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Message  Marine Sam 5 Nov 2011 - 21:49

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C'est la peinture qu'elle aurait aimé faire. Enduire ses doigts de bleu, les passer sous ses yeux, laisser sur ses joues une trace de son art maladroit, et sortir ainsi sur son balcon, regarder la ville en contrebas, les immeubles blancs dans la grisaille froide du matin, les affiches décollées par le vent et les pluies brunes de cette fin d'automne, les masses duveteuses des arbres boursouflés de givre devant la ligne bleue des campagnes qui apparaissent dans la lumière douce. Elle aurait aimé peindre tout cela, avoir des yeux différents, des paupières d'artistes à refermer sur les sentiments du monde, sur les visages de ses amants prisonniers de l'ombre de ses cils. Elle aurait installé là son chevalet, aurait sorti ses rouges pour donner aux pommettes de son existence les couleurs d'une jeune fille frivole et innocente, qu'elle aurait peinte en plein milieu, accroupie sur le carreau mouillé d'un pavé, à jouer avec des lianes vertes sorties d'entre les joints, à recouvrir ses mains de l'eau sale des flaques où les mégots font des canards. Elle sait qu'elle n'a que peu de talent, alors peut-être aurait-elle tout balancé par dessus la balustrade, laissé choir les couleurs toutes seules, faire des rubans dans l'air, se mélanger, s'accoupler comme les fourmis ailées, dans une parade nuptiale de ce lien qui la relie au monde, ce fil fragile qu'elle tient des deux mains et auquel elle s'agrippe lorsqu'elle suffoque.

Elle a laissé l'eau chaude du bain couler sur elle. Elle est sortie. La pluie ruisselait depuis la veille. Les bancs étaient mouillés. Elle a continué. Où va t'on lorsqu'on ne sait pas quoi faire ? Elle aurait pu boire un chocolat, mais seule, c'était triste. Elle a regardé ses mains. Elles étaient assez moches. Elle s'est demandé si elle peignait vraiment de tout son cœur , de toute sa force, si elle mettait ses tripes sur la toile au milieu des échancrures de peinture, des éclaboussements de nuances, si l'on pouvait voir la forme effilée de ses boyaux et de ses sentiments dans les traits tordus des visages qu'elle traçait fébrilement, dans un souffle, une exaltation. Ses gens, elles ne les avaient jamais vus. Ils étaient des fantasmes, des projections de son imaginaire. Elle ne vivait que dans l'utopie, l'irréel. Elle voudrait toucher de ses doigts les cendres chaudes des cigarettes, se brûler à l'existence, danser dans la chaleur et les odeurs de sexe d'une salle où les corps s'entassent et se jouxtent, mais elle ne peut que le rêver, elle n'ose pas, c'est tout son être qui a été calfeutré, ses seins, ses cuisses serrées, oppressées toujours contre les murs blancs de sa chambre stérilisée, de son linceul existentiel, cette chambre blanche aux murs crépis et nus, où elle projetait de toute la force de ses yeux la vie des autres. Traçait-elle la sienne, d'une certaine façon ? On retrouvait dans ses gribouillages infantiles et imaginaires des océans, du sel qui lui appartenaient, le souvenir d'orgasmes solitaires, comme si elle avait essayé de jouir, essayé de ressentir, mais qu'une aube sage avait fait une digue aux marées successives de son épanouissement, avait fait brûler toutes les forêts noires qui se dressaient en elle en trouant avec violence et majesté, de leurs cimes alambiquées la neige blanche et vierge.

