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D’un chat l’autre

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Plotine
silene82
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Message  silene82 Dim 16 Mai 2010 - 21:31

Jonathan, lorsqu’il y songe, ce qui advient fréquemment à ce rêveur éveillé, facilement emporté par des images qui se matérialisent devant lui, avec les sons et les odeurs, se représente son biotope familial comme la mer, qu’il connaît parfaitement, non seulement pour les fort nombreuses tasses qu’il a bues, et Dieu sait si la Méditerranée est chargée en sel, mais par les plongées qu’il pratique, à faible profondeur certes, mais qui suffisent à prendre conscience des différences considérables de température entre la surface, baignée de soleil, et les couches plus froides, en descendant, et qui sont parcourues de courants imprévisibles, eux, quant à leur température.
Sa grand-mère est un pivot rayonnant, une source inépuisable et bienfaisante , qui dispense, avec une inlassable bonté, des flots de bienfaits, d’ordre gustatifs d’abord, moins anecdotiques qu’on pourrait penser, car c’est pour elle, comme pour de nombreuses femmes, une des façons de manifester sa tendresse que de confectionner de petites merveilles, qui horrifieraient le plus indulgent des diététiciens par l’abondance démesurée des corps gras employés, mais aussi s’adressant à l’intelligence, car, veuve prospère d’un homme éclectique et curieux, elle tient les clés d’une belle bibliothèque disparate, quelque peu écornée par les rats, du fait qu’elle réside dans des cartons stockés en divers lieux, où l’Illustration voisine avec les Œuvres complètes de Zola, ou d’Anatole France.
Il n’est pas anodin que ladite aïeule soit enrobée avec prodigalité de couches graisseuses dont elle s’accommode admirablement, n’ayant, de longtemps, plus personne à qui plaire, et totale latitude de s’adonner en toute quiétude à l’exploration approfondie et consciencieuse des subtilités de la gastronomie française : elle est du sérail des maîtres-queux, a sauté sur les genoux d’illustres toques, a été ondoyée au Pouilly, confirmée à la poularde demi-deuil, et communie sous les espèces de la truffe, non pas périgourdine, qu’elle dit un peu âcre, mais du Quercy, où vit un sien cousin, et du Jurançon, qui fait la bonne bouche. Pour autant qu’il soit d’un chai familier.
Ce n’est pas qu’elle se ferait damner pour un repas, fût-il divin, certes pas, l’enjeu ne le vaudrait pas, mais bien que, sans repas délicieux, la vie ne vaille même pas d’être vécue, et que le pèlerinage du vagabond terrestre ne se peut justifier, à l’extrême limite, que par les stations de croix que figurent les haltes restaurantes qu’il importe de multiplier, comme le Messie, qui demandait instamment qu’on lui humectât la bouche. Merveille d’un terroir, en France l’eau se change en vin.
Elle traite splendidement ses amis, nombreux, et fréquents : le miracle n’est pas grand à recevoir à palanquées, quand on double l’excellence de la chère par son abondance. Un petit en-cas prend des airs de gueuleton, la cuisine, minuscule, recèle d’aromatiques senteurs dans chaque tiroir, et les placards s’ouvrent, comme les pardessus des vendeurs de photos licencieuses dans les films datés, sur des victuailles , pendant aux portes par des ficelles, jésus, jambons suintants, fromages exotiques, mais goûteux, et de grands chapelets de figatelli.
Jonathan passerait difficilement un jour sans la voir, pour le plaisir. Même, il se plie à ses oblations d’office, comprenant d’instinct que refuser sa compote reviendrait, à peu près, à lui cracher au nez

— Que je te vois un peu palot, moun beù….

Elle est indiscutablement le seul être sur Terre à l’appeler mon beau avec une totale sincérité, et une fierté qu’elle ne cherche même pas à déguiser. Étonnant parallèle avec la mère de Cohen, elle prend à témoin quelques saints disponibles, ou arrangeants, pour demander comment une fille pourrait se défendre face au parangon de toutes les beautés. Jonathan, qui a beau interroger avec une louable constance la glace sans grâce, vilainement maintenue par des pattes chromées, au dessus de son lavabo, ne reconnaît pas le concentré de merveilles que la sainte femme lui décrit : preuve de l’évidente cécité de l’amour.
Cette professionnelle donneresse entretient une cour de chats, dont un specimen d’appartement, seigneurial, dédaigneux, lointain, sachant son statut, qui lui permet, avec un naturel princier, de s’allonger dans le compotier, ce qui fait se révulser le sang pourtant froid de la régente

— Maman ! Vous avez vu ! Il s’a installé dans la compotier…allez, ouste, file…
— Le compotier. Eh, laissez le, ce pauvre, que vous allez lui tourner les sangs ; vaï, c’est pas ça qui va nous rendre malade, pensez : en plus, les bananes, il faut bien les peler, et les oranges pareil, non, alors que rappelez-vous …

