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Exo Subjectif : Les ailes du désir

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Janis
bertrand-môgendre
Rebecca
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Exo Subjectif : Les ailes du désir Empty Exo Subjectif : Les ailes du désir

Message  Rebecca Dim 18 Mar 2012 - 6:35

Mourir.
Il me faut mourir maintenant.
Je voudrais mourir vivante, D. Et en paix. Consciente jusqu’au dernier souffle.
Amoureuse ?

Oh ça tourne ! Mon Dieu ça tourne !
Et puis voilà que ça recommence ! Je ne vais quand même pas commencer à m’adresser à Dieu sous prétexte que je vais crever ! Un peu de dignité, bordel ! Ai-je encore la force de sourire, au moins ?
Faut-il que je sourie ? Que je me compose un masque ? De circonstance.

Je t’appelais D.
D comme Dieu ? Laissez-moi rire encore un peu.
Sous mes paupières closes, je me suis cousue ta photo, D. Tu sais, celle où tes dix-huit ans souriaient à mes quinze ans. C’est exactement ça, sous mes yeux révulsés, ton visage de jeune Dieu .

Putain, ça tourne ! C’est comme un vertige dans ma tête qui m’aspire. Une spirale qui m’emmène de ton image à mon sourire jusqu’à l’intérieur de moi où j’ai le cœur au bord des lèvres.
Elles sont closes, elles aussi, mais j’entends très bien ce qu’elles chuchotent. Elles susurrent qu’il est peut-être temps de faire le tour de la question. Mais quelle question ?
Ah oui. Dieu. Moi. Ma vie. Toi, D. La fin du monde. La fin d’un monde.
Mon cœur s’est retourné, il est à l’envers. Ma pensée tournoie et s’éparpille. Elle s’accroche au plafond. Je me vois. Je suis posée en apesanteur sur ce lit où j’ai tant rêvé de toi. Où j’ai tissé tant de scénarios. Un souffle léger agite les voiles qui l’encadrent.

Mais du plafond, maintenant, je me vois me lever. Je me vois aller et venir. Comme sur une marelle, je vais de la terre au ciel en passant par l’enfer. Est-ce ainsi que les petites filles devenues vieilles meurent ?

Au début, je suis devant la fenêtre, je saute à la corde et mes couettes me chatouillent les paupières. Je ne te connais pas encore. J’ai la tête remplie d’histoires de Princes Charmants. Je tourne ça en dérision. Je trouve ça cucul. A sept ans, j’ai la sagesse et le cynisme des vieux que la vie a démolis avant l’âge.
D’où je tiens ça ?

D’un bond j’ai quinze ans. Première fois et dernière fois que je ne suis plus seule. Je viens de te rencontrer D. Nous faisons l’amour par terre, devant la fenêtre. Notre histoire se déroule ainsi, elle dure quinze jours. Toute l’intensité d’une vie comprimée en quinze jours. Le principe de la bombe à retardement. Je te trouve trop beau pour moi. Trop vieux aussi. Dix huit ans. Putain. Je te largue. A quinze ans, j’ai la lucidité des vieux cons qui n’ont rien compris à la vie. Mais lucide je ne le suis pas, je ne sais pas encore ce que signifie « se consumer ». Je te largue en un battement de cil.

Pourquoi ?

Soudain, j’ai quarante ans, ma vie est un mouroir, je passe devant le miroir. C’est un écran d’ordinateur. Avant même de savoir m’en servir, et quoi faire avec, je me cherche.
Et te trouve. Ou le contraire. Je m’y perds.
Comme dans un kaléidoscope, je revois toutes les lettres que nous nous sommes écrites à cette époque. Les lettres d’un fantôme à un fantasme. Et vice versa. Des bribes en sépia de : « tout pourrait recommencer ». Des mots peu farouches : « quand je te lis je souris à l’infini ». Des pensées sirupeuses : « moi aussi je souris en pensant à toi qui souris ».
J’ai quarante ans, je suis fleur bleue comme une ancienne jeune fille qui a toujours été vieille. Et je raille et ironise comme une vieille qui se voudrait jeune. Toi tu y crois. Ou tu fais semblant. Tu surenchéris. J’imprime en mémoire : « si on se revoit, on ne pourra pas s’empêcher de s’aimer jusqu’à la mort ». Et je te plaque. Enfin, façon de parler. Je débranche l’ordinateur. Je n’ai jamais été une fille branchée.

