Devers le temps

[Marvejols]

Devers le temps*

Quatre mois quatre nuits, la page sans un bruit. Serait-ce que mots me fuient ?

Voilà depuis avril qu’en vers je suis débile et laisse mon Virgile.
C’est ainsi que sans mots au milieu des pires flots j’abandonne mon héros.
Faute de m’être servile tu me condamnes dit-il à un second exil.
A voir en son sourcil qu’il souffre ainsi comme mille je dois reprendre le fil.

J’irai en tant de vers à Rome ou en enfer, j’irai en temps de vers
Fermer mon codicille, ferai de mon Virgile une ville, un songe utile.


.............................................................Marvejols



* Ce poème malin ...... est écrit de ma main ...... tout en vers augmentins.

[Loreena Ruin]

Sur internet, ils disent que l'augmentin, bah, c'est un antibiotique ! Écrirais-tu pour guérir ta plume, Marvejols ? Je l'ai trouvé sympathique ton petit texte, avec ce rythme ternaire un poil excessif, comme ces images de sourcils, ces jeux de mots sur tant/temps et ces rimes en "il" !

[Invité]

augmentés de 6 avec une hémistiche intercalaire, j'ai bon, docteur ?
certainement pas moi qui va chercher à votre place Mademoiselle Ruin
Vous allez chercher vous-même, par exemple, dans Jaccottet.
débrouillez-vous avec la notice :

http://www.unicaen.fr/services/puc/revues/thl/questionsdestyle/print.php?dossier=dossier1&file=02tlemsani.xml

(hey, je déconne , hein, t'es pas obligée de lire, ce ne sont pas les universitaires qui parlent le mieux de tout-ceci, c'est Bonnefoy)

[Invité]

Bien que j'éprouve une certaine admiration pour la construction, je n'ai pas commenté car je n'aime pas l'attaque des vers qui composent le quatrain central, dont les deux premiers seraient presque analogues.

Voilà
C’est ainsi
Faute
A voir

pas non plus sauté de joie devant "devant le vers, devers le temps, le temps de Nevers*, etc"
*j'ajoute ceci, pour la note "pittoresque"

Tant que je suis ici, je n 'ai jamais eu l'occasion de vous le dire, mais je lis avec attention vos commentaires et remarques sur les textes des autres, elles sont d'une exactitude régulière,
ainsi que vos analyses générales, qui sont précieuses, notamment celles traitantes* au "rendement" de l'écrivain ou de l'écribouilleur.

*j'ai aimé cette forme, allez savoir pourquoi.

[Marvejols]

augmentés de 6 avec une hémistiche intercalaire, j'ai bon, docteur ?

...Bien vu (et pas mal du tout pour un jeune de 20 ans) je ne pensais pas que le décryptage viendrait si vite. Ce petit texte est un aperçu -en forme d'attente- d'un poème que je suis entrain de faire (parfois, quand il fait beau et que je suis en Toscane par exemple, c'est à dire pas souvent). Il s'agit d'une narration en vers longs que j'ai pris sur moi de nommer "augmentins" (évidemment pour "augmentés" et en référence aux alexmandrins).
...Parfois un peu lourd la triple rime? voire. Mais il est vrai qu'on en sent régulièrement le danger et j'ai remarqué qu'il ne fallait surtout pas abuser des rimes riches dans cet exercice. En tout cas l'aventure est passionnante et je ne suis pas si mécontent. La difficulté d'écriture (de plus dans une histoire il y a un scénario, des plans, ça demande un certain effort de construction, un peu plus prenant que de jeter 10/12 vers comme on prend une inspiration), cette difficulté vient du fait que des vers de 6-6-6 c'est assez exigeant si l'on veut respecter la contrainte qu'on se donne (oui, de la contrainte naît la liberté) : 6 syllabes c'est vite arrivé...J'ai donc du, pour déserrer un peu la contrainte formelle et alléger la triple rime, "inventer" l'augmentin croisé (c'est diablerie) : au lieu d'une rime en
A-A-A...suivie de
B-B-B...on a

A-B-A... et en dessous
B-A-B
Ainsi par exemple (sorti de son contexte) :
"Quand par nous les César toute guerre s'arrête, qu'en tout Rome repart
Que sonnent les trompettes partout et sans retard car Rome est en fête.

...Effectivement le terme augmentin ne désigne que l'Augentin (TM) qui est un antibiotique assez fort et assez agressif selon les souvenirs orléanais de mon estomac. Mon appellation est donc sans concurrence à ma connaissance. Mais bien sûr lorsqu'on croit avoir inventé quelque chose on finit par s'apercevoir que quelqu'un y avait pensé (au vers de 18S 6-6-6) avant soi. Vrai que la paternité c'est une invention d'artiste égotique, tous les archéologues et historiens vous le diront : on n'arrive jamais à définir d'origine

.... Quant à la notice

http://www.unicaen.fr/services/puc/revues/thl/questionsdestyle/print.php?dossier=dossier1&file=02tlemsani.xml

merci, je ne connaissais pas. Et j'ai beaucoup apprécié. Je vois qu'on y parle "d'alexandrin augmenté" à propos des vers de 14 syllabes de Jaccottet. J'ai beaucoup appris (et donc les enseigneurs ne sont pas toujours les plus âgés...).

...Marvejols

[Marvejols]

notamment celles traitantes* au "rendement" de l'écrivain ou de l'écribouilleur.
*j'ai aimé cette forme, allez savoir pourquoi.