Le sang baptiste rigoriste régentesque tourne en accéléré ; issue d’une lignée pour laquelle la prophylaxie est un évangile annexe, elle ne peut que ravaler son indignation, et ses lèvres, encore plus pincées qu’à l’accoutumée, ont l’air d’un fil mince. Peut-être dans ces instants doute-t-elle de la sagesse omnisciente du galiléen qui, paraît-il, lui a enjoint, par visions, révélations, et autres média surnaturels, d’aller prêcher aux négrillons de France une bibliologie qui se trouve fort opportunément relayer et appuyer le Plan Marshall.
Pour ce qui est des chats, elles les hait, avec une froide constance, proprement inexplicable.
Monseigneur professe un autre credo, qui décline longuement, et sans humour, les griefs innombrables qui les excluent irrémédiablement de la sphère de vie des honnêtes personnes, car quel chrétien véritable tolèrerait sous son toit un animal fourbe, capricieux, voleur, égoïste, sans la moindre gratitude envers la prodigalité somptuaire de ses maîtres à son égard, et paresseux de surcroît.
Monseigneur, dont les responsabilités, nombreuses, du collectage du courrier dans la boîte louée à cet effet à la Poste, à son ouverture rituelle à l’aide d’un coupe-papier d’un goût tapageur, nonobstant l’arrosage consciencieux des parterres, au tuyau, le ratissage et autres tâches d’importance comparable, ne vomit rien comme la paresse : tout le corpus biblique la vitupère, et la désigne comme marque d’infamie, portant l’indéniable et reconnaissable empreinte du Malin.
Jonathan, risque-tout rabat-joie, fait observer, de loin en loin, que les Écritures induisent une certaine complexité de décodage, et prêtent le flan à une forme de jésuitisme :

— La paresse est du diable…mais l'Écriture parle en divers endroit de l’inventivité sans trêve, donc active, du Tentateur ; c’est justement l’opposé. Comment la paresse peut-elle être sa marque, s’il est dit qu’il est ingénieux et sans répit pour le mal ?
— Lui, le Rusé, est constamment à inventer des traquenards ; et la paresse en est un…
— Mais la paresse, c’est une disposition de l’individu, non ? Ça peut être même un refus de l’activité considérée comme obligatoire, non, donc les artistes sont forcément des paresseux…

Monseigneur est ennuyé, car l’ombre du défunt Tonio, artiste indiscutable, est bien présente

— Pour les artistes, ça dépend…
— Ça dépend ? Ça dépend de quoi ?
— De s’ils font de l’art pour s’amuser ou comme travail…
— Comment ça ? S’ils en vivent, tu veux dire, ça va, et sinon, non ? Alors Van Gogh, il n’a pas de chance, le pauvre : jamais rien vendu, aux crochets de Théo…direction l’enfer, si je comprends bien ; mais pourtant, produire de la beauté, c’est rendre gloire à Dieu, non ? Dans l’Exode, il est dit que Dieu a mis de son esprit sur Bessalel et Oholiab pour qu’ils réalisent des objets d’art pour le sanctuaire au désert : ça ne peut pas être à la fois de Dieu et contre lui…
— Écoute, tu m’embrouilles, je vais en parler au pasteur…
— Mais quand il est en déplacement, c’est toi qui le remplaces…
— Et alors ?
— C’est une question qu’on peut te poser ; comment tu répondrais, alors ?
— Je n’en sais rien ; je vais réfléchir…

Monseigneur aime à être rassuré par des certitudes indiscutables, quant à sa doctrine. Les subtilités argumentatoires le mettent mal à l’aise, et il est manifeste qu’il n’aime pas être déstabilisé par les contradictions des textes de référence. Au lieu de creuser au delà de la compréhension immédiate, instinctive, et tenter d’extirper un sens plus profond, symbolique ou un principe moral de portée universelle, il est beaucoup plus rassuré par le dogme imposé comme article de foi, et qu’on ne discute pas, preuve, s’il en était besoin, que sa conversion, comme la panoplie évangélique la baptise, tient plutôt du ravalement, ou du grimage, et que sous la défroque parpaillote réside toujours un papiste certes pas honnête, puisque renégat, mais bien vivant, quoique honteux, et n’osant se l’avouer.
En latin courbé devant l’ostensoir, les titres et les parchemins ont pour lui valeur de sésame, et donnent une aura d’autorité aux propos de celui qui les détient, fût-il un fieffé imbécile : c’est que monseigneur a peu de bagage, et se prosterne aisément devant le savoir, ou qui se prétend tel.

— C’est que, tartempion, c’est pas n’importe qui : il a fait Saint-Cyr…
— Les badernes massacreuses du Chemin des Dames aussi, ils avaient fait Saint-Cyr, et il y avait de sacrés imbéciles…
— Monsieur Jonathan a toujours le nez en l’air…

Fonction vaut brevet de capacité aux yeux de monseigneur, qui, avec une naïveté qui le rendrait sympathique s’il n’était une brute, douée d’un certain pouvoir, en tout cas celui de nuire à son entourage, voire régner par la terreur, se rengorge quand il peut figurer sur une photo aux côtés d’un puissant, comme en exposent les coiffeurs et les charcutiers, au mur de leur boutique.