Elle marche encore. Ses pas remplissent son crâne tout entier, il n'est plus fait que de sillons, de feuilles mortes arrachées aux parvis sur lesquels elle se traîne, des devantures sombres de café où elle ne rentre pas. Sous ses chaussures, si elle levait ses jambes à sa tête, elle verrait tous les fourmillements du monde, les traces grossières des corps qui ont bavé sur la chaussée, elle entendrait comme dans un coquillage le bruissement de leurs pensées, les humections de leurs lèvres qui échappent à sa sécheresse, leurs mains, les jambes qui s'entrechoquent dans les cris. Il lui faut vivre maintenant. Elle le sait. Mais comment faire ? Sa pensée s'est tellement isolée, son cœur s'est tellement replié, recroquevillé au fond de sa poitrine, sous les courbes raides de ses seins. Ses mains se sont tellement déshabituées à toucher, son corps tellement éloigné des chaleurs profondes, des sueurs et des encombrements. Comment trouver le fourmillement des centre-villes alors qu'elle n'est que la solitude froide et digne de ses montagnes, l'austérité grise, puissante mais ternie des rocs qui jaillissent dans des élévations d'arbustes drus ? Comment se mêler à la chaleur tiède des soleils alors qu'elle aime le vent dans ses robes nues, les lamentations des ruisseaux qui dégoulinent sur les pentes minérales de son lit, dans les nuits fantasmées et étoilées qui prennent du rêve ce que la réalité n'apporte pas de bonheur à ses jours ? Il n'y a que dans l'obscurité qu'elle se sent bien, au milieu des volutes de lune qui tombent sur les silhouettes des herbes noires, du parfum de la terre dans laquelle elle retrouve la saveur d'une vérité au monde qu'elle seule semble ne pas avoir oubliée. Mais dès que le jour lève sa croix, il y a dans ses yeux une tristesse continuelle, une plainte d'être libre en n'appartenant pas au monde, de ne faire que le regarder de haut, d'un rocher dont elle connaît toutes les pores, toutes les aspérités, tous les replats.

Elle n'en peut plus de marcher. Elle a mal aux pieds. Sous ses orteils de grosses cloques rouges éclatent comme des bulles de chewing-gum. Il lui semble qu'on lui a mâchonné la peau. Il lui faudrait un corps contre lequel se reposer, un ventre chaud sur lequel poser sa joue grasse, des cheveux à mêler à ses doigts, quelqu'un à palper, à gifler. De quoi l'a t'on privée ? Quelles couvertures sombres a t'on entassées sur elle pour que son visage soit si terne, si brûlant de honte et si peu de tendresse ? Elle voudrait peindre les gens qui déambulent autour de la fontaine, mais elle n'a jamais vu les bras qu'en image, que par la photographie de sa rétine. Elle ignore qu'un bras palpite, qu'un bras est mou, qu'un bras s'étreint et sue comme elle. Elle-même est repoussante. On ne peut se tourner vers elle, et au soleil, son ombre tremble ; invisible dans la nuit, en corps avec elle, dissimulée derrières les murets et les fenêtres pour voir les gens qui font l'amour, elle rase le sol le jour, ou, au contraire, de terreur, s'avance tellement dans le soleil aveuglant qu'elle fait peur et qu'on la fuie. Son visage n'est pas beau ; son corps est disgracieux, ses membres lourds, ses traits grossiers, sa pensée incomprise. C'est elle qui n'a pas su s'adapter au monde. Elle veut peindre son esprit, alors, mais elle pleure alors de le voir si misérable et les larmes détruisent la toile, emportent la peinture, soufflent la vie qui était passée de son être au tableau. Dans l'évier sale de son appartement, elle achève de nettoyer sur les cafards et la poussière les déguelis monstrueux de son art solitaire, fantasmagorique et narcissique. Elle regarde par la fenêtre. Le soir tombait sur les choses sans elle, et elle songeait que ce déclin de lumière, à l'aube de chaque crépuscule, était pour elle une espérance. Elle avait l'impression qu'à à la fin de chaque jour le monde mourrait paisiblement.
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Message  gaeli Sam 5 Nov 2011 - 23:29

J'applaudis Marine à ce texte d'une très belle intensité. Bravo pour avoir si bien su décortiquer la souffrance, elle est palpable tout au long du texte autant que la poésie. si j'avais des étoiles à donner, je vous en donnerais au moins ***** pour la qualité et la beauté de ce texte qui m'a profondément émue. Merci de ce magnifique partage.
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Message  Phoenamandre Dim 6 Nov 2011 - 8:37

Le meilleur que j'ai lu de toi.

Les deux premiers paragraphes sont ceux qui m'ont le plus plu, et le dernier on y retrouvait le côté Marine propre à tous tes textes.
C'est vraiment fort, le texte s'est libéré du carcan dans lequel tu as pu enserrer, enfermer tes autres textes, c'est cool ça !

"Dans l'évier sale de son appartement, elle achève de nettoyer sur les cafards et la poussière les déguelis monstrueux de son art solitaire, fantasmagorique et narcissique."
Quant à toi, pas la peine de le faire :-)

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Message  Invité Dim 6 Nov 2011 - 12:05

Quelle classe ! Le texte a beaucoup d'allure, parcourt les méandres de l'âme de ce personnage recroquevillé sur son quant-à-soi avec poésie, sensibilité, délicatesse.