Sans doute par attraction à partir de "afférentes au" (voir là : http://www.cnrtl.fr/definition/aff%C3%A9rent)

Merci de vos encouragements, Marvejols

[Loreena Ruin]

Marvejols, pandaworks cache bien son jeu ! Un âge peut en cacher un autre... mais chuut !

[Arielle]

Le rythme hésitant entre 6 et 7 a plus retenu mon attention que la triple rime qui découpe le vers en trois hexasyllabes. Pourquoi pas ? Ce n'est qu'une autre manière de disposer une suite de tercets sur la page qu'on peut d'ailleurs aménager de diverses manières au niveau de la rime :
aba, bab comme tu le fais remarquer ou plus subtilement aba, cbc, dbd ou aab, ccb, ddb (rime disjointe) ou bien encore comme dans la terza rima de Dante aba, bcb, cdc... (tiré du dictionnaire de poétique de M. Aquiem)
Personnellement j'aurais tendance à utiliser une de ces formes plutôt que la répétion aaa, bbb que je trouve un peu trop répétitive sur un vers aussi court.

[Marvejols]

C'est bien si la rime triple ne retient pas trop l'attention, effectivement (parfois) elle se fond et passe (presque) discrètement. Par contre je ne comprends pas bien le "rythme hésitant entre 6 et 7" ? Gardons à l'esprit qu'en vers libre les E muets peuvent ne pas se prononcer. Certes cela demande un peu d'attention ou du moins d'habitude (la lecture doit rester proche du langage courant actuel et ne pas trop se "classiciser". Essai de transcription :

Quatre mois quatre nuits, la page sans un bruit. Serait-c(e) que mots me fuient ?

Voilà depuis avril qu’en vers je suis débile et laisse mon Virgile.
C’est ainsi que sans mots au milieu des pir(es) flots j’abandonn(e) mon héros.
Faut(e) de m’être servile tu me condamn(es) dit-il à un second exil.
A voir en son sourcil qu’il souffre ainsi comm(e) mille je dois reprendr(e) le fil.

J’irai en tant de vers à Rome ou en enfer, j’irai en temps de vers
Fermer mon codicille, ferai de mon Virgile une vill(e), un songe utile.[b]

Ceci dit j'avoue qu'à "pires", "abandonne" et "reprendre", j'ai tendance (imprégnation alexandrine?) à prononcer le E deux fois sur trois. Mais (de même que pour l'alexandrin, hé hé) il y faut un peu d'entrainement: après tout c'est de la versification et non du "naturel".

[Polixène]

Tu t'es rétabli sur l'établi, m'est avis?
Rien à dire à ton petit exercice sympathique, ( un échauffement si j'ai bien compris) mis à part cette difficulté à prononcer "ainsi comme mille" :ça colle un peu.
Donc, à très bientôt.

[levaran82]

belle logorrhée, ne manque plus qu'à compter les pieds!

[François T]

Il faudrait être Marvejols pour critiquer ce texte fol où je ne trouve mon content qu'en son charmant commencement ainsi que la note à la fin expliquant le vers augmentin.
Ca c'est joli :Quatre mots quatre nuits
La page sans un bruit
Serait-ce que les mots me fuient.
Ce poème malin
Est écrit de ma main
Tout en vers augmentins.
Tout le reste me parait relever de l'anagramme, du rébus ou des mots croisés.

[Nathanaël Zenou]

C’est ainsi que sans mots au milieu des pires flots j’abandonne mon héros.
Faute de m’être servile tu me condamnes dit-il à un second exil.

c'est vrai que la contrainte à elle seule justifierai le poème, mais je me demande si celui-ci ne mériterai pas une autre forme,
ce poème est plein de grâce comme en témoignent ces deux vers que j'ai isolés mais je le trouve gâché par cette apparence d'OVNI.

il pourrait faire un poème à la Verlaine du style

" Moi, j'allais, rêvant du divin Platon
Et de Phidias,
Et de Salamine et de Marathon,
Sous l'oeil clignotant des bleus bec de gaz. "

ou

"Là! Je me tue à vos genoux!
Car ma détresse est infinie,
Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie
Est une agnelle au prix de vous.

Oui, céans, cruelle Clymène,
Ce glaive, qui dans maints combats
Mit tant de Scipions et de Cyrus à bas,
Va finir ma vie et ma peine!
Ai-je même besoin de lui
Pour descendre aux Champs Élysées?
Amour perça-t-il pas de flèches aiguisées
Mon coeur, dès que votre oeil m'eut lui? "

où une originalité est gardée, mais où le contenu est plus mieus mis en avant,
car à compter les pieds, passé l'étonnement de la forme,
les choses intéressantes comme

C’est ainsi que sans mots j’abandonne mon héros.
Faute de m’être servile tu me condamnes dit-il à un second exil

sont réelements pour le coup floués

"au milieu des pires flots"

néanmoins l'angle reste intéressant

[Invité]

Un peu artificiel, peut-être à cause de ces rimes internes à tout prix.

Y avait un type qui faisait ça bien en 18 "pieds" et en racontant une histoire (en musique) : :-)

"Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un coeur pour deux ... "

[bolero]

En effet, une bonne dose d'Augmentin s'impose après cette lecture pour moi sans intérêt ! Désolée. Les rimes internes insonorisent le texte.

[Pascal-Claude Perrault]

Un p’tit coup d’blues ?
Quatre mois quatre nuits ? Les jours sont longs, les nuits sont courtes !

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