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Message  grieg Lun 12 Mar 2012 - 8:54

- Qu’est-ce que vous me voulez?

Pierre tenta de réduire en cendres ces deux valets curieux… Rien à faire.

- Vous perdez votre temps. Vous n’êtes plus personne. Fini tout ça ! Vos pouvoirs ont été anéantis. Maintenant vous devez répondre à nos questions, Pierre, tout nous raconter, sans rien omettre.
- Et si je refuse ?
- Vous n’en avez plus le pouvoir… Nous pouvons vous forcer…

Pour appuyer ses dires, Gabriel fit un mouvement lent en direction de Pierre. Celui-ci fut éjecté à travers la pièce. Un troisième homme le releva, le porta jusqu’à la chaise.

- Vous comprenez bien la situation Pierre ? Vous allez tout nous raconter.

Gabriel marqua une longue pause…

- Commencez donc par votre père.
- Pourquoi mon père. Qu’est-ce que cette raclure vient faire là ?
- Nous posons les questions, vous obéissez… à moins que vous ne préfériez une nouvelle démonstration de nos pouvoirs.

L’autre homme fit tinter les clefs qu’il tenait en main.

- Non…non… ça va.

Il baissa la tête, plongea dans ses souvenirs.

… Mon père… Mon très cher père…Comment vous dire ?… Tiens ! Regardez !… vous voyez la paume de ma main ? La ligne de vie ?… Maintenant regardez mon dos… Ce sont les lignes de mort que mon père a tracées… Mon père faisait parti de ces petites gens qui tirent leur force des plus faibles. Ces hommes qui se croient Dieu parce qu’ils ont le pouvoir d’écraser une fourmi. Moi, pendant quinze ans, j’ai été la fourmi de mon père, mon dos était le terrain de jeu de cette ordure. Mon père était un malade, pas le diable, non ! Juste un minable malade qui trouvait son équilibre en me torturant.

- Et à quinze ans, vous vous êtes enfui !
- Pourquoi je continuerais à raconter si vous savez déjà tout?
- C’est notre problème, pas le vôtre… alors vous vous êtes enfui !

Oui ! Je suis parti, comme ça, sans rien. C’était la meilleure façon d’en finir, la seule. Un petit matin, comme chaque jour, j’étais allé chercher l’eau au puits, j’ai lâché le seau, regardé la forêt et j’ai compris que je ne reviendrai jamais sur mes pas… Enfin, presque jamais, parce que j’y suis retourné plus tard, des années plus tard.

- Là, vous avez croisé le chemin de la licorne… Perle c’est ça ?

… Perle, oui ! C’est Perle qui m’a sauvé. Je me souviens d’avoir eu peur quand je l’ai aperçue. Je suis resté paralysé au milieu du chemin. Je tremblais. Sa longue corne vrillée, sa robe blanche, les grands yeux humides. Elle était beauté, vie, harmonie, promesse… Et malgré tout je tremblais. Par peur de la vie peut-être. Je n’avais rien vu de tel, même dans mes rêves les plus merveilleux… En fait, je n’avais jamais eu de rêves merveilleux. Je n’avais vraiment connu que le fouet et la gueule haineuse, violacée, de mon paternel. Le soir, je ne m’endormais pas, je m’évanouissais. Alors, Perle, quand elle s’est doucement approchée de moi, je me suis mis à genoux, j’ai baissé la tête. Je ne sais pas comment, mais je savais que c’était ce que je devais faire, je l’avais peut-être entendu un jour, raconté par une vieille femme près du puits, peut-être ma mère m’avait-elle, avant de disparaître, conté une histoire de Licorne… En tout cas, ça a marché et la licorne, en inclinant sa corne vers moi, m’a invité à la chevaucher.

- Et vous n’avez pas trouvé cela bizarre ? Une licorne ? Sur votre chemin ?
- Comment voulez-vous qu’un enfant battu conçoive la notion même de bizarre quand il vit l’absurdité au quotidien ?
- Epargnez-nous les petites phrases… Continuons ! Comment avez-vous vécu après ?