Je me permets, un peu honteux, de vous adresser ces quelques remarques de forme :
- « par dessus la balustrade » : « par-dessus ».
- « Où va t'on » : « où va-t-on ».
- « si elle peignait vraiment de tout son cœur ,» : pas d'espace avant la virgule.
- « le fourmillement des centre-villes » : « centres-villes ».
- « De quoi l'a t'on privée ? » : « l'a-t-on ».
- « Quelles couvertures sombres a t'on » : « a-t-on ».
- « dissimulée derrières les murets » : « derrière ».
- « et qu'on la fuie. » : « fuit ».
- « les déguelis monstrueux » : « dégueulis ».
- « qu'à à la fin » : « qu'à la fin ».
- « le monde mourrait paisiblement » (a priori, plutôt de l'imparfait que du conditionnel présent).

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Message  Rebecca Dim 6 Nov 2011 - 12:33

Un texte que j'ai lu d'une traite. Un mal de vivre bien dépeint. Bien écrit. Bravo.
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Message  Polixène Dim 6 Nov 2011 - 22:16

Oui, il y a un vrai souffle dans ton écriture, une ampleur qu'il me tarde de voir s'épanouir sur d'autres thèmes .
Quoique celui-ci soit parfaitement en accord avec ton style.
Quelques répétitions encombrent tout de même le phrasé déjà dense .
Le mot "tellement" et le mot "fourmillement", par exemple, ainsi que d'innombrables "Qu'elle" et "elle".

Cette phrase m'a posé problème, à mon sens il manque un verbe là :*
Quelles couvertures sombres a t'on entassées sur elle pour que son visage soit si terne, si brûlant de honte et *si peu de tendresse ?

J'ai adoré le matin qui lève sa croix, c'est une image extraordinaire.
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Message  Invité Lun 7 Nov 2011 - 11:25

Marine, je t'ai lue souvent, et jamais, je crois, commentée. Mais que ce soit dans ce texte ou dans les autres que tu as produits, je suis à chaque fois subjuguée par la densité de ton écriture, et ta capacité à traduire des états d'âme qui bouleversent le lecteur. Merci pour ces qualités.

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Message  Kash Prex Lun 7 Nov 2011 - 14:01

Un texte adolescent dans la psychologie du personnage (et non dans l'écriture, ce qui n'est donc pas une critique), cohérent et bien mené, avec notamment des images que j'ai trouvées percutantes. J'aime généralement la noirceur, la mélancolie, le recul sur les choses, donc là je suis servi.


ce lien qui la relie au monde
Un peu redondant.

Ses gens, elles ne les avaient jamais vus.
Là, soit je ne comprends pas la phrase, soit il faudrait plutôt écrire : Ces, elle, avait.

Elle veut peindre son esprit, alors, mais elle pleure alors de le voir si misérable
Cette répétition est peut-être volontaire, mais elle m'a accroché.
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Message  Marine Lun 7 Nov 2011 - 16:47

Merci à tous, vraiment, de vos avis et commentaires, j'en profite pendant que le texte est en haut de page.
C'est un texte qui n'est absolument pas travaillé, pourtant, sans regarder l'écran, mais en musique ( sur l'Adagio pour cordes de Barber ).
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Message  Marine Sam 19 Nov 2011 - 13:28

Laura se releva dans la nuit. Dans le miroir de la salle de bains, elle voyait cette jeune femme aux traits noirs. Son reflet lui était cruel. Elle voyait dans la glace un monstre de cauchemar et se dit que si elle enfantait un jour son enfant ne reconnaîtrait là qu'une hybride décharnée. Que restait-il d'humain, de délicat en elle ? Qu'est-ce que sa laideur avait-encore de beau ? Il n'y avait aucune harmonie sur sa bouche, aucun désir dans les nervures de son nez, aucune lumière dans ses yeux qui donnerait à son corps un peu de cette saveur de la littérature. Rien qui ne rende aux choses dégoûtantes un peu de dignité. Elle remplit la baignore d'eau brûlante. Elle se laissa envahir par la perspective de la sensation qu'elle ressentirait au contact de son dos à l'eau. Toute sa vie était faite comme cela. De rêves, d'utopies, d'idéalisme. Pour se venger, elle aller chercher les rangées de livres de sa bibliothèque, les lâcha dans un grand bruit de papier sur le sol froid et géométrique de sa salle de bains, et, un à un, jeta tous les ouvrages dans l'eau chaude. Les pages se tordaient, le papier se gonflait, exorbité, l'art paraissait s'ouvrir, se confronter enfin à la réalité des choses, et un pauvre sourire éclairait les lèvres de la jeune femme. Les livres tombèrent au fond. Ils ne brillaient plus sous l'eau. Ils n'était plus ces petits soleils miroitants de la vie des autres . Dans l'eau, ils revenaient à leur nature propre et misérable, à leur staut de pensées solitaires, séparés les uns des autres par les courants d'eau chaude, bercés par le cours imprévisible du mouvement, soumis aux balancements de ces deux mains de femme. Les remours faisaient tourbillonner au fond de la baignoire les nuages effilochés de son idéalisme. Elle pensa garder quelques livres, ceux qui semblait vivre encore, suspendus sous son crâne, ceux qui montrent la souffrance de la réalité, endurée tous les jours, le ventre creux, la bouche sèche, les yeux secs de ne pas pleurer. Sa mélancolie se teintait d'indifférence, un monstre minéral respirait en son ventre. Elle ne jeta pas les films. Elle n'en avait pas. Ceux-là ne montraient même pas la perspective d'échapper au malheur : le plus souvent, ils n'en parlaient pas. Elle se glissa dans l'eau au milieu des feuillets, et le papier gonflé vint se coller à sa peau comme une sangsue blanche striée des bleus d'auteurs.

