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Sous le tilleul (exercice)

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Sous le tilleul (exercice) Empty Sous le tilleul (exercice)

Message  Charles Mar 17 Jan 2006 - 13:33

• Où: Sous un tilleul
• Quand: années 1940-1950
• Qui: trois personnages maximum dont l'un est une femme de moins de 20 ans aux cheveux rouges
• Phrases imposées: "J'ai oublié ma tribune au home" et "Mais c'est pourtant lui que j'aime"

*********************



Tous les élèves sortaient de l’école en rangs, sous les yeux sévères des professeurs guettant une quelconque agitation à réprimer. Passé le vieux muret au coin de la rue, quelques uns se mettaient à courir, d’autres plus timorés hésitaient en jetant discrètement quelques coups d’œils vers l’école, quelques turbulents ramassaient des marrons qu’ils leur lançaient dans les jambes. Ce soir là, les vacances de Toussaint débutaient. Comme chaque année, nous allions passer la semaine chez la tante Marthe, en famille. Mais avant cela, Martial, Marlène et moi avions convenu de nous retrouver dès la fin des cours sous le sapin creux devant l’église.

Peu d’élèves connaissaient l’existence de cette insoupçonnable cache. Il fallait écarter des branches de l’immense arbre dont seul l’expert parvenait à éviter les griffures et s’enfoncer pour arriver dans une sorte de creux végétal entre le tronc et les premières branches tombantes. Nous n’avions à peine dix ans et notre petite taille nous permettait encore de tenir debout dans notre repaire.

Ce soir là, j’étais le premier, j’attendais. La laine mouillée me collait aux bras et le froid glaçait mes cheveux. Martial avait dû rester quelques minutes de plus avec notre professeur qui l’avait vu écrire sur son vieux pupitre de bois. Je n’étais pas sûr qu’il puisse venir et la perspective de me retrouver seul avec Marlène égayait mes pensées. A la libération, les parents de Marlène avaient décidé de quitter Paris et avaient choisi de reprendre la boulangerie de mon village de Haute Savoie. Nous étions tous amoureux d’elle, de ses cheveux rouges et de son courage un peu effronté que nous avions pas l’habitude de rencontrer chez les petites filles sages du village.

Très vite, nous avions formé une sorte de trio inséparable avec Martial. Je n’aimais pas trop Martial. Brutal, souvent méchant, moqueur et bagarreur, il nous attirait toujours des ennuis et mes parents me répétaient sans cesse de ne plus traîner avec ce vaurien. Mais Marlène l’aimait bien, il la faisait rire disait elle et il était courageux, prêt aux pires bêtises pour lui plaire. Je n’avais pas d’autre choix que d’accepter sa compagnie. Mais ce soir là, le trio devait devenir duo, Marlène avait choisi son favori, devait nous l’annoncer et l’autre n’aurait qu’à s’effacer.

L’école des filles était située à l’autre bout de la rue et s’il était normal que Marlène arrive après moi, elle n’aurait cependant pas dû mettre plus d’une dizaine de minutes pour me rejoindre. Le temps me parut bien long. Je m’assis, replié sur mes genoux. Bien vite, la condensation de ma respiration se fit plus mince et mes jambes s’engourdirent. Plus un bruit sur la place du village, la clarté commençait à diminuer et la pluie reprenait. Déçu et un peu inquiet, je quittais mon abris résineux pour partir sur le chemin de l’école de Marlène. Elle semblait aussi déserte que la rue principale. Aucune lumière derrière les grilles de fer forgé, fenêtres et portes closes. Je ne savais que penser et je décidais de rentrer chez moi tout en m’arrêtant au passage devant le commerce de ses parents.

Mais à peine passais je derrière l’église que je les entendis ! Ils étaient assis sur un des bancs de bois, sous les grands tilleuls aux feuilles jaunis.

- C’est mon cousin Jean-Claude qui les a apporté !
- Celui qu’est soldat ?
- Oui, il est rentré hier et il a plein de trucs que les américains lui ont donné ! Il parle même anglais maintenant et il m’apprend ! Par exemple, on peut dire : « donne moi un kiss » pour avoir un baiser ou « on a gagné ze wouar » pour dire qu’on a gagné la guerre ou même « j'ai oublié ma tribune au home » si tu as oublié ton journal à la maison…
- Ah bon !
- Je t’assure !

Un peu vexé d’avoir été oublié, je m’approchai bien vite et intervins dans la discussion :


- Menteur ! Ton cousin, il connaît pas d’américain ! Mon père dit qu’il est resté planqué à Genève pendant toute la guerre !
- De quoi je me mêle toi !
- Et tu sais même pas parler anglais et en plus, on devait se rejoindre sous le sapin et ça, c’est pas des sapins, c’est des tilleuls !
- T’as qu’à y retourner sous ton sapin ! On veut pas de toi ici, Marlène a choisi, t’as pas compris !
- C’est vrai ça, Marlène ? Tu l’as pas choisi lui ? C’est un menteur !
- Mais c'est pourtant lui que j'aime dit elle d’un air se voulant naïvement innocent.


La dispute continua quelques temps, Martial et moi finîmes par nous battre et j’avais le visage tuméfié et les pantalons déchirés quand je passais le seuil de la maison. Il me semble bien avoir été puni et même peut être avoir reçu quelques coups de ceinturon pour cet exploit mais ce jour là, je compris que la douleur physique n’était rien à côté de ce que l’esprit s’inflige.