Ben, j’ai commencé à voler dans le village le plus proche, le village D’Esperinne… Du pain et de la viande pour moi, de l’orge pour Perle. Je savais que mon père n’irait pas nous chercher jusque-là ! Il haïssait ce village, pour une raison que j’ignore, et, s’était juré de ne jamais y mettre les pieds. Entouré de forêts denses, le lieu était parfait pour nous deux. Perle pouvait s’éloigner la nuit, retrouver son élément. Moi, je pouvais commencer à me construire une existence normale…J’ai trouvé des petits boulots, toujours quelque chose à faire. Puis au bout de quelques temps, j’ai fini par prendre mes habitudes ; trimer le jour en baissant la tête, m’étourdir le soir à la taverne. Bientôt, je ne pensais plus qu’à ça ; la taverne… J’avais hâte de me plonger, chaque soir, dans la vie hors du temps, au milieu des gens qui me ressemblaient, les perdus, les déplacés, mes amis, mes pairs… Accolades, embrassades, j’adorais les acclamations de mes compagnons de déroute, mon nom… mon nom sonnait bien, là, au milieu de ces gens qui n’existaient qu’une heure par jour, quand l’alcool les assommait. Je me serai contenté de ça si je ne l’avais pas rencontrée…

- Justement, comment s’est passée votre rencontre avec Elle ?
- Comme toutes les rencontres. C’est quoi ces questions ?
- Vous feriez bien d’adopter un autre ton, je vous rappelle que votre avenir est entre nos mains.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise moi? C’était une rencontre, quoi ! Banale. Rien. Je l’ai aperçue, elle m’ignorait. Vous savez ce que c’est, dans le village je connaissais tout le monde, même les gens qui venaient d’alentour, chaque mois, pour le marché. Je connaissais tout le monde, de vue au moins. Mais ce jour là, elle est apparue. Inconnue et charmante. Mon cœur n’a fait qu’un bond. Elle était seule et j’avais remarqué que les autres villageois s’écartaient de son chemin, chuchotaient sur son passage. J’ai pensé avoir affaire à une quelconque sorcière - bien qu’elle me sembla trop jeune et trop jolie pour ça. Je me suis faufilé entre les étals du marché, me suis approché d’elle, il fallait que je lui parle, que je lui dise qu’elle ne me faisait pas peur, que je n’étais pas comme les autres, que je la trouvais belle… Je lui aurais bien offert des fleurs si je n’avais pas bu mon dernier sou la veille… Je lui ai parlé, elle est partie. Elles s’est enfoncée dans la foule qui se refermait sur elle, les gens du village semblaient hostiles tout à coup, ils m’empêchèrent de la suivre… Je n’en avais cure, je voulais savoir, coûte que coûte, qui était cette jolie petite sorcière… Je rebroussai chemin, courus dans la forêt, appelai Perle à mon secours et m’engageai à la suite de la jeune fille, protégée maintenant par une escorte de gardes. Je pensais qu’ils l’avaient arrêtée pour la conduire au bûcher. J’allais la délivrer, la hisser sur Perle, l’emporter avec moi jusqu’à des contrées sauvages… Je rêvais, excité et vaillant, suivant de loin le convoi ennemi. Ils parcoururent des lieues, pour arriver enfin dans un autre village dont les maisons grimpaient sur une colline boisée, surplombée d’un château d’or magnifique…

- Abrégez voulez-vous! Notre temps est compté et on se moque complètement des décors… Elle… quand vous avez compris, qu’avez-vous ressenti ?

Une grande surprise. Quand j’ai vu les gardes l’aider à descendre de son cheval, quand je les ai vus s’incliner devant elle, tandis qu’elle franchissait les portes du palais…

- De la colère ? Une forme de désespoir ?
- Non ! Rien de tout ça !
- Alors quoi ?
- J’ai su qu’elle serait ma femme !