Le lendemain, elle regretta son acte. Elle n'avait plus rien maintenant pour survivre. Elle essaya de se persuader qu'elle était une artiste, qu'elle arrivait à peindre. Elle ne comprenait pas la rigueur de la vie. Il fallait vivre avant de créer. Quelque chose au fond d'elle le lui soufflait inlassablement, comme le souffleur caché sous la scène du théâtre, à l'abri des planches poussiéreuses, et qui crie son texte à l'acteur alors que celui-ci, sourd et désespéré, reste les bras ballants face au public qui le hue. Laura ne voulait plus entendre. Des choses passaient dans les oreilles de la jeune femme. Elle s'abrutissait. Couchée sur le sol, la tête entre les mains, elle digérait sa bile. Sa voisine d'en dessous écoutait de la musique. La journée s'écoulait sans elle. Elle mit des tas d'aliments dans une poële. Elle avait toujours eu peur d'allumer le gaz, de tourner le bouton. Pendant des heures, elle regardait le plan de travail, redoutant l'explosion, le souffle chaud et dévastateur, les éclats de bois et de verre. En rêveries, elle voyait son corps meurtri de mille estafilades. Pour chaque décision qu'elle avait à prendre, l'explosion était simplement d'un style différent, mais ça en était toujours une, rouge, bleue ou violette, magenta pour les explosions du matin, jaune clair pour celles du soir. Elle se lança, tourna le bouton de la gazinière, fut soulagée, honteuse de ses peurs stupides, de son carcan de terreurs perpétuelles. Elle savait encore, dans la vague lucidité que lui permettait son exclusion et sa dégénerescence, qu'il n'y avait là qu'une psychose personnelle que les autres ne pouvaient ressentir. La moindre action avait pour elle la même valeur que les plus grandes et les plus difficiles. Dans son délire, cet après-midi là, elle essaya de se rassurer, de se redonner une consistance d'humain, de percer l'absurdité par la glaive d'un sens qu'elle donnerait à sa vie médiocre. Elle peignait par l'esprit. Elle voulait croire qu'elle pourrait devenir quelqu'un. Après avoir eu conscience de son manque d'attachement à la réalité, elle s'enfermait de nouveau dans ses fantasmes, ses cieux imaginaires, elle volait au dessus d'une mer d'illusions, et les pluies d'incertitudes qui venaient troubler ses rêveries, comme une dernière conscience d'elle même, furent arrêtées par une mégalomanie grandissante. Elle avait oublié ce qu'était peindre. Elle n'exprimait rien. Elle ne dessinait plus. Au soir, voulant allumer une bougie, elle craqua une allumette et l'appartement sauta comme un bouchon de champagne.
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Message  Invité Sam 19 Nov 2011 - 17:51

Toujours excellent ! J'aime ce que je perçois comme une déviation du « Il faut, Nathanaël, que tu brûles en toi tous les livres » des Nourritures terrestres de Gide dans la première partie. Désacralisation de l'objet-livre, idéalisé, impropre à communiquer ici le malaise et la souffrance d'un être acculé au mur : « l'art paraissait s'ouvrir, se confronter enfin à la réalité des choses ». L'eau brûlante remplace le feu mais l'effet destructeur est le même. L'opposition froid/chaud me semble traverser tout le texte, à vrai dire.
La dernière phrase, parfaitement implacable, m'a fait beaucoup d'effet et couronne un texte de grande beauté où, pour moi, plusieurs lectures sont possibles.