— Mais l’évangile ne dit-il pas de s’affectionner aux choses humbles, et à ce qui n’attire pas les regards ? Jésus, il est dit qu’il n’avait rien pour charmer l’œil…
— C’était pas pareil, c’était le Messie…
— Eh bien justement, il s’est bien gardé d’arriver en jouant de la trompette, il est né entre les moutons puants et les chèvres curieuses…
— C’est pas pareil…
— Mais dans l’Ancien, déjà, il est dit que souvent celui qui a la sagesse ne paye pas de mine, et qu’on n’en donnerait pas trois sous…
— Ah bon ? Tu es sûr ?
— Comment ça ? Tu ne l’as jamais lu ? C’est dans les Proverbes…
— Mais c’était différent…c’était autrefois…
— Comment, autrefois ? Mais autrefois, c’était encore plus vrai : il y avait des empereurs, des rois, des conseillers, des courtisans : ce que dit la Bible a une portée universelle, et absolue, non ?
— Ben…peut-être
— Comment, peut-être ? L’évangile dit qu’il faut s’affectionner à ce qui est petit, humble, et considéré comme sans valeur, les pauvres, les faibles, les mendiants, les estropiés…
— Avec ça, tu vas pas bien loin, pardi…
— Si ça te permet d’aller dans la gloire éternelle, c’est le but, non ?
— En attendant, on aurait bonne mine si on donnait la place à ce que tu dis, là, les mendigots, et pourquoi pas les arabes…
— Ah mais, c’est ce qui est écrit, il faudrait savoir ; en plus, les arabes, c’est bien les immigrants de la Bible, non, dont il est dit que celui qui sert Dieu doit les accueillir largement, car il a été dans la même situation. Même il est dit que celui qui donne au pauvre prête à Dieu…
— Aqueù de folie ! Tu fais ça, malheureux, tu manges la boutique…
— Les boutiquiers, il m’a semblé que Jésus, il les avait fichus dehors à coups de pied dans le derrière, non ?
— Hum…

