Genèse ontologique

[michel]

Assis seul, je contracte. Ce qui doit venir ensuite viendra. Même si j’ai oublié ce qui sera, car maintenant, ce qui sera était. Précisément, toute la tension, tout ce vers quoi c’était est tendu vers ce qui sera dans cette tension que je contracte en étant assis. Quel est la nature d’un tel mouvement, de ce mouvement qui se fait justement en le disant ? Etrange simultanéité, infranchissable tangente, limite au-delà de laquelle plus rien n’est plus plus rien, mais où tout est, où tout est encore intact comme avant la fabuleuse explosion.
L’œuf explose ? Est-ce que c’est l’œuf qui explose et qui poursuit ensuite toute son évolution – ou bien est-ce que l’individuation de l’œuf est déjà dans son explosion fatale, dans sa fatalité explosive ? Ou bien est-ce que l’œuf n’explose pas, mais évolue tranquillement jusqu’à la mort ? Pas du tout, pas tout-à-fait du tout. L’explosion de l’œuf est en fait un feu d’artifice, le plus merveilleux des feux d’artifice, mais le plus réel aussi… Car il ne s’agit pas d’une explosion, mais d’une explosion d’explosions, l’œuf est déjà en lui-même une explosion, un principe explosif, et son explosion est une multiplicité d’explosions, une multiplicité explosive d’œuf explosif. Et en vérité, en réalité, en fait, il n’y a pas d’autre principe d’individuation que celui-là : tel est le lien ou l’unité de la pensée et de l’individuation. La pensée est exactement un moteur à explosion.
Une différentielle dans la pensée, c’est la création d’une tension, et d’une contraction de la sensibilité au préalable, c’est-à-dire d’une intensité provisoire, qui laisse dès lors le passage libre à l’éclair pour fulgurer, l’explosion. Tout le secret de l’individuation se trouve ainsi déterminé par la nature de cette tension originelle et cette contraction intrinsèque. Car les intensités qui se créent dans la pensée sont de petites choses quasiment incomparables à celles qui se créent pour laisser place aux individualités capables de penser. Or, plus l’individu est capable de penser, moins il a déjà d’individualité. La qualité passe dans l’un ou l’autre, l’éclair fulgure tantôt ici et tantôt là, ou bien il se ramifie, mais frappe ici ou là, pas aux deux endroits à la fois. C’est pourquoi le penseur est le sujet larvaire de sa propre pensée. C’est pourquoi une pensée ne peut faire subir l’individuation aux choses pensées qu’en dépit de l’individuation du penseur lui-même. Mais, il vaut mieux que se crée l’image d’une individualité, c'est-à-dire une personnalité, que l’image d’une pensée, c’est-à-dire un sens commun suivi d’un bon sens et de plein de cliché.
Mais on n’a pas encore tout dit concernant l’œuf. Le principe d’individuation de l’œuf est en fait un processus d’éclosion. Et le processus d’éclosion détermine la création d’un double cône virtuel. C’est donc que l’œuf est le présent cosmique. Ou plutôt l’œuf original n’existe plus que sous la forme d’un présent cosmique, qui est aussi bien un Passé pur, un Futur pur, un passé qui ne fût ni ne sera jamais présent. On dirait qu’à la base, entre cette contraction du sensible et cette tension idéelle de la pensée, il y avait une infinité d’autres attributs que nous ne connaissons pas, mais qui n’avaient pour fonction que de rendre possible l’efficience d’une telle tension, et précédemment d’une telle contraction. Si le néant n’est pas, c’est parce qu’il est l’Inconscient, l’infini décontracté, et qu’il se détermine par là d’emblée à la contraction la plus illustre de tout l’Univers, l’explosion sensible originelle, qui n’a jamais eu lieu qu’idéalement.

[Rebecca]

Ben je pense exactement à tout ça quand assise sur ma lunette de wc, dans la position du penseur de Rodin, je contracte. Et que ce qui doit venir ensuite vient. Et finalement je me dis : il n'y a pas que la pensée qui est un moteur à explosions. Le néant n'est peut être pas mais le séant est et il me plait de croire en toute conscience que lui aussi peut être l'infini décontracté . Surtout quand il offre à l'univers non pas un Passé pur ou un Futur pur mais un présent impur...ça me rend oeuforique...

