L'absence de tendresse

Sous la peau peu épaisse
Dans la rue des Abbesses
Le frisson grimpe et presse
Les badauds, le froid blesse

Parfumant l’air il semble
Sous le vent qui les cambre
Que les femmes filent aux chambres
Bleues de flammes qui tremblent

De l’absence de tendresse
Un salut sans adresse
Du corps noué comme tresse
Où les gestes s’empressent

Nuit et pluie se fiancent
La lune est l’alliance
On court sans conscience
Les pas plein d’impatience

Sous les portes battantes
où les gens jouent l’attente
Sous la pluie qui bat lente
La froideur éclatante

C’est l’absence de tendresse
Un salut sans adresse
Du corps noué comme tresse
Où les gestes s’empressent

Conservons des parcelles
Des sons des violoncelles
Quant la violence elle
Fait des dents des crécelles

Dans son courage on crève
De la vie belle et brève
Sous les yeux lourds de rêve
Comme un orage on crève

De l’absence de tendresse
Un salut sans adresse
Du corps noué comme tresse
Où les gestes s’empressent


Sur la peau peu épaisse
Le vent tire comme une laisse
Le frisson grimpe et laisse
Lacéré, sans caresse

La récurrence du phonème [s] dans tout le poème est évidente et intéressante, mais mal exploitée je trouve. Sinon j'aime beaucoup la répétition du quatrain

De(C'est) l’absence de tendresse
Un salut sans adresse
Du corps noué comme tresse
Où les gestes s’empressent

L'idée de le placer comme une sorte de refrain lui donne un statut bien plus important et donne de la profondeur à ton poème.

En fait, ce qui est intéressant dans ce poème, c'est la redondance volontaire et lancinante de certains éléments (dont le refrain). Un rythme particulier est instauré, il y a une vraie pesanteur, inhérente à la forme de la répétition. Mais, et c'est une bonne chose, cette pesanteur se trouve minimisée par le choix de tes mots : non seulement très évocateurs et originaux, notamment dans les diverses associations d'idées qu'ils supposent ("le vent qui les cambre" ; le "corps noué comme tresse" ; "La lune est l'alliance"; "froideur éclatante"), tu uses également en majorité de mots d'une ou deux syllabes, ce qui imprime une lecture accélérée et un peu plus hachée. De surcroît, la forte concentration d'allitérations au sein d'un même vers insiste sur une rythmique plus tranchée. Tout cela est très positif à mon sens puisque ça permet au poème de ne pas s'écraser sous son propre poids.

Toutefois, je crois que tu aurais pu exploiter ces concepts en allant encore plus loin.

En premier lieu, tu as semblé vouloir construire ton poème sur la base d'hexasyllabes. C'est plutôt raté de ce point de vue, puisque beaucoup de rimes féminines sont comptées en langage parlé. Par exemple, si je sépare chaque syllabe par un tiret, le 3è vers de ma citation devient "Du-corps-nou-é-com-me-tresse" (sachant que les rimes féminines de fin de vers ne sont pas prononcées). Ce qui fait 7 syllabes. Pour moi qui suis grand amateur de prosodie en poésie, c'est très gênant à la lecture.

Le quatrième quatrain semble construit de telle manière que chaque "iance" est prononcé. Le choix des mots dans les deux premiers vers ("fiancent" et "alliance") impose cette prononciation ; dans le troisième vers, nous avons une diérèse obligatoire ("conscience") si l'on veut que le vers soit un hexasyllabe. De fait, utiliser le mot "impatience" sans marquer la prononciation du "iance" gêne la lecture, cela brise une envolée sonore pourtant bien engagée. Il faudrait, à mon avis, une diérèse sur le mot "impatience".

Il y a un certain nombre de fautes d'orthographe. C'est dommage, car le lecteur est une fois de plus parasité.

Dernière remarque : le vers "Bleues de flammes qui tremblent", 2è quatrain, me gêne. Je ne saurai dire pourquoi, mais je ne l'aime pas. Peut-être parce que je ne le comprends pas au vu du reste. J'ai l'impression qu'il ne colle pas.

Voilà pour une critique subjective de ton poème. Je crois que si tu tiens à faire quelque chose de vraiment bon, il te faudra avoir le goût du perfectionnisme et le remanier. Les cartes sont dans tes mains. Ou plutôt devrais-je dire la plume (numérique).

je ne sais pas.
j'attendais plus, de la rue des abbesses.

Dommage que ça ne coule pas à la lecture.

Une ambiance "entre deux eaux" plus marquée par Pigalle que par Montmartre.
Une pesanteur bien rendue face à ce sujet qu'est l'exploitation du corps de l'autre.

Déjà un texte sur la peau émanant d'un pachyderme, un programme qui attire le curieux. Très intéressant texte, par moment un peu long. Belle analyse de Lotélé. Et en effet il y a quelques incertitudes sur certains hexamètres, qui heurtent le rythme. Quelques rimes un peu lourdes sur 4 vers (cas du -esse) de la première strophe bien que j'aie habité à Abbesses quelques années.
Je crois comprendre ce qui m'a gêné aussi dans "Bleues de flammes qui tremblent". D'une part il y a l'appel en filigrane à "bleu de chauffe" qui parasite le sens (encore que le bas de Montmartre fut très ouvrier, mais ici il n'y a pas de thématique ouvrière). Non, ce qui gêne c'est la présence de 2 rejets (ou enjambements, je n'ai jamais retenu la différence) de suite: celui de Presse/les badauds en fin de strophe 1 puis celui des Chambres bleues en fin de strophe 2, a fortiori après un vers trop long (Que les femmes filent aux chambres =

Le frisson grimpe et presse
Les badauds, le froid blesse

Parfumant l’air il semble
Sous le vent qui les cambre
Que les femmes filent aux chambres
Bleues de flammes qui tremblent

Si je puis me permettre, je proposerais:
Parfumant l’air il semble
Sous le vent qui les cambre
Que filent à des chambres
Bleues des femmes qui tremblent
mais je regrette de n'avoir su conserver le Flammes qui évidemment traduit la notion d'amour même s'il est ici de pacotille ou vénal.

Je dois être vraiment niaise, mais avant de lire le commentaires je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'amour vénal.
Eh, oui ! Pour bien des femmes l'amour est sans tendresse, elles "se donnent" pour rien, et puis le mâle se fait la malle.
Cela n'arrive pas que rue des Abbesses.
Autrefois on disait "séduite et abandonnée"; pour ne citer qu'un exemple dans la littérature contemporaine, lire Parking de François Bon.

Ceci dit parlons du poème, où il n'est question ni d'or ni d'argent (money).
Je l'ai lu avec intérêt, tout en le trouvant un peu lourdaud :
"Sous la peau peu "
et surtout trop long.

Belle trouvaille
"Nuit et pluie se fiancent
La lune est l’alliance"
mais la répétition de la rime sur 4 vers me semble un pari disgracieux.

Ah, ces rimes 4/4...
Je trouve que ça emprisonne et au bout de trois lignes, ça ne retient chez moi plus aucune attention, du coup ça vide tout le sens, puisque je me concentre sur les mots qui vont entrer en résonnance, et souvent, cela (pas dans ton texte en particulier mais de manière générale) me parait très artificiel.
Sauf peut-être quand c'est un texte léger, et que la rime ajoute au dérisoire.
Du coup, incapable de rentrer dedans...

franchement, ce texte ne vise pas spécialement la prostitution