Il semble à l’œil vif de Jonathan, qui, protégé derrière la redoute conséquente de ses culs-de-bouteille, voit à peu près tout, que quelque chose de trouble se joue sur la question des chats.
Lui, qui n’en approche guère, sinon chez sa grand-mère, et encore le félin est-il de l’espèce dédaigneuse, en plus de siamoise, trouve qu’à tout le moins dans la statuaire égyptienne l’élégance de leur silhouette et leur royal port de tête faisaient merveille, et sent bien que quelque chose de l’ordre du contentieux existe dans la profession de foi de détestation cordiale de monseigneur à leur endroit.
Jonathan voit bien que sa grand-mère n’est en rien idolâtre, que son mâle vairon se comporte en invité, et qu’elle s’en accommode du mieux du monde, lui ayant décerné le droit de circuler à sa guise dans ses appartements, tandis qu’elle nourrit une cour des miracles de pelés, scrofuleux, et gravides, de moindre extraction, au-dehors. Du lait est toujours à leur disposition dans une grande écuelle, et après que le seigneur régnant ait goûté, ou dédaigné, le tribut de têtes de poissons ou d’abats odoriférants, elle le leur abandonne. Une assez belle ribambelle est toujours à proximité, qui met bas, pisse de confiance, se bat avec des cris sauvages qui effraient Jonathan, les protagonistes étant plus qu’à demi-sauvages, se font les griffes sur les volets, et mille fantaisies qui font grommeler monseigneur, d’une coléreuse impuissance.
La régente, qui ne peut se confronter sur ce terrain, la considérable bâtisse appartenant tout de même, ne lui en déplaise, à sa belle-mère, renfonce sa réprobation jusqu’au fond de son rigorisme, pince un peu les lèvres, et lève les yeux au cieux avec une intensité de martyre.
Il advient annuellement que la régnante, car elle n’est pas douairière, mais souveraine, parte soigner son embonpoint en cure, occasion délicieuse de contrebalancer, en toute bonne conscience, l’absorption des breuvages aqueux, et souvent ferrugineux, à senteur infâme, par des agapes réfléchies et organisées, en compagnie d’autres dames de son rang et de sa corpulence, affectionnées comme elle à pérenniser, par un soutien chaleureux, l’excellence de la cuisine française. Elle revient de ces périples de santé avec une masse pondérale identique, mais aussi une alacrité nouvelle, et d’excellente humeur. Les villes d’eaux abondent en lieux de loisir, et elle adore l’opéra.
La régente a pu profiter de ce court répit pour laisser siffler, d’entre sa bouche close, tout le mal qu’elle pense de l’asiate félin, et les tourments qu’elle lui souhaite. Le dédaigneux prince prend ses quartiers ailleurs, avec un air hautain de grand seigneur, et ne se montre plus.
Passent les jours, un matin, il arrive, arrogant, queue dressée, œil méprisant de satrape. La régente, provoquée, et qui n’entend pas baisser pavillon, court se munir d’un balai, qui tiendra lieu de lance. L’insolent impérial est entré dans la maison, de surcroît dans la partie où jamais, de mémoire de régente, un félin n’est entré, son boudoir en quelque sorte, quoiqu’on y mange aussi. Se déplaçant avec majesté dans les lieux, qu’il semble, en plus, connaître, il saute sur la table. La régente croit s’en étrangler, et courant sus au profanateur, n’hésiterait pas à sacrifier vaisselle, verres et plat, pour le bonheur de l’estourbir : disposé avec grâce, un poulet découpé voisine avec des pommes de terre. Elle lève le balai, et dans l’instant que le preste animal saisit un pilon confortable, la voix de sa maîtresse, interpellant joyeusement la maisonnée, retentit avec force.
Le chat, Jonathan en jurerait, sourit d’un étrange sourire, quelque peu inquiétant, tandis que portant son trophée avec une délicatesse exquise, il va nonchalamment, d’un train de cardinal, accueillir la voyageuse qui le félicite de sa bonne mine.
Il semble que le teint de la régente, de chlorotique, devienne mortuaire.
Jonathan affectionne les armes de tir, entretenu en cela par monseigneur, qui vit à cloche-pied : il aimerait la chasse, l’ayant pratiquée quelque peu, sans y briller particulièrement. Mais enfin, dans le monde du sud, qui ne chasse est tarlouse, à peu de chose près.
La régente déteste tout ce qui ressemble à une arme, de près ou de loin, surprenante disposition pour la ressortissante d’un peuple chez lequel le nombre d’armes à feu dépasse la population.
La carabine est de faible calibre, et à air comprimé. Longtemps, Jonathan ne pouvait s’en servir que sous contrôle, et dans un cadre strict de tir sur cible. Il ne le détestait pas, car c’était un moment de partage et d’échange, fruste et rudimentaire certes, mais réel, avec monseigneur.
Au fil des années, Jonathan, dont les précédents fâcheux quant à l’utilisation orthodoxe des carabines à flèches ont eu le temps de s’estomper, acquiert peu à peu, de manière informelle, une marge d’autonomie dans l’utilisation du balistique engin : il le prend dans le placard, pas ostensiblement, certes, il n’aurait pas l’outrecuidance de se pavaner devant la régente en mimant un défilé militaire ; mais enfin, il le prend.
A l’instar des beaux outils qui attirent la main, la carabine appelle le tir ; les cibles vont un temps. Mais il faut bien admettre que l’intérêt véritable du tir, qui doit faire réagir une zone reptilienne, par ce qu’il sollicite de concentration et de patience, et de joie de faire mouche, est de tirer sur quelque chose.
Qui dit carabine dit chasse, voilà tout. Jonathan s’essaye à quelques fantaisies, ayant lu de mythiques récits dans lesquels le jeune Bill Cody, remarquable exterminateur des hordes de bisons mugissants des plaines d’Amérique, se livrait dans son jeune âge à de spectaculaires concours de tireurs d’élite, mouchant des bougies à cent pas, et tout ce que les hagiographies de ce type peuvent relater. Jonathan qui commence à sentir d’étranges appels, s’imagine dévêtant une des pulpeuses créatures dont les westerns sont prodigues, de cette manière inédite, chaque coup de feu tranchant l’un la bretelle du pigeonnant corset, abondamment garni, l’autre l’un des lacets filant de la guêpière ; sa vision s’arrête, assez absurdement, à l’attache tranchée sans que le bas n’en tombe, ce qui défie toutes les lois : la vision n’est pas à prétentions réalistes, mais érotiques, et un bas retombant mollement n’a rien qui stimule.
Tentative donc d’étêtage de fleurs diverses, d’un succès douteux : l’une de ses cibles consent bien à la décollation, mais c’est par rebond, donc par la bande, et tout à fait fortuit.
Du vrai affût, voilà ce que Nemrod recherche ; et idéalement, de la cible mouvante, de la perdrix royale, ou du faisan par défaut ; à la limite du lièvre, s’il fallait se rabattre.
Il se trouve que l’éventail cynégétiques est assez restreint, en ce village agréablement goudronné à enfouir les platanes, et dont les rares espaces de verdure restants appellent à grand cris la bénévolence des promoteurs : le béton devient art lorsqu’il est omniprésent.
Point de tapir exotique donc, et pas de tigre : il faudra se rabattre sur l’existant.
Dans les armoires jaunes et puant la pisse, où les chattes ont établi une maternité, de petites boules comme un poing se déplient depuis peu, et commencent à trottiner.
Pris d’une inspiration subite, Jonathan en ajuste une, et lui tire en plein front : il n’a pas conscience d’accomplir un acte barbare, stupide, et que rien ne justifie : il tire en chasseur, et a atteint sa cible.
Le nouveau-né, ébranlé, se tasse à terre, et tente d’avancer. Jonathan, inquiet, et qui commence à se sentir mal, redécoche un plomb, qui fait sauter l’animal comme sous une décharge. L’impudent, avec une parfaite mauvaise foi, se garde d’expirer, comme il se doit faire en pareil cas, et pousse l’insolence et la cruauté jusqu’à émettre un son plaintif, qui transperce Jonathan. Dégrisé et en pleurs, il tente d’achever la petite boule, par des tirs de plus en plus près, jusqu’à bout portant. Peine perdue. A chaque impact, le petit tressaute ; il a même l’audace d’entrouvrir un œil, lui qui n’y voit point. Jonathan sanglote si fort à présent que du bruit se fait dans la maison, et que monseigneur apparaît. Il jauge la scène, et avec un pragmatisme spectaculaire et déchirant, tente d’achever le chaton avec un manche de pioche. A chaque impact, l’innocent se détend comme un ressort, et retombe, toujours vivant. La scène est atroce, et Jonathan s’est jeté à genoux, suppliant le petit martyr de le pardonner.
Au bout d’un nombre de coups invraisemblables, enfin le petit corps ne bouge plus.
Jonathan, horrifié de sa responsabilité, emporte le petit cadavre, qu’il berce, arrose de ses pleurs, et va enterrer dans un coin du jardin. Il écrit une oraison funèbre dans laquelle il explique au défunt, dans un dialogue serré à deux personnages, combien sa stupidité est impardonnable, mais qu’il ira, lui, au ciel. Il le prie d’intercéder en sa faveur, hérésie manifeste mais qui lui semble justifiée dans cette circonstance.
Jonathan, pour se consoler de son crime, n’attend plus que la résurrection des morts.
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Message  Invité Dim 16 Mai 2010 - 21:56

J'aime beaucoup, beaucoup, la scène du massacre du chaton. Avant, la discussion théologique m'a un peu gonflée, d'autant que je trouve invraisemblable que Jonathan, encore très inféodé à sa famille, provoque ainsi son père sous prétexte de débat religieux : son ton me paraît beaucoup trop assuré vu le pouvoir qu'a sur lui son interlocuteur.

