Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
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Sweet Heart
mitsouko
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Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
Ce matin, le jour a du mal à se hisser au-dessus des toits. Quelques lambeaux de nuit s’accrochent encore aux façades lépreuses des immeubles.
L’orage de la veille a bringuebalé la ville, comme un cheval fou qui s’engouffre dans les ruelles, lacère le ciel d’éclairs blancs et submerge les quais de sa force boueuse. Les égouts refluent des eaux noires et pestilentielles et quelques rats au pelage luisant déguerpissent, cherchant refuge ailleurs. Cela fait plusieurs jours que le niveau du fleuve qui traverse la ville a atteint sa cote d’alerte.
Pourtant, tout cela m’est parfaitement égal …..il y a quelques heures je viens d’achever de taper mon roman, le cliquetis métallique des touches de ma Remington en écho au fracas du tonnerre, ce mot fin qui claque comme la morsure d’un fouet. Des voisins gueulaient dans les caves, écopant sans relâche, et de temps en temps les reflets bleus des gyrophares des secours balayaient ma vitre…….et puis ils s’éloignaient sirène hurlante dans une gerbe d’eau. Des forces telluriques mystérieuses grondaient dans le ventre de la cité.
Je souris, toute ma vie est là, rassemblée en deux cent feuillets , quatre centimètres d’épaisseur, de la sueur, des larmes, des rêves immenses et des corps perdus qui vous attendent dans un lit froid.
L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. Je salue cette arrivée des eaux, comme un baptême, une onde purificatrice qui balaye toutes les scories, mes doutes, mes renoncements……mes petites lâchetés…avant d’accoucher de ça, ce mausolée de phrases, cette tour de Babel de mes illusions.
La vie est peut être, sans doute ailleurs, dans des rizières d’Asie, courbé sous le soleil à replanter du riz, dans ces jarres élancées prenant forme sous les mains du potier, dans ce soc de charrue griffant la terre grasse, dans ces filets remontés dégueulant des poissons.
Trois ans à griffonner, raturer, déchirer, brûler…..reprendre, ignorant les vivants et oubliant les morts. Jeter sa peau sur la table, se dépouiller des anciennes mues et capturer l’émotion, ces visions fugitives qui irradient nos rétines. Tes valises, tes pleurs, ma mauvaise foi…….et un dictionnaire qui traîne.
Je m’étire comme un chat langoureux et me dirige vers la fenêtre que j’ouvre en grand. J’aspire une goulée d’air pur comme un pêcheur d’éponges regagnant la surface, une pluie tiède picore mon visage. J’allume ma première boyard et goûte la saveur âcre du tabac.
Dehors la ville n’est plus qu’un champ de ruines, une effroyable bigarrure d’arbres déracinés, de branches torturées, de toits éventrés, de voitures phares allumés dérivant sur les eaux comme des monstres marins. Quelques passants téméraires, luttent contre le vent, parapluie retourné comme un gant, pataugeant dans les flaques comme des échassiers improbables. Là bas près de l’écluse le grondement sourd du flot rageur montant à l’assaut des berges.
Le temps est dégueulasse, je m’en fous, je ne pense à rien………et je brûle comme un ogre solaire.
L’orage de la veille a bringuebalé la ville, comme un cheval fou qui s’engouffre dans les ruelles, lacère le ciel d’éclairs blancs et submerge les quais de sa force boueuse. Les égouts refluent des eaux noires et pestilentielles et quelques rats au pelage luisant déguerpissent, cherchant refuge ailleurs. Cela fait plusieurs jours que le niveau du fleuve qui traverse la ville a atteint sa cote d’alerte.
Pourtant, tout cela m’est parfaitement égal …..il y a quelques heures je viens d’achever de taper mon roman, le cliquetis métallique des touches de ma Remington en écho au fracas du tonnerre, ce mot fin qui claque comme la morsure d’un fouet. Des voisins gueulaient dans les caves, écopant sans relâche, et de temps en temps les reflets bleus des gyrophares des secours balayaient ma vitre…….et puis ils s’éloignaient sirène hurlante dans une gerbe d’eau. Des forces telluriques mystérieuses grondaient dans le ventre de la cité.
Je souris, toute ma vie est là, rassemblée en deux cent feuillets , quatre centimètres d’épaisseur, de la sueur, des larmes, des rêves immenses et des corps perdus qui vous attendent dans un lit froid.
L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. Je salue cette arrivée des eaux, comme un baptême, une onde purificatrice qui balaye toutes les scories, mes doutes, mes renoncements……mes petites lâchetés…avant d’accoucher de ça, ce mausolée de phrases, cette tour de Babel de mes illusions.
La vie est peut être, sans doute ailleurs, dans des rizières d’Asie, courbé sous le soleil à replanter du riz, dans ces jarres élancées prenant forme sous les mains du potier, dans ce soc de charrue griffant la terre grasse, dans ces filets remontés dégueulant des poissons.
Trois ans à griffonner, raturer, déchirer, brûler…..reprendre, ignorant les vivants et oubliant les morts. Jeter sa peau sur la table, se dépouiller des anciennes mues et capturer l’émotion, ces visions fugitives qui irradient nos rétines. Tes valises, tes pleurs, ma mauvaise foi…….et un dictionnaire qui traîne.
Je m’étire comme un chat langoureux et me dirige vers la fenêtre que j’ouvre en grand. J’aspire une goulée d’air pur comme un pêcheur d’éponges regagnant la surface, une pluie tiède picore mon visage. J’allume ma première boyard et goûte la saveur âcre du tabac.