Gabriel et l’autre homme s’esclaffèrent, pouffant, postillonnant. Leurs rires gonflèrent, grondants, occupèrent la pièce entière. Affalés sur leurs chaises, les bras croisés sur leurs ventres secoués de crampes, ils tentaient vainement de reprendre leur souffle, essuyant les larmes qui trempaient leurs visages rouge sang… Le troisième homme articula péniblement :

- T’as beau avoir été le diable, t’as le cerveau d’un hareng !
- Je ne vous permets pas de me tutoyer…
- T’entends ! Y nous permet pas…

Hilares, ils tapaient tous deux du poing sur la table, leurs faciès congestionnés enfouis dans leurs bras pliés. Au bout de longues minutes Gabriel s’essuya le visage et reprit ses questions.

- Bon ! Pardon ! Gabriel pouffa une dernière fois. Revenons aux choses sérieuses. On a eu le détail de vos rencontres avec la Princesse et son père le Roi. On sait exactement comment ils ont réagi et ce qu’ils vous ont dit. Ce qui nous intéresse c’est de savoir pourquoi vous avez été assez naïf pour croire qu’un Roi pourrait donner sa fille à marier à un gueux de votre espèce. Commencez par la première épreuve, épreuve à laquelle vous n’auriez pas dû survivre…

… Après hésitations, le roi m’avait promis la main de sa fille si je battais en combat singulier le chevalier le plus fort du palais. C’était un tout petit palais, et moi j’avais Perle. J’avais déjà utilisé les pouvoirs incroyables de sa corne. Il me suffisait après une nuit difficile, de gratter un peu l’extrémité de l’ivoire pour obtenir une poudre qui, inhalée, me donnait une force extraordinaire…

- Maléfique ? Vous étiez déjà conscient du…
- Non ! Non ! J’en étais encore à simplement vouloir trouver ma place.
- Ne m’interrompez pas !… Continuez ! Vous disiez extraordinaire…

Quand le combat commença, toute la cour, tout le village étaient réunis pour assister à ma mise à mort, pour soutenir le champion arrogant. J’étais hué, conspué. La rumeur était si forte, la haine si grande et ordinaire, que j’eus l’impression que mon père allait surgir pour me fouetter encore. Je décidais de faire durer le combat pour donner l’occasion à tous ces imbéciles d’apprécier ma puissance. Nous combattîmes deux heures entières. Le chevalier n’était pas maladroit, mais la force était en moi. Quelques-uns dans la foule commencèrent à saluer mes joutes les plus spectaculaires. Bientôt, la moitié de la foule m’acclamait. J’avais gagné le vrai combat et j’étais prêt à achever le figurant casqué. C’est à ce moment que la force me manqua. Je me trouvais tout à coup épuisé, mes jambes me portaient à peine. La poudre de corne de Perle n’avait plus aucun effet et j’étais plus fragile que jamais. J’ai pensé me laisser mourir, c’est souvent le contre-effet de la poudre de licorne, mais le héraut, face à moi, n’avait plus la force de soulever son épée ; je l’embrochai comme un poulet.

- Qu’avez-vous ressenti à ce moment précis ?
- Rien ! Je vous l’ai dit, la drogue m’avait anéanti… Fi des princesses et des rois, je ne souhaitais que dormir.
- Belle excuse. Ne croyez-vous pas que déjà votre cœur était sec ?

Non. J’étais encore humain. J’avais seulement besoin d’un peu de repos. Les gardes s’approchèrent de moi, ils voulurent m’emporter, mais la foule fit barrage. Quand j’y repense maintenant, je crois qu’ils se seraient débarrassés de moi, si le peuple n’avait grondé. J’ai repris un peu de force et me suis approché du Roi pour obtenir ma princesse. Pour toute récompense, celui-ci me donna une nouvelle épreuve : rapporter, avant la nouvelle lune, la peau d’un dragon.

- Vous n’y avez pas décelé le piège ?
- J’étais bien trop en colère !
- Tout le monde sait que Michel avait tué le dernier dragon.
- Qui ?
- Oubliez ça ! Continuez !