Cela manque de liant, selon moi, entre le retour de la grand-mère au moment où son chat pique le poulet sur la table et l'évocation de la carabine : aucune transition ; si tu t'y refuses, un saut de ligne serait, je pense, bienvenu.

Enfin, tu annonces un changement d'attitude envers la gent féline de la part du père, plutôt dans le sens d'un adoucissement, mais je ne la perçois pas ; y a-t-il une anecdote pour l'illustrer ?

Mes remarques :
« mais qui suffisent à prendre conscience des différences considérables de température entre la surface, baignée de soleil, et les couches plus froides, en descendant, et qui sont parcourues de courants imprévisibles » : je trouve ce bout de phrase lourd
« d’ordre gustatif (et non « gustatifs », c’est l’ordre qui est gustatif) d’abord, moins anecdotique (et non « anecdotiques », pour la même raison) qu’on pourrait penser »
« Ce n’est pas qu’elle se ferait damner pour un repas, fût-il divin, certes pas, l’enjeu ne le vaudrait pas, mais bien que, sans repas délicieux, la vie ne vaille même pas d’être vécue, et que le pèlerinage du vagabond terrestre ne se peut justifier, à l’extrême limite, que par les stations de croix que figurent les haltes restaurantes qu’il importe de multiplier, comme le Messie, qui demandait instamment qu’on lui humectât la bouche. » : dans cette phrase, soit on a une proposition subordonnée introduite par « bien que », auquel cas la principale est cruellement absente (bien que, sans repas délicieux, la vie ne vaille pas d’être vécue, etc., quelle est la principale apportant la contrepartie du « bien que », soit, et j’ai l’impression que telle était ton intention, Ce n’est pas qu’elle se ferait damner pour etc., mais c’est bien que, sans repas délicieux, la vie ne vaut pas d’être vécue
« sur des victuailles , pendant aux portes » : typographie, pas d’espace avant la virgule
« refuser sa compote reviendrait, à peu près, à lui cracher au nez » : manque le point
« dont un spécimen d’appartement »
« le sang pourtant froid de la régente » : manque le point
« Il s’a installé dans la compotier…allez » : typographie, une espace après les points de suspension
« Eh, laissez-le (trait d’union), ce pauvre »
« alors que rappelez-vous … » : typographie, pas d’espace avant les points de suspension
« les Écritures induisent une certaine complexité de décodage, et prêtent le flanc »
« La paresse est du diable…mais l'Écriture » : typographie, une espace après les points de suspension
« l’ombre du défunt Tonio, artiste indiscutable, est bien présente » : manque le point
« aux crochets de Théo…direction l’enfer » : typographie, une espace après les points de suspension
« Au lieu de creuser au-delà (trait d’union) de la compréhension immédiate »
« Mais c’était différent…c’était autrefois » : typographie, une espace après les points de suspension
« Ben…peut-être » : typographie, une espace après les points de suspension ; manque un signe de ponctuation en fin de phrase
« pourquoi pas les Arabes »
« en plus, les Arabes, c’est bien les immigrants de la Bible »
« qu’elle s’en accommode du (le, plutôt, non ?) mieux du monde »
« après que le seigneur régnant a (et non « ait », « après que » est suivi de l’indicatif et non du subjonctif) goûté »
« Il se trouve que l’éventail cynégétique (et non « cynégétiques », c’est l’éventail qui est cynégétique) »

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Message  Plotine Lun 17 Mai 2010 - 5:56

Que d'excellentes choses encore dans ce récit.
"Le petit chat est mort"... quelle description magistrale. C'est là qu'on voit que tu es un grand écrivain.
Maintenant on va pinailler un peu.
Je m'attendais à ce que Jonathan tue le chat voleur de poulet en fait. Il y a là un passage où je me suis un peu perdue. Tu pars du chat qui fait une intrusion dans le boudoir - là aussi très bonne description - après tu passes à Jonathan et à sa carabine - tu nous emmènes dans les plaines d'Amérique et tu oublies le chat pour revenir aux expériences de tir de Jonathan et le massacre du petit chat. Ça valait le coup remarque mais le lecteur s'y perd un peu.
Dans le premier paragraphe il y a deux "températures" assez rapprochées qui m'ont une peu gênée.
Et puis la "glace" dans laquelle se mire le beau Jonathan. J'aurais parlé de "miroir".
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Message  Ba Lun 17 Mai 2010 - 8:36

D'une manière très générale, je retiens de Silène des perles aux phrases et des décolletés de lettrés fin, rusé, parfumé à la tubéreuse.
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Message  silene82 Lun 17 Mai 2010 - 10:00

