce à quoi vous m'avez habituée ; outre les fautes de langue qui n'y sont pas rares, j'y note un relâchement sans doute volontaire (pourquoi pas, ça colle avec l'histoire), mais surtout une oscillation parfois peu naturelle entre passé simple et passé composé. L'histoire est intéressante et, sachant que le texte s'inscrit dans un ensemble plus ample, j'ai envie d'en savoir davantage... mais je crois que sur la distance, le côté neutre, peu travaillé semble-t-il de l'écriture (abondance de "et" par moments, guère d'attention sur le rythme ou les sonorités) me gênerait, surtout venant de vous.

Mes remarques :
« passablement frais eu (et non « eut ») égard à »
« Je regarde un cormoran » : manque le point en fin de phrase
« Je suis resté un bon moment »
« Aux pieds, Jackson » : je crios que c’est plutôt « Au pied », pour l’ordre de dressage
« Soudain je nous ai vus pique-niquer là » : je crois bien que, dans ce cas de figure, on écrit « je nous ai vu pique-niquer », car le complément d’objet du verbe n’est pas « nous », mais l’infinitif ; à vérifier, éventuellement
« un tour à la Barraque (…) il s’est dirigé vers la Baraque » : en principe, un seul « r » au mot
« à peine avais-je lu deux phrases, (êtes-vous sûre de la virgule ici ?) que Gringoire réapparaissait »
« tête posée (et non « posées ») sur les mains »
« je me trompe (et non « trompes ») »
« Juste (et non « Justes ») des mots »
« trois longs coups sur la sienne »
« et je vois des filles avec des foulards indiens
— Bien
— Et des gars barbus qui marchent pieds nus et tout le monde fume du hasch, enfin, plutôt de la mariejeanne.
— Bien, bien » : manquent trois points en fin de phrase
« les histoires ça donnait (et non « donnaient ») soif »
« le soir quelques-uns »
« Tu serais pas en train de me balader (et non « ballader ») »
« « Hé, attends ! » j’ai crié (manque un point ici, je pense) « J’ai été maladroit »
« des hippies, ici, on n’en avait jamais vu (et non « vus », car le complément d’objet du verbe est ici « en », sans genre ni nombre) »
« Moi qui caché dans un fourré, les ai reluquées (les filles) en train de se baigner »
« je ne les ai pas détrompés »
« elles sont parties tout un week-end »

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Message  demi-lune Lun 5 Avr 2010 - 16:58

Très agréable à lire et surtout tu sais éveiller la curiosité du lecteur : on ne décroche pas jusqu'à la fin ! Nous aussi, nous voilà happés par cette histoire !
Quelques petites choses relevées par les commentateurs précédents mais ce qui m'a, moi, un peu gênée, ce sont les passés simples qui déboulent parfois au milieu de ce texte pour l'essentiel au passé composé et imparfait, temps qui me semblent mieux convenir au récit.
On est sur plein de pistes intrigantes et donc, devine... on veut la suite bien sûr !
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Message  Invité Lun 5 Avr 2010 - 20:52

J'adore ! L'ambiance, ce personnage un peu perdu et cette Mardi ( qui m'avait déjà séduite !) et le chien imaginaire ( qui va devenir réel ?) , j'ai presque l'odeur d'eau de la Zelle... enfin, je veux la suite, Pili !
Tu le publies quand ? Tu me mets le numéro un de côté !

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Message  mentor Lun 5 Avr 2010 - 20:53

coline Dé a écrit:Tu le publies quand ? Tu me mets le numéro un de côté !
non ! déjà réservé ! :-)))

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Message  Ba Mar 6 Avr 2010 - 16:15

Le gardien ne pourra pas dire que je ne suis pas entrée dans le camping ! Il est dense, très fréquenté, je reviendrai donc en saison morte.
Sinon, beaucoup d'entre vous ont une plume romanesque qui se laisse suivre. ;-)
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Message  Yali Mer 7 Avr 2010 - 7:07

Envoutant.
Pour moi tout est là comme ça doit l'être dans le premier jet d'un roman : les idées, la tessiture des personnages, l'architecture interne du récit… Et nous savons tout les deux, qu'il faut ça pour arriver au bout, qu'ensuite il faut tout reprendre et s'attacher plus méticuleusement à la forme. Il n'empêche que, il n'est pas trop tôt pour affirmer que ce texte distille la petite musique qui fait que l'on se laisse aller à aimer.

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Message  Plotine Mer 7 Avr 2010 - 8:26

J'ai beaucoup, beaucoup aimé le début jusqu'à la rencontre avec Grégoire et l'histoire des deux nanas lesbiennes.
J'aurais préféré que tu restes sur le personnage en rupture et tellement d'actualité plutôt que de partir dans une histoire d'"avant".
C'est que ton héros m'a drôlement intéressée et que j'ai peur que tu l'abandonnes au profit de l'histoire de ces deux filles.
Mais ce n'est qu'un avis personnel. J'attends la suite avec intérêt.
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Message  elea Sam 10 Avr 2010 - 19:12

Prenant d'un bout à l'autre.
J'aime entrer de suite ainsi dans un univers, me laisser emporter par l'histoire et visualiser les personnages qui prennent corps en quelques lignes.

La seule critique est de ne pas avoir la suite :-)

Merci pour cette lecture.

elea

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Message  midnightrambler Dim 11 Avr 2010 - 21:31

Bonsoir Pili,

Une peinture joviale et réussie de l'effet désinhibant de la consommation exagéréé de canettes de bière ... beaucoup plus convivial que l'usage sans limite du cannabis !
Une intrigue bien ficelée et bien menée ...

Pas d'auto-contrôle personnel ... vous pouvez continuer, je vous lirai avec grand plaisir ...

Amicalement,
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Message  Louis Lun 12 Avr 2010 - 13:29

Suffisamment de mystères sont ménagés en ce début de roman pour inciter le lecteur à poursuivre la lecture.
Ainsi, on aimerait savoir qui est Mardi, et quelle relation s’est établie entre elle et Fred, le narrateur, dont la personnalité, complexe, invite à être connue.
Le passé du lieu de séjour du narrateur recèle, lui aussi, nombre de mystères : la vie et le destin des deux femmes lesbiennes, les frères Colas, et le meurtre non élucidé du facteur.
Le personnage de Gringoire est également assez mystérieux.
La curiosité du lecteur est ainsi éveillée dés les premiers paragraphes.
Un thème intéressant me semble présent : celui du double. Le double des femmes lesbiennes, qui passent pour des sœurs ; les frères Colas ; ces deux femmes en relation avec Fred, Mardi et Joanna ; et puis Gringoire qui raconte des histoires, sorte de double en miroir de Fred qui en écrit. Ce thème, s’il continue à être traité, dans le jeu des rapports complexes entre les doubles, me semble en mesure d’apporter une profondeur à l’ensemble du récit.
Un roman à poursuivre, Pili.

Juste une réserve : la couture entre deux passages du texte me semble maladroite, celle qui est constituée par cette phrase : « Mais, revenons à l’étang, au ponton et à Gringoire. » Ce raccord peut être facilement rectifié.

Louis

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