Je me permets ces remarques rapides :
- « et se dit que si elle enfantait un jour son enfant » : virgule après « jour » ;
- « sa laideur avait-encore » : pas de tiret ;
- « elle aller chercher » : « elle alla » ;
- « Ils n'était plus » : « n'étaient » ;
- « de la vie des autres . » : pas d'espace avant le point ;
- « à leur staut de pensées solitaires » : « statut » ;
- « ceux qui semblait vivre encore » : « semblaient » ;
- « dans une poële. » : « poêle » (il ne s'agit pas ici du « poële » masculin, appareil de chauffage, mais de l'ustensile de cuisine) ;
- « mais ça en était toujours une » : je trouve cela maladroit. Je suggère « c'en était toujours une » ;
- « percer l'absurdité par la glaive d'un sens » : « le glaive » (masculin). L'image, du reste, me plaît ;
- « elle volait au dessus » : « au-dessus » (trait d'union) ;
- « une dernière conscience d'elle même » : « elle-même » (trait d'union).

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Message  Invité Sam 19 Nov 2011 - 18:20

Je suis toujours impressionnée par la qualité de l'écriture, de même que par la richesse des sentiments exprimés, des images. Tes textes ne laissent pas indifférents et résonnent , et bouleversent un moment encore, une fois la lecture terminée. Bravo.

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Message  hi wen Sam 19 Nov 2011 - 18:23

toujours dans le descriptif clinique des personnages qui les enferment dans une structure et ne leur laissent aucune chance.


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Message  Janis Lun 21 Nov 2011 - 14:12

Vraiment, chapeau
à suivre absolument !
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Message  Invité Lun 21 Nov 2011 - 21:46

Magnifique texte !
La progression qui se fait entre la première et la deuxième partie fait changer le malaise de statut : il devient maladie mentale, nommée, je trouve ça un peu dommage : quand le diagnostic est posé, le trouble perd de son intensité : on a nommé, défini, donc d'une certaine façon maîtrisé... Cela rassure ! Les gens veulent absolument assigner une place à la folie pour se persuader qu'eux en sont exempts - ce qui est évidemment faux !
Mais cette critique n'enlève rien à ton écriture : c'est dense sans être suffocant, j'admire la richesse et la souplesse de tes phrases et, bien sûr, j'aime beaucoup le champ que tu explores.

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Message  Rebecca Mar 22 Nov 2011 - 5:38

Une écriture maitrisée qui cerne bien son sujet. Bravo Marine.
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Message  Damy Ven 25 Nov 2011 - 22:35

Il est très difficile de trouver ses propres mots pour un commentaire sans risquer d'emprunter les vôtres.

Autant j'en ai voulu au personnage-foetus de Perceptions de ne pas réussir à se donner les moyens de naître (et j'ai véritablement vécu une violente colère d'angoisse), autant, et je ne sais trop pourquoi, Laura m'inspire de la commisération. Peut-être parce qu'elle a une voisine insensible, peut-être aussi parce que les causes de la psychose, de la schizophrénie, ne me semblent pas relever d'elle. Malgré ses efforts, je sentais bien, au fil de la lecture que son sort était fatal. Alors, contrairement à Foetus, ce n'est pas à elle que j'en veux mais à sa voisine (...). Je ne dis pas pour autant que je n'ai pas éprouvré la même intensité d'angoisse qu'avec le petit bonhomme, mais l'explosion de gaz m'a soulagé. Toto, lui, reste dans son jus et il m'énerve toujours autant quand je pense à lui. Je n'arrive pas à avoir d'empathie pour vos personnages.

Qu'est-ce que sa laideur avait-encore de beau ?
J'aime beaucoup ce passage sur le rapport au corps et j'ai beaucoup aimé aussi le passage sur le rapport au savoir dans la baignoire.

Votre style me plaît beaucoup, mais l'angoisse: à petites doses
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Message  Marine Ven 25 Nov 2011 - 22:59

"Désacralisation de l'objet-livre, idéalisé, impropre à communiquer ici le malaise et la souffrance d'un être acculé au mur : « l'art paraissait s'ouvrir, se confronter enfin à la réalité des choses ». L'eau brûlante remplace le feu mais l'effet destructeur est le même."
C'est tout à fait, ça, Alex ! Je vous remercie, vos commentaires sont toujours très enrichissants et vos corrections très utiles.