[michel]

Ben étrangement pas moi : quand je suis assis sur le wc je contracte rien du tout, non, chez moi le caca sort tout seul. J'ai pas contracter l'habitude de faire des caca nerveux. Quand je suis assis, je suis déjà plus contracter que debout, mais moins que couché. Contrairement à ce que je dis, Beckett disait qu'une meilleur position que débout c'était certainement assis, mais une encore meilleur qu'assis, c'était couché. C'est même pourquoi il n'y a qu'assis qu'on contracte, très exactement comme le penseur de rodin, ça tu l'as bien compris. Peut être que ta pensée (estomac cérébral) est du caca car ton estomac, quand tu es assise, est trop contracter, et dès lors ce qui en sort, mal digéré, trop merdique. C'est bien de parler mais la plus haute puissance du langage c'est de parler sur les mots, car les mots en eux même n'ont aucune consistance, aucune réalité en soi. Au minimum, tout le langage doit s'élever jusqu'à sa seconde puissance, c'est à dire un référent interne parce que vu du dehors. Le langage élevé à sa troisième puissance possède deux référents internes, dont le second dedans est un dehors du point de vue du premier. A la limite, c'est à dire le langage élevé à sa n ième puissance correspond à la réalité (corps-langage). Ce n'est pas ce que je prétend faire ici. Mais croire que le style est purement affaire de sonorité me parait abusif. Bien sur les sons sont un stade plus évolué que les bruits, mais plus a un stade plus évolué encore que les sons il y a la voix. Or seule la voix est rythmique car le rythme se produit toujours sur deux plans différent en nature, diachronique. Les sons ne peuvent constitué le seul élément du style car ils n'introduisent pas encore les valeurs rythmique dans la langue, et en restent au simple valeur tonique, au ton. Mais le ton n'est pas le sens, et seul des propositions sans ton rythment intrinsèquement le langage comme le défilé sur cette crète qui distingue et réunit les mots et les choses.

[Rebecca]

bon mea culpa pour ma réaction persifleuse d'hier...ceci dit voilà tu as eu la réaction spontanée d'une lectrice au qi trés moyen qui a du mal à digérer une pensée hermétique et qui s'emmerde en lisant...
Or des choses interessantes sans doute dans ce que tu racontes ...ne pourrais tu les rendre un peu plus séduisantes d'une part, abordables d'autre part ? Ce serait faire la pute ?
sur le langage qui à sa énième puissance correspondrait à la réalité il y aurait beaucoup à dire mais je ne veux polluer plus longtemps ton fil, les debats contradictoires sont censés continuer sur le fil billevesées, et on n'est pas censé commenter les commentaires ...

simplement la fonction essentielle du langage (pour moi pauvre simplette je ne parle que de mon point de vue n'ayant aucun bagage linguistique ou autre ) n'est pas la representation du reel (hum à mon avis d'un reel forcément morcelé et interprété ) mais l'échange de points de vue sur ce réel (c'est quoi le reel ....pour moi toute pensee vehiculée par le langage en fait partie sans forcement que la somme des subjectivités constitue l'integralite du reel , toutes les oeuvres de fiction inventent et font partie du reel...) ...l'important est donc surtout dans l'échange littéraire d'arriver à conserver son originalité (relative toujours) et son integrité (plus ou moins absolue) tout en offrant une surface de contact avec Autrui qui permet la communication...
Pour imager c'est comme si nous étions dans des bulles qui s'entrechoquent et adherent plus ou moins les unes aux autres selon la texture et le contenu du langage que nous utilisons pour parler de notre bulle et de ce que nous voyons des autres bulles et du monde ou nous evoluons.
disons que les propositions lexicales semantiques stylistiques que tu offres ne constituent pas un couloir trés praticable de liaison de ma bulle à la tienne :-)))

c'est moins vilainement dit ?

[midnightrambler]

Bonjour,

On a eu l'oeuf, puis le t(h)on ... j'attends les tomates - autant bien faire les choses - pour une excellente salade de puissances n qui passera inéluctablement par la lunette des WC !

Amicalement
midnightrambler

[Invité]

J'ai beaucoup ri.

[Contenu sponsorisé]