Dehors la ville n’est plus qu’un champ de ruines, une effroyable bigarrure d’arbres déracinés, de branches torturées, de toits éventrés, de voitures phares allumés dérivant sur les eaux comme des monstres marins. Quelques passants téméraires, luttent contre le vent, parapluie retourné comme un gant, pataugeant dans les flaques comme des échassiers improbables. Là bas près de l’écluse le grondement sourd du flot rageur montant à l’assaut des berges.
Le temps est dégueulasse, je m’en fous, je ne pense à rien………et je brûle comme un ogre solaire.
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
Oh ! Comme tu rends bien compte de la futilité de la création, mitsouko ! De son indispensabilité aussi ! J'aime cette dérision du créateur face aux éléments déchaînés, à un monde qui fout le camp, j'aime comme il se distance de la folie extérieure pour vivre sa propre folie intérieure. Et j'adore le titre, très accrocheur.
Côté moins, j'ai trouvé des images un peu passe-partout, toutes faites, dans ce paragraphe en particulier : "Je souris, toute ma vie est là, rassemblée en deux cent feuillets , quatre centimètres d’épaisseur, de la sueur, des larmes, des rêves immenses et des corps perdus qui vous attendent dans un lit froid.
L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. Je salue cette arrivée des eaux, comme un baptême, une onde purificatrice qui balaye toutes les scories, mes doutes, mes renoncements……mes petites lâchetés…avant d’accoucher de ça, ce mausolée de phrases, cette tour de Babel de mes illusions."
Sur le détail :
-ce mot fin qui claque : ce serait bien de mettre "fin" entre guillemets
-mes renoncements……mes petites lâchetés…avant => mes renoncements... mes petites lâchetés... avant (trois points de suspension, pas plus ; et espace)
-Quelques passants téméraires, luttent contre le vent, (la virgule après "téméraires" est erronée)
-et puis il faudrait une majuscule à la Boyard
Côté moins, j'ai trouvé des images un peu passe-partout, toutes faites, dans ce paragraphe en particulier : "Je souris, toute ma vie est là, rassemblée en deux cent feuillets , quatre centimètres d’épaisseur, de la sueur, des larmes, des rêves immenses et des corps perdus qui vous attendent dans un lit froid.
L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. Je salue cette arrivée des eaux, comme un baptême, une onde purificatrice qui balaye toutes les scories, mes doutes, mes renoncements……mes petites lâchetés…avant d’accoucher de ça, ce mausolée de phrases, cette tour de Babel de mes illusions."
Sur le détail :
-ce mot fin qui claque : ce serait bien de mettre "fin" entre guillemets
-mes renoncements……mes petites lâchetés…avant => mes renoncements... mes petites lâchetés... avant (trois points de suspension, pas plus ; et espace)
-Quelques passants téméraires, luttent contre le vent, (la virgule après "téméraires" est erronée)
-et puis il faudrait une majuscule à la Boyard
Invité- Invité
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
J'aime beaucoup le paradoxe entre la satisfaction intérieure d'un aboutissement et le spectacle de désolation tout autour...
Et même si certaines images sont jugées trop passe-partout, cela ne m'a rien enlevé de plaisir en lecture.
Et même si certaines images sont jugées trop passe-partout, cela ne m'a rien enlevé de plaisir en lecture.
Sweet Heart- Nombre de messages : 98
Age : 46
Date d'inscription : 11/09/2011
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
merci Easter de lire avec tant d'application......et d'être sans concession sur des choses où tu as raison.......presque toutes ..;sourires
et encore merci pour ton implication efficace dans le concours
sweet heart, douceur que ce com, une question me taraude : quel est le peintre qui a fait le tableau de votre avatar.....cela m'intrigue, merci pour votre réponse
et encore merci pour ton implication efficace dans le concours
sweet heart, douceur que ce com, une question me taraude : quel est le peintre qui a fait le tableau de votre avatar.....cela m'intrigue, merci pour votre réponse
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
Ce tableau est d'une artiste locale qui mériterait d'être connue : Muriel Titablo. J'ai eu la chance de croiser son chemin au hasard d'une expo. Une belle rencontre...
Elle possède un blog sur le net, si vous souhaitez voir ces tableaux ;-)
Elle possède un blog sur le net, si vous souhaitez voir ces tableaux ;-)
Sweet Heart- Nombre de messages : 98
Age : 46
Date d'inscription : 11/09/2011
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
J'aime bien cet ilot de serennité qui résiste à l' ambiance apocalyptique
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
Les points de suspension m'ont un peu gêné. Pour la plupart, je les trouvais un peu maladroits. Et je trouve dommage d'utiliser cette phrase puissante comme titre. Ça enlève un peu de ''Humphf !'' à ta finale.
Sinon, j'aime beaucoup l'ambiance, l'univers. J'aime ta façon de l'imposer, quand tu le fais avec les mots. Tu as un beau style.
Sinon, j'aime beaucoup l'ambiance, l'univers. J'aime ta façon de l'imposer, quand tu le fais avec les mots. Tu as un beau style.
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
J'ai aimé aussi, surtout cette gerbe d'eau.
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
j'aime bien aussi, bien qu'un peu chargé d'adjectifs à mon goût
Le contraste "dedans-dehors" est fort bien rendu, mais justement, je trouve que la phrase "L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. " est inutile, on comprend tout à fait sans cette explication.
Le contraste "dedans-dehors" est fort bien rendu, mais justement, je trouve que la phrase "L’étrange sérénité qui m’habite, ce sentiment du labeur accompli, contrastent avec l’agitation fiévreuse de la ville. " est inutile, on comprend tout à fait sans cette explication.
On a tendance a toujours avoir peur de ne pas être compris dans nos intentions !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Le temps est dégueulasse, je m'en fous, je ne pense à rien... et je brûle comme un ogre solaire
Tu as parfaitement illustré l'impression qui m'habite lorsque je me connecte sur VE...
Invité- Invité
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