Le mois de Novembre s’écoula tant bien que mal. De tombes fleuries en repas de famille, je promenais mon humeur morose et silencieuse. Je retrouvais juste un peu d’entrain lors des veillées devant les poêlées de châtaignes qui nous brûlaient et nous noircissaient les doigts. Mais les journées pluvieuses étaient bien longues.

Le retour à l’école ne fut pas meilleur. Pas question de revoir Martial et Marlène ! Je me retrouvais donc tout seul, ne sachant que faire dans la cour de récréation, je restais assis à mon bureau en faisant semblant de lire. Mais mon professeur n’était pas dupe et après avoir essayer de me faire parler, il convint de tenter quelque chose pour me sortir de mon marasme.

Sous le prétexte que j’avais discuté avec mon voisin pendant le cours – ce qui était parfaitement faux, puisque je ne parlais plus à personne - , il décida de me faire revenir en retenue un jeudi matin. Furieux de cette injustice, je n’osais protester et ravalais ma rancœur. Mes parents, fait surprenant, ne me grondèrent pas, sans doute étaient ils au courant de la manœuvre.

Le jeudi matin, je partis donc pour l’école. J’arrivais devant la grille fermée et commençais à m’inquiéter en imaginant la punition infligée en cas de retard quand je vis, au bout de la rue, mon professeur s’avancer. Il tenait deux livres dans sa main droite et attendis d’être à ma hauteur pour s’adresser à moi :

- Très bien, jeune homme, vous êtes à l’heure ! Suivez moi ! conclut il en tournant les talons.

Je devais alors passer la matinée la plus étrange et la plus déterminante de toute mon enfance. Mon professeur m’emmena au petit café de la place. Je n’y étais jamais allé auparavant et ce, autant à cause de mon âge que du peu de moyen de mes parents. Et là, dans l’arrière salle, devant une limonade, il me parla de mes capacités, de ce qu’il voyait pour moi, de ce que mon avenir pouvait être fait et surtout il me montra les deux livres : un roman, Les misérables de Victor Hugo et un recueil poétique, La multiple splendeur d’Emile Verhaeren. Il m’a lu le début de ce dernier :

« Le monde le monde est fait avec des astres et des hommes.
Là-haut, depuis quels temps à tout jamais silencieux,
Là-haut, en quels jardins profonds et violents des cieux,
Là-haut, autour de quels soleils, pareils à des ruches de feux,
Tourne, dans la splendeur de l’espace énergique, l’essaim
Myriadaire et merveilleux des planètes tragiques ? »

Je ne compris pas complètement le sens du texte mais le rythme des mots, la passion qu’il mit dans sa lecture eurent un effet prodigieux sur mon âme d’enfant. Il me proposa alors un marché :

- Est ce que ça te plairait d’avoir ces livres ?

Moi, très scolaire, timide :

- Sûr Monsieur que ça me plairait !
- Alors ils sont à toi … si tu acceptes de m’aider !
- A quoi faire, Monsieur ?
- Monsieur Paul (le patron du café) a une petite nièce dont il doit s’occuper depuis la Toussaint. La connais tu ?
- Non répondis je.
- Eh bien, elle a ton âge et ne sait pas lire. Son professeur n’a pas assez de temps pour s’occuper d’elle et nous avons pensé à toi pour l’aider à lire.

Je ne perçus pas à l’époque la chance unique et inattendue que m’offrait ce professeur à l’air si sévère. En 1945, les adultes séparaient le plus souvent les garçons et les filles et les livres étaient très chers. Naïf, je pensais devoir cette proposition à mes résultats scolaires et non à une faveur exceptionnelle. Fier et remonté, j’acceptais rapidement. Il appela alors Monsieur Paul qui revint bientôt avec sa nièce, Sarah. Un vraiment drôle de nom pensais je alors !

Des mois durant, je passais mes jeudis entiers dans l’arrière salle du café en compagnie de Sarah, sous l’œil bienveillant de Monsieur Paul. Mon professeur nous prêtait d’autres livres. La petite salle devient tour à tour le repaire des mousquetaires de Dumas, une taverne de matelots de Stevenson, le salon sous marin du nautilus … Le vieux chien de la maison se muait en monstre hurlant sur la lande, en fidèle destrier ou en lion féroce, terrassé d’un fléchette empoisonné. Les clients n’échappaient pas à nos jeux, l’un, boiteux, devenait Long John Silver, le pirate à la jambe de bois, l’autre, moustachu à l’air anglais, nous défiait de faire le tour de l’église en 80 secondes … Les habitués prenaient souvent le temps de nous interroger sur nos lectures. Nous prenions un plaisir enfantin à découvrir ce monde d’adulte et nous grandîmes ensemble sans nous rendre compte de ce qui naissait entre nous.

Après plusieurs années, elle devint mon premier amour et nous partageâmes longtemps notre passion pour la littérature. Aujourd’hui, la vie nous a séparé mais si je ne l’ai certes pas épousée, je suis devenu écrivain.
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Message  ledepsosduvaldemarne Dim 27 Mai 2012 - 0:48

des barres ton exo mec!

ledepsosduvaldemarne

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