Merci à tous les autres également. Oui, c'est un peu cela, Hi Wen, et je comprends que du coup on puisse regretter cette fatalité qui s'abbat sur les personnages sans qu'ils ne puissent se soustraire à leur destin. Ce n'est pas ma façon de penser, en plus, d'habitude. Mais pour Laura, j'ai laissé faire.

"il devient maladie mentale, nommée, je trouve ça un peu dommage : quand le diagnostic est posé, le trouble perd de son intensité"
Très juste, encore, Coline, je me suis fait également la réflexion ; peut-être aurais-je dû me contenter de la première partie. Mais il me semblait qu'il manquait un aboutissement, quelque chose pour conclure, je ressentais encore le besoin de dire des choses, et, du coup, je suis tombé dans une synthèse un peu moins lyrique - mais peut-être du coup un peu plus accessible- du thème.

Merci à vous, Denis ; je n'ai pas tout à fait compris ce dont vous parliez par rapport à l'empathie ressentie ou non pour mes personnages ; à quoi cela est-ce dû ?
Enfin, c'est sûr, il y a ce problème de la fatalité dont on ne peux pas sortir, c'est un peu pessimiste, comme je le disais à Hi Wen, mais pour Laura je voyais vraiment cette prison. En fait elle-même ne voit pas qu'elle peut s'en sortir, c'est là son problème. Elle ne voit pas d'échappatoire, alors, il ne s'en crée pas. C'est peut-être ça qui la rend si terne. Je n'avais pas envie de lui donner une fin heureuse ou pleine d'espoir. Il y a des gens qui ne le trouvent jamais et pour lesquels la vie ne leur laisse pas la chance de l'entrevoir.
Merci encore !
( PS : Désolé d'être peu présent en semaine. J'espère trouver du temps pour vous lire demain. Bisous.)
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Message  Damy Ven 25 Nov 2011 - 23:51

Je ne trouve pas Laura terne du tout, elle est bouleversante ! Je n'ai pas d'empathie pour vos personnages, j'ai de la sympathie.

L'empathie, c'est cette sorte de "technique" qu'utilisent les psys pour écouter attentivement sans être émus et ainsi pouvoir analyser et soigner de la manière la plus appropriée possible.
Autant je pense que Foetus, je l'appelle ainsi, a sa force en lui pour s'en sortir tout seul (d'ailleurs l'épilogue de votre texte permet de l'entrevoir) autant Laura aurait mérité des soins et, au moins, l'attention de sa voisine. C'est cette émotion de compassion que j'ai ressentie. Mais je ne veux pas refaire votre histoire, elle est très bien écrite comme cela, angoissante, émouvante et probablement issue d'une fine observation de la réalité.
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Message  hi wen Sam 26 Nov 2011 - 7:38

Marine a écrit: Enfin, c'est sûr, il y a ce problème de la fatalité dont on ne peux pas sortir, c'est un peu pessimiste

c'est un peu mélancolique. entendez par là une mise à mort de la part malade de nous même.

j'éprouve à vous lire la même sensation qu'avec les textes de luc, celle d'assister à des personnages très idéels. Les personnages sont réduits à l'explicitation d'une idée, réduité à la corde tendue du string, jusqu'à n'être plus que l'épigone d'un lieu commun. Parler alors de fatalité me parait erroné dans la mesure où le texte ne trouve que ce qui y est ôté. Le sujet ramené à sa structure se voit dénié de sa capacité agissante et de dépassement de soi, c'est un rien qui ne mène à rien, de sorte que le texte se résume à un énoncé tautologique.

L'émotion qui se dégage ne me parait découler que de ce décalage, entre la totale maitrise de l'auteur elevé d'une marche, qui est dans l'euphorie de borner son sujet et de rendre intelligible le réel, et la mise à mort du personnage, ou le personnage faible, déchu, déchet de sa propre structure. J'y vois pour ma part une figure de style inédite de la connerie, celle où l'autre soi-même mourant est mis à distance, dans une scission à jamais proclamée.




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Message  Phylisse Lun 28 Nov 2011 - 21:39

Une densité qui m'a fait hésiter au moment de plonger, mais quel plaisir de l'avoir fait.

Il y a une légèreté dans la narration malgré le poids des souffrances intimes, c'est vraiment bien écrit, tout en délicatesse, avec une chute qui m'a fait frémir tellement j'étais dans le récit.

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