Hostie d'saint sacrement, m'en va répondre asteure...
Merci à tous mes commentateurs, même à ceux qui ne m'encensent pas : je suis magnanime.
Socque : la discussion théologique t'a gonflée, forcément, une matérialiste, c'eût été surprenant. Il y a quand même une dialectique, cependant, non ? Ta remarque sur le ton assuré de Jonathan est tout à fait pertinente, mais tu te condamnes à lire un fragment de plus, qui fouillera cela. Le petit monstre sait très bien ce qu'il fait, et que sur une discussion théologique, il est totalement inattaquable : il ferait beau voir, Simone, qu'on le fustigeât sur un désaccord doctrinal, alors qu'il est à même de sortir une foultitude d'opinions richement étayées de sommités en bibliologie : les armes de l'adversaire se retournent souvent contre lui, le premier général chinois sait cela, hors le Médicis conseillé par Nicolas.
Je ne vois pas d'adoucissement annoncé de la position de monseigneur sur les chats, elle est simplement différente de la régente, tous deux les proscrivent et les détestent, chacun pour ses motifs.
Plotine : merci de ton enthousiasme, tu m'as fait rosir, ce qui, à mon âge, peut évoquer la couperose, peu seyante.
Ce n'est pas Jonathan qui ferait quoi que ce soit au siamois voleur de poulet, d'abord parce que c'est celui de sa grand-mère, ensuite parce qu'il le trouve très beau. C'est la régente, qui se croit à l'abri d'un incident diplomatique, puisque sa belle-mère est en cure. Pas de bol...je voulais montrer une espèce de prescience proprement surnaturelle des chats, que l'on m'a souvent relatée.
La glace, certes, mais on dit armoire à glace, qui, comme tu le sais parfaitement, désigne ces vilains meubles prétentieux pourvues d'un miroir...
Tu as parfaitement raison sur la proximité des température : je cours épurer.
Ba : tu as beau rendre tes phrases amphigouriques, il m'a semblé que tu ne détestais pas mes misérables productions ; par contre, je n'ai pas compris qui était "fin, rusé, parfumé à la tubéreuse" ; moi, Silène, certes, et je t'en sais gré, mais il me semble qu'il s'agissait plutôt des phrases, auquel cas pourquoi ce singulier ?
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Message  Ba Lun 17 Mai 2010 - 10:09

Cher Silène, loin de moi " l'amphigouri" que je ne distribue à personne, tu as bien perçu l'intérêt que je porte à tes textes narratifs que j'associe, parfois, à ceux d'un Proust contemporain. Voilà pour la " tubéreuse"métaphore du parfum qui se dégage du monde que tu présentes aux lecteurs.
Bonjour à Jonathan. 00-)
Ba
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Message  Invité Lun 17 Mai 2010 - 10:51

Tout a été dit, je ne diffère pas, sur les longueurs spirituelles, les digressions historico-géographiques, et le manque de liant.

Ce qu'on n'a pas dit : faut-il vraiment autant s'acharner pour tuer un chaton ? J'en doute. En tout cas, j'aime bien comme tu amènes le passage à l'acte, aussi furtivement que le chat voleur de poulet et et impuni du récit.

J'ai relevé ceci, qui m'a fait sourire - parce qu'incongru ? Ce qui est sûr, c'est que je n'aurais jamais pensé la comparaison :
et les placards s’ouvrent, comme les pardessus des vendeurs de photos licencieuses dans les films datés, sur des victuailles ,

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Message  CROISIC Mar 18 Mai 2010 - 11:54

Quel petit salopiaud ce Jonathan ! Ne le transforme pas en Tartarin de Tarascon surtout.
J'aime moi aussi la description du placard "garde-manger", une merveille.
Quelle sensualité quand tu décris son contenu !
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Message  Arielle Jeu 27 Mai 2010 - 8:34

Comme toujours, il y a de la jubilation à la lecture de ces épisodes de la vie de Jonathan , cette savoureuse impression de sentir que l'auteur ne sous-estime pas son lecteur, lui fait confiance et ça marche !
Après avoir grommelé un peu contre la longueur des phrases et l'abondance des digressions on finit par oublier la lourdeur du procédé pour ne plus en retenir que la grâce un peu funambule ... il va y arriver, le gredin, il va retomber sur ses pattes !
Bon, on n'échappe quand même pas à l'ennui provoqué par les obsessions religieuses de l'auteur, mais on prend son mal en patience, on attend la suite, sachant qu'on ne sera pas déçu.
J'ai adoré le clin d'œil du titre, le portrait de la grand'mère et de ses placards à trésors, le massacre du chaton (ça a la vie dure ces petites bêtes!) bâillé un peu en survolant les commentaires des Ecritures (en dépit de la claque magistrale octroyée à Monseigneur par son rejeton avec une dextérité proprement surprenante)
En fait, je crois que cet épisode est un de mes préférés. J'ai même trouvé du grain à moudre dans ce passage :
"Il semble à l’œil vif de Jonathan, qui, protégé derrière la redoute conséquente de ses culs-de-bouteille, voit à peu près tout, que quelque chose de trouble se joue sur la question des chats.
Lui, qui n’en approche guère, sinon chez sa grand-mère, et encore le félin est-il de l’espèce dédaigneuse, en plus de siamoise, trouve qu’à tout le moins dans la statuaire égyptienne l’élégance de leur silhouette et leur royal port de tête faisaient merveille, et sent bien que quelque chose de l’ordre du contentieux existe dans la profession de foi de détestation cordiale de monseigneur à leur endroit."
Oui, oui, oui … Comment se fait-il qu'on soit passé de la déification de l'animal dans le panthéon égyptien à une diabolisation du même chez les chrétiens ? Pour une fois j'en redemanderais !

