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Séparation

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Message  Richard Dim 29 Avr 2012 - 20:42

Il marche d’une posture droite, élégante, les cheveux et l’écharpe poussés en arrière par le vent, le visage inexpressif. Autour de lui voltigent au gré du vent un flot de pétales de fleurs, fleurs de cerisiers japonais qui peuplent la place et l’animent de leur beau dégradé rose… C’est un spectacle étonnant, poétique ; ces lambeaux d’arbres qui se hissent gracieusement sur le sol, peu à peu prennent leur envol pour s’échouer au loin. Comme il marche dos au vent, les pétales semblent le suivre ou le trainer ; et pourtant, le stoïcisme qui l’empreinte suggère tout autre chose. C’est la nature qui déploie ses efforts esthétiques, c’est la nature qui le suit et l’embellit. C’est la nature qui poétise l’effroyable sentiment qui le nourrit actuellement.
Comme les fleurs sont arrachées à leur branche, et comme les pétales sont enlevés à leur tige, la Beauté vient de le quitter. Il en reste profondément parfumé, son essence est belle, et le feu qui l’embrase splendide ; mais la Beauté même, la quintessence du Beau, vient de lui être arrachée, enlevée. La Beauté est une femme, une femme qui n’a rien d’exceptionnel si ce n’est sa beauté, Beauté morale, Beauté physique.
Le manque le saisit déjà. Les pétales meurent et périssent sur le sol, écrasés, piétinés, arrachés… Ils ne revoient jamais ce qui les animait de vie et de beauté. Mais l’objet de son manque, lui, périt avec d’autant plus de latence, de temps, un temps qui au présent semble une éternité. Il lui faudrait attendre toute une vie pour se vider d’elle, tandis que les pétales meurent sitôt qu’ils quittent leur fleur.
Lorsqu’ils se séparent, c’est une déchirure qui surprend le jeune homme. Comme un coup de fouet, une gifle ; la chose est cinglante mais violente. Comme une brulure ; elle ne disparait pas instantanément, et si la douleur qu’elle provoque s’affaisse, sa victime ne le perçoit que lorsqu’elle disparait totalement ou qu’elle se brule à nouveau.
Alors qu’il rentre chez lui, ses sens le trahissent, et manquent de l’achever. Ce sont des oublis, des détails ; des plis sur le lit, une boucle d’oreille sur la table, un disque qui tourne, l’odeur d’un parfum fleuri et sucré, une pomme croquée, un peu de fard coulé sur l’évier… Il est probable que la moitié de ces extraits soit le fruit de son invention, toujours est-il que le plaisir masochiste qu’il prend à intensifier sa perception d’eux ne fait que le rattacher à son manque. Certains se sentent soulagés en serrant le foulard de l’être manqué, lui cela ne fait que l’étrangler de sanglots.
L’ambivalente volupté qui le saisit le dépouille peu à peu du bien-être que lui avait laissé cette femme qui n’est plus qu’un fantôme, un souvenir ; en jouissant des restes de sa présence, il l’enterre dans l’absence, et le manque déjà vif embrase son esprit. Il se rue sous la douche afin que l’odeur de la cerise quitte ses narines, que le goût de la pomme dont il a léché la morsure s’évanouisse, et que les traces de ses caresses quittent enfin son corps… Il se lave, se lave d’elle ; mais son esprit reste souillé par toutes ces sensations.
Il essaie de l’écrire… De la versifier, de la peindre, de la dessiner, de la chanter, de la composer, de la sculpter, de la tourner, de la mimer… Mais seuls des spectres surgissent, et l’essence même de la Beauté reste embourbée dans la fange noirâtre de sa mélancolie. Rien ne peut y changer. Le manque le surpasse ; il ne peut se combler.
Il y a, dans toute séparation avec les autres, une séparation avec soi-même. On forme un tout lorsque l’on est avec quelqu’un qui nous est proche, et inévitablement, quand vient le temps de se quitter, de s’oublier, de se saluer, une partie de soi est arrachée par l’autre qui s’en va drapé d’elle, tout comme l’on rentre soi-même parfumé par un extrait de l’autre. Mais cet extrait n’est qu’acide pour le jeune homme ; le manque est pour lui obsessionnel, la présence de sa Beauté lui est nécessaire. Certains vivent bien ce déchirement d’avec eux-mêmes lorsqu’ils se quittent, pour d’autres c’est insupportable.
Il dormira peu, boira beaucoup ; et si l’ivresse l’induit momentanément en faux, elle ne lui ramène jamais cet être qu’il revoit pourtant peu après…

Richard

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Message  cft Lun 30 Avr 2012 - 6:49

Bonjour, rapidement,
J'ai trouvé la fin beaucoup plus touchante que le début. J'ai néanmoins apprécié l'ensemble.
J'ai noté 2 répétitions au commencement du texte : fleurs et vent.

Cft

cft

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Message  elea Lun 30 Avr 2012 - 11:59

J'ai aimé les pétales de fleurs des cerisiers japonais, l'ambiance crée par leur envol, l'image colorée qui se dessine en le lisant. J'ai eu plus de mal avec les envolées ou réflexions sur la nature, la beauté, la séparation, peut-être déjà un peu trop lu pour moi, j'ai peiné à finir la lecture.
Pourtant, quelque chose se dégage du texte, une mélancolie, un état d'âme, une atmosphère qui "sauvent" le tout, sans compter une écriture soigneuse.

elea

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