Oh ce que ça tourne ! Je sens mes lèvres qui se dessèchent. Ma peau se flétrit. Mes rêves se nécrosent. Il faut faire vite. Tout s’accélère, D. Je n’ai pas fini de faire le tour de la question.

Je me recouche dans mon lit. J’ai cent ans. Mon regard tombe en chute libre du plafond jusqu’au fond de mes orbites. Ma pensée ne s’est jamais nourrie que de toi. Elle voudrait reposer en paix.
Je voudrais qu’on puisse dire de moi : Paix à sa mémoire.

Je ne me suis jamais souvenue que de toi. Adolescent, déjà, tu réalisais des films de vampire où tu tenais le rôle principal. On te surnommait le « Prince des ténèbres » dans ta petite bande d’aficionados. J’ai aimé être ta proie. Un rôle de décomposition.
Dans un mauvais film, scénario bâclé, images tremblantes, casting improbable, régie débordée, désynchronisation des corps et du décor, musique lancinante et stressante, et lumières au bord de l’évanouissement.

Je suis au bord de l’évanouissement. Les ténèbres m’envahissent. Ma vue se brouille. Ma pensée s’effiloche. Les heures les jours les années se superposent. Il faut faire vite. Je rassemble toutes mes forces. Je sens que je sombre mais c’est trop tôt. Pourtant nous y sommes. Le rôle de ma vie. Quand je vais te retrouver. Oh ça tourne !

Ma chambre est un plateau de cinéma.
Tu dis « ça tourne ». Tu dis « action ».
Je n’ai pas besoin d’entrer en scène. Je n’ai pas besoin de bouger d’un cil.
Je suis déjà posée en apesanteur sur ce lit. Un souffle léger agite les voiles qui l’encadrent. Dans l’œilleton de ta caméra, je me sens belle. Je suis un ange tombé du ciel. Mes longs cheveux blancs de chaque côté de mon visage, paupières closes, lèvres closes, je souris à l’infini. Et toi tu souris de me voir sourire. Tout recommence. Tu dis : « une seule prise suffira ».

Angie, intérieur jour, scène finale.

Portée par ton regard, je me laisse aller. Maintenant, les années défilent à l’envers dans mes veines. Puis je sens que ça ralentit. La terre commence à s’arrêter de tourner. J’ai quinze ans à nouveau.
Qui a dit qu’on meurt toujours seul ?
Je jette le masque. Je souris, tu aimes mes fossettes quand je souris.
J’ébouriffe mes cheveux dorés. Tu joues avec mes boucles.
Je vais pouvoir descendre. Je vais arriver. Tout se mélange un peu dans ma tête.
Dieu, est ce que tu vas être au rendez-vous toi aussi ? Je t’imagine : « Terminus tout le monde descend ». Tu insistes : « Terminus, Angie ». Mais je ne crois pas en toi. Comment pourrais-je t’entendre ?

Une infinie douceur m’envahit. Cool...
Soudain, elle arrive. La bande son, la bande son parfaite qui m’a toujours emmenée direct au paradis quand je l’écoutais avec toi. Si j’avais eu la foi, j’aurais charrié Dieu :
« Bien organisé ton service après vie, espèce d’enfoiré. Bien vu pour le générique de fin. Quel con. Tu vas me faire chialer. »
Mais à quoi bon ? La musique m’emporte et je m’envole avec ces paroles :

*Up above my head I hear music in the air
Up above my head there's a melody so bright
And fair
I can hear when I'm all alone
Even in those times when I feel all hope is gone
Up above my head I hear joybells ringing
Up above my head I hear angels singing
There must be a God somewhere
There must be a God somewhere

I hear music in the air
I hear music everywhere
There must be a God somewhere

There must be a God somewhere
There must be a God somewhere
There must be a God somewhere

J’ai juste le temps de murmurer : Dimitri.
Pour mourir.
Vivante.
En paix.