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Message  Invité Jeu 27 Mai 2010 - 19:50

Bonsoir Marcel, c’est Louis-Ferdinand ; j’viens d’écouter un sketch de Raymond qu’a perdu son vélo, mdr.

Tout d’abord : merci. (phrase sobre mais efficace : prends-en d’la graine)
J’ai lu et relu, et trouvé ça excellent de chez excellent, d’un bout à l’autre, un vrai régal.
Voilà, l’essentiel est dit, place au bla-bla.

Est-ce que t’es vraiment sûr de vouloir qu’on te lise, toi ? avec ce vocabulaire, ces phrases de trois kilomètres, toute la mémoire de travail que ça nécessite ? et cette sorte de sophistique sophistiquée en supplément gratuit ? t’es pas très raisonnable.

Bon, j’avais d’autres critiques, mais à quoi bon finalement, car leur catalogue se modifiant à chaque nouvelle lecture, plus plaisante que la précédente, je vais finir par tout excuser.
Voilà cependant quelques trucs et ressentis plus ou moins disparates, incompréhensibles et sans grande importance que j’avais notés :

Je saurais pas bien dire où, mais il y a comme du « trop » dans ce texte. Et du coup évidemment comme du « pas assez ».

Les phrases longues sont (pour autant que je puisse en juger) très bien construites, lisibles, compréhensibles et tout et tout, pas d’souci là-d’ssus, mais elles me font parfois plus effet de « buissons » que d’ «arbres» : certains suppléments sont-ils nécessaires ? enrichissent-ils toujours le cœur de la phrase sans y porter atteinte ? me suis-je dit en moi-même.

Par goût, je préfère les tonalités humoristiques à celles plus cyniques.

Je vois deux sujets successifs dans ce texte ; et du coup, c’est plus « du coq à l’âne » que « d’un chat à l’autre » ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha !

Tout ça a quand même un côté précieux. Ca manque un poil de sobriété, d’ascèse, d’affinement.

Je te trouve très ambitieux. Peut-être trop. Vouloir comme ça maîtriser une intelligence de la forme en tentant de la faire cohabiter (en bonne intelligence) avec une intelligence du fond, des idées … hum …. Je ne sais pas si c’est compatible, j’aurais tendance à penser que non.

Je suis tireur, et pas tellement d’accord avec ce que tu dis sur le tir, d’où tiens-tu tes infos ? : d’une pratique, de lectures, de discussions avec des tireurs ou de ton imagination ? et sur le comportement du chaton ?

Bon, bref

Allez, bravo et encore merci.

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Message  silene82 Ven 28 Mai 2010 - 4:59

Merci à mes derniers commentateurs : quoique je les ai trouvé un peu retenus dans le dithyrambe, c'est toujours agréable d'avoir le sentiment d'être lu.
Ci plizantiri. Laugh now and forever.
@Arielle
Mille pardons, fée des vers, mais les jonathaneries - oui, je sais, jona-tanneries irait tout aussi bien, parleront encore de situations biblico-papistes : c'est le fond même du travail. J'essaierai de l'agrémenter, et qu'il ne soit pas un étouffe-chrétien : ce sympathique anthropoïde devrait bien commencer à éprouver des langueurs... adolescentes.
@marc
Ah; marc, ce ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah m'est allé droit au cœur : pouvait-on de manière plus synthétique décrire la rigoureuse dramaturgie sous-jacente de l'épisode?
Pour ce qui est du reste, j'entends bien les critiques, récurrentes, sur le côté quelque peu rébarbatif des Jonathan, dont je m'empresse de révéler qu'ils sont une charmante petite famille de 15 membres à présent, débutant par Noël joie du monde. C'est au catalogue. Oui de VE, pas de Gallimard.
Tout ce que tu relèves est fondé, et je te remercie d'avoir pris la peine de détailler. Indiscutablement, c'est chargé comme un arbre de Noël, mais je ne sais et n'aime écrire élusif que pour les exos. C'est ainsi, je peux évidemment améliorer l'état stylistique des textes, sûrement pas le fond : tout l'intérêt de la série - qui envisage sérieusement de rivaliser avec les Martine - est dans cette dialectique sans doute agaçante pour ceux à qui les choses que j'évoque sont étrangères. Mais n'en est-il pas ainsi de toute réalité que nous ne connaissons pas ontologiquement, et que nous n'abordons qu'à travers le prisme de l'auteur ? Cela dit, il y a des passages récréatifs - ma non troppo - comme Agapes, roboratif mais dépaysant.
Quoi qu'il en soit, merci encore, les coms sont un encouragement essentiel pour l'auteur, ils n'ont pas besoin d'être des analyses détaillées, un avis, à charge ou décharge, suffit. Ah, si en plus il fouille et dissèque, c'est pain-bénit.
Marci di votr antanssion.
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Message  abstract Ven 28 Mai 2010 - 12:52