Je suis parti pour trouver ce dragon. Dans chaque village, j’étais moqué quand je demandais où trouver la bête. Au bout de trois semaines, désespéré, je décidais de confectionner un faux… Remplacer la peau de dragon par celle de lézards que je trouvais sur les chemins. La tâche fut délicate. Les coutures devaient rester invisibles…

- Les faits ! Rien que les faits ! Je ne vous le répèterai plus ! Les détails nous indiffèrent. Donc, vous êtes rentré avec la contrefaçon mais le Roi avait donné sa fille à quelque prince de royaume éloigné…

Oui… J’étais trahi encore. Mon père, le roi, et tous les autres… Je haïssais le monde. Et la princesse. J’avais tant d’amour pour elle, tant d’amour dont je ne savais plus quoi faire… Cet amour a pourri. Je passais quinze ans à errer de villages en villages, de tavernes en tavernes, volant, pillant, tuant. Je ressemblais de plus en plus à une bête. Même Perle me regardait avec mépris. Sans sa corne que j’avais limée peu à peu, elle n’avait plus l’air bien magique, ridicule presque, sa robe immaculée jadis était tachée…

- Et vous l’avez tuée.

…Je ne sais pas pourquoi j’ai assassiné Perle, je n’étais plus moi même, sans être un autre non plus… Un soir, j’avais juste faim. Je lui tranchais la gorge et commençais le repas final. L’effet fut immédiat. A peine avais-je fini que mon estomac se retourna, se tordit. Des quelques heures qui suivirent, je n'ai ni souvenir ni logique, ni intelligence. J'étais un corps écrasé sous un poids, sous une forme invisible gigantesque qui entravait mes mouvements, se coulait dans mes muscles et anesthésiait mes pensées. Ma tête était un gros chaudron, j'entendais les rires des sorcières qui touillaient la masse visqueuse de ma cervelle. Je n'avais ni passé, ni futur, ni présent. J'étais une masse informe, décérébrée, un mollusque énorme plongé dans de l'eau trop chaude, mes sens et mon intelligence atrophiés, je ne sentais plus, je ressentais. Quand j'ai commencé à réagir, j'ai porté mes mains à ma tête et hurlé de douleur. J'avais les tripes tordues, le cœur rongé, rouillé, tambourinant dans un énorme espace vide et venteux. Je sentais bien que quelque chose avait changé, je me sentais plus grand. Mon cerveau fonctionnait étrangement. Il me fallut une pelle pour remettre de l'ordre dans tout ça. Souffrance et jouissance menaient un combat dont je n'étais pas le maître … J’étais devenu le diable.

- Vous avez presque épuisé votre temps avec vos apartés lyriques… Une dernière question et vous partirez affronter l’éternité. Parmi tous les crimes immondes que vous avez commis quand vous êtes devenu diable, quel est celui que vous regrettez le plus ?

Tuer mon père, sans aucun doute… Le roi aussi… Ces deux là étaient si vieux quand enfin je retournai assouvir ma vengeance, ces deux là souffraient tant déjà que j’aurais dû les laisser vivre pour le plaisir de les regarder mourir lentement.

- Une dernière chose encore et Pierre vous ouvrira les portes – oui il s’appelle Pierre aussi – Avez-vous vraiment cru être le diable tout ce temps?

Pierre hurla.
- J’étais le diable, le seul, je le suis toujours, vous n’êtes qu’une farce…

Le troisième homme le poussa violemment hors de la pièce

- Allez ! Sortez maintenant ! Prenez le tunnel lumineux. Au bout, vous découvrirez deux portes, choisissez-en une, elle vous conduira à votre avenir éternel.

Dès qu’ils furent seuls. Gabriel se tourna vers son compagnon.

- Tu le laisses choisir ?
- Cet homme ne peut faire qu’un choix.


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Message  grieg Lun 12 Mar 2012 - 8:56

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