PS : * https://www.youtube.com/watch?v=NMP8MuVx_Rg
dans cette version Ruthie Foster remplace God par Heaven
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Message  bertrand-môgendre Dim 18 Mar 2012 - 22:10

Après le déjeuner en paix, voici le mourir en paix. Aucune comparaison possible, tout juste un rapprochement dans le titre.

Au vu des textes lus, il est drôle de constater que la non-action peut-être associée à la mort.
Dans ton exercice la vie de la femme en question se projette sur l'écran blanc de sa nuit noire.
Je ne doute pas que les paroles de cette chanteuse soient une puissante source d'inspiration pour ce qui a précédé. La compréhension de l'anglais me manque cruellement.
Pas de commentaire élogieux, ni critique, ni même sérieux. Juste une impression d'être couché auprès de cette femme, et de vouloir lui tenir la main, le temps de ma visite, parce que j'avais envie d'exister un peu, avec elle.
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Message  Janis Lun 19 Mar 2012 - 11:19

beau texte émouvant et toujours cette exigence dans l'écriture mais là encore les petits mots - les connecteurs logiques, ma chère, surtout au début - me gênent un peu, je les virerais bien. Les maintenant, tout à coup, je crois que, etc, on rentrerait plus directement dans la tête.

Voilà donc un de ces Ex d'un texte de grieg : "elles ont toutes un ex qui leur a brisé le cœur, sauf qu'on le voit jamais" (de mémoire)
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Message  Gobu Lun 19 Mar 2012 - 14:30

"Un rôle de décomposition". Très marant, surtout dans le contexte. Encore une vie en boucle, avec la mort en filigrane. Et la décomposition finale. On voudrait tous mourir vivants. Ca n'est pas donné à tout le monde. Par contre j'ai trouvé que la chanson ne collait pas avec l'ambiance générale (je parle du texte, parce que je n'ai pas écouté la musique) Trop pleine d'espérance.

Hors sujet aussi : trop de mouvement. Décidément l'immobilité c'est pas votre truc...
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Message  MisterPlan Lun 19 Mar 2012 - 16:45

Personnellement, j'ai adoré le texte. Je n'ai pas encore écouté la musique, moi non plus ! Dommage pour mon très cher immobilisme,

Gobu a écrit:


Hors sujet aussi : trop de mouvement. Décidément l'immobilité c'est pas votre truc...

Mais mon exercice avait pour but que chacun tourne les règles à sa manière (exo subjectif), et je le sens en lisant ton texte. Donc je ne sais pas s tu t'es inspirée des contraintes où pas pour sortir ça, mais ça m'a plus ! Et puis dans l'absolue, ton texte respecte si on veut une immobilité, puisque partout où il y a du mouvement (il m'a semblé), tu passes au présent, comme pour les exclure de la narration, ce qui correspond à la consigne de jouer avec les valeurs des temps...

En bref, j'ai passé un bon moment à te lire !

MisterPlan

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Message  elea Lun 19 Mar 2012 - 20:26

Bien aimé ce compte à rebours qui dévoile tout le regret amoureux d’une vie.
Je crois que j’aurais préféré rester sur cette focalisation sans l’intervention de Dieu et en resserrant un peu le début.
J’aime beaucoup les derniers mots (après la chanson).

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Message  Invité Mer 21 Mar 2012 - 11:57

Bien traduit ce malaise de l'agonie. Des flashes back qui s’enchaînent.

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Message  grieg Ven 23 Mar 2012 - 13:25

je n'avais pas commenté ton texte, rebecca, parce que je ne savais pas quoi en dire.
peut-être ce côté revoir sa vie avant de mourir qui m'avait troublé
peut-être que j'aurais aimé le lire autrement, hors exo, exo exo.
Il y a de belles choses
il y a des longueurs
je crois avoir aimé, troublé

grieg

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