Pas mal du tout cet épisode, le passage ou le chaton est tué est particulièrement bien rendu, rien de plus difficile à tuer que cet animal.
J’ai eu un peu de mal avec ta première phrase, je ne sais pas si la construction grammaticale est correcte, je n’ai aucune compétence en la matière, mais elle est vraiment très difficile à comprendre. Je crois que ce problème est accentué par le fait qu’elle vient en première place et que le lecteur n’est pas encore rentré dans le rythme de ton récit.
Sinon, je me demande si tu connais Éric Laurrent, c’est un auteur qui utilise aussi un vocabulaire très recherché et qui fait des phrases très longues. Son roman Clara Stern est un vrai bijou. Tu peux en découvrir les premières pages sur le site des éditions de minuit. Son style est complètement différent du tien, mais il y a des similitudes qui font que chaque fois que je te lis je pense à lui (ça, c’est un compliment car c’est un de mes auteurs préférés).
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Message  Louis Sam 29 Mai 2010 - 13:22

Vous nous annoncez, Silène, que Jonathan se représente son « biotope familial » comme une mer, considérée d’une part d’eau salée difficile à avaler ( pas facile de nager ou de surnager dans ce milieu familial ; il y a le risque de s’y noyer ), et d’autre part comme épaisseur étagée en strates de diverses températures. On s’attend donc que chaque membre de la famille soit situé dans ces strates, qu’on prenne la température de chacun pour le positionner dans un ensemble fluent, liquide, et profond. Or la suite du texte ne va pas dans ce sens et n’explicite pas ce qui est annoncé.
Il y a bien la grand-mère, qui est évoquée dans le deuxième paragraphe, mais l’image qui lui est associée est celle de la source. Elle est plutôt un fleuve qui déverse des eaux bienfaisantes dans la mer familiale. Pas un courant froid, mais un cours chaleureux, « baigné de soleil ». De cette aïeule ne s’écoule que des nourritures, non pas terrestres, mais fluides et douces, qui abreuvent corps et esprit. Son corps de femme âgée comporte bien quelques «couches graisseuses», forcément disgracieuses, mais coule en elle une subtilité gastronomique, s’écoule avec elle les flots des meilleurs mets, des meilleurs vins. Elle atteste le miracle de la transformation de l’eau en vin. Honore le dit-vin breuvage. D’elle goutte chaleur, tendresse, délices, en abondance, et par elle tout est goûteux, et tout se goûte, pendant que jambon et Jésus suintent, transpirent à petites gouttes. Elle charrie, de plus, dans son flot, des propos qui mettent du beau au cœur et au corps, elle cristallise de quantité de merveilles la personne de Jonathan.
Et puis, on a beau écouter la mer de famille, ses courants malins et marins, on n’entend plus rien. Sinon les miaulements d’un chat, qui n’est pas de gouttière, mais de « naturel princier ». La régente, qui ne peut supporter qu’un prince s’installe dans le royaume qu’elle entend diriger de main de maîtresse de maison, entend aussi empêcher l’invasion de son territoire par les armées ennemies, invisibles mais perfides, que cache l’animal, impérialiste et sans gêne. Mais on n’entend pas la mer de la mère régente. Sinon sa haine du chat. La mer du père Monseigneur ne s’entend guère non plus. Sinon ses récriminations contre l’animal diabolique qui incarne tous les défauts qu’un chrétien ne peut supporter, en particulier la paresse. S’ensuit une digression exégétique sur la fainéantise du diable. La paresse ne caractérise pas Satan, que diable ! puisque Le Malin ne ménage pas ses efforts pour produire le mal. La discussion confond activité, effort, travail. Satan, auteur de l’œuvre au noir, chef d’œuvre du mal ?
S’entend, et pas Satan, surtout le minou. La mer a-t-elle donné sa langue au chat ?
( Je me permets aussi une digression pour relater cette blague stupide entendue récemment. Qui a tué Dieu ? Les Evangiles le disent clairement : Dieu est descendu par Minou ! On comprend alors le caractère satanique du chat ! )
On entend tout de même la couche de certitudes sur laquelle aime reposer Monseigneur, qui n’apprécie guère les arguties « vaseuses », les fonds marins instables, mais préfère rouler de solides galets dogmatiques, et finalement n’aime que le sol ferme, et surtout pas l’humilité.
On n’entend plus pour finir que les râles d’un chaton qui ne veut pas crever, en faisant comprendre qu’il n’a rien d’une engeance satanique, qu’il est aussi innocent que Celui que l’on a crucifié, qu’il est bien un chat et non un bouc pris pour émissaire. Et de mer, point.
Je n’ai pas voulu, Silène, chahuter votre texte, ni chat ôté, mais faire remarquer qu’il s’annonce comme une mer, et prend l’allure d’une rivière aux multiples méandres. Chaque ondulation est de qualité, mais l’unité de l’ensemble n’est pas assurée.

Louis

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Message  Sahkti Dim 20 Juin 2010 - 19:09

A chaque fois que je te lis, je me dis "Ha dis donc, quel boulot d'écriture une fois de plus !". Et puis il y a le plaisir de retrouver Jonathan, avec ces petites réflexions que tu sèmes en cours de route, ces détails qui font la différence et donnent beaucoup de saveur au récit.

Bien aimé la partie sur les artistes et ce pauvre Van Gogh; c'est drôle et bigrement pertinent !
Et Monseigneur est un personnage que je trouve sympathique dans ses maladresses cérébrales :-)
Et puis ça... C’était pas pareil, c’était le Messie, j'ai bien ri !

Hé hé, ri, souri, apprécié ce texte et ses digressions, ces histoires qui partent dans de multiples réflexions et ces échanges philosophiques qui ne volent pas toujours bien haut. Jonathan, y a rien à faire, on aura beau le faire passer pour un con, il s'en sort à chaque fois sacrément bien, c'est un malin !
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